Comme déjà mentionné, toute recherche sur les représentations des démons dans la LXX ne peut et ne doit pas être exclusivement réduite à une étude du vocabulaire employé pour définir les entités démoniaques. Toutefois, une analyse des domaines sémantiques couverts par la notion de
Lors du répertoriage des occurrences de
1 La sémantique du δαιμόνιον dans la LXX
Le mot
Šēd est l’équivalent le plus fréquent de
La condamnation de pratiques cultuelles non alignées avec les prescriptions de Yhwh est également au centre du chapitre 65 du livre d’Isaïe où, au verset 3 du texte hébreu, il est question de sacrifices faits dans les jardins et d’encens brûlés sur des briques. Ici, le texte grec ajoute une expression qui désigne les destinataires de telles pratiques :
Un cas de figure particulier à l’intérieur de ce scénario est représenté par la LXX d’Is 65,11. Ici, on polémique contre ceux qui préparent la table pour Gad (gd) et versent du vin pour Méni. Gad est attesté en hébreu biblique comme nom propre, comme toponyme et, ici, comme nom divin17. En outre, la forme gd’ est bien attestée en judéo-araméen, nabatéen et palmyrénien pour indiquer la divinité « fortune »18. La LXX d’Isaïe traduit Gad par
Un autre contexte où le
Le terme
Essayons, à présent, de récapituler ces quelques observations sur l’usage de
Souligner le rôle de la LXX dans la superposition des notions de
Enfin, l’enquête sur la distribution du terme
2 Le va-et-vient des démons : Azazel et Lilith
2.1 Azazel dans la Bible hébraïque
Protagoniste du grand rituel annuel de purification de la communauté décrit en Lévitique 16, Azazel est à bien des égards la principale figure démoniaque de la Bible hébraïque. Il n’est jamais nommé en dehors de ce chapitre qui est, par ailleurs, assez pauvre en détails concernant ses origines, son aspect ainsi que son histoire. Toutefois, le rôle qu’il joue à l’intérieur du rituel permet d’avancer un certain nombre d’éléments concernant sa fonction et son rapport à Yhwh. Tout d’abord, Azazel est présenté comme une entité clairement distinguée de Yhwh, et qui, comme le démontre la structure même du rite composé de plusieurs sacrifices, lui est soit mise en parallèle, soit en opposition. Le tirage aux sorts des boucs ouvre la partie centrale du rituel de purification qui s’étend du verset 7 au verset 2231. Dans un premier temps, alors qu’un des boucs est sacrifié pour Yhwh (lyhwh), l’autre est envoyé, vivant, à Azazel dans le désert (la‘ăzā’zēl hammidbārâ, versets 8–10). Deuxièmement, le verset 9 souligne que le bouc destiné à Azazel doit être présenté au préalable devant Yhwh : ce geste semble indiquer une forme d’autorité de Yhwh sur Azazel. Ces deux puissances sont donc mises en parallèle dans le rituel sans avoir, pour autant, un pouvoir équivalent. Troisièmement, le texte souligne le fait qu’Azazel est une puissance strictement associée au désert et aux espaces chaotiques. En effet, au verset 10, le bouc pour Azazel est envoyé dans le désert, ceci étant mentionné par son nom courant midbār. Au verset 22, qui explique la signification du rite pour Azazel (à savoir le fait que le bouc emporte avec lui les fautes de la communauté), midbār est mis en parallèle avec l’expression ’ereṣ gəzērâ (
Enfin, il importe de relever qu’à l’intérieur de la construction rituelle complexe de Lev 16, Azazel n’est pas le destinataire d’un sacrifice à proprement parler, ni d’une offrande, mais plutôt d’un rite d’élimination qui a pour but d’emporter les fautes de la communauté, lesquelles sont transférées sur le bouc, comme l’expliquent les versets 21 à 22. Le fait que ce bouc reste vivant, ce qui est rappelé à plusieurs reprises dans le texte, met en évidence la différence entre le rite destiné à Azazel et le sacrifice destiné à Yhwh34. Les parallèles proche-orientaux et, plus largement, méditerranéens à ce rituel d’élimination ont été largement étudiés et ne doivent pas être rappelés ici35. Il importe toutefois de souligner que le rituel pour Azazel se différencie de la procédure sacrificielle normale. En effet, celle-ci implique une forme de négociation entre les deux parties. À l’inverse, le rituel de purification vise à écarter, éliminer, voire faire disparaître à jamais les fautes de la communauté : comme tel, il se rapproche des rituels typiquement adressés aux démons dans l’Antiquité36.
Les traits associés à Azazel tel qu’il est décrit en Lev 16 – c’est-à-dire l’appartenance à la sphère du chaos, la subordination à Yhwh et le fait d’être destinataire d’une pratique de détournement – appartiennent pleinement au « réseau » qui caractérise le démoniaque au Levant, tel que je l’ai défini dans le premier chapitre. Ainsi, il est apparu difficile, même pour ceux qui ont cherché à expulser toute trace du démoniaque de la Bible hébraïque, de ne pas reconnaître en Azazel une figure de démon37.
