Discussion L’idée de constitution économique et l’hypothèse du libéralisme autoritaire

In: The Idea of Economic Constitution in Europe
Author:
Vincent Valentin
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Résumé

Cette contribution discute deux aspects de la notion de « constitution économique » telle que née dans l’ordolibéralisme, l’un qui touche à la démocratie dans la perspective d’un libéralisme autoritaire, l’autre au marché comme pouvant être l’objet d’une intervention de l’État. Sur ces deux points est contestée l’idée que l’ordolibéralisme serait porteur d’une rupture profonde avec le libéralisme classique. D’une part, le principe d’une constitution (économique) comme moyen de neutraliser les effets de la démocratie sur les droits et libertés individuelles est au cœur du libéralisme dès son origine ; d’autre part il ne donne pas à l’État les moyens d’une direction de l’économie en des termes qui porteraient une rupture avec le laissez-faire. Ainsi, ni « le libéralisme autoritaire » ni « l’interventionnisme libéral » ne peuvent être vus comme des points d’inflexion majeurs de la pensée libérale au XXe siècle. À l’encontre de l’interprétation foucaldienne, et sans nier son importance historique et théorique, l’ordolibéralisme n’apparaît pas comme constitutif d’un basculement d’un libéralisme de laissez-faire vers un néolibéralisme d’intervention.

Introduction

Je dois commencer cette contribution par un aveu : lorsque j’ai préparé ma thèse de doctorat, consacrée aux conceptions néolibérales du droit1, je n’ai pas considéré que l’ordolibéralisme devait y avoir une place importante. Je ne l’ai pas intégré au corpus doctrinal qu’il me semblait nécessaire de réunir pour saisir le sens et l’originalité du renouveau libéral au xxe siècle. Il me semblait alors (la thèse a été soutenue en 2000) que ce qui donnait sa cohérence au néolibéralisme était la radicalisation individualiste du libéralisme classique, autour de figures aussi différentes que Mises, Hayek, Friedman, Buchanan, Rothbard ou Nozick, et que, par conséquent, l’ordolibéralisme, très critique à l’égard du laissez-faire et porteur d’un certain conservatisme, et pour cela durement critiqué, voire rejeté, par ces auteurs, n’était que le témoignage d’un moment très bref et très circonstancié de la réflexion libérale, avant le véritable déploiement de la pensée néolibérale à partir des années 1960.

Dois-je regretter ce choix, avais-je raison de marginaliser l’ordolibéralisme, de considérer que son apport à la pensée néolibérale était somme toute minime ? Oui, parce que, si son influence s’est progressivement éteinte, il a bel et bien été un moment intellectuel important, comme le montrent les nombreux échanges entre ces principaux représentants et les autres courants libéraux2 ; oui aussi, car travaillant sur la dimension proprement juridique du néolibéralisme je n’aurais pas dû passer à côté d’une pensée accordant une place prépondérante à l’idée de constitution économique3.

Néanmoins, au-delà de ce mea culpa, je garde quelque chose de ma réserve première. Tout d’abord, il est bien exact que le regain libéral observable dans les années 1970 ne doit pas grand-chose à l’ordolibéralisme. Ces principaux représentants, soit s’en sont détournés, Hayek en tête, soit l’ont parfaitement ignoré. Surtout, l’esprit de ce nouveau libéralisme était bien différent. Plus question de chercher une troisième voie entre laissez-faire et socialisme, plus question de renier le vieux libéralisme et ses excès individualistes, mais, bien au contraire, il s’agissait d’approfondir les principes de « l’individualisme possessif » et de l’autorégulation, tout en fustigeant les méfaits de l’intervention de l’État dans la société. Les figures de proue du néolibéralisme, par-delà leurs nombreuses divergences, qu’ils se rattachent à l’école autrichienne, à l’évolutionnisme, à l’école de Chicago ou au courant libertarien, proposent une critique radicale de l’action publique, qu’il s’agit de limiter plus que de refonder, même sur des bases qui ne seraient pas celle du socialisme réformateur mais s’inscriraient dans le sillage d’un libéralisme modéré. Je pense donc toujours que l’esprit ayant porté le néolibéralisme dans la seconde partie du xxe siècle n’était pas celui de l’ordolibéralisme qui, lié à un contexte national et international bien particulier, occupé à penser le sauvetage de l’essentiel du libéralisme face au totalitarisme, a développé un programme différent du néolibéralisme plus tardif, portée par la crise des États-providence, le retour au libéralisme politique et l’aspiration à un renversement individualiste du conservatisme social et moral.

