Introduction La “Constitution économique” : Approche contextuelle et perspectives interdisciplinaires

In: The Idea of Economic Constitution in Europe
Authors:
Guillaume Grégoire
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Xavier Miny
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Résumé

Le concept de Constitution économique, s’il fait florès dans la doctrine juridique européenne, ne se situe pas moins également au carrefour d’autres sciences humaines et sociales et possède une riche histoire. Alors que la question de la marge de manœuvre des pouvoirs publics dans le champ économique se pose avec acuité sur l’ensemble du continent, en particulier depuis la crise économique et financière et la récente pandémie mondiale, la présente étude se propose de remettre en perspectives historique et théorique les thèses relatives à la Constitution économique et d’analyser quelques effets et conséquences extra-juridiques du processus actuel de constitutionnalisation de l’ordre de marché. Revenant sur les considérations scientifiques qui ont présidé à l’élaboration de ce projet de recherche collectif, l’introduction vise à expliciter les buts et présupposés de l’ouvrage, à exposer la méthode privilégiée par ses concepteurs, ainsi qu’à présenter sommairement l’ensemble des contributions reprises dans le volume.

Un concept au carrefour des « sciences de la culture »

Les 16, 17 et 18 décembre 1970 eut lieu à l’Université de Liège, à l’initiative de l’Institut d’Études Juridiques Européennes (ieje), un colloque international rassemblant des scientifiques et intellectuels de différentes origines autour du thème de « la constitution économique européenne »1. Trois domaines furent alors abordés à l’occasion de cette rencontre dans l’ancienne capitale de la principauté épiscopale éponyme : la répartition des responsabilités et des pouvoirs de décision économique, les rapports entre la politique de concurrence et la politique économique de la nouvelle structure européenne et, enfin, la place des entreprises publiques au sein de l’économie européenne intégrée. Cet évènement marqua, parmi quelques autres, l’entrée de la notion de « constitution économique », désormais classique, dans le lexique juridique européaniste2. Que ce soit pour qualifier les libertés de circulation et le caractère économiquement ordonnateur du droit de la concurrence (le « constitutionnalisme du marché intérieur »)3 ou pour caractériser la mise en place de l’Union économique et monétaire (la « constitution macro-économique de l’Union »)4, cette catachrèse « constitutionnelle » joue en effet, depuis lors, un rôle structurant au sein de la recherche en droit européen.

La diffusion croissante de l’expression « constitution économique » dans les travaux relatifs à l’intégration européenne se trouve du reste renforcée par un double mouvement doctrinal. D’une part, ce syntagme s’est vu transposé et appliqué à différents ordres juridiques étatiques5 ainsi qu’à certaines organisations internationales (gatt, omc, oit, etc.)6. D’autre part, une partie de la littérature en sciences juridiques s’est attachée à remettre en perspective historique et théorique plusieurs aspects de ce concept générique7. De surcroît, ces tendances ont pu se renforcer et se consolider mutuellement : les études généalogiques ramènent parfois à certaines controverses spécifiquement nationales8, alors que l’analyse d’un ordre juridico-économique particulier nécessite, le plus souvent, une contextualisation historique ou théorique9. L’extension graduelle de l’usage du concept a dès lors progressivement conduit à l’éclosion d’une nouvelle branche du droit économique : le « constitutionnalisme économique »10, qui s’attache tant à l’analyse des théories économiques qui ont pu imprégner certaines normes supra-législatives11 qu’à celle des jurisprudences des cours suprêmes y afférentes12.

En parallèle, et au-delà du seul champ juridique, cette notion a par ailleurs été mobilisée par d’autres disciplines des sciences humaines et sociales13. À la suite des travaux séminaux des ordolibéraux allemands et de leurs compagnons de route14, de nombreux courants des sciences économiques ont développé leur interprétation du concept, le cas échéant sous le vocable renversé d’« économie constitutionnelle » (constitutional economics)15 ou dans une perspective d’ « économie politique constitutionnelle » (Constitutional Political Economy)16.

Les études sociologiques ne sont pas en reste : sous la figure tutélaire d’un auteur aussi commenté que Niklas Luhmann17, Gunther Teubner s’est attelé, dans une perspective elle aussi plutôt libérale18, à penser l’articulation entre systèmes politique, économique et juridique à partir de la notion de « constitution économique »19. À l’inverse, quoique toujours au départ de cette notion cardinale, d’autres auteurs ont cherché à proposer une approche sociologique plus critique des relations entre droit, pouvoir et ordre de marché, en s’inspirant notamment des travaux de Karl Polanyi et de Max Weber20. Critiquant les paradigmes économico-politiques qui se sont affirmés depuis une cinquantaine d’années, certains auteurs ont ainsi identifié un nouvel âge de la biopolitique21 et relevé un « retrait de l’État »22 dans un contexte global où « [l]es États ont des racines et les investisseurs des ailes », selon la formule d’Ulrich Beck23, et où le décideur politique serait rabaissé par la rationalité néolibérale au rang de manager24.

Tous ces débats doctrinaux impliquent chacun, directement ou indirectement, la question éminemment politique du degré de liberté laissé au législateur, pour ne pas dire au souverain, dans la sphère économique25. Se dessine ce faisant une opposition qui traverse autant qu’elle structure le concept de « constitution économique » : l’organisation et l’ordonnancement juridiques des rapports de production, de distribution et de propriété au sein de la société doivent-ils se faire autour d’un idéal de démocratie (fût-elle représentative) – c’est-à-dire en poursuivant une autonomie théoriquement maximale du corps politique y compris en matière économique – ou, au contraire, cette sphère économique se révèle-t-elle hors de portée de l’agir collectif et doit-elle par conséquent être régie par des principes hétéronomes et transcendants (les « lois naturelles de l’économie ») – à opposer, si les circonstances l’exigent, à la volonté de la majorité du corps politique ?26

C’est cette seconde branche de l’alternative que réclament les tenants d’une « démarchie » hayekienne27 et d’un État de droit prolongé à la sphère économique pour consolider l’ordre (réputé « naturel ») de marché – et le préserver des desiderata de la pseudo « démocratie de masse »28 de nature à générer un régime collectiviste et dirigiste29. Invité par l’Assemblée des professeurs du Collège de France à commenter les débats qui se tiennent en Allemagne autour de l’Union européenne et de son déficit démocratique, Dieter Grimm a ainsi largement dépassé le contexte européen dans sa conférence du 29 mars 2017 pour opposer in fine démocratie et constitutionnalisme30, dès lors qu’« [u]ne fois inventée, la constitution pouvait être utilisée pour des buts différents des buts originaux [à savoir garantir la démocratie et les droits fondamentaux]31. Il devenait possible d’utiliser la forme de la constitution sans utiliser le contenu ; mais un tel détournement porte préjudice à l’acquis constitutionnel »32. C’est bien entendu une telle réorientation – démophobe pour quelques-uns de ses commentateurs33 – du cadre constitutionnel qui a inspiré les tenants du néolibéralisme.

Cette antinomie entre « constitutionnalisme économique » et « démocratie », pour latente qu’elle apparaisse au premier abord, fut (re)mise au jour de manière plus explicite à la suite de la « Grande Récession » de 2008–2010 et de la crise des dettes souveraines qui s’ensuivit. Les réformes européennes et nationales adoptées pour y faire face ont en effet réactualisé, avec plus de vigueur encore, cette tension34 – en attestent les réactions à la désormais célèbre sentence de Jean-Claude Juncker, alors Président de la Commission, face à la perspective d’une victoire législative de Syriza en Grèce: « [i]l ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens »35. Évidemment, l’essoufflement du projet d’intégration, la crise de légitimité que traversent les parlements, la défiance à l’égard des structures décisionnelles et des partis traditionnels36, la valorisation des appartenances et solidarités communautaires, l’émergence d’idées et de courants décrits, à tort ou à raison37, comme populistes38, la demande de renforcement des frontières physiques, qui projettent l’illusion rassurante du contrôle des flux humains39, et, enfin, les succès électoraux des formations situées davantage aux extrémités du spectre politique ne sont pas non plus sans rapport avec le sentiment d’impuissance publique40. Si ce dernier interroge dès lors tout particulièrement les rapports qui se sont progressivement noués entre les sphères politique et économique, empêchant de plus en plus la première de soumettre la seconde, la thématique ici retenue n’en reste pas moins également connectée à d’autres objets d’étude, relevant du droit public, de la théorie de l’État ou de la philosophie politique, qui partent du constat selon lequel l’État post-moderne41 se trouve structurellement en crise.

Dans ce contexte, le constitutionnalisme économique entre dans une période charnière. Il s’affirme certes de plus en plus en tant que branche majeure du droit public, mais il reste cependant tributaire de nombreuses controverses théoriques fondamentales touchant à la signification même du concept de « constitution économique » et, partant, au champ d’investigation spécifique de cette discipline située au confluent du droit, de l’économie, de la philosophie politique et de la sociologie. Un demi-siècle après le colloque fondateur de l’ieje, il apparaît ainsi utile et opportun de procéder à un état des lieux de la question, tant diachroniquement, par l’étude de l’évolution et des déplacements de significations dont le concept a pu faire l’objet, que synchroniquement, par l’analyse de son actualité au sein des ordres juridiques européen et nationaux.

Objectifs de l’ouvrage et présupposés épistémologiques

L’objectif de l’ouvrage est donc double. Il s’agit, d’une part, d’expliciter les présupposés aussi bien théoriques qu’idéologiques des thèses relatives à la « constitution économique ». Cette attention aux rapports entre « savoir » et « idéologie », loin de trouver sa source dans une conception négative et réductrice de la science comme système de représentations faussées servant à voiler les rapports de domination qui traversent la société42, puise au contraire aux sources de l’épistémologie historique43. Celle-ci enseigne en effet que les sciences – en particulier humaines et sociales – se trouvent inévitablement prises et imbriquées dans le jeu des relations de pouvoir et des luttes idéologiques qu’elles tentent pourtant de saisir, pour ainsi dire, de l’extérieur44. Un tel postulat ne leur enlève évidemment en rien l’importance qu’elles ont pour appréhender le réel, ni ne permet de les réduire à de simples justifications théoriques de rapports de pouvoir empiriques, c’est-à-dire à de pures et simples légitimations idéologiques45. Cette perspective implique néanmoins, sinon la nécessité, du moins la possibilité d’analyser la part de conditionnement qu’ont joué (et que jouent encore) ces relations de pouvoir vis-à-vis de l’édification progressive d’un savoir ou, plus modestement, pour ce qui nous concerne ici, d’un concept central situé au carrefour des diverses sciences de la culture, et en particulier de la science du droit. Autrement dit, plus qu’une histoire linéaire du concept de « constitution économique », c’est sa généalogie polémique qu’il s’agit ici d’esquisser46.

D’autre part, l’ouvrage nourrit l’ambition de mettre au jour, au-delà d’une analyse strictement positive du droit en vigueur, qui garde toute son importance, quelques effets et conséquences extra-juridiques (en particulier politiques) du processus de constitutionnalisation économique et des théories qui s’y rapportent. Puisque les entreprises de conceptualisation sont elles-mêmes imbriquées dans des relations de pouvoir et autres luttes idéologiques, elles affectent, par effet retour, la réalité sociale qu’elles tentent de saisir et de restituer. Comme l’enseigne Koselleck et son histoire des concepts (Begriffsgeschichte)47, « un concept n’est pas seulement l’indice des rapports qu’il saisit, il est aussi l’un de leurs facteurs [; c]haque concept ouvre certains horizons, comme il en ferme d’autres, d’[autres] expériences possibles et [d’autres] théories pensables »48. Le travail d’abstraction, les problématisations scientifiques et les débats théoriques qui les entourent influencent donc, dans le présent et pour l’avenir, les équilibres de pouvoirs au sein de la société, dans la mesure où ils définissent le cadre du pensable, du dicible et du faisable49. En d’autres termes, les effets d’une conceptualisation relèvent bel et bien du domaine du réel, en (rétro)agissant sur sa perception.