Une interprétation séduisante qui mérite d’être discutée plus en détail est celle récemment avancée par Aron Pinker, pour qui Azazel serait une forme ou une manifestation de Yhwh dans le désert. Pour comprendre cette hypothèse il faut revenir sur la question de l’étymologie du nom d’Azazel. Sur le plan philologique, l’hypothèse la plus robuste et la plus largement acceptée est celle proposée par Bernd Janowski et Gernot Wilhelm. Ils considèrent le nom Azazel comme composé de la racine du sémitique commun ‘zz (en accadien Azazu/ezezu, « être en colère » ; en hébreu et dans les autres langues ouest-sémitiques la racine signifie d’habitude « être fort », « être fier ») suivi par le nom divin ’l38. Cette lecture semble, entre autres, confirmée par la présence d’une divinité Aziz ou Azuz attestée par le théophore phénicien ‘bd‘zz, « serviteur d’Azuz »39 ainsi que par un théonyme gaditain ‘zzmlk‘štrt, « Le fort Milkaštart »40. Un théonyme dA-zu-zi est, en outre, attesté en néo-assyrien41 et un nom propre avec cette racine apparaît déjà à Ebla42. Il paraît également assuré que ‘zz’l est la graphie originaire du texte biblique car cette forme est préservée dans deux textes retrouvés à Qumrân (voir tableau 12 b en Appendice). Le premier est le Rouleau du Temple, dans un passage qui réécrit le rite de Lev 1643. Comme c’est souvent le cas dans les écrits qumrâniens, le texte biblique est reporté avec des réarrangements et de subtiles variations. Ainsi, le passage en question nous dit que le bouc est envoyé à ‘ăzaz’ēl hammidbārâ, une expression qui d’après William Gilders pourrait être comprise comme « Azazel du désert », presque comme une épithète d’Azazel44. Le deuxième texte est un pesher sur Azazel et les anges (4Q180), à savoir un commentaire du texte biblique. Dans ce cas, le récit de la création est réécrit et donc réinterprété, et Azazel y est nommé deux fois avec la graphie ‘zz’l45. Cette graphie se retrouve encore sur quelques manuscrits du Pentateuque samaritain avec une première occurrence du nom en Lev 16,1046. La métathèse entre zayin et aleph qui a donné lieu à la forme massorétique inhabituelle ‘z’zl en Lev 16 est probablement explicable par une forme de révérence du rédacteur envers le nom divin, et ce, à un stade ultérieur de la transmission du texte, mais, néanmoins, antérieur à la traduction grecque. On rappellera à cet égard que les procédés de métathèse sont souvent employés pour des modifications phonétiques motivées par des raisons d’ordre « tabouistique »47. Si la question étymologique est donc relativement claire sur le plan philologique, elle l’est moins au niveau de l’interprétation. La forme ‘zz’l pourrait être comprise soit selon la signification courante de la racine sémitique occidentale, c’est-à-dire comme « la force du dieu », ou encore « le dieu fort » ; soit comme la « colère du dieu ». Cette dernière interprétation serait signifiante dans le contexte de Lev 16. De plus, elle nous présenterait la colère comme un agent de la divinité, ce qui a d’autres parallèles dans la Bible hébraïque48. Cependant, cette interprétation demeure peu probable car la signification de ‘zz comme « colère » n’est jamais attestée en sémitique occidental, alors que la valeur de « force » est bien présente dans toute l’histoire du sémitique du nord-ouest, à savoir de l’ougaritique au judéo-araméen49. Au passage, il vaut la peine d’observer qu’un papyrus grec chrétien provenant d’Égypte, contenant une liste des noms divins et ayant, peut-être, été destiné à être utilisé comme amulette, explique encore le nom grec
Si Azazel dans la Bible hébraïque ne peut être compris autrement que comme un démon, le fait qu’il ait été, pour ainsi dire, évacué de la traduction grecque soulève nécessairement des interrogations. Avant d’analyser plus en détail le texte grec et les procédés mis en œuvre par le traducteur, il faut revenir d’abord sur les problèmes liés à la transmission ancienne du nom d’Azazel et sur la diversité de la réception de cette figure dans l’Antiquité. Ces données permettront de mieux comprendre le cadre dans lequel les traditions de la LXX se situent.
2.2 La réception ancienne d’Azazel
Selon une dynamique assez courante dans l’exégèse ancienne, l’absence de détails sur Azazel dans la Bible hébraïque ainsi que la difficulté de son nom ont donné lieu à un processus d’expansion « midrashique » considérable dans la réception de cette figure. Tout d’abord, la nature démoniaque d’Azazel comme démon est amplifiée dans les traditions du Second Temple et captée par l’apocalyptique. Les traditions hénochiques préservées dans le Livre des Veilleurs, un fragment des livres des Géants préservé à Qumrân, ainsi que d’autres textes qumrâniens tels que le pesher 4Q180, inscrivent Azazel parmi les anges rebelles qui se sont unis aux femmes, engendrant la race des géants. Dans le Livre des Veilleurs, un ange nommé Asaël/Azazel est également responsable d’avoir enseigné aux hommes les arts métallurgiques, la teinture et l’art de travailler les pierres précieuses. L’insertion d’Azazel à l’intérieur du mythe des Veilleurs dans le premier livre d’Hénoch est reconnue comme secondaire par rapport au noyau original du mythe53 et implique la connaissance et l’appropriation de thèmes provenant du chapitre 16 du Lévitique54. La tradition qui voit en Azazel un ange est également attestée dans les Oracles Sibyllins et dans le Testament de Salomon55 ; elle est particulièrement complexe dans l’Apocalypse d’Abraham56 et se retrouve également dans les papyri magiques de l’Égypte gréco-romaine57.
Par la suite, une ligne d’exégèse minoritaire interprète l’Azazel biblique comme faisant référence au nom du lieu où le bouc est envoyé. Le passage le plus connu se trouve dans un traité du Talmud58, mais cette interprétation est également attestée par quelques Targums59 et elle est probablement connue par Aquila.
