Comme je l’ai mentionné au chapitre précédent, plusieurs passages de la LXX attestent un rapprochement entre esprits et anges : c’est sur ce sujet que je vais me pencher dans ce dernier chapitre. En outre, le lien entre esprits et anges amène à aborder une question d’ordre plus général concernant la représentation des anges dans la traduction grecque. Je pourrai, par le biais de cette analyse, atteindre un troisième et dernier questionnement qui touche directement à l’objet de cette étude, à savoir l’existence d’une véritable opposition entre angélologie et démonologie dans les traditions reflétées par la LXX. En ce contexte, une attention particulière sera réservée à la figure de Satan et à ses transformations. Si dans la Bible hébraïque le śāṭān est une puissance subordonnée à Yhwh, dans toutes les traditions du Second Temple (textes de Qumrân, Jubilés, traditions hénochiques, « Testaments » des patriarches, Ascension de Moïse et autres), ainsi que dans le Nouveau Testament, « Satan » apparaît déjà comme le nom propre d’une force opposée à Yhwh, comme un des anges déchus ou, du moins, comme une figure hostile au dieu. Il est donc essentiel de comprendre le rôle qu’ont pu jouer les traducteurs grecs dans ce processus, s’ils en ont joué un. Nous terminerons enfin ce parcours par une analyse du livre de Tobit qui, en mettant en scène l’expulsion du démon Asmodée par l’initiative de l’ange Raphaël, est un des témoins les plus significatifs des transformations de l’imaginaire démoniaque du judaïsme d’époque hellénistique.
1 Esprits angéliques
Parmi les indices d’un rapprochement entre anges et esprits dans la LXX, le texte le mieux connu est un passage du Psaume 103 (= 104 TM), qui décrit l’activité de Yhwh en tant que dieu créateur. L’ouverture du Psaume combine une description de Yhwh comme dieu solaire, « vêtu de splendeur et éclat » (verset 1), avec l’imaginaire levantin du dieu de l’orage, qui déploie les cieux (verset 2) et qui chevauche les nuées. Les versets 3–4 décrivent l’activité de Yhwh en tant que divinité de l’orage :
Dans le texte hébreu tant les rûaḥ du verset 3 que les rûḥôt du verset 4 sont à comprendre comme des vents, attributs typiques du dieu de l’orage, alors que les « flammes » font vraisemblablement référence aux éclairs ou à la foudre : ces attributs accompagnent régulièrement les manifestations du dieu Ba‘al d’Ougarit et sont également associés à Yhwh ailleurs dans les Psaumes1. En grec, le traducteur différencie le rûaḥ du verset 3, traduit au pluriel par
Il faut, alors, se tourner du côté de l’analyse littéraire et prendre en compte le parallélisme entre
Le parallélisme avec le Psaume 102, la construction grammaticale ainsi que l’exégèse ancienne semblent donc appuyer une interprétation angélique des esprits. Il faut enfin observer que cette interprétation s’inscrit parfaitement dans le contexte du verset précédent où l’imaginaire lié au dieu de l’orage, sans disparaître complètement, a été partiellement nuancé. Au verset 3 a le verbe qrh, « construire avec du bois ou des poutres », a été compris dans un sens spécialisé et rendu par
Des indices supplémentaires d’une association étroite entre anges et esprits sont repérables ailleurs, notamment lors du processus de resémantisation que l’épithète ’ĕlōhê hārûḥōt lǝkol bāśār, « dieu des esprits pour toute chair », subit à l’intérieur de la LXX elle-même. L’expression apparaît deux fois dans le livre des Nombres : dans l’invocation adressée à Yhwh par Moïse et Aaron lors de la révolte de Coré (Num 16,22) ainsi qu’au moment de l’élection divine de Josué comme successeur de Moïse (Num 27,16). Comme l’a très bien expliqué Nathan MacDonald3, cette appellation ne vise pas à suggérer un dualisme entre corps et âme, mais souligne plutôt le fait que Yhwh préside à la vie de tous les humains et qu’il peut décider de leur sort. Une première interprétation de l’épithète se trouve déjà dans la LXX de Num 16,22, qui traduit : « dieu des esprits et de toute chair » (
Un deuxième développement de l’épithète est attesté en 2 Mac 3,24, à l’occasion d’une épiphanie divine qui apparaît à Héliodore, le premier ministre du roi Séleucos, alors qu’il est sur le point de confisquer le trésor du temple de Jérusalem. Ici Yhwh est appelé
En outre, l’épithète
Je t’invoque et je te supplie, dieu le Très haut, Seigneur des esprits et de toute chair, contre ceux qui ont perfidement tué et empoisonné la malheureuse Héraclée, morte avant son temps, versant son sang innocent injustement, que la même chose arrive à ses meurtriers et à ses empoisonneurs et à leurs fils, (toi) Seigneur qui vois tout et (vous) les anges de Dieu, pour lesquels toute âme s’humilie aujourd’hui avec des supplications, pour que vous vengiez et cherchiez le sang innocent, et le plus rapidement possible.
Comme déjà évoqué, le texte contient de nombreuses citations bibliques dérivées de la LXX, tout en relevant du langage des malédictions. La divinité est invoquée sous les noms de « Très haut », « Seigneur des esprits et de toute chair » (l. 1–3) ou encore « celui qui voit tout » (l. 9–10). Le fait que ces esprits soient à identifier à des anges est confirmé par les lignes 10–11, où les
1.1 Trajectoires de la représentation des anges entre hébreu et grec
Peu de sujets ont attiré l’attention des chercheurs comme la question des anges dans les traditions du Second Temple14. Un tel intérêt est motivé par le fait qu’à partir de cette époque la catégorie religieuse de mal’āk, indigène à la Bible hébraïque, fait l’objet d’un grand nombre de narrations et se place au centre de plusieurs traditions. En effet on doit la naissance d’un véritable mythe fondateur de l’origine des démons dans le judaïsme ancien aux traditions hellénistiques sur les anges déchus15. On peut même affirmer, et ce, à bien des égards, que la notion d’ange se met véritablement en place à l’époque du Second Temple. Un certain nombre de travaux ont désormais traité de la question des anges dans la LXX sous différents angles et dans différents corpus16. Je retourne brièvement sur ce dossier pour traiter d’un aspect moins discuté : j’aimerais évaluer si les développements concernant la représentation des anges dans la LXX mis en évidence par la recherche peuvent être mis en parallèle avec des tendances déjà à l’œuvre dans la Bible hébraïque, comme j’aimerais, également, essayer de mieux mettre en évidence les spécificités de l’apport des traditions juives de langue grecque à la représentation des anges.