Ces réserves n’empêchent évidemment pas de considérer que l’ordolibéralisme est un jalon important de l’histoire du libéralisme. Son étude permet notamment d’éclairer deux points auxquels nous invitent à réfléchir Werner Bonefeld4 et Thomas Biebricher5 : la pente autoritaire du néolibéralisme et son rapport à la démocratie, d’une part ; la réalité de son agenda politique, la relation exacte de l’État au marché, de l’autre. En outre, l’approfondissement de ces deux questions permet d’aborder un aspect essentiel de la théorie politique contemporaine : la nature des politiques publiques et de l’orientation générale de ce que l’on nomme la gouvernance des États démocratiques6. Un fort courant d’analyse considère que le néolibéralisme, et en son sein l’ordolibéralisme en particulier, serait la matrice sous-terraine des politiques contemporaines, au niveau national mais aussi bien sûr dans le cadre de l’Union européenne7. Vue ainsi, l’étude de l’ordolibéralisme, et en particulier de la notion de « constitution économique », a un double enjeu : il en va de l’histoire des idées, puis de l’évaluation de la nature des États contemporains. L’inscription des contributions de Werner Bonefeld et Thomas Biebricher dans la partie de l’ouvrage dédié à la généalogie du concept incite à ne traiter que le premier point, mais il me semble qu’il ne prend toute son importance que dans la perspective du second8. Le véritable enjeu de ce retour sur la notion de « constitution économique » est, je crois, de savoir si nous devons notre situation politique au néolibéralisme.

À la suite des deux très stimulantes réflexions que l’on me propose de commenter, et dont je ne pourrai hélas évoquer tous les aspects, je distinguerai deux facettes de l’idée de constitution économique. Celle d’abord qui touche au rapport de l’État néolibéral à la démocratie, de manière à revenir sur la notion de « libéralisme autoritaire », dont je voudrais discuter la portée ; celle ensuite qui concerne le marché, en analysant en particulier la notion d’« interventionnisme libéral », pour en évaluer la pertinence au regard de l’agenda ordolibéral.

1 La signification du libéralisme autoritaire

La notion de libéralisme autoritaire, telle que proposée par Herman Heller, visait à désigner la position de Carl Schmitt et d’une partie des élites politiques au pouvoir en Allemagne dans les années 1930, et non directement la doctrine néo ou ordolibérale, comme il sera ensuite tentant de le faire, en produisant ainsi une grille de lecture pour le rapport du néolibéralisme à la démocratie au cours du xxe siècle9. On voudrait d’abord discuter la substance de la notion chez Schmitt lui-même, avant de s’interroger sur la possibilité de la retrouver chez les ordolibéraux, et enfin de conclure sur la nature de la conception néolibérale de la démocratie.

1.1 Schmitt libéral ?

S’il ne fait guère de doute que Schmitt défend une conception autoritaire de l’exercice du pouvoir, sa pensée peut-elle être qualifiée de libérale ? Plaiderait en ce sens le fait qu’il dénonce l’effet sur l’État de la démocratie de masse, envahi par les demandes d’intervention en tous sens au profit d’intérêts particuliers. Schmitt fait le constat qu’est apparu un « État total » qui, loin d’être un veilleur de nuit, « s’empare de tous les domaines de la vie humaine »10. L’action publique s’est substituée à l’abstention de l’État libéral, ce qui conduit à « une politisation de toutes les questions économiques, culturelles, religieuses, et autres de l’existence humaine »11. L’État, en « grossissant » s’affaiblit, puisque ses interventions marquent son incapacité à résister aux revendications sociales. Il est absorbé par la société, elle-même absorbée par l’État. L’État total est un État qui a perdu sa transcendance, son autonomie à l’égard de la société civile. La cause de cette dégénérescence est à chercher du côté de la démocratie, qui organise le clientélisme électoral, et produit la confusion du politique et de l’économique.