Enfin, l’on pourrait mettre en évidence une troisième ligne d’interprétation d’origine ancienne et faisant d’Azazel le bouc émissaire. Il s’agit d’une tradition fondée essentiellement sur la traduction de la Vulgate, notamment sur le caper emissarius traduit par Jérôme60, qui n’a pas de véritable correspondant dans le texte hébreu. Cette interprétation a joui d’un certain succès dans les milieux chrétiens anciens (et modernes), et a été rapprochée, parfois improprement, des traditions grecques sur le
Une telle variété d’interprétations de la figure d’Azazel est générée, entre autres, par les difficultés posées par son nom. Si la forme originelle du texte biblique peut être reconstruite avec une relative certitude, le nom, quant à lui, fait l’objet d’un certain nombre de variations dès l’époque du Second Temple (voir tableau 12 a et b en Appendice). Plusieurs graphies sont attestées parmi les manuscrits de la Mer Morte. L’orthographe ‘z’zl, à savoir la même que dans le TM, est attestée dans un fragment araméen de Qumrân du Livre des Géants. Bien que le mot ne soit pas entièrement lisible, la restitution est très vraisemblable du point de vue paléographique64. En outre, la transmission du nom est compliquée dans les traditions sur les Veilleurs qui ont été transmises en araméen et en grec avant d’être traduites en éthiopien. L’histoire d’Azazel dans le livre d’Hénoch est rattachée à la liste des Veilleurs donnée en 1 Hen 6,7, où les noms des anges veilleurs sont mentionnés pour la première fois. Là apparaît un certain Asaël/Azaël dont le nom est transcrit de différentes manières : les fragments de Qumrân, qui représentent la forme textuelle la plus ancienne, préservent les graphies ‘s’l (‘asa’el)65 et ‘ś’l (‘aśa’el)66 dans le passage correspondant à 1 Hen 6,7 ; les codices grecs ont, pour leur part,
2.3 Azazel dans la LXX
Par rapport à ces traditions anciennes qui développent la figure d’Azazel dans de multiples directions en en intensifiant souvent ses qualités « démoniaques », la LXX semble représenter un cas de figure particulier. En effet, non seulement elle ne préserve pas le nom d’Azazel, mais, de plus, le traducteur utilise quatre solutions différentes pour l’évoquer, ce qui mérite une analyse de détail. Les passages concernés sont les suivants :
Lors des trois premières occurrences, le traducteur recourt au mot
L’adjectif
Le suffixe –
À la lumière du domaine sémantique recouvert par
Les raisons qui motivent ce choix de traduction restent difficiles à établir. Une volonté délibérée d’effacer le nom d’Azazel du rituel ne peut pas être complètement écartée85. Si le traducteur du Lévitique avait connaissance des traditions du Second Temple présentant Azazel comme un ange déchu, il serait alors compréhensible qu’il ait voulu ici éviter toute référence à cette entité. En outre, cette démarche serait en accord avec un apparent faible intérêt de la LXX pour les spéculations sur les noms angéliques86. Nous sommes, toutefois, dépourvus de données sur la diffusion effective du mythe des Veilleurs en Égypte au IIIe siècle avant notre ère, et notamment dans la forme qui contient une référence à Azazel, car les sources dont nous disposons sont toutes plus tardives87. Il est donc possible que les traducteurs du Pentateuque ignorassent tout simplement ces traditions. La traduction par
À cet égard, Harlé et Pralon s’interrogent sur les motivations qui ont poussé le traducteur à écarter dans ce contexte la série
En revanche, il paraît indéniable que le choix du traducteur de garder la fonction d’une puissance divine au verset 8 lui posa quelques problèmes dans les versets suivants, vraisemblablement car il n’était pas en mesure d’identifier cette puissance. Il cherche alors à produire un texte qui ait du sense en grec en se détachant du principe isomorphique, d’après lequel à chaque élément du texte hébreu correspond un équivalent en grec. En effet, il apporte une série de changements par rapport au texte source, dont des modifications dans la lecture du nom d’Azazel. Au verset 10a, le parallélisme entre Yhwh/Azazel présent dans le TM est perdu car
Il mérite également d’être relevé que les réviseurs, au lieu de rétablir la signification littérale du mot hébreu selon leur démarche habituelle, adoptent pour la majorité la lecture étymologique ‘z + ’zl et qu’ils interprètent le passage comme faisant référence sans ambiguïté au bouc, en y ajoutant le mot
En conclusion, la vision selon laquelle la LXX évacue complètement la présence d’une entité démoniaque dans le rituel de Lev 16 serait à nuancer. La référence à une puissance associée au rite de conjuration est encore claire pour le traducteur, surtout au versets 8 et 10a. Toutefois, le rôle de cette puissance n’est pas totalement clair : a-t-elle pour fonction d’écarter les fautes (« l’éliminateur », selon la valeur transitive d’
En résumant, la tradition qui élimine toute référence à Azazel en traduisant le mot hébreu en lien avec le bouc envoyé au désert a effectivement ses origines dans la LXX, notamment en Lev 16,26. Elle est ensuite prolongée dans d’autres traditions grecques par les réviseurs ainsi que par Philon et Josèphe qui ne font plus mention d’Azazel lorsqu’ils discutent ce rituel. De manière générale, l’interprétation de la LXX est à contre-courant d’autres traditions du Second Temple qui attestent, voire amplifient, le caractère « démoniaque » d’Azazel. S’il reste possible que l’Azazel du mythe des Veilleurs fût encore inconnu en Égypte à l’époque de la traduction du Pentateuque, cela est beaucoup plus difficile à imaginer dans le contexte de travail des réviseurs, à savoir la Palestine d’époque romaine.
2.4 Les transformations de Lilith
La présence de Lilith dans la Bible hébraïque peut être considérée à certains égards comme un cas de figure comparable à celui d’Azazel. Comme Azazel, Lilith n’est nommée qu’à un endroit isolé, dans le livre d’Isaïe, et ne fait pas l’objet d’une traduction littérale dans la LXX, bien que les procédés mis en œuvre par le traducteur d’Isaïe soient très différents de ceux adoptés par le traducteur du Lévitique. Comme Azazel, la figure de Lilith fait l’objet d’un développement important dans le judaïsme ancien. Quelques ouvrages récents ont essayé de nuancer la nature démoniaque de Lilith dans la Bible hébraïque, en se fondant sur la pauvreté des indications données par le texte biblique. Toutefois, le contexte plus large de la démonologie levantine et, de manière plus générale, proche-orientale, amène à rejeter avec conviction cette proposition.
Tout d’abord, la présence d’une famille de démons lilu/lilitu/ardat lili est bien attestée dans le recueil d’incantations Utukku Lemnutu et remonte au démon sumérien lil-. Il s’agit d’entités liées aux tempêtes et aux vents, souvent nommées en triade, qui peuvent prendre la forme d’apparitions ou de fantômes habitant les villes abandonnées et les lieux désertiques98. Dans les textes accadiens lilu, lilitu et ardat lili sont à comprendre comme des variantes masculines et féminines d’une même typologie de démon plutôt que comme des noms « propres » : de manière générale, ces puissances sont d’ailleurs mal distinguées les unes des autres99. Une incantation contre Lamaštu dit qu’elle « vole autour » comme un lilu : le fait qu’elles soient représentées comme volantes permet de les associer à des oiseaux, une caractéristique qui est partagée par la plupart des démons proche-orientaux100. La présence de démons féminins volants et dangereux semble également confirmée sur l’amulette d’Arslan Tash : le terme employé est ici différent (‘p’), mais indique néanmoins qu’une typologie similaire est connue et familière au Levant101. Dans les sources accadiennes plus récentes, un aspect de sexualité agressive et déréglée est associé à ce groupe, ce qui est également un trait courant de la représentation des démons féminins dans l’Antiquité, comme le montre l’exemple bien documenté de Lamaštu. Ardat lili apparaît également comme tueuse et ravisseuse de nouveau-nés. Il faut toutefois observer que, dans les textes accadiens, le démon « femelle » ardat lili autant que le démon « mâle » lilu représentent un danger pour les nouveau-nés : ardat lili n’est en ce sens qu’un pendant féminin du lilu, lui aussi conçu comme un démon de la luxure, caractérisé par une sexualité déréglée. Les textes médicaux, par exemple, préviennent contre le risque qu’un lilu s’approche du bébé et des femmes enceintes102.