Il convient dès lors non seulement d’analyser les débats théoriques dans leur rapport au contexte historique, politique et idéologique dans lequel ils émergent, mais également de comprendre comment ces luttes d’interprétation influent sur l’évolution des équilibres institutionnels – transformant de la sorte ce contexte historique et politique.

Cette position épistémologique qui cherche à prendre au sérieux la dialectique qui s’opère entre l’entreprise de conceptualisation des sciences humaines et sociales et la réalité empirique de la société (et des relations de pouvoir qui la traversent et la structurent) entraîne alors inévitablement des conséquences méthodologiques, qui irriguent et inspirent le travail collectif à l’origine du présent ouvrage. Au premier rang de ces exigences de méthode figure la nécessité de développer une approche contextuelle et interdisciplinaire du droit, en l’occurrence économique.

La méthode : approche contextuelle et ouverture interdisciplinaire

Dans son ouvrage majeur sur « Le concept de droit » (The Concept of Law)50, Herbert Hart distingue entre deux approches possibles du phénomène juridique : la première se propose d’examiner le droit positif de l’intérieur (en adoptant le point de vue des acteurs des systèmes juridiques étudiés) ; la seconde tente de cerner les influences extra-juridiques qui permettent de comprendre les choix posés en droit positif. Cette dernière approche part ainsi du principe que les choix précités ne sont pas déterminés par les seules contraintes internes au système juridique proprement dit. Schématiquement, on peut donc dire que l’approche interne du droit consiste à se placer dans la logique endogène d’un ordre juridique, de ses fictions, de sa hiérarchie des normes, de ses constructions jurisprudentielles, etc. Autrement dit, elle reste au sein du discours du droit, à l’intérieur des limites posées par la « théorie pure » du droit51. En revanche, l’approche externe cherche quant à elle à mettre en évidence les liens entre le phénomène juridique et son environnement (son « contexte »), en étudiant comment le second conditionne le premier. Elle produit, en ce sens, un discours sur le droit en explicitant les influences exogènes qui le déterminent.

On considère parfois que la première approche renvoie à la science du droit, là où la seconde échoit aux sciences sociales prenant pour objet d’étude le phénomène juridique. Cependant, à rebours de cette conception pour ainsi dire orthodoxe, différents courants juridiques estiment que ces deux approches – interne et externe –, loin de s’exclure, se soutiennent mutuellement ou, ce qui revient au même, qu’une étude interne au droit ne peut faire l’économie de considérations extra-juridiques52, tout comme une étude de sciences sociales prenant le droit pour objet (approche externe du droit) peut difficilement faire l’impasse sur la logique interne des phénomènes juridiques étudiés53. Pour appréhender pleinement un phénomène juridique, il convient dès lors, selon cette conception – que nous partageons entièrement –, de faire dialoguer dialectiquement ces deux approches et, plus généralement, les diverses disciplines intra- et métajuridiques. Comme le notent Antoine Bailleux et François Ost, « [l]e droit se présente à la fois comme intrinsèquement distinct de son environnement (il ressortit à l’univers du Sollen par opposition au monde du Sein) et inextricablement lié à ce dernier, qui en constitue l’alpha (le droit émerge de la société) et l’oméga (le droit influe sur la société) »54. Dans ce contexte, « [j]oindre à une analyse strictement juridique des enseignements des sciences sociales, c’est reconnaître que le droit ne peut être adéquatement saisi que dans cette double dimension (simultanément dans et hors le contexte) »55. Cette « approche contextuelle du droit » appelle alors nécessairement une certaine pratique interdisciplinaire.

En partant du présupposé qu’une discipline scientifique n’étudie pas un objet naturel qui lui serait en quelque sorte donné, mais au contraire construit son objet d’étude par la mobilisation d’hypothèses, de méthodes et de concepts qui constituent autant de limites conventionnelles posées entre l’objet et son environnement social, il appert que les autres disciplines scientifiques ont autant à dire sur le phénomène juridique que la science juridique a à dire sur le contexte social dans lequel émerge du droit et sur lequel influe, en retour, ce droit. Partant, « [l]a science du droit en contexte que nous appelons de nos vœux est donc celle qui, s’enracinant dans le discours juridique et dans les mythes qu’il charrie (qui sont en quelque sorte l’adn du droit), parvient à s’en dégager partiellement (réflexivement) à la faveur d’une confrontation aux sciences sociales et à leurs propres analyses du droit »56.

Dans ce cadre, l’interdisciplinarité que nous revendiquons implique de confronter dialectiquement les discours du droit (science du droit) et sur le droit (sciences sociales) pour mieux appréhender tant le phénomène juridique en tant que tel que ce que révèle le phénomène juridique étudié sur la société dans laquelle il est situé. De la sorte, on opère un certain décalage disciplinaire à la fois sur les méthodes et sur l’objet qui caractérisent ces disciplines scientifiques, ce qui aboutit alors à un décloisonnement partiel – et à un certain rapprochement – des sciences juridique et sociales.

Parmi les approches externes du droit, le mouvement « Law and Economics », aussi connu sous le qualificatif d’« analyse économique du droit »57, fait figure, depuis son éclosion en 1960 avec la publication de l’article de Ronald Coase intitulé « The Problem of Social Cost »58, de parangon. Cette approche se donne pour projet d’appliquer les concepts, les outils et les méthodes des sciences économiques – en particulier « néo-classiques » – pour appréhender, expliquer et évaluer les phénomènes juridiques. Cette démarche d’économicisation du droit aboutit alors, comme c’est le cas notamment chez Friedrich Hayek, à l’idée que les normes juridiques constituent certes le cadre dans lequel les processus de marché peuvent s’épanouir et s’étendre à l’ensemble des conduites humaines, mais qu’elles sont également elles-mêmes « spontanément » l’objet des mécanismes de sélection inhérents à ces processus et logiques de marché59. Autrement dit, les règles abstraites permettant la mise en concurrence des comportements individuels devraient elles-mêmes être soumises au marché – c’est-à-dire soumises au principe de concurrence – afin d’assurer l’efficience maximale du système60. Cette approche induit alors la primauté de l’« économique » sur le « juridique » et la marginalisation du « politique ».

En opposition à cette analyse économique du droit qui relativise, voire nie, le politique en assimilant l’économie à une donnée naturelle et en faisant du droit positif un simple instrument au service de l’ordre de marché objectivé61, l’approche contextuelle du droit économique cherche alors, quant à elle, à faire ressortir, à partir de l’étude du droit positif, les diverses théories économiques sous-jacentes aux institutions juridiques ainsi que les considérations politiques qui imprègnent ces institutions et ces théories. En restaurant la place essentielle de la politique et la question fondamentale du « pouvoir » au sein de la société, on pourrait ainsi, à l’instar de Michael A. Wilkinson et d’Hjalte Lokdam, qualifier cette approche de « Law and Political Economy »62. Celle-ci, comme le résument les auteurs, adopte une « perspective interdisciplinaire, considérant les marchés comme des champs de pouvoir social qui ne sont pas spontanés mais créés et reproduits dans la rencontre des normes juridiques, de l’action politique et de l’activité économique [ : p]ar la régulation des relations économiques, l’ordre politico-juridique constitue et reconstitue les rapports de pouvoir qui composent la société [; c]eci, à son tour, est conduit par la formation d’intérêts de classe, sectoriels et géopolitiques, ainsi que par des convictions idéologiques, qui exploitent l’autorité politique et juridique »63.

Au fondement de cette approche critique affleurent les analyses et thèses développées par Karl Polanyi dans son ouvrage majeur consacré à La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps64. L’ensemble du propos du penseur hongrois tend en effet à mettre en évidence, d’une part, le caractère socialement enchâssé de tout système de production et de distribution de biens et services – l’économique est, en ce sens, encastré dans la société – et, d’autre part, le caractère juridiquement construit et socio-historiquement conditionné de l’économie de marché. Cette dernière est alors comprise non comme un donné naturel, mais comme une entreprise politique de « désencastrement » de l’économie vis-à-vis de la société, notamment à travers l’adoption délibérée de normes législatives65. L’intérêt d’un tel désencastrement réside, selon cette conception, dans l’idée d’établir, précisément, une société de marché, c’est-à-dire une communauté humaine soumise à l’ordre concurrentiel du marché. Le marché, considéré comme « autorégulateur », devrait du reste s’imposer, dans ce projet politique, à tous les phénomènes sociaux, y compris aux activités humaines (marchandisation du travail), aux échanges (marchandisation de la monnaie), ainsi qu’à la nature (marchandisation de la terre)66. La démarche de Karl Polanyi, insistant sur l’architecture institutionnelle rendant possible l’ordre de marché, tend donc à dénaturaliser l’économie telle qu’elle se présente dans sa forme historique et constitue donc, termes à termes, la réfutation des hypothèses de l’analyse économique du droit et de ses fondements épistémologiques hayekiens67. Cela induit alors, a contrario, la nécessité d’une approche plus globale et compréhensive des objets étudiés, prenant au sérieux l’« encastrement » social des phénomènes économiques, mais aussi juridiques ; autrement dit, d’une approche contextuelle et interdisciplinaire du droit économique et, en l’occurrence, du constitutionnalisme économique.

Présentation de l’ouvrage : une esquisse généalogique du concept

C’est dans le cadre de cette approche que se placent résolument les travaux rassemblés dans le présent ouvrage collectif. En s’appuyant sur les disciplines méta-juridiques (histoire du droit, théorie du droit, droit comparé) et sur une interdisciplinarité plus large (sociologie, science économique, philosophie politique, histoire des idées, etc.) pour éclairer les débats internes au droit positif (des États et de l’Union européenne), il s’agit de mettre au jour, à partir de l’étude d’un concept juridico-économique particulier, la « constitution économique », certaines problématiques et certains phénomènes sociaux qui traversent les sociétés occidentales. Pour ce faire, l’ouvrage est réparti en trois parties, chacune consacrée à un axe de recherche spécifique. Ces trois parties sont à leur tour subdivisées en deux sections correspondant à des thèmes complémentaires mais distincts. Ces deux sections sont discutées par quatre chercheurs spécialisés : deux premiers contributeurs ont l’occasion de présenter de manière détaillée leurs points de vue, arguments et conclusions sur le sujet ; ces deux contributions sont ensuite mises en perspective par deux ‘discutants’, qui développent leurs propres positions sur le sujet en créant des liens (concordants ou discordants) et en établissant des ponts avec les contributions discutées.

La première partie est dédiée à la généalogie du concept de « constitution économique », c’est-à-dire à l’étude diachronique de l’apparition et de l’évolution de la notion, depuis les débuts de l’autonomisation scientifique de la discipline économique, avec la Physiocratie, jusqu’aux doctrines néolibérales contemporaines, en passant par l’entre-deux-guerres, caractérisé par la contestation (socialiste et fasciste) de l’ordre constitutionnel et libéral « bourgeois ».

La première section est consacrée à l’émergence du concept en se focalisant, d’une part, sur l’école physiocratique (1757–1776) et, d’autre part, sur les débats doctrinaux ayant animé la République de Weimar (1919–1933). Dans un premier temps, Philippe Steiner nous propose une étude relative au mouvement intellectuel précurseur de la science et du libéralisme économiques, à savoir la Physiocratrie, qui est traditionnellement considérée comme la première école de pensée à avoir explicitement développé, à partir de fondements épistémologiques jusnaturalistes, l’idée d’une « constitution économique », entendue alors comme ordre juridico-économique naturel – à retranscrire idéalement en droit positif – qui s’imposerait, et donc limiterait, les pouvoirs du monarque absolu. L’auteur dévoile en particulier « la vision irénique d’un fondement économique pacifique au niveau des échanges entre l’Europe et le reste du monde » que développent les physiocrates, préfigurant à certains égards le projet d’intégration européenne de la seconde moitié du xxe siècle.