Il faut tout d’abord noter que dans la Bible hébraïque, lorsque mal’āk est utilisé pour désigner des membres de la cour céleste, le terme n’indique pas une classe, mais la fonction de « messager » qui peut être endossée par n’importe quel membre de l’assemblée divine. Une des fonctions principales du mal’āk céleste, tout comme de l’
Ce phénomène, particulièrement fréquent dans la Septante des Psaumes, de Job et dans la Septante ancienne de Daniel, est en réalité déjà à l’œuvre dans la traduction du Pentateuque. Il faut vraisemblablement comprendre dans cette perspective l’introduction des anges à côté des myriades de Kadès dans la LXX de Deut 33,2 b pour rendre un texte hébreu presque incompréhensible, notamment en ce qui est de la forme difficile ’šdt (qere ’ēšdāt), et où le traducteur a lu Mériba (mērībəbōt) comme une forme dérivée de la racine rbb, « être nombreux »23 :
Le résultat de cette exégèse est que, dans l’épiphanie, le dieu n’apparaît plus seul, mais accompagné par des nombreuses armées célestes. Un autre exemple de la fonction exégétique des anges se trouve en Gen 32,2–3 où deux messagers divins vont à la rencontre de Jacob dans un endroit qu’il décide d’appeler Mahanaïm car il s’agit d’un « camp de dieu » :
Ici, le traducteur grec rend plus explicite la logique sous-jacente au jeu étymologique ; le texte a un parallèle dans le Ps 33,8 où il est dit que l’ange de Yhwh « campe autour de ceux qui le craignent ».
Un troisième aspect souvent observé concerne (3) l’emploi d’
Il faut toutefois observer que ces nouveautés ne sont pas exclusives à la Septante, mais remontent déjà, dans une certaine mesure, à la Bible hébraïque. En effet, nous avons, dans le texte hébreu, des traces d’un changement sémantique subi par mal’āk (1) qui semble indiquer une classe d’êtres divins, en tout cas dans des passages tardifs des Psaumes, où les mal’ākîm sont appelés à bénir la divinité avec les armées célestes25 : la louange de Yhwh devient une des fonctions fondamentales des anges et, à peu près, la seule tâche qui n’implique pas de relation avec les humains26. J’ai, en outre, déjà discuté l’exemple du Ps 78,49 où l’expression « troupe d’anges de malheurs » (
En revanche, un aspect du traitement des anges qui paraît spécifique à la Septante, et ce, déjà dans le Pentateuque, est la tendance à mieux clarifier la distinction entre le rôle de l’ange et celui de Yhwh dans des passages où cette distinction n’est pas explicite en hébreu. C’est le cas de l’ajout en Gen 16,8, lorsqu’un ange apparaît à Hagar, où le traducteur utilise
De manière générale, on ne serait pas en mesure de retrouver dans la LXX de véritables spéculations angéliques. On trouve, cependant, quelques informations supplémentaires concernant la nature des anges, absentes en hébreu, tel le fait qu’ils se nourrissent de manne33 et qu’ils résident dans les cieux, loin des hommes qui sont faits de « chair »34. À cet égard, l’insistance sur la nature pneumatique des anges à laquelle plusieurs traducteurs et auteurs font référence dans des contextes divers émerge comme une des contributions les plus originales de la LXX, voire comme le véritable élément de nouveauté dans la représentation des anges. Pour le reste, il semble que, même si les traducteurs possédaient des connaissances sur le monde des anges, ils ne paraissaient pas particulièrement intéressés aux hiérarchies angéliques. Deux éléments démontrent encore ce manque d’intérêt : d’une part, le fait qu’en grec seulement trois noms d’anges – et tous déjà présents dans la Bible hébraïque – apparaissent, soit Gabriel, Michaël et Raphaël, et, d’autre part, l’absence de spéculations sur le nom d’Azazel35. D’un autre côté l’extension des histoires concernant les anges dans les traditions grecques de Daniel dont j’ai fait mention plus haut ainsi que les nombreuses épiphanies angéliques qui jalonnent les livres des Maccabées révèlent que la LXX fait l’objet d’un développement interne qui voit une progressive diffusion de ces motifs au fil du temps. Avec ces récits, nous arrivons, toutefois, désormais, à l’époque hasmonéenne. En outre, l’invocation, dans les Maccabées, d’un « bon ange » pour sauver les Juifs en guerre laisse entrevoir la croyance en l’existence d’anges mauvais36. Mais, là encore, il reste difficile, sur la base de ces références, de reconstruire une véritable « angélologie » et, par contraste, une démonologie qui lui serait opposée. Deux livres semblent, cependant, représenter une exception à cette tendance générale : la LXX de Job, notamment concernant le rôle du Satan (
Pour ce qui concerne la traduction grecque de Job, un regard au tableau ci-dessus (tableau 10) permet déjà facilement de relever que le traducteur réserve aux anges une place assez conséquente en comparaison avec son texte source, surtout en ce qui concerne les anges guerriers et mortifères. En outre, dans deux passages relatifs à la description du Léviathan, le traducteur introduit l’expression :
2 Du śāṭān au diable
Dès la fin des années 80, la monographie de Peggy Day a marqué un tournant dans les études sur le śāṭān dans la Bible hébraïque39. Day a démontré que, dans la Bible hébraïque, il n’existe pas un personnage unique portant le nom de « Satan », mais que le terme indique, plutôt, une fonction qui est celle de l’accusateur, du procureur ou de l’adversaire, et que cette fonction est probablement dérivée d’un contexte juridique. La nature précise de la fonction du śāṭān fait encore l’objet d’un débat et l’on ne sait pas clairement si la signification légale de l’accusateur est toujours mise en avant ou si, dans quelques occurrences, le terme ne signifie pas simplement « adversaire » dans un sens plus général. Le terme śāṭān apparaît dans neuf contextes dans la Bible hébraïque. Quatre épisodes nous intéressent particulièrement ici, où śāṭān indique un agent ou une fonction céleste. Dans ces cas, le terme apparaît deux fois sans article, dans deux scènes qui ont lieu sur terre (au chapitre 22 du livre des Nombres, où il barre la route à l’ânesse du devin Balaam qui voulait maudire les Israélites, et en 1 Ch 21,1–2, lorsqu’il incite le roi David au recensement), et deux fois avec l’article, dans les deux scènes de conseil divin (dans la vision du chapitre 3 du livre de Zacharie, où il accuse le grand prêtre Josué devant Yhwh et lors de la réunion de l’assemblée céleste en Job 1–2)40. Parmi ces épisodes, tous datables de l’époque postexilique41, la scène de jugement du prophète Josué en Zach 3,1–2 est celle qui se rapproche le plus du contexte judiciaire. De ce point de vue, sont