Dans les traditions du judaïsme ancien, Lilith est une démone de premier rang qui a plusieurs facettes. Sa nature sexuellement dangereuse est mise en avant dans le Talmud103. Dans les Targums un démon nocturne est nommé lili104. En outre, différentes formes de Lilith sont fréquemment mentionnées sur les amulettes, les bols et les incantations araméennes de Babylone et Nippur. Là, elles sont qualifiées au singulier, au pluriel et dans quelques cas comme des « liliths mâles et femelles »105. Sa physionomie apparaît ici bien plus complexe que sa caractérisation dans le texte biblique. La nature de Lilith en tant que démone de la sexualité est déjà connue par les réviseurs de la LXX : en Is 34,14, Symmaque (suivi ensuite par Jérôme) suggère de rendre l’hébreu Lilith par le grec
L’attestation du nom de Lilith dans les documents qumrâniens est un élément dont il faut également tenir compte. Son nom apparaît dans le rouleau d’Isaïe mais aussi dans un texte connu comme les « Chants du Sage », préservé sur deux rouleaux (4Q510 et 511)107. Il s’agit de l’un des textes les plus éloquents pour la démonologie qumrânienne où Lilith est nommée parmi une liste des démons que le chef de la communauté se charge d’exorciser. Ici la forme plurielle lylywt108 fait encore penser à une typologie ou à un groupe de démons qui partagent des caractères similaires, sur le modèle des démons lil- accadiens.
Par conséquent, étant donné l’importance de l’arrière-plan proche-oriental des démons du type lil-, couplé à la présence de Lilith dès les traditions du Second Temple, dans la tradition juive ancienne ainsi que dans une partie de la tradition grecque où elle est toujours comprise comme une démone, il serait assez surprenant qu’elle cesse d’être considérée comme telle exclusivement lors de son apparition dans la Bible hébraïque. Effectivement, le rédacteur d’Isaïe 34 semble bien connaître les traditions sur Lilith, et le fait qu’elle soit nommée dans un oracle sur Babylone rappelle le lieu d’origine de ce démon. Il faut, toutefois, admettre que Lilith est présentée dans la Bible hébraïque de manière singulière. En effet, deux aspects fondamentaux de cette démone, à savoir sa nature agressive et ses connotations sexuelles, sont absents du texte biblique. En revanche, sa nature animalière – possiblement d’oiseau – est mise en avant, de même que le fait qu’elle habite parmi les ruines. Il s’agit là de caractéristiques propres à la représentation de plusieurs typologies de démons, y compris les démons lil-. Quoiqu’il en soit, la fonction de Lilith dans ce passage doit être inscrite et comprise dans le contexte littéraire d’Isaïe 34, qui sera discuté en détail par la suite. Mais dans la LXX d’Isaïe 34 il n’y a manifestement pas de traces « littérales » de Lilith, dont le nom est rendu par
Si Lilith et Azazel partagent le fait d’être, en quelque sorte, transformés dans la LXX, il faut néanmoins noter les différences de traitement que leur réservent les divers traducteurs. Dans la LXX d’Isaïe 34, le passage dans son ensemble conserve sa connotation « démoniaque » ; connotation notamment amplifiée par toute une série d’équivalents choisis dans le texte. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cela correspond précisément à l’un des contextes où le mot
Cette enquête sur les équivalences grecques choisies pour Azazel et Lilith dans la LXX amène donc à conclure que l’idée selon laquelle le potentiel démoniaque associé à ces créatures est complètement perdu dans la traduction grecque de la Bible hébraïque est à réviser. Même si le référent précis derrière ces noms peut avoir échappé aux traducteurs, les procédés mis en œuvre dans les deux cas montrent que ce potentiel était bien connu, faisant l’objet de nouvelles transformations. En revanche, cela ne semble pas avoir été le cas pour le démon « caché » en Gen 4.