Si le concept semble toutefois avoir traversé une période de reflux au cours du xixe siècle, la question de la « neutralité économique de la constitution » – et, à travers elle, de la possibilité ou de la nécessité de limiter les pouvoirs du législateur dans la sphère économique – a néanmoins connu un nouvel essor au début du xxe siècle. Dans un contexte de prolongement de la « question sociale », de constitution du prolétariat en force politique de premier plan et de démocratisation institutionnelle progressive du parlement – avec qui plus est, en toile de fond, l’avènement du communisme soviétique et du corporatisme fasciste –, la République de Weimar (1919–1933) a alors constitué le terreau propice et le lieu de cristallisation principal des controverses scientifiques et des débats politiques relatifs à ces questions. À la suite des thèses développées notamment par le social-démocrate Hugo Sinzheimer, le libéral Franz Böhm ou les conservateurs Carl Schmitt et Ernst Rudolf Huber concernant la nouvelle Reichsverfassung de Weimar, Guillaume Grégoire nous montre que c’est le concept même de « constitution économique » qui s’est ainsi trouvé au cœur de luttes d’interprétation particulièrement vivaces.

Hugues Rabault et Peter C. Caldwell ont alors pour tâche de faire ressortir les traits spécifiques de ces deux moments-clefs, mais également de les confronter et de les rapprocher afin, le cas échéant, de mettre en lumière certaines constances de plus longue durée dans les phénomènes étudiés à travers la notion de « constitution économique ». Pour s’orienter dans les différentes définitions du concept proposées, depuis le physiocrate Nicolas Baudeau jusqu’au « conflit autour de la constitution économique » (Streit um die Wirtschaftsverfassung) et à son prolongement sous l’empire de la Loi fondamentale de 1949, Hugues Rabault prend le parti d’user de la « constitution économique » comme d’un « outil pour scruter la relation entre droit et économie sous ses formes les plus variées », en en distinguant trois fonctions – normative, exégétique et descriptive. Peter C. Caldwell, quant à lui, prend appui sur les deux périodes étudiées pour pointer la tension entre les logiques politique (de recherche d’autonomie collective) et économique (de stabilité pour optimiser les ressources et pérenniser l’ordre social) qui traversent les débats. Soulignant les impasses qui peuvent en résulter, il prolonge l’ouverture « européenne » opérée par Philippe Steiner et insiste sur le fait que le « problem of a “constitution” that sets down strict economic rules limiting how the polity can respond to economic conditions, is one of the dilemmas currently facing the European Union », faisant ainsi le lien avec les analyses qui seront présentées dans la deuxième partie de l’ouvrage.

Toutefois, avant cela, la seconde section de la première partie consacrée à l’étude généalogique se concentre sur la réappropriation (néo)libérale du concept à partir de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à aujourd’hui. Cherchant à tirer les enseignements des expériences totalitaires des années 1920 et 1930, les différents courants (néo)libéraux68 s’attachèrent en effet à développer les réponses économico-juridiques aptes à contenir, selon eux, la tendance, considérée comme intrinsèque, de l’État à intervenir de manière dispersée et exagérée dans les différents champs sociaux, et en particulier dans la sphère économique. Des ordolibéraux allemands aux néolibéraux américains – qu’ils proviennent de l’École monétariste de Chicago, de l’École du Public Choice ou de la Nouvelle Macro-économie Classique – en passant par l’austro-britannique Friedrich Hayek, la « constitution économique » constitue à cet égard, comme nous le présente Thomas Biebricher, le concept cardinal permettant d’appréhender les nombreuses convergences – mais également certaines divergences – qui existent entre ces diverses théories et, par extension, entre les postulats qui les sous-tendent, les analyses qui les fondent et les propositions qui en découlent.

Certains auteurs ont cependant cherché à faire ressortir les liens que pourraient paradoxalement entretenir ces différents courants (néo)libéraux avec les analyses de l’un des plus illustres opposants à l’ordre constitutionnel libéral de l’entre-deux-guerres, à savoir le constitutionnaliste allemand Carl Schmitt. Dès le tournant des années 1930, d’éminents juristes (et en particulier Hermann Heller) ont mis en évidence le « libéralisme [économique] autoritaire » qui se dégagerait des analyses de Schmitt69. D’autres auteurs ont ultérieurement prolongé cette idée en défendant l’hypothèse que les critiques (néo)libérales de l’État-providence seraient imprégnées de certaines thèses schmittiennes sur l’« État total quantitatif » et que, par ailleurs, les alternatives proposées rejoindraient, à certains égards, l’État « qualitativement fort » prôné par le Kronjurist du iiie Reich70. C’est cette position qui est notamment défendue dans cet ouvrage par Werner Bonefeld, à partir d’une relecture des travaux d’un des principaux chefs de fil de l’ordolibéralisme contemporain, Viktor Vanberg, et de leur mise en perspective avec le mot d’ordre « libéral-conservateur » des années 1930 : « économie saine et État fort », développé tant par Carl Schmitt que par Alexander Rüstow ou Walter Eucken. À travers la dépolitisation qu’elle induit, la « constitution économique » représenterait alors la réponse (ordo- et néo)libérale aux faiblesses de l’ordre démocratique. Controversée, cette thèse se trouve débattue, voire critiquée, par nos deux “discutants”. Dans un premier temps, en s’appuyant sur les positions des libéraux français Louis Rougier et Jacques Rueff ainsi que de l’ordolibéral allemand Wilhelm Röpke, Serge Audier conteste à la fois l’idée d’une nécessaire filiation schmittienne du néolibéralisme et d’une ascendance ordolibérale du projet d’intégration européenne. Vincent Valentin, dans un second temps, prendra lui appui sur « l’idée de constitution et l’hypothèse d’un libéralisme autoritaire » pour questionner jusqu’à la pertinence même du concept de néolibéralisme et la « rupture interventionniste » qui marquerait le passage de la politique du laissez-faire à l’interventionnisme étatique néolibéral. En somme, c’est donc les différentes théorisations (néo)libérales du concept de « constitution économique », mais également l’influence potentielle des analyses et des thèses de Carl Schmitt sur ces théories, qui seront discutées et interrogées dans la seconde section.

La deuxième partie, dans la ligne directe du colloque de 1970 organisé à Liège par l’ieje, est quant à elle axée sur la « constitution économique européenne ». À la suite de la distinction opérée en doctrine71, les deux sections auront respectivement pour objet les constitutions « micro-économique » et « macro-économique » de l’Union.

La première section se concentre sur le noyau historique de l’intégration européenne, à savoir le marché intérieur, formé par les libertés économiques fondamentales de circulation, d’une part, et par le droit de la concurrence, d’autre part. Comme nous l’exposent Pieter Van Cleynenbreugel et Xavier Miny, les libertés de circulation ont en effet constitué dès le départ, dans la jurisprudence de la Cour de justice, l’un des moteurs principaux de la politique d’intégration économique des États membres et, à travers elle, du rapprochement des législations nationales. L’extension jurisprudentielle des libertés de circulation consacrées par les traités, à partir du critère de l’« accès au marché », a par ailleurs été accompagnée d’une revendication d’autonomie et de primauté de l’ordre juridique européen par rapport aux droits nationaux – fussent-ils constitutionnels – et, par prolongement, d’un discours qui attribue à l’Union des caractéristiques étatiques et des attributs de souveraineté et qui élève à un rang constitutionnel les traités (économiques) fondateurs. Nonobstant l’adoption de la Charte européenne des droits fondamentaux et son intégration dans le droit primaire de l’Union, les auteurs montrent que la cjue limite de manière substantielle « the ways in which Member States can structure and regulate their economies, […] the interaction between economic freedoms and other fundamental rights and […] the scope and focus of EU secondary legislation initiatives ».

Néanmoins, outre les libertés fondamentales de circulation – et les droits économiques et sociaux qui viendraient potentiellement les tempérer –, un autre versant du droit primaire de l’Union encadre et ordonne également le marché intérieur : le droit de la concurrence. Celui-ci ne part plus cette fois de la perspective individuelle (de l’entreprise, du travailleur, du détenteur de capitaux, du prestataire de services, etc.) propre au premier versant du marché intérieur, mais bien plutôt d’un angle plus systémique. Il s’intéresse aux relations, aux interactions et à l’équilibre du marché au sein duquel entrent en concurrence les personnes physiques et morales. L’objectif n’est pas non plus ici de maximiser la liberté individuelle, mais de contrôler et de limiter les pouvoirs – tant privés (droit de la concurrence sensu stricto) que publics (droit des aides d’État) – susceptibles de perturber le processus du marché. Si cette politique de régulation de la concurrence fait également partie du cœur originel des traités, d’aucuns ont pu toutefois avancer une certaine évolution du fondement de cette politique, qui serait passée d’une conception ordolibérale plus interventionniste et volontariste – qu’exprimerait la notion de Wettbewerbsordnung – à une conception, plus proche des néolibéraux américains, attachée à l’efficience économique comme principe régulateur premier (voire unique) – conception qualifiée de « more economic approach ». C’est cette hypothèse qu’explore Frédéric Marty.

Prolongeant cette étude des relations entre ordolibéralisme allemand et néolibéralismes américains, Claire Mongouachon insiste sur l’importance, lorsque l’on tente d’étudier l’éventuelle empreinte ordolibérale de l’intégration européenne, de distinguer entre « les » ordolibéralismes. À la suite du « tournant hayekien » entrepris par le juriste Ernst-Joachim Mestmäcker, les ordolibéraux de la seconde génération ont « dénoncé les excès de l’interventionnisme public sur le marché, tant s’agissant des règles du marché intérieur que des règles de concurrence », tout en s’opposant frontalement aux thèses de l’école de Chicago et à leur focalisation sur l’idée d’« efficacité économique ». Hans Micklitz, de son côté, ouvre une réflexion plus spéculative et prospective sur le type de « société » qu’induit et façonne le marché intérieur européen. Si, à l’origine, le projet européen reposait d’abord et avant tout sur les sociétés nationales, l’Acte Unique Européen de 1986, puis le Sommet de Lisbonne de 2000, auraient marqué autant d’efforts vers l’établissement d’une « European Society through private law ». À la suite du volontarisme juridique de la Commission et de l’activisme judiciaire de la cjue pour approfondir toujours davantage le marché intérieur, le résultat fut néanmoins l’avènement d’une « market society » divisant les individus selon leur statut économique (travailleur, consommateur, entreprises, etc.). Afin de sortir du fatalisme de ce constitutionnalisme du marché intérieur, l’auteur explore les voies alternatives destinées à « (re)-establishing a broader civil and democratic Society », en invoquant tour à tour l’héritage commun de la culture juridique européenne mis en évidence par Franz Wieacker, la « private law society » défendue par les ordolibéraux et prolongée par Stefan Grundmann et Karl-Heinz Ladeur, puis la démocratie économique (Wirtschaftsdemokratie) en puisant aux sources des débats sous Weimar. Par-dessus tout, c’est néanmoins à travers les thèses de Rudolf Wiethölter sur le « law of the constitutional law » (Rechtsverfassungsrecht) que Hans Micklitz propose de construire le « theoretical pathway to bring together economic constitution, democracy and society in the transnational environment through (private) legal thought ».