Cela a incontestablement des accents libéraux. L’idée d’un « État fort et d’une économie saine »12 dessine d’une certaine manière l’idéal libéral de l’État gendarme protecteur de l’économie de marché. Comme l’écrit Werner Bonefeld, l’insistance sur la nécessaire séparation entre l’État et la société de masse est conforme à avec la conception de l’économie comme sphère dépolitisée. De même, la conception de l’État fort, qui, je cite Werner Bonefeld, « met en place les règles, les modifie et les fait respecter, qui est chargé de dépolitiser les relations sociales, qui contraint les passions de l’intérêt personnel, les demandes pluralistes de protection contre les pressions concurrentielles » est effectivement autant schmittienne que néolibérale. On sait qu’Hayek rendra hommage, bien plus tard, à la sagacité de Schmitt concernant l’origine de l’interventionnisme démocratique13. La critique des effets interventionnistes de la démocratie est bien sûr au cœur du libéralisme, anticipé par Tocqueville et analysé depuis, notamment, par l’analyse économique du droit et l’école du Public Choice. On peut considérer que l’ensemble du néolibéralisme est une tentative pour protéger le marché et les droits individuels de la démocratie.

Néanmoins, il ne semble pas que l’horizon critique de Schmitt soit libéral, ni politiquement ni économiquement14. Pour sortir de l’État total de la démocratie interventionniste, il envisage un autre État total, un État autoritaire qui assumera la rupture avec la démocratie. Schmitt oppose l’État total qualitatif, qu’il souhaite, fondé sur la force de s’émanciper de l’emprise de la société civile, et l’État total quantitatif, qu’il s’agit de supprimer15. À l’État né de la démocratie de masse, Schmitt n’oppose pas le retour à l’État de droit neutre de la tradition libérale mais l’État fasciste, totalitaire, dans une référence explicite à Mussolini16. Aussi propose-t-il une conception autoritariste du pouvoir, voyant dans le Président du Reich le foyer de la réaction possible à la démocratie de masse et le sauveur des impasses de la République de Weimar17. Il s’agit pour lui de rompre avec l’impasse du pluralisme, plus profondément qu’avec la seule intervention de l’État dans l’économie. Par ailleurs, Schmitt n’envisage pas vraiment la liberté économique, mais plutôt une économie organisée par le monde des affaires, à l’abri de la contestation politique, certes, mais ressemblant davantage à la logique des cartels qu’à celle de la concurrence18. Il enterre « le vieux principe libéral d’absolue non-ingérence, d’absolue non-intervention, (qui) n’est plus à l’ordre du jour »19. Comme le souligne Heller, le retrait de l’État de l’économie, c’est la fin des actions sociales mais pas des subventions et du soutien étatique aux intérêts industriels et financiers20. Il n’y a pas chez Schmitt d’adhésion aux principes du libéralisme économique ; il veut que l’État soumette l’économie à sa volonté21. Ce qu’il déplore dans l’État total, ce n’est pas en tant que tel que l’État se mêle d’économie, c’est que le pouvoir politique perde son autonomie.

Plus largement, indépendant du slogan « État fort, économie saine », Schmitt rejette la Weltanschauung libérale, incapable selon lui d’une pensée positive de la politique, et, engluée dans la morale des droits de l’homme, de se saisir des enjeux du temps22. Le libéralisme est une philosophie de l’affaiblissement de l’État, de sa neutralité mais aussi de sa neutralisation, dans tous les domaines, et tourne le dos à ce qui est pour Schmitt la fonction du politique, qui est précisément d’affirmer selon la dichotomie ami/ennemi un projet substantiel (et pas seulement un ensemble de règles formelles).