particulièrement significatifs les parallélismes entre la scène de jugement céleste en Zacharie et une scène similaire de type « terrestre » évoquée dans le Ps 109,6–7 qui mentionne également un śāṭān humain se tenant à la droite de l’accusé. Dans une étude récente, Ryan Stokes42 a remis en question la fonction accusatoire du śāṭān, en identifiant des références à un contexte militaire plutôt que juridique, et en proposant la signification d’« attaquant » : l’intention du śāṭān serait celle d’endommager physiquement la personne à la fois dans Zach 3 et dans le prologue du livre de Job, lorsqu’il propose à Yhwh de mettre la piété de Job à l’épreuve. Le śāṭān serait alors un simple exécutant de la volonté de Yhwh. Bien qu’une connotation militaire apparaisse dans plusieurs passages, notamment lorsque le terme se réfère à des adversaires humains43, l’argument de Stokes n’est pas entièrement convaincant en ce qui concerne les scènes divines, en particulier concernant le passage du livre de Zacharie où le contexte judiciaire est mis en avant par le langage employé ainsi que par les positions occupées respectivement par le mal’āk yhwh, par le śāṭān et par Josué, qui semblent impliquer une étiquette procédurière (le śāṭān se tient à la droite de Josué et celui-ci se tient debout devant l’ange). En outre, l’interprétation du śāṭān en Job comme pur exécutant de la volonté de Yhwh ne met pas suffisamment en valeur la capacité d’initiative qui caractérise cet agent et le différencie d’autres agents divins, en suscitant plutôt un parallèle avec l’esprit qui prend la parole de manière autonome en 1 R 22. En revanche, l’hypothèse de Jason Silverman, pour qui la caractérisation du śāṭān en Zach 3 et dans le livre de Job est inspirée par les figures de fonctionnaires locaux de l’Empire achéménide, me paraît plus convaincante44. Malgré les débats sur sa fonction, les chercheurs s’accordent sur le fait que, dans la Bible hébraïque, le śāṭān agit toujours sous la dépendance de Yhwh, même lorsqu’il joue le rôle de l’adversaire. Son appartenance à la cour céleste n’est jamais mise explicitement en question, même si le passage de Job semble indiquer que son statut n’est pas identique à celui des fils divins car le texte précise que, lors de la convocation du conseil, « même le śāṭān était parmi eux » (gam haśśāṭān bǝtôkām), ce qui laisse entendre que sa présence n’était pas habituelle. Un autre cas qui soulève quelques doutes quant à l’appartenance du personnage à la cour est celui de 1 Ch 21,1 : ici, śāṭān est certainement le résultat d’une exégèse de la « colère de Yhwh » qui en 2 Samuel 24 poussait David au recensement d’Israël. Toutefois, son origine n’est plus spécifiée dans les Chroniques et, par conséquent, l’initiative du recensement n’est plus rattachée à Yhwh : en ce passage, śāṭān semble plutôt être qualifié comme un « adversaire » générique45, qui résulte d’une progressive autonomisation d’un autre agent étroitement lié à Yhwh, à savoir sa colère. L’introduction d’un śāṭān a pour effet de déresponsabiliser Yhwh quant à la mauvaise initiative du recensement. Il faut, en outre, observer que, dans tous ces épisodes, śāṭān entre également en relation avec les anges, tout en s’en différenciant. Dans l’épisode de Num 22, on dit du mal’āk qu’il agit « comme un śāṭān » : si l’expression indique que la fonction de l’adversaire peut être revêtue à l’occasion par d’autres membres de la cour céleste, elle souligne néanmoins que le rôle du mal’āk et celui du śāṭān sont, d’habitude, différents. Les rôles du śāṭān et du mal’āk sont opposés dans le jugement de Josué en Zacharie, où l’ange tient le śāṭān à l’écart lorsqu’il annonce le verdict de Yhwh. Nous avons également déjà vu que le śāṭān se distingue des bǝnê ’ĕlōhîm dans le livre de Job. Il est alors possible que le rédacteur du livre des Chroniques ait décidé de remplacer la colère de Yhwh par śāṭān en 1 Ch 21 notamment en raison de la présence de l’ange dans le récit.
Pour résumer, dans la Bible, le śāṭān joue le rôle d’accusateur de l’homme dans les procès ou, plus généralement, le rôle d’adversaire et il agit toujours avec l’accord de Yhwh. Son statut diffère de celui des autres membres de l’assemblée divine et il se trouve parfois en opposition aux mal’ākîm. Il possède une certaine liberté d’initiative, comme le démontre le fait qu’il soit le seul des subordonnés de Yhwh qui dialogue ouvertement avec la divinité ; ses initiatives ont souvent de mauvaises conséquences pour les hommes. Même si les indices qui ont pu favoriser sa transformation en opposant de Yhwh sont tous déjà présents, śāṭān n’est jamais représenté comme un démon selon les critères que j’ai défini en ouverture de ce livre : il n’est pas un agent direct de destruction ou de maladie, ni montre de liens particuliers avec la dimension du chaos.
Si nous regardons maintenant du côté de la traduction grecque, nous remarquons que les différents traducteurs n’ont pas adopté un seul et même équivalent pour śāṭān, même s’il y a une prévalence de formes liées au verbe
Tout en exploitant les diverses significations de la famille linguistique liée à
Au verset 22, d’après le texte hébreu, l’ange de Yhwh agit comme un śāṭān (lśṭn) : le traducteur a lu lśṭn comme une forme verbale. Le composé
Dans les autres scènes célestes (Zach 3,1–2 ; Job 1–2 ; 1 Ch 21,1), śāṭān est traduit par
La forme
La forme
Pour résumer, nous voyons que les traducteurs optent pour plusieurs possibilités. Le terme hébreu est parfois transcrit en grec : dans ce cas, l’emprunt n’indique pas que
Nous n’arrivons pas à observer de différences substantielles entre le contexte divin et le contexte humain : au contraire, dans le cas de Num 22 où la différenciation entre l’ange et le śāṭān est moins nette, śāṭān a disparu du texte grec. En revanche, dans les autres scènes de cour ou d’assemblées, il n’est plus question d’un agent exerçant la fonction d’accusateur ou de procureur, mais une connotation péjorative est attachée à son nom : son opposition avec les anges est ainsi accentuée, surtout en Zach 3 et dans le prologue du livre de Job. Son opposition aux anges ainsi que la connotation négative qui lui est associée sont des éléments importants pour comprendre sa transformation en démon. Toutefois, nous ne trouvons dans ces textes aucune indication sur le fait que
La seule occurrence dans la LXX où
φθόνῳ δὲ διαβόλου θάνατος εἰσῆλθεν εἰς τὸν κόσμον ,πειράζουσιν δὲ αὐτὸν οἱ τῆς ἐκείνου μερίδος ὄντες
Mais par la jalousie du diable la mort est entrée dans le monde : ceux qui sont de son côté en font expérience.