3 Un « démon de la porte » ? (Gen 4,7)
Lorsque l’on s’interroge sur la présence ou sur l’absence des démons dans la Bible, on ne peut pas omettre de discuter, au moins brièvement, l’obscur passage de Gen 4,7, qui a fait couler beaucoup d’encre en raison de ses difficultés textuelles. Le contexte, bien connu, est celui du conflit entre Caïn et Abel et, notamment, de la frustration de Caïn face à la préférence de Yhwh pour les offrandes de son frère, ce qui aura des conséquences funestes. Lorsque Caïn a « le visage abattu » (versets 5–6), Yhwh lui adresse la parole :
Le texte hébreu présente une série de difficultés qui ont amené certains chercheurs à considérer ce passage comme « intraduisible »109. Comme il m’est ici impossible d’en examiner tous les problèmes textuels, je me limiterai à ceux qui sont pertinents pour mon argument. Outre la difficulté de compréhension posée par l’infinitif construit śǝ’ēt, la traduction ici proposée, comme la plupart des traductions modernes, présente un paradoxe, à savoir que ḥaṭṭā’t, « péché » est un substantif féminin, mais est pourtant suivi par une série de concordances au masculin. De plus, l’action se déroulant dans les champs, la signification de l’entrée ou porte (lappetaḥ) n’est pas évidente. En outre, la position de lappetaḥ (« devant la porte ») qui précède ḥaṭṭā’t est inhabituelle : selon la logique de la phrase nous l’attendrions plutôt après robeṣ. Pour éclairer ce passage, plusieurs chercheurs ont suivi et suivent encore une ancienne hypothèse de Hans Duhm110 qui voyait en rbṣ non un participe du verbe « s’attarder », « se reposer », « se coucher », tel qu’il apparaît ailleurs dans la Bible hébraïque, mais le nom d’un démon emprunté à l’accadien rabiṣu, bien connu par les textes incantatoires mésopotamiens. Le péché serait donc représenté comme un démon tapi à la porte, une sorte d’agent divin envoyé pour contrôler Caïn, et, par conséquent, les actions suivantes devraient être attribuées à ce démon111. Les liens intertextuels clairs entre Gen 4,7 et Gen 3,16, dont Gen 4,7c reprend explicitement le langage, ont amené certains à voir en rbṣ une réminiscence du serpent de Gen 3, notamment en raison du fait que la racine rbṣ dans la Bible hébraïque se rapporte souvent à des animaux112. Cette proposition demeure cependant trop spéculative et doit donc être à rejeter. Néanmoins, l’hypothèse d’un « démon de la porte » a connu un large succès, sans pourtant parvenir à résoudre tous les problèmes de ce passage113. En revanche, les solutions alternatives qui ont été avancées impliquent un certain degré de remaniement du texte. Récemment, C.L. Crouch a, à nouveau, proposé l’idée que ḥaṭṭā’ṭ soit une glose insérée tardivement dans le texte114 : le grec révèle cependant que ce mot était déjà dans le texte au moment de la traduction. D’autres fournissent une interprétation exclusivement métaphorique et extrêmement élaborée du passage, dont la comprehension n’est pas tout à fait claire115.
L’interprétation de rbṣ comme nom de démon est donc souvent acceptée « faute de mieux » et elle paraît effectivement appuyée par les parallèles mésopotamiens. Non seulement l’action de se cacher dans les coins est propre aux démons, mais de manière générale le seuil est le lieu d’accès privilégié pour les attaques démoniaques. En outre, comme le relève justement Anne-Marie Kitz, l’idée du rabiṣu qui « s’attache » à l’homme est présente dans les sources accadiennes116 et la représentation d’un démon « guetteur » qui se cache ou qui rôde correspond bien à l’étymologie du mot117.
Quelques problèmes demeurent cependant. Cette solution oblige à comprendre la racine rbṣ dans un sens nominal qui n’est jamais attesté ni en hébreu ni dans d’autres langues ouest-sémitiques alors que la racine verbale est bien attestée. En outre, la représentation démoniaque du péché qui, caché dans un coin, cherche à séduire l’homme n’est attestée nulle part ailleurs dans la Bible où ḥaṭṭā’t est plutôt un terme connoté du point de vue cultuel : il indique une typologie sacrificielle précise en contexte rituel. Même quand ce terme a une signification générique de « faute », par exemple dans ses quelques autres occurrences dans la Genèse, il indique simplement une faute commise contre un membre de la communauté118. Dans la Bible hébraïque, on ne saurait trouver la moindre trace d’une « personnalisation » de la faute, ni d’une conception du péché représenté comme une puissance autonome ou comme un agent divin119. Une interprétation démonologique n’est pas davantage attestée dans les traditions postibliques, et ce en dépit du fait que le motif de l’envie préminent en cet épisode aurait pu offrir l’occasion pour un développement exégétique en cette direction.
Il se peut enfin que le passage soit corrompu. Le Pentateuque samaritain donne un texte différent dans la première partie du verset120, mais identique dans la deuxième qui fut également transmise sans variations significatives dans les versions anciennes. La traduction de la LXX témoigne d’un texte consonantique proche du texte hébreu, exception faite de lptḥ, qui a été lu comme lntḥ, « diviser », dans le sens de « faire les parties pour le sacrifice ». La traduction de tšwqh par
En revanche, il est clair que l’interprétation de ce verset s’avérait déjà problématique pour le traducteur grec qui lui donne un sens différent par rapport à l’hébreu. Dans la première partie du passage, le traducteur rend explicite la nature de la faute de Caïn : il s’agit d’une erreur rituelle, qui prend la forme d’une mauvaise division des parties du sacrifice123. Ḥaṭṭā’t et rbṣ sont compris par le traducteur comme étant deux verbes, le deuxième étant lu à la forme impérative, rǝbaṣ. La deuxième moitié du verset traduit l’hébreu mot à mot, en aboutissant à un texte qui est encore partiellement énigmatique car le référent du pronom
En conclusion, dans le texte hébreu la possibilité de lire rbṣ comme le nom d’une entité démoniaque sur le modèle du rabiṣu mésopotamien ne peut pas être complètement exclue bien qu’elle ne parvienne pas à résoudre toutes les difficultés de compréhension du passage. On peut, certes, rejeter l’interprétation de rbṣ comme nom propre et attribuer à la racine rbṣ la signification verbale mieux attestée de « s’attarder » ou « se tapir », mais, même dans ce cas, la signification générale du passage ne subit pas de variation significative car le péché apparaît encore représenté comme un agent qui a pour fonction de surveiller ou de guetter Caïn. En l’état actuel du texte, cette lecture demeure la plus vraisemblable, notamment car aucune interprétation alternative ne semble pouvoir s’imposer davantage. On pourrait alors se demander si ce n’est en tant qu’agent divin que ḥaṭṭā’t serait ici traité comme un nom masculin.
Quoi qu’il en soit, le traducteur grec, bien qu’en lisant en Gen 4,7 un texte très similaire au TM, n’a gardé aucun souvenir de ce « démon de la porte ». Cette disparition ne doit pas être imputée à des raisons d’ordre théologique, mais plutôt à la difficulté de déchiffrement du verset. L’arrière-plan démonologique du rabiṣu était probablement complètement étranger au traducteur, de même que la représentation du péché comme agent divin qui reste sans parallèle dans la Bible hébraïque. Ainsi, dans l’idée d’offrir une traduction harmonisante, le traducteur a vraisemblablement compris ḥaṭṭā’t comme une racine verbale permettant d’inscrire le verset dans le contexte immédiat du passage (Gen 4,3–5), soit celui cultuel des offrandes et sacrifices présentés par les deux frères.
Le sondage préliminaire des occurrences de
Riley 1999, p. 238.