Il semble donc, tout compte fait, qu’il soit impropre de considérer que Schmitt se fait le propagateur d’un libéralisme, même qualifié d’autoritaire. Cela ne signifie cependant a priori pas que l’on ne trouve pas dans l’ordolibéralisme des traces d’une influence schmittienne. Si Schmitt n’est pas libéral, des libéraux peuvent être schmittiens. Il est un fait : Schmitt est cité par certains ordolibéraux, qui approuvent son analyse quant à la situation de l’État total quantitatif23. Considérant que l’économie est malade de l’interventionnisme démocratique, Rüstow, notamment, déplore la dissolution du principe d’autorité de l’Allemagne impériale dans la République de Weimar ; l’économie ne s’est pas déréglée toute seule mais sous les coups de la corruption de l’État démocratique24. Aussi, pour les ordolibéraux comme pour Schmitt la solution est-elle politique, elle passe par un arraisonnement de la démocratie.

1.2 L’hypothèse autoritaire chez les ordolibéraux

À ce stade, le rapprochement peut être jugé superficiel. Peut-on aller plus loin, en repérant chez les ordolibéraux une profonde tentation autoritaire, voire dictatoriale ? En 1929, Rüstow fait une conférence sous un intitulé qui suggère une réponse positive : « la dictature dans les limites de la démocratie »25. Le texte montre, au minimum, que la solution dictatoriale, au profit du Chancelier, est envisagée pour sortir l’Allemagne du marasme parlementaire ; il en appelle à un changement de constitution qui permettrait de s’en remettre à un homme providentiel afin d’imposer le bon rapport de l’État à la société. Dans le contexte de crise du début des années trente, la solution césariste apparaît comme opportune au père de l’ordolibéralisme, qui voit en elle la possibilité de mettre en place une constitution économique. Peut-on réduire la proximité entre Schmitt et Rüstow à un concours de circonstances, le contexte rendant souhaitable une solution autoritaire (fasciste ou libérale, ou communiste pour d’autres), qui ne serait que la forme d’une sortie de crise ? Peut-on à l’inverse considérer qu’elle révèle une telle défiance de l’ordolibéralisme à l’égard de la démocratie que l’autoritarisme technocratique lui apparaîtrait comme une forme supérieure de gouvernement ? Werner Bonefeld, comme Grégoire Chamayou en France, semble considérer la connexion avec Schmitt comme une clé de compréhension de l’ordolibéralisme, et peut-être de l’ensemble du néolibéralisme, qui serait profondément un libéralisme autoritaire26. Les liens entre l’école de Chicago et plus encore Hayek, non seulement avec le Chili de Pinochet mais aussi avec d’autres expériences dictatoriales, n’exprimeraient pas de l’opportunisme ou du pragmatisme mais plus profondément leur véritable philosophie de l’État. Le programme même du néolibéralisme serait autoritaire. Mais en quel sens exactement ?

La notion même de libéralisme autoritaire mérite d’être discutée. Est-ce que, au-delà du rapprochement très daté entre les intérêts de certains industriels et le décisionnisme fasciste, au-delà même de l’aversion partagée (mais pour des raisons différentes) à l’égard de la démocratie interventionniste, au-delà du stimulant oxymore de Heller, il est possible de considérer qu’il existe un « libéralisme autoritaire » ? Je ne suis pas sûr que l’on puisse utiliser l’expression comme si elle désignait une réalité acquise. Aussi suis-je un peu gêné par la façon dont Werner Bonefeld qualifie Schmitt de libéral autoritaire, comme si la seule idée d’une économie débarrassée des effets des revendications sociales par un État fort suffisait à définir une position libérale. Werner Bonefeld écrit que « le libéralisme autoritaire conçoit l’économie libre comme un ordre de l’État. Il reconnaît la constitution économique de la liberté comme une pratique politique de l’ordre ». Concevoir l’ordre économique concurrentiel comme une décision de l’État, et protéger cet ordre d’une remise en cause politique et sociale, est-ce que cela implique l’autoritarisme ?