La majorité des chercheurs voit en ce verset une référence à l’épisode du serpent dans le troisième chapitre de la Genèse, ceci correspondant au moment où « la mort est entrée dans le monde ». La référence au récit de création est explicite dans le verset précédent qui reprend et transforme le langage de Gen 1,26 (Sap 2,23 :
3 Tobit dans le contexte de la démonologie hellénistique
Notre parcours sur les anges et les démons dans la LXX et dans la Bible hébraïque ne peut s’achever sans une analyse du sujet dans le livre de Tobit. Ce texte mérite attention pour plusieurs raisons. En effet, il revêt une grande importance dans l’étude de la démonologie à l’époque hellénistique ; de plus, dans la mesure où la représentation des démons y est très développée, celle-ci révèle un scénario distinct du reste de l’Ancien Testament (dans ses versions hébraïque et grecque) qui s’inscrit désormais dans le contexte des développements de la littérature du Second Temple. En outre, la situation textuelle exceptionnelle dont le livre fait l’objet démontre l’intérêt d’une approche des textes bibliques qui prenne sérieusement en compte la LXX et sa richesse interne. À cet égard, et avant d’aborder le thème des anges et des démons, une prémisse d’ordre méthodologique sur les versions grecques du livre qui nous sont parvenues par la tradition manuscrite est nécessaire.
3.1 Prémisse méthodologique
Le livre de Tobit, d’habitude classé comme un roman de diaspora, jouissait d’une grande popularité dans l’Antiquité et dut faire l’objet d’un grand nombre de réécritures et traductions. Son texte est transmis par plusieurs versions grecques et latines, par des versions syriaques et par cinq copies très fragmentaires retrouvées à Qumrân, dont quatre sont en araméen (4Q196–199) et une en hébreu (4Q200)64. Elles attestent vraisemblablement une seule version du livre, par ailleurs assez proche de ce que l’on peut reconstruire de la Vieille Latine65. D’autres manuscrits hébreux d’époque médiévale ou de la Renaissance sont, en revanche, des copies plus tardives66. La question de la langue originelle de composition est débattue, même si une préférence pour l’araméen semble s’imposer67. Les textes grecs représentent, en tout cas, les témoins fondamentaux du point de vue qualitatif et quantitatif. La tradition manuscrite du livre de Tobit est traditionnellement divisée en trois typologies textuelles68 : un texte de type G1, attesté par la plupart des manuscrits, y compris l’Alexandrinus (A), le Vaticanus (B), ainsi que par les versions hexaplaires ; un texte de type G2, plus long que le texte G1, attesté par le Sinaiticus (S), par le manuscrit 319, et par la Vieille Latine (VL) ; et un texte de type G3, dit également « troisième version », qui est probablement une recension, contenant d’importantes différences dans la deuxième moitié du livre et ayant servi de base à la traduction syriaque (particulièrement importants pour la reconstruction de ce texte sont les minuscules 106–107 conservés à la Bibliothèque de Ferrara69). Le fait que les fragments découverts à Qumrân soient souvent en accord avec le texte de type G2 démontre la priorité de la version longue (G2) sur G1 et G3, qui sont probablement des révisions visant à éliminer redondances et répétitions. À la suite de cette classification, une tendance s’est diffusée, qui considère le Sinaiticus comme le représentant par excellence du texte G2 et, par conséquent, comme le témoin le plus proche du texte d’origine70. Or la recherche récente a montré que la relation entre les témoins textuels est beaucoup plus complexe que ce que l’on a traditionnellement estimé ; que les témoins du texte G2 diffèrent beaucoup entre eux et que les relations entre les témoins du texte G2 et les recensions G1 et G3 ne sont pas toujours linéaires ; par conséquent, elle a remis en question l’antériorité du texte de type G2 comme étant toujours le plus proche de celui d’origine ainsi que toute division simpliste en trois groupes71. Plus particulièrement, Stuart Weeks et Loren Stuckenbruck72 ont insisté sur le fait que les témoins du texte G2 ne sont pas tous au même niveau : à cet égard, même si le Sinaiticus et le manuscrit 319 partagent un ancêtre dans la traduction originelle, ils ont probablement suivi des chaînes différentes dans la transmission textuelle. Le manuscrit 319 est particulièrement important pour la section 3,6–6,16 car, à plusieurs endroits, il est plus proche de la Vieille Latine que le Sinaiticus73. En outre, les mss 319 et le Sinaiticus sont les seuls témoins qui n’ont pas subi les révisions qui ont été à l’origine de G1 et G3. Par conséquent, quand le 319 et la Vieille Latine sont en accord et si leur antériorité peut être appuyée par d’autres témoins ou par des éléments de contenu ou de style, ils préservent généralement un texte plus ancien que celui préservé par le Sinaiticus. De manière générale, il vaudrait mieux considérer les témoins textuels du texte type G2 séparément : le Sinaiticus, le manuscrit 319 et les manuscrits de la Vieille Latine doivent, notamment, être traités individuellement. Ces observations sont particulièrement significatives pour mon étude car des variantes dans la tradition manuscrite sont attestées dans des épisodes qui m’intéressent spécifiquement et qui concernent l’attaque du démon Asmodée ainsi que les expédients mis en œuvre par l’ange Raphaël. Beate Ego et Loren Stuckenbruck74 se sont penchés sur ces divergences dans leurs travaux respectifs, dont le présent travail est redevable. Une considération attentive des variantes manuscrites permet d’ajouter des éléments supplémentaires à la représentation des démons ainsi que de proposer quelques nouvelles interprétations. En suivant les suggestions de Stuckenbruck et Weeks, lorsque je discute les variantes manuscrites, j’abandonne la division traditionnelle des témoins en G1, G2, G3, en faveur d’une analyse séparée de S, ms 319 et VL ; en revanche, les variantes attestées par G1 et G3 sont indiquées sous la même rubrique ; les fragments de Qumrân sont reportés s’ils comportent des variantes pertinentes pour les passages discutés (voir tableau 11).
3.2 Exorcismes et autres recettes angéliques
Une des différences les plus frappantes entre le livre de Tobit et le reste des traditions de la Bible hébraïque et de la Septante est représentée par l’importance du rôle revêtu par le démon dans la narration. Le démon y apparaît dans trois moments clés. Au chapitre 3,7–10, est introduit la situation malheureuse de Sara, une jeune femme juive vivant à Ecbatane en Médie, dont les maris sont systématiquement tués par le démon Asmodée avant qu’ils ne puissent coucher avec elle (il en a apparemment tué sept au début du récit). La jeune femme, alors méprisée par ses servantes qui l’accusent des homicides, pense sérieusement au suicide. Au chapitre 6, pendant le voyage du jeune Tobias de Ninive à Ecbatane, Tobias raconte à l’ange Raphaël qui l’accompagne « déguisé » en jeune homme les raisons de sa peur du démon et Raphaël lui donne des instructions pour le chasser. La recette consiste en un mélange du cœur et du foie d’un poisson qu’ils viennent de pêcher, qui doit être brûlé dans la chambre de noces et dont l’odeur fera partir le démon. Enfin, au chapitre 8,1–3, Tobias et Sara sont dans la chambre de Sara à Ecbatane et Tobias réalise l’exorcisme qui met en fuite le démon. L’intervention prompte de Raphaël qui ligote le démon avant que celui-ci ne puisse s’échapper vers l’Égypte termine ce cycle narratif.