L’existence d’une Vorlage hébraïque, traditionnellement acceptée par la plupart des chercheurs depuis les études de Kneucker 1879 et Tov 1975, est remise en question par la recherche récente : pour une introduction au problème, voir Assan-Dhôte et Moatti-Fine 2005, p. 55–56 et 69–71 ; Ryan 2015, p. 487–499 ; pour un modèle patchwork qui combine traduction de l’hébreu et composition en grec, voir Bogaert 2016, p. 596–597.
Sur la datation de Deut 32, voir infra, p. 186–187.
4Q196, fr. 14 i 5 ; 4Q197 frg. 4 i 13 , ii 9 et 13.
Weeks, Gathercole, et Stuckenbruck 2004, p. 118, 185, 195, 197, 199.
Zimmern 1917, p. 69 ; AHw, p. 1208 ; HALOT, s.v. ; Mankowski 2000, p. 138.
Voir les exemples en CAD 17/2, s.v., p. 257–259 ; Marti 2017, p. 46–48 ; voir également supra, p. 37.
Pour une discussion plus détaillée, voir infra, § 6.1.3.
4Q510 fr. 1, l. 5–8 ; 4Q511 fr. 10, l. 1–5 (Baillet 1982, DJD 7, p. 215–227), 11Q11 (García Martínez, Tigchelaar et Van der Woude 1998, DJD 23, p. 181–206) ; 4Q196, 14 ; 4Q197, 4 (Broshi et al. 1995, DJD 19, p. 1–56). Les occurrences ont été répertoriées et discutées par Stuckenbruck 2014 a, p. 85–87.
Naveh et Shaked 1998 : bols no. 1 ; 2,8 ; 5 ; 10 ; 13 ; amulettes no. 7 ; 7 b ; 13. Kotansky, Naveh et Shaked 1992, l. 11, 13, 17, p. 8–9 (SEG 42, 1582). La Peshitta lit šydh en Lev 17,7 à la place de ś‘yrm du TM : voir ch. 5.
Par exemple Targum Onqelos en Lev 17,7 ; Targum Onqelos et Neofiti en Deut 32,17 ; Targum Pseudo-Jonathan en Deut 32,10 ; Targum Jonathan en Is 13,21.
Jastrow 1903, p. 1523–1524 ; Even Shoshan 1984, s.v.
Voir infra, p. 184–202.
Ziegler 1939, p. 360, apparatus I.
Seeligmann 1948, p. 31.
Ainsi Baer 2001, p. 176–177 ; Van der Vorm-Croughs 2014, p. 368–369.
Le nom de Gad fils de Leah est rattaché par étymologie populaire au bon sort (Gen 30,11), voir infra, § 6.2.2. Le toponyme Ba‘al-Gad apparaît en Josué 11,17 ; 12,7 ; 13,5.
Pour Gad et Méni, voir infra, § 6.2.2.
Voir Ziegler 1939, p. 361, apparatus I. La correspondance
Voir Ziegler 1939, p. 361, apparatus I. Cette forme est d’ailleurs préférée ici par Rahlfs.
Seeligmann 1948, p. 99–100 ; Schaper 2010.
Pace Riley 1999, p. 238.
Voir infra, ch. 4.
Barbu et Rendu-Loisel 2009, p. 307–308. Voir infra, ch. 7.
Voir, par exemple, Jud 9,23 ; 1 S 16, 1–13 ; 1 R 22, 17–25 ; 2 Ch 18, 22.
Voir infra, ch. 5.
1 Hén 19,1–2 ; 99,7. Voir A.T. Wright 2005 b, p. 155–156 ; D.B. Martin 2010, p. 666–667.
Jub 17,16. Dans cet épisode, qui raconte le sacrifice d’Isaac, le nom de Mastema remplace celui de Yhwh : voir Olyan 1993, p. 25–26 ; Segal 2007, p. 210. L’épithète
Mt 8,31.
Philon semble notamment ignorer les significations de
Pour une analyse détaillée du rite de purification annuelle de Lev 16, qui est en réalité beaucoup plus long et complexe, et composé de différents sacrifices, on peut voir Milgrom 1991, p. 1009–1084 ; plus récemment, Nihan 2007, p. 340–371 et la bibliographie relative.
Ps 88,6. Sur l’expression ’ereṣ gəzērâ, voir les remarques de Tawil 1980, p. 55–56 ; Nihan 2007, p. 354–355.
Voir, à ce sujet, les remarques de Pietersma 2006 b, p. 410–412.
Lev 16,10 et 20–22.
Les études classiques sont Wright 1987, p. 15–74 ; Janowski et Wilhelm 1993 ; pour le dossier comparatiste grec un bon point de départ est Bremmer 1983.
Voir supra, p. 25–40 ; p. 53–59. Voir, en ce sens, les parallèles avec les rituels contre les démons analysés par D. Wright 1987, p. 65–69.
Blair (2009, p. 62) considère Azazel comme le nom propre d’un être surnaturel qui réside dans le désert, personnification du chaos et opposé à Yhwh : autrement dit, elle mentionne les principaux traits qui caractérisent un démon au Levant. En revanche, l’analyse de Frey-Anthes (2007, p. 61–63) est plus subtile. Elle a sans doute raison de rejeter la superposition immédiate de certaines créatures hybrides, telles que, par exemple, les boucs représentés sur les ivoires de Megiddo, avec l’Azazel biblique car une telle association n’est pas suffisamment appuyée par les éléments textuels dont nous disposons. Néanmoins, sa compréhension d’une figure religieuse complexe comme Azazel exclusivement comme une « literarische Gestalt » (ibid., p. 240–241) me paraît réductrice. Pour une critique du concept de paganisme littéraire, voir infra, p. 117–118.
Voir également Dietrich et Loretz 1993 ; pour d’autres hypothèses étymologiques, voir la discussion en Janowski 1999 a, p. 128–131.
Zadok 1978, p. 57–58.
Lipiński 1992, p. 52 ; Krahmalkov 2000, p. 363, s.v. ‘z. Voir également les théophores ‘z(z)b‘l et ‘zzmlk : Lipiński, ibid.
Zadok 1978, p. 57.