Sans se perdre dans une querelle de mot, il semble que l’autoritarisme désigne dans le langage courant une hypertrophie de l’autorité érigée en valeur suprême. En ce sens, le libéralisme ne saurait être autoritaire. Grégoire Chamayou propose une autre définition, propre à servir sa critique du néolibéralisme : serait autoritaire « un pouvoir qui s’affirme comme le seul véritable auteur de la volonté politique »27. Cela pourrait s’appliquer à un État libéral, détaché du Demos, où la protection du marché serait garantie par un contrôle de l’action contre le marché. Pour illustrer ce modèle, Chamayou énumère les moyens de ce contrôle : répression des mouvements sociaux, affaiblissement des parlements, restriction des droits syndicaux et de la liberté de la presse, affaiblissement des garanties judiciaires28. Cette définition offre une belle cohérence mais ne correspond à aucune composante, sur le plan strictement théorique, de la doctrine libérale, qui aurait osé explicitement associer dans son programme une sorte de fondamentalisme de marché avec la suppression des libertés politiques. Elle ne me semble opérationnelle pour qualifier aucune branche du discours néolibéral.

Werner Bonefeld propose une autre approche, plus convaincante : serait autoritaire le fait que le marché soit posé par l’État comme un acte d’autorité. C’est effectivement le cas dans l’ordolibéralisme, dont c’est même le principe. Autoritaire serait le dispositif constitutionnel bloquant toute remise en cause via la vie politique de l’ordre concurrentiel. Double autoritarisme : par la fondation et pendant le fonctionnement de l’ordre politique et économique. En ce sens le qualificatif est convaincant mais rencontre une difficulté : quelle constitution ne serait pas autoritaire ? Toute idée de constitution repose sur un acte de souveraineté, qui en soi est autoritaire. Plus encore, le principe même du constitutionnalisme est d’encadrer l’exercice de la liberté politique par des règles fixes et strictes, afin de préserver ou de produire un type d’ordre social jugé souhaitable. On touche alors une évidence incontestable : dans le sens suggéré par Werner Bonefeld, toute la tradition constitutionnaliste libérale, qui entend mettre une digue à l’emprise du pouvoir politique sur la vie individuelle et collective, est autoritaire dans la mesure où la séparation entre l’État et la société ne doit pas être remise en cause. Aussi pourrait-on alors voir une anticipation du libéralisme autoritaire dans la formule de Benjamin Constant, évoquée par Werner Bonefeld, selon laquelle les pouvoirs du gouvernement doivent être inexistants hors de sa sphère mais ne sauraient jamais être trop puissants dans sa sphère29.

1.3 De la démocratie dans le néolibéralisme

De fait, c’est un thème des études en science politique usé jusqu’à la corde, le libéralisme conçoit la démocratie à la fois comme une évidence – aucun autre régime ne s’accorde à sa conception de la légitimité du pouvoir, fondée sur le consentement – et comme une menace, puisque la démocratie donne au peuple un pouvoir qui par principe remet en cause le caractère intouchable de la liberté économique et de la propriété privée. Tout au long du xixe siècle, cette tension est perçue par les théoriciens libéraux du gouvernement représentatif, aussi bien que par Marx30, et par Schmitt ensuite. L’avènement du suffrage universel, l’apparition des partis ouvriers et des projets de réforme ou de révolution d’un ordre économique et social fondé sur la propriété privée et le capitalisme, vont amener les libéraux à repenser leur propre doctrine, non seulement pour ce qui touche au fonctionnement du marché, mais aussi pour ce qui est de la démocratie, afin de limiter ses effets. Toutes les branches du néolibéralisme concourent à redéfinir les bornes d’un pouvoir issu des urnes et perçu comme une menace, dans une veine utilitariste ou déontologique. Si l’on considère qu’est autoritaire le système qui permet de bloquer par le haut toute possibilité de mettre en œuvre une organisation sociale autre que libérale, alors tout le libéralisme est bel et bien autoritaire. L’État (néo)libéral est pensé pour empêcher l’emprise du pouvoir sur les individus et aussi sur la distribution des richesses produites par la concurrence.