Plusieurs éléments linguistiques et thématiques inscrivent désormais ce récit dans le contexte d’une représentation des démons typique de l’époque du Second Temple. Le premier élément (1) concerne la relation entre démons et esprits. Lorsque Raphaël explique à Tobias l’usage du cœur et du foie du poisson qui doivent être brûlés devant la personne affectée par un démon, il explique que sa recette peut être utilisée à chaque fois qu’un démon ou un mauvais esprit attaque une personne. En Tob 6,8 S lit comme suit :
καὶ εἶπεν αὐτῷ· Ἡ καρδία καὶ τὸ ἧπαρ τοῦ ἰχθύος ,κάπνισον ἐνώπιον ἀνθρώπου ἢ γυναικός ,ᾧ ἀπάντημα δαιμονίου ἢ πνεύματος πονηροῦ ,καὶ φεύξεται ἀπ᾽ αὐτοῦ πᾶν ἀπάντημα καὶ οὐ μὴ μείνωσιν μετ᾽ αὐτοῦ εἰς τὸν αἰῶνα .
Il lui répondit : « Le cœur et le foie du poisson, tu en fais monter la fumée devant l’homme ou la femme qui rencontre un démon ou un esprit mauvais : toute attaque sera écartée de lui, et il ne restera plus avec lui pour toujours ».
Le passage est attesté également à Qumrân75 :
Ce verset montre que l’identification entre démons et mauvais esprits est désormais complète, les deux termes pouvant alors fonctionner comme synonymes. Les textes de Qumrân nous offrent d’autres exemples de cette association, également connue par l’Épître d’Hénoch et par les Jubilés76. Au passage, il faut observer que la présence du démon chez Sara est décrite de manière différente en araméen et en grec : le texte grec parle génériquement d’une « rencontre fortuite »,
Un deuxième élément de nouveauté (2) concerne la conceptualisation du rapport entre rituels contre les démons et médecine, telle qu’elle émerge clairement dans le dialogue entre Tobias et Raphaël dans les versets 6–9 du chapitre 6. Quand Tobias demande à l’ange l’utilité du cœur, du foie et de la bile du poisson, l’ange explique que le cœur et le foie sont à utiliser pour chasser les démons (verset 8), alors que la bile servira à soigner la pathologie des yeux du père de Tobias, qui le rend aveugle (verset 9). La pathologie, connue par la tradition médicale grecque, est appelée
Comme je l’ai mentionné précédemment, les variantes de la tradition manuscrite s’avèrent particulièrement intéressantes en ce qui concerne le rapport entre Asmodée et Sara (3). À cet égard, Beate Ego86 note qu’au chapitre 6, verset 15, les trois témoins 319, VL et G1 préservent la version
Le dernier élément de nouveauté repérable dans le livre de Tobit est la confrontation entre ange et démon (4). Étant donné que l’opposition entre anges et démons est déjà présente dans certaines traditions du Second Temple, nous pouvons nous demander dans quelle mesure l’histoire de Tobit s’inscrit au sein de ces traditions. À cet égard, Stuckenbruck et Ego102 ont observé plusieurs indices d’une angélologie bien développée dans le livre de Tobit. Parmi ces indices on peut mentionner l’autorévélation de l’ange Raphaël comme une des puissances du trône (Tob 12,15) ; la référence au fait qu’il ne mange pas la nourriture des humains, (Tob 12,19) qui, comme nous l’avons vu, reprend une idée déjà présente ailleurs dans la LXX103 ; et la louange des anges dans la doxologie de Tob 11,14, plus développée dans S que dans les recensions104 :
Si la présentation de Raphaël reflète un certain savoir angélologique, d’après lequel les puissances célestes sont déjà organisées en hiérarchies et font elles-mêmes l’objet de louanges et de bénédictions, nous ne pouvons pas en dire autant pour Asmodée, qui est toujours caractérisé comme un personnage isolé. Il est « le démon mauvais » (
À cet égard, le rôle « positif » du démon du point de vue narratologique est assez inhabituel. Comme observé par Devorah Dimant et d’autres106, en tuant les maris de Sara avant qu’ils ne couchent avec elle, Asmodée préserve de facto la pureté de la fille et garantit le mariage endogamique, qui est un des soucis centraux du livre. De ce point de vue, le livre de Tobit renverse un motif associé aux démons dans d’autres traditions du Second Temple et dans la Septante elle-même, à savoir celui de l’impureté. En revanche, Daniel Machiela et Andrew Perrin107 ont observé avec Dimant des similarités entre la fonction d’Asmodée et celle du démon mentionné dans l’Apocryphe de la Genèse, une réécriture araméenne de la Genèse qui partage avec le livre de Tobit plusieurs éléments structurels et narratifs. Dans l’épisode du séjour d’Abraham et Sara chez le pharaon, un mauvais esprit (rwḥ šḥlny’, « l’esprit du flux », vraisemblablement une forme de diarrhée)108 attaque le pharaon par une maladie qui lui cause des souffrances physiques et l’empêche de coucher avec Sara. Comme dans le livre de Tobit, cet expédient justifie l’absence d’échange sexuel entre le pharaon et la matriarche, afin qu’elle soit restituée à Abraham sans avoir été souillée par une relation avec un non-Juif.
Dans ces deux écrits, largement concernés par le thème de la pureté, le renversement de la relation entre démons et souillure est motivé par des raisons de genre littéraire : leur nature de « contes » laisse une liberté qui n’est pas envisageable, par exemple, pour des textes rituels ou prophétiques, ce qui permet l’insertion de quelques éléments narratifs de type populaire, voire franchement humoristique. Les analogies entre le rôle joué par Asmodée dans le livre de Tobit et celui joué par le démon dans l’Apocryphe de la Genèse ainsi que l’attention aux thèmes de la pureté et de l’endogamie s’ajoutent à d’autres affinités entre les deux livres. À cet égard, il faut encore considérer qu’en Tobit les figures des protagonistes Tobit et Sara sont également inspirées par celles des patriarches Abraham et Sara et construites sur leur modèle (voir, notamment, le motif du mépris de la servante, qui rapproche Sara à Ecbatane de la matriarche). Ces similarités invitent, d’un côté, à considérer attentivement l’hypothèse que le livre de Tobit ressorte du même milieu littéraire araméen responsable de l’Apocryphe de la Genèse109. De l’autre côté, elles soulèvent la question de savoir dans quelle mesure nous ne pourrions pas considérer le livre de Tobit comme une forme de « rewritten Scripture ». Je reviendrai dans les conclusions sur les implications de cette affirmation.