Aziza, Vattioni 1987. La racine ‘zz est, d’ailleurs, à l’origine à une série de noms propres en hébreu biblique : ‘Azaz, ‘Uziel, ‘Uza, etc.
11QTS 26, l. 13.
Gilders 2012, p. 69.
4Q180, fr .1, l. 7–8. Suite à l’editio princeps d’Allegro (1968, DJD 5, p. 79–80), le texte a été réédité par Dimant 1979 (= 2014, p. 385–390 ; voir également Garcia Martinez et Tigchelaar 1997, p. 371–373). Pour une comparaison entre ce texte et les traditions hénochiques, voir Davidson 1992, p. 271–274 ; plus récemment, Gilders 2012.
Voir Schorch 2018, p. 137 et tableau 12 a en Appendice.
Mayer Modena 1982. Pour la notion de tabou linguistique, voir Cardona 1976, p. 140–141.
Voir, notamment, Num 17 et infra, § 4.1.
La racine peut avoir des nuances différentes : « être fort », « être insolent », « être fier ». Le domaine sémantique est celui de la force et de l’énergie. Voir S. Wagner 2001.
P 14, 3 Preisendanz (vol. 2, p. 203 = Heidelberg G 1359) :
Pinker 2007, p. 14–16.
Voir infra, ch. 4.
Le texte de 1 Hen 6–36, connu également comme « Livre des Veilleurs », représente la partie la plus ancienne du livre d’Hénoch. Ici, un ange nommé Asaël ou Azazel est mentionné aux passages 6,7 ; 8,1 ; 9,6 ; 10,4 ; 10,8 ; 13,1 (voir aussi 1 Hen 54,5–6 ; 55,4 ; 69,2 qui ne sont pourtant attestés ni en grec ni en araméen). Le matériel narratif contenu dans le Livre des Veilleurs a une histoire littéraire complexe : la plupart des chercheurs reconnaît l’insertion d’Asaël/Azazel comme secondaire ou tertiaire. Voir Nickelsburg 2001, p. 191–201, et en dernier l’analyse de Bhayro 2005. Je remercie Matteo Silvestrini pour nos discussions autour de la présence d’Azazel dans le livre d’Hénoch.
Voir, à ce sujet, Hanson 1977 ; Nickelsburg 1977 ; id. 2001 ; Stuckenbruck 2014 b ; Silvestrini, à paraître. Sur la réception d’Azazel dans les traditions juives anciennes, voir également Stökl Ben Ezra 2003, p. 85–95, 124–134.
Sib. Or. 2,215 ; T. Sol. 7,7.
Voir, à ce sujet, les analyses de Grabbe 1987 ; Fauth 1998.
PGM 45, 7.
b.Yoma 67b.
Targum Jonathan en Lev 16,10.
Lev 16,8, 10 et 26.
Notamment à la suite du travail de Girard 1972.
Voir, à ce sujet, les remarques de D. Wright 1987, p. 49–50.
Blair 2009, p. 17.
4Q203 (= 4QEn Giantsa) 7a 1 6 :
4Q201 (= 4QEna) 3, 9.
4Q204 (= 4QEnc) 2, 26.
Voir Charles 1906, p. 15. Pour la discussion de la transcription du nom en éthiopien, on peut voir en dernier Silvestrini, à paraître.
1 Hen 8,1 ; 9,6 ; 10,4, 8 ; 13,1 ; et Sib. Or. 2,215.
Toutes les occurrences ont été répertoriées par Fauth 1998.
Harlé et Pralon 1988, p. 79 ; Wevers 1997, p. 244.
Voir, par exemple, P.Fay 22, 21 ; PSI 1 36a, 16 ; P.Mich 5 340 Ro, 53 ; P. Ryl.Gr. 2 154, 29 ; CPR 1 236, 8 ; BGU 1 252, 8.
La signification rhétorique de « discours d’adieu » est, en revanche, rare et tardive (voir par exemple Men. Rh., p. 333 Spengel).
Isoc. 5, 117 : pour la discussion de ce passage voir p. 53–54. Voir aussi Luc., Philops. 9.
M. Ant. 1, 6, 3.
SEG 60.817 (= 29. 731, l. 15) ; le terme apparaît, en outre, en SEG 30.86 (= 21. 507) parmi des documents athéniens sur les artistes et les travailleurs du théâtre de Dionysos, dans un passage où le texte est très lacunaire.
Ainsi Büchner, « the one to be sent off » (NETS) ; Vahrenhorst 2011, « Weggeschickten » (LXX. Deutsch), et également Wevers 1997, p. 244–245.
Harlé et Pralon 1988, p. 152.
Chantraine 1968, p. 46–47.
D’après Hésychius, les
Harp., alpha 199 :
Soud. A 3483 :
Voir supra, p. 56–58.
Philon (Her. 179), d’après lequel le deuxième bouc représente l’esprit qui « s’est écarté loin de la sagesse » ; mais voir également Hsych., A 6552 : <
Ainsi également Lust, Eynikel, Hauspie, 2003, s.v. ; Muraoka, 2009, s.v. Voir également la discussion en Riedweg 2012, p. 454–459.
Ainsi Vahrenhorst 2011, p. 383.
Les seuls noms d’anges dans la LXX sont Gabriel et Michaël dans le livre de Daniel, ce qui pourrait être expliqué par le rôle de premier rang joué par ces figures dans l’apocalyptique ; Raphaël est encore nommé dans le livre de Tobit. Voir, à ce sujet, l’étude de Cécile Dogniez dans Dogniez et Scopello 2006, p. 190–192, et infra, § 8.1.1.
Philon ne mentionne pas les noms des anges lorsqu’il traite du mythe des géants ; la section des Oracles Sibyllins qui contient une référence à d’Azazel est considérée d’origine chrétienne et donc plus tardive.
Ainsi Wevers 1997, p. 244.
Harlé et Pralon 1988, p. 151–152.
Stökl Ben Ezra 2003, p. 103–104.
Ps.-Lys. 6, 53.
Call., Aet. fr 75, 12–14 Pfeiffer :
Voir, également, Stökl Ben Ezra (2003, 102–106, et surtout p. 106) qui souligne le fait que le traducteur rend le texte compréhensible pour le public grec, à la fois juif et non juif.