Aussi une bonne part du renouveau théorique constitutif du néolibéralisme consiste à théoriser la critique de l’interventionnisme démocratique, en ses fondements, par le refus de la justice sociale (Hayek, Nozick ou Rothbard), ou ses mécanismes, notamment dans le cadre de l’analyse économique du droit, par Posner, Down, Buchanan et Tullock. Est-ce assez pour considérer que le néolibéralisme est autoritaire, au-delà de sa méfiance constitutionnalisée à l’égard de la démocrate providence ? Est-il pertinent, ou heureux, de qualifier d’autoritaire une pensée ou une pratique du pouvoir qui consiste à gouverner par la liberté, par l’incitation et non par le commandement et la contrainte ? Même si l’on considère, dans la perspective ouverte par Foucault31, que le néolibéralisme exerce une contrainte sur la vie des populations par une intervention sur le champ d’action des individus, il me semble excessif et quelque peu impropre de parler de gouvernement autoritaire. Une telle qualification ne correspond pas à la perspective générale du néolibéralisme, qui est de dégager l’individu de l’autorité politique – avec certes comme effet de l’abandonner à ce que Chamayou nomme « les autoritarismes privés »32. Il me semble que le projet néolibéral est essentiellement individualiste, porté par la volonté de dissoudre le politique dans l’économique, et que le libertarianisme, voire l’anarcho-capitalisme, exprime davantage sa vérité que le moment schmittien.

Il est vrai, par ailleurs, que l’on peut parler d’une véritable compromission de nombre de libéraux, en particulier Hayek et de représentants de l’école de Chicago, avec les expériences dictatoriales d’Amérique du Sud33. Les échanges qu’ils ont eus avec Pinochet, notamment mais pas seulement, les accusent, et l’on ne peut pas les écarter d’un revers de main, en les relativisant, soit comme choix du moindre mal, face au danger d’un totalitarisme communiste, soit comme expression d’un opportunisme carriériste. Il y a indiscutablement quelque chose à penser. L’attitude de Hayek, apologue d’un évolutionnisme a priori bien loin du décisionnisme, est particulièrement problématique. Elle est sans doute l’expression d’une hiérarchisation excessive entre la liberté économique et les autres formes de liberté. Raymond Aron avait écrit qu’Hayek défendait surtout la liberté du chef d’entreprise34 ; c’est bien ce qui transparait dans ses propos touchant à sa préférence pour une dictature libérale plutôt que pour une démocratie socialiste, et plus encore à son indifférence pour les atteintes portées aux libertés politiques individuelles par les régimes concernés. Comme si la protection des libertés rattachées au travail faisait écran au mépris des libertés politiques, celles tournées vers une possible contestation d’un ordre social qu’il fallait coûte que coûte maintenir dans le cadre de l’évolutionnisme libéral.

Néanmoins, si je tente de résumer mon propos, de Rüstow à Hayek, on trouve la trace moins d’un libéralisme autoritaire que d’une ouverture à la nécessité historique d’un autoritarisme libéral. Il me semble que le libéralisme autoritaire ne peut pas être considéré comme la matrice du néolibéralisme qui se déploiera à partir des années 1960, dans un horizon plus critique du pouvoir d’État que dans les années 1930 et dans l’esprit du colloque Lippmann. Reste la question de sa pertinence pour le seul ordolibéralisme. Pour répondre véritablement, il est, je crois, nécessaire d’approfondir l’idée de constitution économique, afin de savoir si, indépendamment de son principe, de son type de fondation, son contenu est porteur d’autoritarisme actif. La constitution économique est un moyen de neutraliser la démocratie, mais est-elle une façon de « diriger » l’économie, et les hommes dans l’économie ?