À côté de la constitution micro-économique, l’Union économique et monétaire (uem) constitue, depuis le Traité de Maastricht (1992), le cadre juridique général des politiques macro-économiques sensu lato (y compris donc monétaires et budgétaires) des États membres. Son architecture est fondée sur une asymétrie originelle entre le pilier monétaire – centralisé au niveau des institutions européennes (Système européen des banques centrales (sebc) et Banque centrale européenne (bce)) – et le pilier économico-budgétaire – pour lequel les compétences demeurent décentralisées au niveau des États membres, quoique coordonnées au niveau européen. Le second pilier s’articule autour d’un triptyque normatif précis : primo, responsabilisation financière des États membres par la triple interdiction de solidarité budgétaire, de financement monétaire et d’accès privilégié aux institutions financières ; secundo, coordination économique par les Grandes orientations de politiques économiques ; tertio, coercition budgétaire par le Pacte de Stabilité et de Croissance et la procédure concernant les déficits excessifs. Or, ce cadre juridique est, en tant que transcription normative d’une volonté politique, inévitablement influencé par le moment historique dans lequel il a été pensé et établi, et notamment par certaines options idéologiques et scientifiques dominantes, au cours de cette période, au sein de la science économique. C’est par conséquent à une véritable archéologie des « racines historiques et théoriques » de l’uem que nous invite Francesco Martucci, mettant ainsi au jour la « dialectique de l’économique et du politique qui façonne le juridique » pour finalement interroger, au-delà du phénomène de « path-dependency », la possibilité d’un « changement de paradigme ontologique » – dont le Plan de relance européen pourrait constituer le prodrome.

À rebours de cette intuition, et même s’ils admettent que les réponses à la crise de la Covid-19 suggèrent une possible « inflection from neoliberal market discipline », Hjalte Lokdam et Michael A. Wilkinson conçoivent les réactions des institutions de l’uem aux crises (monétaires, économiques, sanitaires, etc.) de ces quinze dernières années comme une « conservative transformation ».72 La crise des dettes souveraines (2010–2011), subséquente à la crise financière et économique (2007–2008), a en effet conduit les États membres et les institutions de l’Union européenne à réformer en profondeur le cadre normatif de l’uem, à la fois de manières interne – Six-Pack et Two-Pack – et externe (quoique connexe) à l’ordre juridique européen – via l’adoption du Traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité (tmes) et du Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance (tscg). La politique monétaire de la bce, quant à elle, a également connu une inflexion importante, perceptible d’ailleurs dans la qualification de « non-conventionnelles » des mesures adoptées. Ces diverses mesures et réformes, si elles ont toutes été validées par la Cour de justice, n’en ont pas moins impliqué de nombreuses controverses doctrinales, à la fois économiques et juridiques, qui se sont d’ailleurs traduites et cristallisées dans le « dialogue jurisprudentiel » ouvert entre certaines juridictions constitutionnelles nationales, en particulier la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht) siégeant à Karlsruhe, et la cjue. Faisant écho aux discussions de la première partie relatives au caractère potentiellement « schmittien » de certaines théories néolibérales, Hjalte Lokdam et Michael A. Wilkinson analysent l’évolution de la constitution macro-économique de l’ue comme une rencontre entre le fédéralisme interétatique de Friedrich Hayek, tendant à « dépotentialiser » les États au profit d’un ordre catallactique, et les thèses de Carl Schmitt, d’après qui une fédération demande un pouvoir central fort afin d’imposer une certaine homogénéité – en l’occurrence économique. Ramenée à la seule problématique de l’efficacité du gouvernement (potentia), la question de la légitimité du souverain (potestas) se révélerait alors évacuée, car, « [f]rom the perspective of those seeking to make Europe ‘governable’, democracy remains a threat to be contained rather than a potential to be realized ».

Tout en situant leur propos à un niveau quelque peu différent, les ‘discutants’ abondent dans ce sens tout en s’interrogeant sur le potentiel changement de paradigme qu’ont pu entraîner les réponses européennes aux crises des dettes souveraines et, surtout, de la Covid-19, avec l’adoption du plan de relance Next Generation EU – qualifié de possible « game-changer » par Susanna Cafaro et d’éventuelle « critical juncture » par Peter Lindseth et Cristina Fasone. La première insiste ainsi sur le revirement opéré par les diverses réformes de cette dernière décennie dans la compréhension même de ce que doit être la « stabilité », à savoir non plus l’« immutable stability » originelle de l’uem, qui nécessiterait une gestion technocratique, mais une « stability equal resilience », qui impliquerait une « greater political discretion » pour être en capacité de s’adapter dans un environnement en perpétuelle évolution. Autrement dit, Next Generation EU emporterait peut-être un « Next (Economic) Constitutionalism ». Peter Lindseth et Cristina Fasone, quant à eux, contestent toutefois cette sémantique « constitutionnelle » attachée à l’Union européenne. Ils proposent d’analyser « the core contradiction that the contributions by F. Martucci and by H. Lokdam and M. A. Wilkinson highlight but do not name », à savoir la déconnexion entre cette prétention constitutionnelle et le caractère « technocratic » et « juristocratic » – et donc in fine seulement « administrative » et « sub-constitutional » – de la gouvernance européenne. Faute de mécanismes « metabolic » visant à « extract and redirect (‘mobilize’) human and fiscal resources in a legitimate and compulsory fashion », l’UE ne pourrait prétendre à une véritable constitution et resterait ainsi enfermée dans la « fundamental fracture between power and legitimacy » ou, plus précisément, entre un pouvoir de plus en plus européanisé et une légitimité démocratique maintenue au niveau national. Loin de s’épuiser dans un simple problème d’ingénierie juridique, le défi résiderait bien plutôt à un niveau sociopolitique et socioculturel, ce qui pourrait expliquer pourquoi les réformes issues de la crise des dettes souveraines, creusant encore cette fracture, ont engendré un « populist and Eurosceptic backlash ». Toutefois, et tout en restant extrêmement prudents, les auteurs considèrent que les réponses à la pandémie « contains within it the potential seed of a genuinely metabolic constitution at the EU level », car si « Next Generation EU still did not cross the crucial Rubicon, that of a proposed Europeanization of taxation authority », il aurait néanmoins amené l’Union européenne « right up to its banks ». Reste néanmoins la question encore plus fondamentale – oserions-nous ajouter – de savoir si les institutions nationales permettront un tel saut fiscal, car les sentinelles que constituent les juridictions suprêmes nationales, au premier rang desquelles figure la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht), semblent veiller scrupuleusement sur le Rubicon73

Enfin, de manière à la fois plus spécifique et globale, la troisième et dernière partie de l’ouvrage se concentre sur les constitutions économiques nationales et leur mise en concurrence sous le régime du droit européen et de ce qui a pu être qualifié de Global Governance. À travers l’étude de quatre États occidentaux (Allemagne, Belgique, France et Royaume-Uni), la première section de cette partie vise à illustrer la disparité qui peut exister entre les configurations économico-juridiques d’États pourtant fortement intégrés (tant économiquement que juridiquement), les raisons de cette différenciation et plus spécifiquement, parmi celles-ci, le rôle que peuvent jouer les jurisprudences économiques constitutionnelles sur ces configurations nationales74. Ce faisant, certaines problématiques plus transversales seront mises en exergue et permettront ainsi de mieux saisir les enjeux spécifiquement contemporains des processus de constitutionnalisation économique qui caractérisent les ordres juridiques occidentaux – tâche qui échoira à la seconde section.

Dans un premier temps, Pierre Nihoul, président de la Cour constitutionnelle de Belgique, propose une analyse juridique pointue des relations entre « Constitution et économie en Belgique », éclairée par un exposé détaillé de la jurisprudence constitutionnelle en la matière. Il en ressort que si « la place de l’économie dans la Constitution belge est inexistante tant sur le plan des normes matérielles (de comportement) que des normes institutionnelles (d’organisation) », ce « déficit constitutionnel » est comblé, à tout le moins partiellement, par les normes supra-législatives que sont les « lois spéciales », au niveau interne, et le droit de l’Union, au niveau supranational – tous deux garantissant la liberté économique tout en permettant un « interventionnisme normatif des pouvoirs publics dans l’économie ». Sur le plan organique en revanche, l’auteur note un déplacement du pouvoir vers les autorités indépendantes de régulation, ce qui nécessiterait, selon lui, une meilleure « assise constitutionnelle », afin de fixer les limites de ces nouveaux modes de régulation de l’économie. Il soulève, de ce fait, la problématique de la montée en puissance des « institutions non majoritaires », qui est également analysée ensuite par d’autres auteurs, et notamment par Tony Prosser et Damien Piron.

Dans un deuxième temps, François Colly expose « la constitution économique de la France et la jurisprudence économique du Conseil constitutionnel ». Revenant sur le tournant des décisions Nationalisations de 1982 et Privatisations de 1986, il en pointe les conséquences fondamentales quant à l’ordonnancement de l’économie par la Constitution. Intégrés au « bloc de constitutionnalité », les principes libéraux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et ceux interventionnistes du Préambule de 1946 ont été « conciliés » par le juge constitutionnel français, non sans « neutraliser » au passage le caractère potentiellement normatif de l’alinéa 9 de ce même Préambule, relatif aux nationalisations. Il en ressort, dans l’ensemble, que « l’option d’une Constitution économique normative ou ordonnatrice est rejetée à la faveur de la conception d’une constitution économique neutre », laissant un large pouvoir discrétionnaire au législateur quant aux choix économiques posés. Néanmoins, au fil de son analyse minutieuse de la jurisprudence économique subséquente du Conseil constitutionnel, l’auteur relève l’apparition de « notions nouvelles », telles que le « bon fonctionnement concurrentiel du marché », l’ « encadrement de la concurrence » et l’objectif de « préservation de l’ordre public économique ». S’il maintient in fine l’hypothèse d’une neutralité économique de la Constitution, relevons toutefois qu’il souligne aussi la « tendance marquée dans le sens du libéralisme économique et de l’économie de marché ».

Après avoir rappelé les racines weimariennes du concept (déjà esquissées dans la première partie de l’ouvrage), Peter-Christian Müller-Graff présente non seulement les vigoureuses discussions qui ont animé l’entrée en vigueur de la Loi fondamentale, mais également la jurisprudence historique de la Cour constitutionnelle fédérale allemande qui, dès 1954, a dégagé le principe de « neutralité économique » de la Loi fondamentale. Toutefois, l’auteur insiste sur la « constitutional connection » entre cette norme suprême allemande et le droit de l’ue, qui l’amène à affirmer que « the Basic Law as well as the constitutions of the other member states have been transformed into European national constitutions », laissant alors à la doctrine juridique la tâche essentielle de mettre en cohérence cet entrelacs normatif.

Si le constat d’une influence majeure du droit européen sur les constitutions économiques nationales est partagé par Tony Prosser, ce dernier souligne néanmoins l’aspect singulier du Royaume-Uni, tant sur le plan institutionnel (théorie de la souveraineté du parlement, absence de juridiction constitutionnelle de type continentale, etc.) qu’au niveau des contraintes juridico-économiques qui encadrent l’intervention de l’État dans et sur l’économie. Par ailleurs, si l’ordre juridique britannique échappait déjà, en tant que membre de l’Union européenne, à une partie des normes européennes en matières monétaire ou budgétaire, le Brexit ouvre de nombreuses inconnues sur les choix économiques qui seront réalisés – mais également sur la pérennité même du Royaume-Uni en tant qu’État.