En faisant à présent un bilan de ce parcours entre anges et démons, nous pouvons affirmer que, d’une part, plusieurs passages dans la LXX témoignent d’une amplification du nombre des anges ainsi que de leur importance. D’autre part, un tel développement semble marcher en parallèle à celui qui est attesté par différent textes tardifs de la Bible hébraïque. À cet égard, la nouveauté principale amenée par la traduction grecque semble être représentée par la nature pneumatique qui est explicitement attribuée aux anges. En outre, certaines traditions de la LXX, attestées surtout par les livres de Job, de Daniel et de Tobit laissent entrevoir la connaissance d’un système de puissances angéliques hiérarchiquement structuré, dans lequel certaines figures émergent comme proéminentes. Il faut également observer que l’aspect militaire et vengeur des anges mis en avant par plusieurs textes grecs en fait des puissances, à bien des égards, « démoniaques », y compris dans la pratique rituelle, comme l’attestent encore les inscriptions de Rhéneia. Cette remarque souligne, une fois de plus, à cette époque encore l’artificialité de toute distinction entre anges et démons fondée sur des critères moraux.
Pour sa part, la démonologie ne paraît pas aussi développée. La Septante offre plusieurs indices d’une progressive autonomisation du Satan par rapport à Yhwh, notamment dans les Chroniques, sans, pour autant, jamais l’identifier avec l’ennemi de Yhwh. À cet égard, il faut remarquer que tout contraste entre anges et démons demeure indirect, même si l’origine d’une opposition entre les deux catégories est claire dans, au moins, deux contextes : celui de la confrontation entre Satan et l’ange de Yhwh lors du jugement de Josué, en Zach 3, et celui de l’assemblée divine, dans le prologue du livre de Job, où le Satan est une figure bien différenciée du reste des anges. Là encore, dans les deux cas, la traduction grecque ne fait que prolonger des tendances déjà à l’œuvre dans le texte hébreu.
La seule exception est représentée par le livre de la Sagesse, qui connaît clairement des traditions sur le « diable », même si son auteur laisse très peu d’espace à ce personnage. Ce manque d’intérêt est probablement dû à des raisons littéraires : l’auteur du livre de la Sagesse était beaucoup plus intéressé à développer une discussion d’ordre philosophique qu’à fournir une étiologie mythique de l’origine du mal.
Le livre de Tobit représente ainsi un cas particulier dans la mesure où il transmet un certain nombre d’informations concrètes sur les démons : il atteste une identification entre démons et esprits mauvais, désormais conçus comme des agents externes à la cour céleste ; il préserve, en outre, une recette pour éloigner les démons, en nous renseignant ainsi sur les rapports étroits entre rituels contre les démons et médecine. Ces deux aspects s’inscrivent dans le développement de la démonologie telle qu’il est attesté par d’autres sources d’époque hellénistique, notamment à Qumrân110. Il faut toutefois s’abstenir de voir dans le livre de Tobit une démonologie poussée : on note également l’absence d’une description détaillée de l’activité du démon et une certaine réticence à associer ses attaques à une véritable forme de possession à l’égard de Sara ou de ses maris. En outre, l’exorcisme qui est mis en place par Tobias ne correspond pas aux expulsions qui sont décrites, par exemple, dans le Nouveau Testament et il n’est pas non plus accompagné par des conjurations ou des formules magiques, comme c’est le cas dans les papyri magiques ou dans les textes incantatoires : il ressemble plutôt à un rituel apotropaïque. Asmodée lui-même, comme nous l’avons vu, agit comme un personnage isolé et n’est pas attaché à une troupe de puissances de malheur. Nous pouvons, à ce titre, confirmer les conclusions que nous avions tirées au chapitre précédent concernant les esprits : même si la Septante se situe, à bien des égards, aux origines d’un savoir pneumatologique, angélologique et démonologique, ce savoir n’est pas encore soutenu par une vision véritablement dualiste du monde qui opposerait les forces angéliques « du bien » aux forces démoniaques « du mal ».
Voir, par exemple, Ps 18,10–16 ; 29,38.
Ciccarelli 2012, p. 204–207.
MacDonald 2013, p. 101.
Num 16,22 n’atteste pas des variantes significatives dans la tradition manuscrite ; en Num 27,22, et (
On peut déjà voir l’usage de
Num 27,18.
Doran 1981, p. 47–52 ; Doran et Attridge 2012, p. 89–90. Voir également Michalak 2012, p. 195–197 qui, étonnamment, ne cite pas l’étude de Doran.
Voir Black 1985, p. 189–191, d’après lequel l’épithète éthiopienne pourrait être un équivalent de l’expression « seigneur des armées » (
L’épithète apparaît en Ap 22,6 (« Le Seigneur, dieu des esprits »), et en He 12,9 (« père des esprits »).
Roussel et Launey 1937, no. 2532. Voir également Gager 1992, no. 87, avec dessin ; Noy, Panayotov et Bloedhom, no. 70 avec dessin, et 71. Pour un commentaire, voir Deissmann 1909, p. 315–326 ; Stuckenbruck 1995, p. 183–185 ; van der Horst et Newman 2008, p. 137–143 ; van der Horst 2013, p. 369.
Sur la présence des Samaritains à Délos, voir Lewelyn 1998, p. 148–151.
Gager 1992, p. 185.
Voir les remarques de Deissmann 1909, p. 321–322 et Stuckenbruck 1995, p. 183–185.
Parmi les travaux fondamentaux, voir Mach 1992 ; Stuckenbruck 1995 ; id. 2014 b ; Olyan 1993 ; voir, également, Michalak 2012 et Reed 2020. Des références bibliographiques supplémentaires sont données par Henten 1999, p. 52–53. Sur les messagers dans la Bible hébraïque, on peut voir, entre autres, Hirth 1975 ; Meier 1988. Parmi les ouvrages collectifs, on peut consulter Ries et Limet 1989 ; Reiterer, Nicklas et Schöpflin 2007.
Voir, à ce sujet, Barbu et Rendu-Loisel 2009, p. 331–337 ; A.T. Wright 2005 ; Stuckenbruck 2014 b.
Voir Hirth 1975, p. 25–31 ; Mach 1992, p. 65–114 ; Dogniez (dans Dogniez et Scopello 2006) ; Ausloos 1996, p. 101–102 ; id. 2008 ; Gammie 1985 sur le livre de Job ; Schenker 2001 et Ciccarelli 2012 sur le Psaumes ; Gilhooly 2017 sur Deut 33,2.
Par exemple en Gen 19 ; 2 S 24,16–18 ; Ps 78,49–50.
Par exemple en Gen 24,7 et 40 ; Ex 14,19 ; 23,20–23 ; 32,34 ; 33,2 ; Ps 91,11–13 ; Tob 5,21.
Par exemple en 2 R 19,35 (= Is 37,36) ; Zach 12,7–9 ; 2 Ch 32,21.
Voir également Gen 6,1–2 ; Job 1,6 ; 2,1 ; 38,7.
Voir Mach 1992, p. 73–86 ; Dogniez (dans Dogniez et Scopello 2006, p. 180–185).