2 Peut-on parler d’interventionnisme néolibéral ?

Une fois posé le principe d’une constitution qui donne un cadre juridique au marché, reste la question du type d’action que le pouvoir politique pourra mettre en œuvre, afin de protéger l’ordre concurrentiel mais concernant aussi l’ensemble des tâches que peut accomplir le gouvernement d’une démocratie. Passé le moment constituant, le pouvoir ordolibéral dispose-t-il des moyens d’une profonde intervention, porteuse d’une véritable révolution de la gouvernementalité libérale, en rupture avec le laissez-faire – comme l’affirme notamment la doxa foucaldienne ? La réponse à cette question appelle une définition rigoureuse des notions de laissez-faire et d’intervention, la frontière entre les deux devant être parfaitement tracée. Dans une partie de la littérature consacrée à l’ordolibéralisme, mais aussi chez certains de ses représentants, le laissez-faire apparaît comme une notion fonctionnelle, repoussoir utile pour renvoyer à un imaginaire où l’État ne jouerait aucun rôle. Il n’est pas certain qu’un tel laissez-faire ait jamais existé, en théorie comme en pratique. Ce n’était certainement pas l’idée de Legendre répondant à Colbert : même comme fiction régulatrice, elle ne contient pas le principe d’une abstention totale de l’État mais seulement de sa non-intervention dans les décisions des acteurs sur le plan industriel et commercial, sa tâche d’amélioration du cadre juridique étant de son côté parfaitement admise. À côté de la notion de laissez-faire, la notion d’intervention est elle-même symétriquement flottante. À proprement parler, fixer des règles du jeu économique, ce n’est pas « intervenir » dans le jeu. On ne peut donc parler d’interventionnisme libéral que si le gouvernement devient un acteur du marché, pas seulement un gardien ou même un promoteur.

La nécessité de définir des règles propres à soutenir l’ordre concurrentiel est à la source du libéralisme. Dès le xviiie siècle, James Steuart présente le marché comme une montre qui se dérègle et que l’État doit « remonter » ; Adam Smith, dans La Richesse des nations comme dans Les Leçons de jurisprudence, cherche à définir les règles par lesquelles le gouvernement peut permettre à la liberté de produire ses effets ; les physiocrates s’adressent au roi pour qu’il agisse sur une réalité juridique et sociale jusqu’alors incompatible avec l’épanouissement de ce qui pourrait être un ordre naturel ; Bentham, à rebours d’un jusnaturalisme moqué, veut que soit établies et garanties les normes les plus capables de profiter des effets de la concurrence. La démarche se poursuit au xxe siècle : chez Hayek, par un mélange de constitutionnalisme formel, et de la valorisation des règles de juste conduite issues non d’une volonté constituante mais de la sélection par l’expérience ; chez les libertariens Rothbard ou David Friedman, qui à travers la définition d’un code civil et pénal libertarien montrent que même dans une perspective anarchiste il est admis que l’adoption d’un système juridique adéquat est nécessaire au fonctionnement du marché. On peut considérer que dans l’histoire du libéralisme, l’État (comme garant du droit) et le marché ne sont jamais des domaines absolument indépendants l’un de l’autre en tous leurs aspects, qu’un pur absolu laissez-faire, qui confinerait en fait à l’anarchisme, est sans défenseur (en dehors de l’anarcho-capitalisme), et que la rupture avec ce laissez-faire imaginaire ne saurait être un apport important de l’ordolibéralisme. Réciproquement, on ne peut considérer que l’ordolibéralisme a découvert la nécessité d’une constitution juridique matérielle pour que le marché fonctionne.

La démarche ordolibérale n’est véritablement originale que dans son insistance sur l’ancrage d’une constitution économique dans la constitution politique, dans l’idée que la création du marché serait finalement un acte de souveraineté, que l’économie de concurrence reposerait sur une décision et une fondation politiques. On peut à ce stade émettre l’hypothèse que la singularité ordolibérale est moins le résultat d’une conception particulière du rapport entre le droit et l’économie que le produit d’une singularité historique et nationale. En effet, non seulement le contexte de crise des années 1920 et 1930, puis l’effondrement du troisième Reich nécessitaient que le libéralisme soit institué par un acte politique, mais la situation de l’Allemagne au xixe siècle, acquise plus tardivement à la modernité que l’Angleterre ou la France, installait la réflexion politique dans un cadre nécessairement interventionniste35. Dans un cadre social d’ancien régime maintenu jusqu’en 1918, sans État de droit libéral, sans laissez-faire, l’Allemagne se construit comme État interventionniste, à la fois garant de l’ordre social et politique et participant à l’organisation économique. Ce cadre historique est favorable à un « libéralisme par l’État », qui, d’une certaine façon, ne pouvait apparaître et convaincre que de cette façon en Allemagne. Certains auteurs soutiennent d’ailleurs que la notion de constitution économique ne vient pas de l’ordolibéralisme mais de la République de Weimar, où des juristes de gauche, sous l’influence de Rudolf Stammler, proposaient d’inscrire dans la Constitution la limitation du pouvoir du capital, la représentation des travailleurs et les droits sociaux36.