Sur la base de cette première approche de droit comparé, la seconde section de cette troisième partie entend quant à elle interroger les dynamiques internes (fédéralisation) et externes (mise en marché des ordres juridiques étatiques) qui traversent le constitutionnalisme économique – et, à travers ces dynamiques, appréhender le phénomène de « concurrence normative » à l’heure de la Global Governance. En effet, la mise en concurrence des normes – et, plus globalement encore, des ordres – juridiques constitue pour ainsi dire l’étape ultime dans l’appropriation économique progressive, par les penseurs (néo)libéraux, du phénomène juridique. Dans cette perspective, la mise en concurrence des normes – et des ordres – juridiques au nom de l’attractivité économique peut passer par deux instruments : en interne, la fédéralisation fiscale et budgétaire des États ; en externe, l’intégration économique internationale et la suppression des barrières au libre-échange.

Comme nous l’explique Damien Piron à partir de l’exemple belge, le fédéralisme fiscal et budgétaire, s’il n’a pas nécessairement cette fonction, peut ainsi constituer un instrument de concurrence normative au sein d’un même ordre juridique étatique, ainsi qu’un outil de « rationalisation » des finances publiques. Cette mise en concurrence et cet « assainissement » nécessitent cependant que certaines conditions soient rencontrées et qu’un cadre juridique approprié soit établi, ainsi qu’en témoigne, en Belgique, la Loi spéciale de financement de 1989 analysée par l’auteur sous l’angle d’une sociologie du néolibéralisme.

De même, et nonobstant certains contre-mouvements actuels (progression de l’unilatéralisme dans les relations internationales ou montée en puissance de valeurs sociales concurrentes à l’ordre de marché), M. Mahmoud Mohamed Salah décrit comment la mise en concurrence internationale des ordres juridiques étatiques exige certaines structures d’ordre juridique (libertés de circulation et d’échange, protection et garantie des investissements, etc.), qui ont pu être établies notamment à travers les institutions internationales (Organisation Mondiale du Commerce, Fonds Monétaire International, Banque mondiale, etc.) et le processus d’intégration européenne.

Sur la base d’une grille d’analyse gramscienne, Thibault Biscahie et Stephen Gill interprètent alors cette « policy and fiscal competition under the form of ‘market-preserving federalism’ » comme autant de symptômes et de caractéristiques de ce qu’ils qualifient de « New Constitutionalism ». Le développement de ce nouveau cadre constitutionnel global, véritable « legal-juridical anchoring of neoliberal globalization », serait traversé par une triple dialectique : centralisation du pouvoir politique pour protéger le cadre du marché tout en décentralisant les politiques redistributives, laissées à la merci des mécanismes de marché ; désocialisation de l’économie (privatisation, dérégulation, etc.), mais socialisation des pertes des grandes entreprises issues des crises du système capitaliste ; inclusion de certaines forces sociales au bloc hégémonique, mais pour mieux maintenir l’exclusion des « subalternes ». Comme un écho à la « conservative transformation » pointée par Hjalte Lokdam et Mike Wilkinson, Thibault Biscahie et Stephen Gill analysent par ailleurs la restructuration du New Constitutionalism, qui semble s’opérer à la suite de la crise de la Covid-19, comme une « revolution-restoration » ou, en termes gramsciens, une « passive revolution » destinée à faire perdurer l’ordre hégémonique.

Sébastien Adalid, quant à lui, referme en quelque sorte la boucle sur elle-même en puisant dans les débats du colloque à Liège de 1970, mentionné en introduction, les ressources de sa critique de la « méta-politique » qu’impliquerait, par sa défense d’un hypothétique ordre de marché « transcendant », l’idée de « constitution économique ». Insistant sur le caractère intrinsèquement politique du choix du système économique en vigueur – et des normes juridiques qui le fondent et l’encadrent –, il dissèque et dénonce lui aussi, à la suite de Thibault Biscahie et Stephen Gill, ce « néo-constitutionnalisme d’ascendance néolibérale ». Mais il met en outre en garde contre un nouvel avatar, « écologique », de cette méta-politique : l’éventuelle destitution, au bénéfice des considérations environnementalistes, du marché comme principe social régulateur ne doit pas oblitérer le caractère fondamentalement politique de cet enjeu écologique. Selon l’auteur, « démythifier » le néo-constitutionnalisme pour rendre au pouvoir politique ses marges de manœuvre et ses lettres de noblesse implique de refuser toute méta-politique, fût-elle écologique.

En prenant appui sur l’ensemble des contributions qui constituent l’ouvrage, Christian Joerges conclut alors par une réflexion plus globale sur ce concept de « constitution économique », et plus particulièrement sur le caractère éminemment politique de ce concept. En se fondant sur les travaux de l’historien et sociologue de l’économie Karl Polanyi, il insiste ainsi sur l’interrelation des sphères juridiques, économiques et politiques et propose de poser les fondements d’une théorie qui prendrait au sérieux le « democratic command » qu’induirait l’encastrement (« embeddedness ») de ces différentes sphères sociales. Pour ce faire, il ouvre deux fronts, en s’attaquant, d’une part, au cadre conceptuel « défectueux » du constitutionnalisme économique néo- et ordolibéral, qui prend acte de cette interdépendance tout en cherchant à limiter le régime démocratique au nom d’un hypothétique État de droit économique (economic rule of law) ; mais aussi, d’autre part, à la thèse de l’« ordolibéralisation » de l’Europe, qui, à défaut de saisir la singularité de la crise actuelle, empêcherait l’émergence de solutions réellement viables. Et c’est sur ce dernier plan que Christian Joerges innove, en opposant aux tenants du constitutionnalisme économique et du fédéralisme économique hayekien une approche puisant aux doubles sources de la « démocratie économique » et du droit international privé (ou « conflicts law »). L’objectif de cet « Democracy-enhancing Conflicts-Law Constitutionalism » est de garantir la « liberty to organize national life at will » – même et surtout en matière économique – tout en prenant en compte, à travers la délibération (et non la concurrence), les interactions toujours plus grandes entre les communautés politiques nationales – et les impacts inévitables que la liberté démocratique de chacune engendre sur la vie collective des autres.

À l’issue de cette exploration historique et théorique du concept de « constitution économique » en Europe, on retombe ainsi sur la tension fondamentale qui le traverse, celle entre les idéaux de « démocratie » et de « rule of law ». Avec, toutefois, un enseignement de taille : après avoir été monopolisé par les ordo- et néolibéraux pour promouvoir un agenda de limitation de la souveraineté populaire au nom d’un État de droit économique, la notion est désormais également (re)mobilisée aujourd’hui par les tenants d’une plus grande autonomie collective dans le domaine économique, précisément pour dénoncer ce verrouillage des choix intrinsèquement politiques qu’emporte l’ordonnancement juridique de l’économie.

Entre ces deux positions, bornons-nous pour notre part à ce constat : loin d’être une donnée factuelle objective, ce cadre juridique demeure un institué contingent toujours théoriquement susceptible d’être défait et remodelé autour d’une rationalité alternative. La question de la nécessité ou de la légitimité (ou non) de cette (ou de ces) alternative(s) demeure certes un cap que le savant doit se garder de franchir75. La naturalisation du choix de la « logique de marché » pour justifier l’ordre juridique existant et dénier toute possibilité d’alternative l’est en revanche symétriquement. Fondée ab initio sur un choix idéologique et non sur d’hypothétiques principes économiques naturels censément irréfutables, la constitutionnalisation de l’ordre de marché reste et demeure un projet politique, par définition modifiable et réversible.

1

Institut d’Études Juridiques Européennes (dir.), La constitution économique européenne : actes du cinquième colloque sur la fusion des communautés européennes organisé à Liège les 16,17 et 18 décembre 1970, Liège/La Haye, Martinus Nijhoff, 1971.

2

Voy. notamment F. Martucci, « Constitution économique, quelques fragments de doctrine française », in F. Martucci et C. Mongouachon (dir.), La constitution économique. En hommage au Professeur Guy Carcassonne, Paris, La Mémoire du droit, 2015, pp. 27–53, spéc. p. 34 ; L. Zevounou, « Le concept de “constitution économique” : Une analyse critique », Jus Politicum, 2018, n° 20–21, pp. 445–482, spéc. p. 472–473.

3

Voy. notamment L.-J. Constantinesco, « La constitution économique de la C.E.E. », Revue trimestrielle de droit européen, 1977, vol 13, n°2, pp. 244–281 ; M. Poiares Maduro, « Reforming the Market or the State? Article 30 and the European Constitution: Economic Freedom and Political Rights », European Law Journal, 1997, vol. 3, n° 1, pp. 55–82 et spéc. pp. 61–70 ; M.E. Streit et W. Mussler, « The economic constitution of the European community: From Rome to Maastricht », Constitutional Political Economy, 1994, vol. 5, n°3, pp. 319–353. W. Sauter, « The economic constitution of the European Union », Columbia Journal of European Law, 1998, vol. 4, n°1, pp. 27–68 ; H. Schepel et W. Sauter, State and Market in European Law. The Public and Private Spheres of the Internal Market before the EU Courts, Cambridge, Cambridge University Press, 2009 ; S. Griller, B. Kneihs, V. Mader et M. Potacs (dir.), Wirtschaftsverfassung und Binnenmarkt. Festschrift für Heinz-Peter Rill zum 70. Geburtstag, Vienne/New York, Springer, 2010 ; A. Hatje, « The Economic Constitution within the Internal Market », in A. von Bogdandy et J. Bast (dir.), Principles of European constitutional law, Oxford/Munich, Hart Publishing/C.H. Beck, 2010, pp. 589–622; K. Tuori, « La Constitution économique parmi les Constitutions européennes », Revue Internationale de Droit Économique, 2011, vol. xxv, n°4, pp. 559–599.

4

Voy. notamment E. Grossman et P.-E. Micolet, « Le nouvel ordre de politique économique européen : Une constitution économique au service de la stabilité monétaire ? », Revue du Marché Commun et de l’Union Européenne, 2000, n° 437, pp. 243–251 ; P. Van Cleynenbreugel et W. Devroe, « Observations on Economic Governance and the Search for a European Economic Constitution », in D. Schiek, U. Liebert et H. Schneider (dir.), European Social and Economic Constitutionalism after Lisbon, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, pp. 95–120 ; K. Tuori et K. Tuori, The Eurozone Crisis: A Constitutional Analysis, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, spec. pp. 13–60.

5

F. Casesse, La nuova costituzione economica, Rome/Bari, Editori Laterza, 1995 ; H. Rabault, « La constitution économique de la France », Revue française de droit constitutionnel, 2000, pp. 707–745 ; T. Prosser, The Economic Constitution, Oxford/New York, Oxford University Press, 2014 ; N. von Stralendorff, Die spanische Wirtschaftsverfassung aus rechtsvergleichender Sicht, Berlin, Duncker & Humblot, 2016.

6

H. Gröner et A. Schüller, « Grundlagen der internationalen Ordnung: GATT, IWF und EG im Wandel – Euckens Idee der Wirtschaftsverfassung des Wettbewerbs als Prüfstein », ordo: Jahrbuch für die Ordnung von Wirtschaft und Gesellschaft, 1989, vol. 40, pp. 429–463 ; F. Fuders, Die Wirtschaftsverfassung des MERCOSUR: Eine rechtsvergleichende Darstellung unter besonderer Berücksichtigung des Rechts der Europäischen Union, Berlin, Duncker & Humblot, 2008.

7

D.J. Gerber, « Constitutionalizing the Economy: German Neo-Liberalism, Competition Law and the New Europe », American Journal of Comparative Law, 1994, vol. 42, n° 1, pp. 25–84 ; K. W. Nörr, « “Economic Constitution”: On the Roots of a Legal Concept », Journal of Law and Religion, 1994, vol. 11, n° 1, pp. 343–354 ; L. Zevounou, « Le concept de “constitution économique” : Une analyse critique », op. cit. ; H. Rabault, « La notion de constitution économique : éléments d’introduction », Politeia. Revue semestrielle de droit constitutionnel comparé, 2018, n° 34, pp. 207–235.