Ce phénomène est attesté surtout dans les Psaumes, voir Schenker 2001.
Voir Gilhooly, 2017.
Moore 1977, p. 25. L’existence d’une Vorlage hébraïque pour les additions à Daniel est discutée. Plusieurs chercheurs considèrent ces additions comme des traductions de l’hébreu ; Lawrence Lahey (2015, p. 559–562) avance des arguments forts en faveur de l’idée qu’il s’agit de compositions originelles en grec.
Ps 103,20 et 148,2.
La situation est évidemment différente à Qumrân où les membres de la communauté sont, en quelque sorte, associés à la communauté céleste qui célèbre Yhwh. Voir, sur ce point, Dimant 1996 et la mise au point récente de Walsh 2019 avec bibliographie relative.
Blum 1990, p. 361–382. Les passages en question sont : Ex 14,19 ; 23,20–33 ; 33,2–4 ; Jug 2,1–5. Blum inclut également Ex 34,11–27, qui ne fait toutefois pas mention de l’ange. Un autre texte douteux est Gen 24.
Voir la bibliographie donnée par Ausloos 2008.
4QSama (= 4Q51), fr. 164–165, l. 1–3 (ed. Cross et al., 2005, DJD 17, p. 192–193) ; Driesbach 2016, p. 325–326.
Dion 1985 ; Klein 2006, p. 415–416. Sur l’importance du mal’āk dans cet épisode, voir aussi Beentjes 2007, p. 149–152.
Comme le conclut justement aussi Dogniez (dans Dogniez et Scopello 2006, p. 194–195).
Ausloos 1996, p. 102 ; Le Boulluec et Sandevoir 1989, p. 239 ; Nihan, à paraître, p. 165–167.
Ps 77,25 (= TM 78,25), repris en Sap 16,20.
Dan 2,11.
Voir § 3.2.3.
2 Mac 11,6 ; 15,23.
Job 40,19 et 25. Pour la manière dont le traducteur élabore cette expression à partir de son texte source, voir l’étude, désormais classique, de Gammie 1985, p. 8–10 ; sur la technique de traduction anaphorique qui est employée ici, voir Heater 1982, p. 6–7 et 126–127 ; Angelini 2018 a, p. 106–107. Il est probable qu’en grec la péricope de Job 40,19–41 et 25 se réfère entièrement au Léviathan, alors qu’en hébreu le verset 19 se réfère au Béhémoth. Voir Dhont 2017, p. 276–277.
À l’exception de l’article de W. Foerster dans le TWNT qui fait une place à la LXX (TWNT 2, p. 79–80) et de quelques entrées de dictionnaires et lexiques, je n’ai connaissance d’aucune étude d’ensemble sur
P. Day 1988. Pour un bilan de la recherche sur la figure du Satan, voir D.R. Brown 2011.
Si, d’une part, la présence de l’article déterminatif confirme le fait qu’il s’agit d’un titre ou d’une fonction (White 2014, p. 109), il faut, d’autre part, remarquer que l’absence de l’article n’est pas aussi dirimante qu’on l’a souvent répété. Premièrement, lorsqu’il n’est pas précédé de l’article, śāṭān pourrait tout simplement indiquer « un accusateur » ; deuxièmement, et de manière plus générale, dans la Bible hébraïque, la distinction entre nom et fonction n’est pas toujours très nette, comme nous l’avons vu dans les cas de Resheph, Qeṭeb et Deber. La question n’est pas de savoir si Satan fonctionne ou pas comme un nom propre dans la Bible hébraïque, mais de savoir si et dans quels contextes il faut reconnaître en śāṭān le personnage de « Satan », à savoir l’opposant majeur de Yhwh. La seule présence ou absence de l’article ne suffit pas à résoudre cette question.
Voir Fabry 2003, pour lequel le śāṭān est une création littéraire de l’époque postexilique.
Stokes 2014.
Ainsi dans les livres de Samuel et des Rois et également en Num 22.
Silverman 2014.
Il me paraît toutefois difficile qu’il s’agisse d’un adversaire militaire humain, comme le proposent Sara Japhet (1989, p. 115–116) et Pancratius Beentjes (2007, p. 140), tout d’abord en raison du contexte : on ne comprend pas pour quelle raison David aurait écouté le conseil d’un ennemi de faire un recensement de la population, vu que l’hostilité à ce type d’opération est un thème bien connu dans l’Antiquité. En outre, comme l’observe justement Ralph Klein (2006, p. 418), les verbes ‘md « se tenir » et swt, « inciter », apparaissent déjà en Zach 3,1 et Job 2,3, en relation à l’adversaire. Le doute pourrait éventuellement se poser à propos de la traduction grecque des 1 Ch 21,1 car
P.Cair. Zen 3 59481 et P. Mich 5 243.
Ar., Eq. 44–45, Paphlagon est
Xen., Ages. 11, 5.
Arist., Top. 126 a.
And. 2, 24.
Il se peut que le passage soit corrompu. Le verbe yrṭ est très rare, et il est probable que le traducteur, avec d’autres versions anciennes dont notamment le Pentateuque samaritain, lisait une forme yr‘ ou hr‘ (« mauvais »), donc bien traduite par
Caird 1968, p. 471 no. 52.
Ps 38,21 (= 37,21 LXX) ; 71,13 (= 70,13 LXX) ; Ps 109.
Voir, notamment, le manuscrit e2 dans l’édition de Brooke, McLean et Thackeray 1932 :
1 Regn 29,4 ; 2 Regn 19,23 ; 3 Regn 5,18.
Voir Macchi 2016, p. 387.
Sap 2,24.
Vie d’Adam et Ève 10–17 ; 2 Hen 31,6. Voir Winston 1979, p. 121–123 ; Hogan 1999, p. 19 ; Kolarcik 1991, p. 139.
Kolarcik 1991, p. 159–184. Le contexte du débat sur la mort spirituelle rend encore moins probable la proposition avancée par quelques chercheurs de voir en Sap 2,24 une référence au meurtre d’Abel par Caïn en Gen 4 car cet épisode constituerait le véritable moment où la mort physique entre dans le monde : voir, par exemple, Gregg 1909 ; Levison 1988, p. 51–52. Il faut, en outre, observer qu’il n’y a aucune référence à Caïn dans le reste de la péricope sur les impies (Sap 1,16–2,14), la seule référence explicite à Caïn se trouvant en Sap 10,3–4. Hogan 1999 et Blischke 2015, p. 163–164 pensent que Sap 2,24 peut faire référence en même temps à Adam et à Caïn, notamment car Sap 10,3–4 évoque sucessivement ces deux figures.
Kolarcik 1991, p. 139–146. Voir, en outre, les remarques de Hogan 1999, p. 2–3.
Scarpat 1989, p. 162–167. Il me paraît pourtant très hasardeux de voir une identification entre le diable et la mort en tant que chefs d’un royaume opposé à celui de Dieu, comme le propose Amir 1979 ; voir, à ce sujet, déjà la critique de Kolarcik 1991, p. 75–76.