Parmi les autres différences entre hébreu et grec dans ce verset, on remarque que dans le texte grec Aaron est le sujet de l’action, à savoir celui qui « place » le bouc, alors qu’en hébreu le verbe est à la forme passive et que le sujet n’est pas spécifié.
Wevers 1986, ad loc. (apparatus I–II) ; Field 1875, p. 194.
Il s’agit d’une note hexaplaire (Cod. X en Field = M en Wevers).
Philo, Leg. 2, 52 ; Her. 179, 187 ; Poster. 70–72 ; Plant. 61 ; Jos., AJ 3, 241.
Ils sont systématiquement nommés en série de deux ou trois dans les Utukku Lemnutu : 1 (add.), 13 ; 2, 65 ; 6, 60 ; 9, 87 ; 10, 32–34 ; 13–15, 138, 179.
Farber 1987. L’entité la mieux caractérisée semble être ardat lili alors que lilitu n’apparaît quasiment jamais comme nom isolé. Le seul récit mythologique où la démone lil- joue un rôle se trouve dans la version sumérienne de l’épopée de Gilgamesh (pour une analyse, voir Ribichini 1987).
Lam. I 114, Farber 2014, p. 155, 211. Voir également la « tablette de l’ardat lili » publiée par Lackenbacher 1971, col. I, ll. 6–8, p. 140.
Amulette 1, l. 19, voir Pardee 1998, p. 19 ; supra, p. 29. En revanche, la vieille lecture de ll comme Lilith à la ligne 20 est désormais à rejeter pour des raisons épigraphiques (Pardee 1998, p. 25–26).
Voir CAD 9, p. 190 c ; Farber 1987, p. 23.
b.‘Erub. 11b ; b.Nid. 24b ; b.Šabb. 151b ; b.B.Bat. 73b ; b.Pesaḥ 112b. Une démone avec des caractéristiques similaires, mais portant un nom différent, mentionnée dans le Testament de Salomon (13, 1–4) est souvent rapproché de Lilith. Dans les traditions juives médiévales représentées par l’Alphabet de Ben Sira et le Zohar, Lilith devient la première épouse d’Adam. Voir, pour un premier aperçu, Scholem 2007 ; Hutter 1999 b, p. 520–521. Une bibliographie assez abondante est donnée par Blair 2009, p. 26–29.
Targum Ps-Jo. en Deut 32,24 et Num 6, 24.
Par exemple Naveh et Shaked 1998, B 1, 3 ,6, 11 ; 5, 6 ; 12 a, XI ; 13, 1, 7, 22 ; 8, 1. Sur la complexité des graphies du nom de Lilith dans les incantations araméennes, voir Müller-Kessler 2001.
Ziegler 1939 ad loc., apparatus II.
Édité par Maurice Baillet (1982, DJD 7, p. 215–262). La restitution de lilith proposée par Émile Puech (2000, p. 164) en 11Q11 6 l. 1 n’est pas appuyée par des arguments solides et est donc à rejeter. La possibilité que la femme décrite en 4Q184 ait des connotations démoniaques, comme suggéré par Baumgarten (1991), ne permet pas pour autant de bel et bien y voir une Lilith. Comme le souligne Matthew Goff (2016), la femme séductrice de 4Q184 doit être vraisemblablement interprétée à lumière des traditions sur la « dame folie » attestées dans le livre des Proverbes. Pour une mise au point sur les différentes interprétations de ce texte et une critique de l’hypothèse de Baumgarten, voir Goff 2016, surtout p. 67–68 et 71–73.
4Q510 fr.1, l. 5 ; 4Q511 fr. 10, l. 5 (Baillet 1982, DJD 7, p. 220–221, 226–27) et infra, § 5.4.
Ainsi Skinner 1930, p. 107 ; Westermann 1972, p. 407.
Duhm 1904, p. 8–14.
Pour différentes déclinaisons de cette hypothèse on peut voir, entre autres, Closen 1935, et parmi les études récentes, Gordon 2011 ; Schlimm 2012 ; Loiseau 2013 ; Kitz 2016. La bibliographie plus ancienne sur le sujet est donnée par Westermann 1972, p. 406.
Ainsi, récemment, Gordon 2011, mais déjà Duhm 1904, p. 10. Pour rbṣ comme verbe qui peut servir à décrire le comportement animal, voir Waschke 2004 ; Kitz 2016, p. 252.
Voir, en ce sens, les remarques de Barré 1999, p. 683.
Crouch 2011 ; mais il s’agit d’une proposition qui avait déjà été avancée par Gunkel 1977, p. 43–44.
Bernd Janowski (2003, p. 150–151), suivi par Frey-Anthes (2007, p. 78) considère Abel comme étant le sujet de la phrase et donne une traduction dont la compréhension demeure assez compliquée : « und wenn du es nicht gut handelst, lagert er (scil. Abel) sich als (Öffnung >) Anlass zu einer Verfehlung ». Particulièrement complexe sur le plan syntactique et sémantique est également la proposition d’Ellen van Wolde (1991, p. 31–32) : « there is at the door sin, (namely) being on the lurk ? The desire to be on the lurk is for you, but you can master it ». Pour d’autres hypothèses, voir Erzberger 2011, p. 49–52.
Les sources sont examinées par Kitz 2016, p. 454.
Edzard et Wiggermann 1989, p. 449–455.
Gen 18,20 ; 31,36 ; 50,17.
Pour un premier aperçu des usages de ḥaṭṭā’t dans la Bible Hébraïque, voir Koch 1980.
Voir, par exemple, Gen 24,5 ; 28,15 et 21.
1QS 11, 22 ; 1QM 15, 9–10 ; et 17, 4. Voir, déjà, à ce propos, les remarques de Closen 1935, p. 433. Récemment Loader 2014, p. 383. Anne-Françoise Loiseau (2016, p. 158–162) y voit une influence de l’araméen mtwy’, « désir », « élan », qui, à mon avis, n’est pas nécessaire pour justifier ce choix de traduction.
Voir les remarques de Harl 1986, p. 114, reprises ensuite par Dorival 1996, p. 111.
Pour l’identification et le traitement des néologismes dans la LXX voir les remarques méthodologiques fondamentales de Aitken 2013.