8

K. W. Nörr, « Auf dem Weg zur Kategorie der Wirtschaftsverfassung: wirtschaftliche Ordnungsverstellungen im juristischen Denken vor und nach dem Ersten Krieg », in K. W. Nörr, B. Schefold et F. Tenbruk (dir.), Geisteswissenschaften zwischen Kaiserreich und Republik zur Entwicklung von Nationalökonomie, Rechtswissenschaft und Sozialwissenschaft im 20. Jahrhundert, Stuttgart, Steiner, 1994, pp. 423–452 ; C. Mongouachon, « Les débats sur la Constitution économique en Allemagne », Revue française de droit constitutionnel, 2012, n° 90, pp. 303–337.

9

M. Tuan Luong, Wirtschaftsverfassungsrecht im Wandel. Zugleich ein Beitrag zum Verfassungswandel, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1999 ; H. Rabault, « La constitution économique de la France », Revue française de droit constitutionnel, 2000, pp. 707–745 ; D. Jungbluth, Die Entwicklung des deutschen Wirtschaftsverfassungsrechts: Von Weimar bis zum Investitionshilfeurteil, Wiesbaden, Springer, 2018 ; C. Mongouachon, « Entre théories économiques et volonté politique, la constitution monétaire de l’Union en débat », in T. Perroud, G. Kalflèche et M. Ruffert (dir.), L’avenir de l’UEM: une perspective franco-allemande, Paris, lgdj, 2018, pp. 75–110 ; G. Grégoire, « Le marché, instance disciplinaire des États dans le cadre de l’Union économique et monétaire : des théories économiques aux cadres juridiques », Politeia. Revue semestrielle de droit constitutionnel comparé, 2019, vol. 35, pp. 53–119.

10

H. Rabault, « L’ordolibéralisme : vers un constitutionnalisme économique ? », Revue française de droit constitutionnel, 2019, vol. 120, n° 4, pp. 91–101 ; G. Gerapetritis, « New Economic Constitutionalism : The Concept », in New Economic Constitutionalism in Europe, Oxford, Hart Publishing, 2019, pp. 6–43.

11

A. Krölls, Grundgesetz und kapitalistische Marktwirtschaft. Die Wirtschaftsverfassung der Bundesrepublik, Francfort-sur-le-Main, Haag & Herchen, 1994 ; J. Drexl, « La Constitution économique européenne – L’actualité du modèle ordolibéral », Revue Internationale de Droit Économique, 2012, vol. xxv, n° 4, pp. 419–454 ; M. Caron, « Réflexions sur la constitutionnalisation des politiques économiques conjoncturelles », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, 2016, n° 2, pp. 557–595 ; F. Martucci, « Théorie économique et constitutionnalisme de l’Union », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2017, vol. 78, n° 1, pp. 127–145 ; J. Garcia, « Les théories économiques et le pouvoir constituant », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2017, vol. 78, n° 1, pp. 99–109.

12

R. Jurion, La jurisprudence économique du Conseil constitutionnel, Thèse, Université de Lorraine, Metz, 2017 ; J. Martinez, Conseil constitutionnel et économie, Paris, L’Harmattan, 2022 ; H. Schepel, « The Bank, the Bond, and the Bail-out: On the Legal Construction of Market Discipline in the Eurozone », Journal of Law and Society, 2017, vol. 44, n° 1, pp. 79–98 ; G. Grégoire, « L’économie de Karlsruhe. L’intégration européenne à l’épreuve du juge constitutionnel allemand », Courrier hebdomadaire du crisp, 2021, vol. 2490–2491, n°s 5–6, pp. 5–96. De l’autre côté de l’Atlantique, voy. également A. R. Rutten, The Supreme Court and the search for an economic Constitution, 1870–1990, Washington, Washington University, 1991.

13

Pour une analyse historique récente, voy. notamment Q. Slobodian, Globalists – The end of Empire and the birth of neoliberalism, Cambridge (MA)/Londres, Harvard University Press, 2018, pp. 182–217.

14

Voy. notamment A. Müller-Armack, Entwicklungsgesetze des Kapitalismus. Ökonomische, geschichtstheoretische und soziologische Studien zur modernen Wirtschaftsverfassung, Berlin, Junker und Dünnhaupt, 1932 ; W. Eucken, F. Böhm et H. Großmann-Doerth, « Unsere Aufgabe. Beleitwort der Herausgeber zur Schriftenreihe „Ordnung der Wirtschaft“ », in F. Böhm, Die Ordnung der Wirtschaft als geschichtliche Aufgabe und rechtsschöpferische Leistung, Stuttgart/Berlin, Kohlhammer, 1937, p. vii–xxi ; W. Eucken, Die Grundlagen der Nationalökonomie, Iena, Gustav Fischer, 1940, pp. 52–54 ; L. Miksch, Wettbewerb als Aufgabe: Die Grundsätze einer Wettbewerbsordnung, Ordnung der Wirtschaft. H. 4, Stuttgart/Berlin, Kohlhammer, 1937 ; L. Miksch, « Die Wirtschaftspolitik des Als-Ob », Zeitschrift für die gesamte Staatswissenschaft, 1949, vol. 105, pp. 310–338. Sur le sujet, voy. également H. Rabault, L’Ordolibéralisme, aux origines de l’École de Fribourg-En-Brisgau, Paris, L’Harmattan, 2016 ; J. Hien et C. Joerges (dir.), Ordoliberalism, law and the rule of economics, Oxford/Londres, Hart Publishing, 2017 ; H. Canihac, « Walter Eucken à Paris? L’introduction de l’ordolibéralisme allemand dans les débats économiques français (1945–1965) », Revue européenne des sciences sociales, 2017, vol. 55, n°2, pp. 237–263 ; H. Rabault, « L’ordolibéralisme : vers un constitutionnalisme économique ? À propos de Josef Hien, Christian Joerges (direction), Ordoliberalism, Law and the Rule of Economics, Oxford and Portland, Oregon, Hart publishing, 2017 », Revue française de droit constitutionnel, 2019, vol. 120, n° 4, pp. 91–101.

15

Nous pouvons ranger sous cette catégorie tant l’école du Public Choice (notamment : R. McKenzie (dir.), Constitutional Economics : Containing the Economic Powers of Gouvernment, Lexington (Mass.), Lexington Books, 1984 ; J.M. Buchanan, « The Domain of Constitutional Economics », Constitutional Political Economy, 1990, vol. 1, n° 1, pp. 1–18 ; J. Buchanan, Constitutional Economics, Oxford, Blasil Blackwell, 1991 ; V. Vanberg, « Ordnungstheorie as Constitutional Economics: The German Conception of a “Social Market Economy” », ordo: Jahrbuch für die Ordnung von Wirtschaft und Gesellschaft, 1988, n° 39, pp. 17–31.) que la Nouvelle macroéconomie classique (notamment T. J. Sargent et N. Wallace, « The Stability of Models of Money and Growth with Perfect Foresight », Econometrica, 1973, vol. 41, n° 6, pp. 1043–1048 ; T. J. Sargent et N. Wallace, « “Rational” Expectations, the Optimal Monetary Instrument, and the Optimal Money Supply Rule », Journal of Political Economy, 1975, vol. 83, n° 2, pp. 241–254 ; R. E. Lucas, « Econometric policy evaluation: A critique », Carnegie-Rochester Conference Series on Public Policy, 1976, vol. 1, pp. 19–46 ; F. E. Kydland et E. C. Prescott, « Rules Rather than Discretion: The Inconsistency of Optimal Plans », Journal of Political Economy, 1977, vol. 85, n° 3, pp. 473–491 ; J. B. Long et C. I. Plosser, « Real Business Cycles », Journal of Political Economy, 1983, vol. 91, n° 1, pp. 39–69 ; B. T. McCallum, « On “Real” and “Sticky-Price” Theories of the Business Cycle », Journal of Money, Credit and Banking, 1986, vol. 18, n° 4, pp. 397–414 ; P. R. Masson et M. P. Taylor, « Fiscal Policy within Common Currency Areas », Journal of Common Market Studies, 1993, vol. 31, n° 1, pp. 29–44).

16

Programme de recherche initié par James Buchanan (G. Brennan et J. Buchanan, The Reason of Rules: Constitutional Political Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1985) sur la base des travaux de Friedrich Hayek (F. A. Hayek, « Grundsätze einer liberalen Gesellschaftsordnung », ordo: Jahrbuch für die Ordnung von Wirtschaft und Gesellschaft, 1967, vol. 18, pp. 11–33 ; F. A. Hayek, « Die Verfassung eines freien Staates », ordo: Jahrbuch für die Ordnung von Wirtschaft und Gesellschaft, 1968, vol. 19, pp. 3–11 ; F. A. Hayek, « Reflections on constitutional economics », in R. B. McKenzie (dir.), Constitutional economics: containing the Economic Powers of Government, Lexington, Lexington Books, 1984, pp. 235–237 ; F. A. Hayek, Droit, législation et liberté, Paris, Presses Universitaires de France, 2013 (éd. originale : 1973 (vol. 1), 1976 (vol. 2) et 1979 (vol. 3)) ; F. A. Hayek, La Constitution de la liberté (1960), Paris, Institut Coppet, 2019) et développé, en particulier, par Viktor Vanberg (V. Vanberg, « A Constitutional Political Economy Perspective on International Trade », ordo: Jahrbuch für die Ordnung von Wirtschaft und Gesellschaft, 1992, vol. 43, pp. 375–392 ; V. Vanberg, « Market and State: The Perspective of Constitutional Political Economy », Journal of Institutional Economics, 2005, vol. 1, pp. 23–49).

17

N. Luhmann, Soziale Systeme: Grundriss einer allgemeinen Theorie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1984 ; N. Luhmann, Die Wirtschaft der Gesellschaft, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1988 ; N. Luhmann, Die Wissenschaft der Gesellschaft, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1990 ; N. Luhmann, Das Recht der Gesellschaft, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1993 ; N. Luhmann, Die Kunst der Gesellschaft, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1995 ; N. Luhmann, Die Gesellschaft der Gesellschaft. Bd.1, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1997 ; N. Luhmann, Die Gesellschaft der Gesellschaft. Bd.2, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1997 ; N. Luhmann, Die Politik der Gesellschaft, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2000.

18

H. Rabault, « Sens et portée de l’œuvre de Niklas Luhmann : un libéralisme désenchanté ? », Droit et Société, 2007, vol. 65, pp. 175–188.

19

G. Teubner, « Transnationale Wirtschaftsverfassung: Franz Böhm und Hugo Sinzheimer jenseits des Nationalstaates », Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, 2014, vol. 74, pp. 733–761 ; G. Teubner, « La question constitutionnelle au-delà de l’État-nation : pour une approche sociologique du phénomène constitutionnel », Revue de droit public et de la science politique en France et à l’étranger, 2017, n° 6, pp. 1603–1624 ; G. Teubner, « Von „Wirtschaftsverfassung I, II“ zum „selbstgerechten Rechtsverfassungsrecht“: Zur Kritizität von Rudolf Wiethölters kritischer Systemtheorie », Kritische Justiz, 2019, vol. 52, n° 4, pp. 601–625. Voy. également J. Broquet, « Une approche épistémologique de la notion de couplage structurel : l’exemple de la Constitution économique », in L. K. Sosoe (dir.), Le droit – un système social. Law as a Social System, Hildesheim/Zürich/New York, Georg Olms, 2015, pp. 157–175.

20

S. Frerichs, « The Rule of the Market: Economic Constitutionalism Understood Sociologically », in P. Blokker et C. Thornhill (dir.), Sociological Constitutionalism, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, pp. 241–264.