Mt 13,38 et 49.
Pour une troisième proposition de traduction du verset faite par André-Marie Dubarle, d’après laquelle les impies « tentent le monde », ainsi que pour sa critique de la part de Stanislas Lyonnet, voir la discussion en Scarpat 1989, p. 165–166 et Kolarcik 1991, p. 76.
Les fragments ont été édités par Joseph Fitzmyer (dans Broshi et al. 1995, DJD 19, p. 1–76, voir également Fitzmyer 1995 a), et analysés à nouveau par Hallermayer 2008. Les fragments supplémentaires du papyrus Schøyen (MS 5234) sont probablement des faux (voir Elgvin et Langlois 2019, p. 132). Une édition synoptique de tous les témoins textuels de Tobit a été préparée par Weeks, Gathercole et Stuckenbruck 2004.
La reconstruction des relations entre les manuscrits de la Vieille Latine est très complexe car ceux-ci divergent beaucoup entre eux. Pour un état de la question voir Auwers 2005. Pour l’analyse des rapports entre les témoins latins et grecs, voir Weeks 2013, p. 2–5. Je discuterai les variantes du Codex Regius 3564, de la Bible d’Alcalà et du Codex Reginensis no. 7 (respectivement no. L1, L2, L3 dans Weeks, Gathercole et Stuckenbruck 2004 ; Q, X et W dans Hanhart 1983 b).
No. H2–H7 dans Weeks, Gathercole et Stuckenbruck 2004.
Voir, à ce sujet, la mise au point de Perrin 2014, p. 111–113.
Hanhart 1983 a édité en synoptique les textes G1 et G2, en se fondant surtout sur le Sinaiticus. Également précieuse est son analyse des témoins (Hanhart 1984). Une édition séparée du Sinaiticus est désormais disponible (Littman 2008).
= d en Hanhart 1984, p. 57–58.
Cette approche est encore exemplifiée par des introductions récentes au livre de Tobit dans la LXX, comme par exemple Hauspie 2016.
Nicklas et Wagner 2003.
Stuckenbruck et Weeks 2015 ; voir également Weeks 2006 ; id. 2013 et Perrin 2014, qui est le seul état de la recherche sur Tobit qui tienne compte de cette complexité.
Voir déjà les remarques d’Hanhart 1984, p. 46–48.
Stuckenbruck 2002 ; Ego 2003 ; id. 2006.
4Q197 (= 4Q Tobitb ar) fr. 4 i ll. 13–14, Fitzmyer (dans Broshi et al. 1995, DJD 19. p. 44) ; Hallermayer 2008, p. 93.
Voir, par exemple, 4Q510 fr. 1, l. 1.5 : « esprits des bâtards, démons, Liliths » ; 11QPsApa (= 11Q11) 4 ii 3 « esprits et démons » ; 1 Hen 99,7, où il est question de la vénération de « mauvais esprits, démons et toutes sortes d’erreurs » ; Jub 10,1–14, où les démons sont les descendants des esprits désincarnés des géants.
3 Regn 5,18 ; Eccl 9,11.
Voir p. 100–101.
Deines 2003, p. 368, suivi par Hallermayer 2008, p. 103.
PGrenf. I. 33. 1 ; P.Trophitis 2 Ro 10 [= SB 20 14471, 10] et al. ; Dsc. 3, 84. Voir Kollmann 1994, p. 293–297.
Stuckenbruck 2002, p. 265–268.
Le mot est encore employé en Tob 11,8 et 11.
4Q197 (= 4Q Tobitb ar) fr. 4 i l. 9, Fitzmyer (dans Broshi et al. 1995, DJD 19, p. 44) ; Hallermayer 2008, p. 93.
Tob 2,10.
Stuckenbruck 2002, p. 268, Pace Kollmann 1994, p. 299. Stuckenbruck émet également l’hypothèse que l’élimination de la recette préservée par S dans les autres versions remonte à une volonté d’épurer le livre du vocabulaire médico-magique et de séparer plus nettement magie et médecine.
Ego 2003 ; id. 2006.
La restitution de ce passage proposée par Fitzmyer en 4Q196 VI 15, fr. 14 i l. 4 (dans Broshi et al. 1995, DJD 19, p. 20) est discutée car le texte est lacunaire : voir Hallermayer 2008, p. 63. L’accord entre 319, VL et G1 fait néanmoins pencher pour l’hypothèse selon laquelle cette leçon serait déjà présente dans la Septante ancienne.
Dion 1976.
1 Co 7,27. Voir l’étude de Instone-Brewer 2001.
Contra Folmer 2016, p. 282–283 qui souligne que le terme pṭr dans le sens de « divorcer » n’est attesté que tardivement en araméen palestinien.
Voir notamment le rituel de « divorce » du démon en KAR 66, édité et traduit par Schwemer 1998, p. 60–62, qui cite également KAR 177. D’autres exemples en CAD 6, s.v. ḫaru, p. 119, section 1 c.
Ego 2006, p. 375 ; Folmer 2016, p. 284–286.
Voir des exemples dans Dickie 1999.
Voir supra, § 3.2.3 ; comparer, en outre, avec Versnel 1991 ; Kotansky 1995.
Tob 3,17 ; 12,14.
Tob 6,15.
Voir supra, p. 249.
Jos., AJ 6, 166.
Hp., Mul. (De morbis mulierum) 1, 7 (8, 32–33 Littré). Mariage et coït étaient parmi les thérapies systématiquement conseillées.
Philops. 16, 1–5. Sur les démons « invasifs » voir Sfameni Gasparro 2001, p. 163–164. Voir également Kotansky 1995, p. 246–247 et bibliographie relative.
Plut., Def. orac. 417d. Voir, sur ce sujet, les remarques de Turcan 2003 et supra, p. 68.
Stuckenbruck 1995, p. 164–167 ; Ego 2007.
Ps 77,25 (= TM 78,25) ; Sap 16,20. Voir supra, p. 279–280.
D’après Stuckenbruck (1995, p. 164–167) il est possible que cette doxologie ait été raccourcie par les recensions car elle offrait trop d’éléments en faveur d’un culte des anges.
Voir Fitzmyer 2003, p. 150–151 ; Hutter 1999 a, p. 106–108.
Dimant 2017, p. 185–187.
Machiela et Perrin 2014, p. 127–131. Voir également Dimant 2017, sur l’importance d’analyser le livre de Tobit à la lumière d’autres productions araméennes retrouvées à Qumrân.
1Q GenAp (= 1Q20) 16–19, éd. Machiela 2009.
Pour cette hypothèse, voir Machiela et Perrin 2014 ; Dimant 2017, p. 173–191.
Sur les herbes contre les démons, voir encore Jos., BJ 7, 180–185. Voir, sur ce point, Deines 2003, Bohak 2008, p. 88–95, Angelini, à paraître.