21

B. Stiegler, « Il faut s’adapter » : sur un nouvel impératif politique, Paris, Gallimard, 2019, p. 13.

22

S. Strange, Le Retrait de l’État. La dispersion du pouvoir dans l’économie mondiale (1996), Paris, Temps présent, 2011. Voy. toutefois P. Dardot et C. Laval, Dominer – Enquête sur la souveraineté de lÉtat en Occident, Paris, La Découverte, 2020, pp. 660–664.

23

U. Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l’heure de la mondialisation, Paris, Champs, 2003, p. 155.

24

W. H. Brown, Murs : Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique, Paris, Les Prairies Ordinaires, 2009, p. 19.

25

J.-Y. Chérot, « Constitution et économie », in M. Troper et D. Chagnollaud (dir.), Traité International de Droit Constitutionnel, tome 3, Paris, Dalloz, 2012, pp. 530–561 ; B. du Marais, « Constitution économique ou constitutionnalisation de l’économie ? », in C. Mongouachon et F. Martucci (dir.), La constitution économique. En Hommage au Professeur Guy Carcassonne, op. cit., pp. 3–18.

26

L. Fontaine (dir.), Capitalisme, libéralisme et constitutionnalisme, Paris, Mare & Martin, 2021.

27

C’est-à-dire un régime dans lequel la volonté du peuple se trouve limitée par les règles de droit privé (F. A. Hayek, The Confusion of Language in Political Thought, Londres, Institute of Economic Affairs, 1968, pp. 35–36). Voy. également P. Dardot et C. Laval, Ce cauchemar qui n’en finit pas : Comment le néolibéralisme défait la démocratie, Paris, La Découverte, 2016, pp. 55–59.

28

Au cours du colloque Walter Lippmann organisé à Paris du 26 au 30 août 1938, Louis Rougier distingue ainsi la « démocratie libérale » de la « démocratie fondée sur la souveraineté populaire » en ces termes : « [l]e mot de démocratie renferme une terrible équivoque. Il y a deux conceptions de la démocratie. La première est l’idée de la démocratie libérale fondée sur la limitation des pouvoirs de l’État, le respect des droits de l’individu et du citoyen, la subordination du pouvoir législatif et exécutif à une instance juridique supérieure. La seconde est l’idée de la démocratie socialisante fondée sur la notion de la souveraineté populaire. La première procède des théoriciens du droit des gens, des publicistes protestants, des déclarations américaines et françaises et affirme le principe de la souveraineté de l’individu ; la seconde procède de Rousseau et affirme le principe de la souveraineté de la masse. La seconde est la négation de la première. Elle aboutit fatalement à la démagogie, et, par la démagogie, à l’État totalitaire. Lorsque les masses, grâce à l’instruction obligatoire, ont compris que, par le mécanisme du suffrage universel, fondé sur la loi du nombre, elles peuvent, étant le nombre, s’emparer du pouvoir de l’État, elles se donnent au parti qui les mène à l’assaut des pouvoirs publics et elles substituent au problème de la production des richesses l’exigence de leur distribution immédiate entre les classes les moins pourvues. L’État sombre dans l’appauvrissement et l’anarchie, et on ne peut l’en tirer en apparence qu’en recourant à un gouvernement dictatorial. Les meilleurs pourvoyeurs des États totalitaires, ce sont les démagogues socialistes » (cité par S. Audier, Le Colloque Lippmann. Aux origines du “néo-libéralisme”, Lormont, Le Bord de l’eau, 2012, pp. 481–482). En gardant à l’esprit les débats qui animèrent la République de Weimar au tournant des années 1930, on relèvera également un passage analogue sous la plume de Friedrich A. Hayek, dans son essai La route de la servitude de 1944, trente-sept ans avant sa fameuse interview au journal chilien El Mercurio où l’auteur austro-britannique avouait préférer le dictateur militaire au gouvernement démocratique manquant de libéralisme : « La règle de la loi (N.d.A. : il s’agit selon nous d’une traduction contestable de la formule “rule of law”, voy. récemment X. Miny, « “Au nom de l’État de droit” obs. sous Tribunal civil francophone Bruxelles (référés), 05/08/2020 », Administration Publique : Revue du Droit Public et des Sciences Administratives, 2021, 3–4, pp. 635–637) n’a bénéficié que pendant l’époque libérale d’une évolution consciente ; en fait c’est la réalisation la plus importante de cette période. […] Elle n’a jamais été aussi sérieusement menacée qu’aujourd’hui. La souveraineté populaire et les gouvernements démocratiques sont en partie responsables de la propagation de la croyance dans le pouvoir illimité du législateur. À son origine se trouve une conception selon laquelle la règle de la loi serait préservée aussi longtemps que tous les actes de l’État sont couverts par une législation régulière : conception entièrement erronée. Les mesures du gouvernement peuvent être parfaitement légales du point de vue juridique sans se conformer pour cela à la règle de la loi » (« This rule has little to do with the question whether all actions of government are legal in the juridical sense. They may well be and yet not conform to the Rule of Law ») (F. A. Hayek, La route de la servitude (1946), Paris, Quadrige/Presses Universitaires de France, 2010, pp. 64–65).

29

Cette façon d’opposer les principes démocratiques à la préservation du « droit » n’est pas foncièrement neuve. Dans son essai La Loi de 1850 (rééd. Nancy, Marc Baronnet, 2008), Frédéric Bastiat, par exemple, oppose de « graves objections au suffrage universel » (p. 22), constatant « l’omnipotence de la Loi » (p. 70), censée préserver la Personne, la Liberté et la Propriété et pourtant devenue véhicule d’une « spoliation légale » (p. 31) et « champ de bataille de toutes les rêveries et de toutes les cupidités » (p. 92).

30

D. Grimm, « Moins de constitution pour plus de démocratie en Europe ? », Paris, Collège de France, 29 mars 2017 ; voy. également D. Grimm, « Quand le juge dissout l’électeur », Le Monde diplomatique, juillet 2017, p. 19.

31

Voy. également D. Grimm, Constitutionalism: Past, Present, and Future, Oxford, Oxford University Press, 2016.

32

Pour une analyse des différentes conceptions de la constitution, de ses objectifs depuis les théorisations opérées par Thomas Jefferson et de la distinction entre pouvoir constituant et pouvoir constitué, voy. E. Zoller et W. Mastor, Droit constitutionnel, 3e, Paris, Presses universitaires de France, 2021, pp. 13–106.

33

Voy. notamment J. Solchany, « Le problème plus que la solution : la démocratie dans la vision du monde néolibérale », Revue de philosophie économique, vol. 17, no 1, 2016, pp. 135–169 et P. Dardot, H. Guéguen, C. Laval et P. Sauvêtre, Le choix de la guerre civile – Une autre histoire du néolibéralisme, Montréal, Lux Editeurs, 2021, pp. 55–72.

34

W. Bonefeld, « European Economic Constitution and The Transformation of Democracy: On Class and The State of Law », European Journal of International Relations, 2015, vol. 21, n° 4, pp. 867–886 ; A. J. Menéndez, « The Crisis of Law and the European Crises: From the Social and Democratic Rechtsstaat to the Consolidating State of (Pseudo-)technocratic Governance », Journal of Law and Society, 2017, vol. 44, n° 1, pp. 56–78 ; J. van t’ Klooster, « Democracy and the European Central Bank’s Emergency Powers », Midwest Studies In Philosophy, 2018, vol. 42, n° 1, pp. 270–293.

35

J.-J. Mével, « Jean-Claude Juncker : “La Grèce doit respecter l’Europe” », Le Figaro, 28 janvier 2015.

36

Sur la crise de la politique traditionnelle et l’acception moderne de politique, voy. récemment J.-M. Guéhenno, Le premier XXIe siècle. De la globalisation à l’émiettement du monde, Paris, Flammarion, 2021, pp. 85–136.

37

Voy. J.-W. Müller, Qu’est-ce que le populisme ?, Paris, Folio essais, 2018 (éd. originale : 2016), spéc. p. 169 : « [y] a-t-il aujourd’hui, en Europe tout particulièrement, beaucoup de populistes ? Oui. Le concept de populisme est-il étiré à l’excès (consciemment ou inconsciemment) par les élites européennes de façon à pouvoir ignorer les critiques qu’elles jugent malvenues ? La réponse, là encore, doit être ici fermement affirmative ».

38

Voy. P. Rosanvallon, Le siècle du populisme – Histoire, théorie, critique, Paris, Seuil, 2020, pp. 11–13 et 59–61.

39

Voy. W. H. Brown, Murs : Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique, op. cit., p. 24 : « [e]n répondant à la remise en cause et à l’érosion de la souveraineté étatique, les nouveaux murs projettent l’image du pouvoir juridictionnel souverain ainsi que l’aura de la nation sécurisée dans ses frontières, soit cela même qu’ils contribuent à affaiblir par leur existence. Malgré leur massive présence physique, les nouveaux murs fonctionnent souvent sur un mode spectaculaire projetant un pouvoir et une efficacité qu’ils ne sauraient exercer concrètement et qu’ils contredisent dans les faits ».

40

J. Faniel, « Crise du politique : les deux visages de Janus », in G. Matagne et V. Van Ingelgom (dir.) Politiques de crise, crises du politique, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2017, pp. 23–33.

41

Voy. sur cette notion J. Chevallier, L’État post-moderne, Paris, lgdj, 2017.

42

Un fondement important de cette réduction de la science à l’idéologie provient, semble-t-il, de la tradition marxiste, nonobstant les décalages opérés par Althusser (voy. en particulier L. Althusser, Pour Marx, Paris, La Découverte, 2007, pp. 105–151 ; L. Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d’État (Notes pour une recherche) », in Sur la reproduction, Paris, Presses Universitaires de France, 2011, pp. 263–306).

43

F. Taylan, Concepts et rationalités. Héritages de l’épistémologie historique, de Meyerson à Foucault, Paris, Éditions matériologiques, 2018.

44

M. Foucault, « Science et savoir », in L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, pp. 249–252. Foucault met en garde contre une lecture trop étroite de ces liens entre « idéologie » et « sciences » : « si la question de l’idéologie peut être posée à la science, c’est dans la mesure où celle-ci, sans s’identifier au savoir, mais sans l’effacer ni l’exclure, se localise en lui, structure certains de ses objets, systématise certaines de ses énonciations, formalise tels de ses concepts et de ses stratégies ; c’est dans la mesure où cette élaboration scande le savoir, le modifie et le redistribue pour une part, le confirme et le laisse valoir pour une autre [...] » (ibid., pp. 250–251). Autrement dit, « l’idéologie n’est pas exclusive de la scientificité » (ibid., p. 251), car « les conditions politiques, économiques d’existence ne sont pas un voile ou un obstacle pour le sujet de connaissance, mais ce à travers quoi se forment les sujets de connaissance, et donc les relations de vérité ; il ne peut y avoir certains types de sujets de connaissance, certains ordres de vérité, certains domaines de savoir qu’à partir de conditions politiques qui sont le sol où se forment le sujet, les domaines de savoir et les relations de vérité » (M. Foucault, « La vérité et les formes juridiques », in Dits et Écrits, Tome I, Paris, Gallimard, 2001, pp. 1406–1421, spéc. 1420–1421).

45

Ceci recoupe les enseignements épistémologiques de Max Weber (M. Weber, Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965). Loin de la caricature qui est parfois faite de la « neutralité axiologique », Weber défend en effet à la fois, au niveau méta-, une vérité objective conditionnelle et hypothétique dans le monde des faits (M. Weber, « L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociale », in Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965, pp. 117–213) et, au niveau individuel, une Wertfreiheit – autrement dit une prise de distance par rapport aux jugements de valeur – comme ethos du chercheur, ce qui ne constitue in fine rien d’autre qu’un appel à la réflexivité et à l’autocritique du scientifique sur ses propres recherches, mais non une croyance en une objectivité absolue et atteignable. La place importante à accorder, dans les sciences sociales, à ce que nous avons qualifié d’« idéologie » se trouve d’ailleurs, chez Weber, sous le concept de « relations aux valeurs » (Wertbeziehung ou Beziehung auf Wertideen). Weber reconnaît lui-même que les valeurs conditionnent, en amont, l’objet de recherche et la méthode du chercheur. Il reconnaît également, et peut-être plus fondamentalement, que l’évaluation sur la base de valeurs est une caractéristique fondamentale de l’homme et que toute société est pétrie et gorgée de ces jugements de valeur, de sorte que ceux-ci constituent, pour la recherche en « sciences de la culture » (Kulturwissenschaften), un objet d’investigation essentiel. Voy. également sur le sujet L. Heuschling, « Le relativisme des valeurs, la science du droit et la légitimité. Retour sur l’épistémologie de Max Weber », in Droit et légitimité, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 15–71.

46

M. Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », in S. Bachelard et al. (dir.), Hommage à Jean Hyppolite, Paris, Presses Universitaires de France, 1971, pp. 145–172.

47

Voy. notamment R. Koselleck, Le règne de la critique, Paris, Editions de Minuit, 1979 ; R. Koselleck, Le futur passé : contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éditions de l’EHESS, 2016. Voy. également F. Dosse, « Reinhart Koselleck entre sémantique historique et herméneutique critique », in C. Delacroix, F. Dosse et P. Garcia (dir.), Historicités, Paris, La Découverte, 2009, pp. 115–129 ; M. Werner, « “Les Mots de l’histoire” et la Begriffsgeschichte/sémantique historique », Revue de l’ifha. Revue de l’Institut français d’histoire en Allemagne, 2012, n° 4, pp. 187–194 ; A. Escudier, « “Temporalisation” et modernité politique : penser avec Reinhart Koselleck », Revue germanique internationale, 2017, n° 25, pp. 37–67 ; E. Palti, « Koselleck-Foucault: The Birth and Death of Philosophy of History », in C. Roldán, D. Brauer et J. Rohbeck (dir.), Philosophy of Globalization, Berlin/Boston, De Gruyter, 2018, pp. 409–422.

48

R. Koselleck, « Histoire des concepts et histoire sociale », in Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, op. cit., pp. 127–148, spéc. p. 140. Koselleck ajoute : « [l]es concepts politiques et sociaux deviennent des instruments de commande de l’orientation du mouvement historique. Ils ne sont pas simplement des indices, mais tout autant des facteurs de tous ces changements qui ont bouleversé, depuis le xviiie siècle, la société bourgeoise » (R. Koselleck, « La sémantique des concepts de mouvement dans la modernité », in ibid., pp. 311–356, spéc. p. 353).

49

Koselleck précise par ailleurs, en prenant appui sur l’exemple du concept de démocratie que « [p]lus les concepts sont généraux, plus nombreux sont les partis qui peuvent en faire usage. [...] Ainsi naît une véritable lutte autour du sens exact, plus encore, du maniement exact des concepts. Le terme “démocratie” est devenu un concept constitutionnel universel que chaque camp revendique pour soi, de façon différente. Cela implique que les mêmes concepts se chargent de contenus liés à des perspectives différentes. En tant que concepts généraux, ils requièrent une attribution de sens, indépendamment des expériences concrètes ou des attentes qu’ils recèlent. Ainsi naît une rivalité pour déterminer l’authentique interprétation politique [et] des techniques d’exclusion destinées à empêcher l’adversaire de dire ou de vouloir autre chose que ce que l’on dit ou veut soi-même » (ibid., p. 355).

50

H. L. A. Hart, The Concept of Law, 2e éd., Oxford, Oxford University Press, 1994, pp. 88–91.

51

H. Kelsen, Reine Rechtslehre, Vienne, Deuticke, 1960.

52

Voy. ainsi H. Dumont et A. Bailleux, « Esquisse d’une théorie des ouvertures interdisciplinaires accessibles aux juristes », Droit et Société, 2010, vol. 75, n°2, pp. 275–293.

53

Quoique nous n’endossions pas sa critique du positivisme juridique, les travaux d’Alain Supiot constituent un exemple important de cette voie méthodologique. Voy. notamment ses considérations méthodologiques et épistémologiques dans A. Supiot, La gouvernance par les nombres : cours au Collège de France (2012–2014), Paris, Fayard, 2015, pp. 9‑24.

54

A. Bailleux et F. Ost, « Droit, contexte et interdisciplinarité : refondation d’une démarche », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2013, vol. 70, n° 1, pp. 25–44, spéc. p. 35 (ce sont les auteurs qui soulignent).

55

Ibid.

56

A. Bailleux et F. Ost, « Droit, contexte et interdisciplinarité », op. cit., p. 42. Les auteurs notent par ailleurs : « [i]l s’agit là sans conteste d’une posture difficile et risquée, sans cesse menacée de rester captive du discours juridique – on pense notamment à la théorie kelsénienne du droit, qui réifie et absolutise ce discours – et exposée au “risque” inverse de s’en abstraire complètement – on pense par exemple à l’approche marxienne du droit » (ibid.).

57

Quoique, selon certains, et malgré leur grande proximité, l’analyse économique du droit ne puisse être totalement confondue avec le mouvement « Law and Economics », dans la mesure où la première serait propre à l’École de Chicago alors que le second constituerait un mouvement plus large (voy. notamment T. Kirat, « Economie et droit. De l’analyse économique du droit à de nouvelles alliances ? », Revue économique, 1998, vol. 49, n° 4, p. 1058).

58

R.H. Coase, « The Problem of Social Cost », The Journal of Law & Economics, 1960, vol. 3, pp. 1–44.

59

F.A. Hayek, Droit, législation et liberté, op. cit. Sur les liens entre les théories juridico-économiques de Hayek et l’approche économique du droit, voy. en particulier R. Lanneau, Les fondements épistémologiques du mouvement Law & Economics, Paris, lgdj/Fondation Varenne, 2010.

60

Voy. notamment R. Posner, Economic Analysis of Law, Boston, Little, Brown and Company, 1973.

61

A. Vandenbulke, « La Legal Origins Theory : droit, économie, idéologie », Revue Internationale de Droit Economique, 2017, pp. 79–130.

62

M.A. Wilkinson et H. Lokdam, « Law and Political Economy », lse Law, Society and Economics Working Papers, n° 7/2018, disponible à l’adresse: http://eprints.lse.ac.uk/87544/ (dernière consultation le 12 février 2022) (c’est nous qui soulignons).

63

Ibid., p.1.

64

K. Polanyi, La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps (1944), Paris, Gallimard, 2011.

65

Et quoique cette entreprise volontaire soit également, partiellement, le fruit de décisions et d’évolutions contingentes.

66

Non sans engendrer, par réaction, un contre-mouvement d’autoprotection de la société par un réencastrement de l’économique dans la société, c’est-à-dire par une repolitisation des questions économiques, dont témoigneraient notamment les législations de protection sociale obtenues par les mouvements de contestation, notamment syndicaux. Les mouvements fascistes et soviétiques constitueraient quant à eux des tentatives (anti-démocratiques) de réencastrement volontariste et violent de l’économique dans le social et le politique.

67

Voy. aussi le travail inachevé de Karl Polanyi entre 1947 et 1964, mais publié à titre posthume sous la supervision de Harry W. Pearson : K. Polanyi, La subsistance de l’homme. La place de l’économie dans l’histoire et la société, Paris, Flammarion, 2011 (éd. originale : The livelihood of Man, New York, Academic Press, 1977).

68

S. Audier, Néo-libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Paris, Grasset, 2015.

69

H. Heller, « Autoritärer Liberalismus? », Die Neue Rundschau, 1933, vol. 44, pp. 289–298 (réimprimé in: H. Heller, Gesammelte Schriften, vol. ii, Leiden, A. W. Sijthoff, 1971, pp. 643–653 ; traduit respectivement en anglais et en français in: H. Heller, « Authoritarian Liberalism ? », European Law Journal, 2015, vol. 21, n° 3, pp. 295‑301; H. Heller, « Libéralisme autoritaire? », in C. Schmitt and H. Heller, Du libéralisme autoritaire (édité et introduit par G. Chamayou), Paris, La Découverte (Zones), 2020, pp. 123‑139).

70

Voy. notamment R. Cristi, Carl Schmitt and Authoritarian Liberalism. Strong State, Free Economy, Cardiff, University of Wales Press, 1998 ; W. Bonefeld, The Srong State and the Free Economy, Londres, Rowman & Littlefield, 2017 ; M.A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, Oxford/New York, Oxford University Press, 2021.

71

Voy. notamment K. Tuori, The Eurozone crisis: a constitutional analysis, op. cit., pp. 13–60.

72

Il est trop tôt pour anticiper sérieusement l’ampleur des conséquences qu’engendrera l’invasion militaire de l’Ukraine déclenchée le 24 février 2022 par l’armée russe et toujours en cours à l’heure d’écrire ces lignes. Nous pouvons toutefois relever que les sanctions économiques imposées au plus grand pays du globe (notamment la déconnexion de certaines banques russes de Swift) ont – et auront sans doute longtemps – un impact majeur sur l’économie mondiale et les conceptions du libéralisme économique. Ainsi, selon de premiers commentateurs, « Globalisation will never fully recover from this blow » (F. De Ville, « The End of Globalisation as we knot it », GIES Occasional Paper, mars 2022, disponible à l’adresse : https://www.ugent.be/ps/politiekewetenschappen/gies/en/gies_papers/2022-ukraine/pdf-files/the-end-of-globalisation-as-we-know-it_pdf ; dernière consultation le 25 mars 2022). Concernant la construction européenne, notons que de nombreux États membres, dont l’Allemagne, se sont déjà engagés dans un réinvestissement massif de leurs dispositifs de défense, évoquant même à de multiples reprises l’idée tant de fois explorée et enterrée d’armée européenne. De même, dès le déclenchement de la guerre, l’Europe s’est engagée sur la voie du renforcement d’une autonomie énergétique, qui lui fait encore cruellement défaut, notamment par le biais du REPowerEU (F. De Witte, « Russia’s invasion of Ukraine signals new beginnings and new conflicts for the European Union », LSE EUROPP blog, 14 mars 2022, disponible à l’adresse : https://blogs.lse.ac.uk/europpblog/2022/03/14/russias-invasion-of-ukraine-signals-new-beginnings-and-new-conflicts-for-the-european-union/; dernière consultation le 25 mars 2022).

73

G. Grégoire, « L’économie de Karlsruhe. L’intégration européenne à l’épreuve du juge constitutionnel allemand », op. cit.

74

Il eût été évidemment opportun d’intégrer d’autres États européens à cette étude, en particulier pour illustrer deux catégories spécifiques d’entre eux : d’une part, les États de l’ex-bloc soviétique, dont les constitutions des années 1990 font parfois explicitement référence à l’économie (sociale) de marché (par exemple en Hongrie ou en Pologne) ; d’autre part, les États du Sud de l’Europe ayant été soumis à la « conditionnalité » et aux « réformes structurelles » découlant des mécanismes de stabilité européens (fesf, mesf, mes) et autres Memoranda of Understanding de la Troïka (fmi, bce et Commission), avec notamment le cas paradigmatique et emblématique de la Grèce. Dans cette dernière catégorie, l’Italie eût été, elle aussi, particulièrement intéressante à analyser, au vu de sa riche histoire sur le plan du constitutionnalisme économique, que ce soit au niveau du droit positif ou de la littérature scientifique. Des raisons pratiques d’édition nous ont cependant contraints à nous en tenir à un échantillon restreint, qui est néanmoins appelé, nous l’espérons, à être étendu à l’occasion de prochains travaux sur le sujet.

75

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