Si spécificité de l’ordolibéralisme il y a, cela ne peut être lié au seul principe d’une constitution économique qui est, dans son acception matérielle, défendu par tous les libéraux, mais à son contenu, s’il fondait un véritable interventionnisme. Pour évaluer l’originalité doctrinale de l’ordolibéralisme, il faut donc se pencher sur la notion de constitution économique non en son principe mais dans sa portée pratique : définit-elle un cadre pour le jeu ou un programme d’intervention dans le jeu ? Quelle est exactement la fonction économique gouvernementale permise ou appelée par la constitution économique ordolibérale, et correspond-il à l’agenda néolibéral général ?

2.1 La fonction de la constitution économique, fonder, protéger, réformer ?

Il s’agit d’abord de définir la notion. Thomas Biebricher montre bien les nuances qu’il faut apporter à l’idée de « constitution économique », qui peut être au sens strict un texte unique fondant l’ordre politique et économique, ou plus substantiellement un ensemble des normes qui constituent un cadre global pour l’économie37. De fait, il semble qu’au sein de l’ordolibéralisme on trouve plusieurs réponses : l’idée d’un ordre juridique dans le sens d’un droit constitutionnel positif, avec une structure constitutionnelle exacte (Franz Böhm), mais aussi la simple demande de règles créant les conditions de fonctionnement d’un ordre économique soutenable (Hans Carl Nipperdey)38.

Concernant la substance de la constitution, il est possible de distinguer au moins deux types d’action étatique à l’égard de la société civile et du marché. L’État ordolibéral établit et garantit les règles d’une société régulée en un second temps par les interactions individuelles : la propriété privée, la liberté contractuelle, la responsabilité civile, les brevets et le droit d’auteur, mais aussi des institutions plus spécifiquement économiques, comme ce qui concerne le système bancaire et la monnaie. Sur ce plan, on ne peut pas parler de véritable spécificité ordolibérale (mis à part l’accent décisionniste). On trouve le besoin de ces règles à l’appui du laissez-faire, comme Eucken le dit lui-même39.

L’État ordolibéral a une autre fonction : contrôler et corriger les externalités et les effets pervers de l’activité économique, en particulier les distorsions de la concurrence (lutte contre les cartels et les monopoles), et mener aussi une action plus sociale, notamment par une attention à la situation des classes pauvres, au niveau du salaire minimum éventuellement et plus généralement par une politique de redistribution. La fonction de contrôle du bon ordre concurrentiel contient la possibilité de nationalisation (Rüstow, en 193240), et une politique douanière. Pour désigner ce deuxième type de responsabilité publique, je ne sais si le terme d’interventionnisme libéral, utilisé par Rüstow, est le plus exact, mais elle correspond à la mise en place de principes non plus « constitutifs », mais « régulateurs », qui corrigent les effets du jeu sans rentrer dans le jeu – bien que la possibilité de dissoudre ou de nationaliser les abus de position dominante consiste à remettre en cause les effets d’un jeu concurrentiel qui n’est plus tout fait libre41.

Sur ce second plan, l’ordolibéralisme sera de plus en plus isolé au fur et à mesure du xxe siècle, mais se dessine précisément ici son originalité, qui consiste à percevoir la possibilité d’un danger pour l’ordre libéral contenu dans le marché lui-même. En son sein peut se développer un pouvoir économique susceptible de corrompre en même temps la sphère politique et la sphère économique. À cela se rattache une réflexion de nature sociologique, qu’il est sans doute possible de rattacher à Franz Oppenheimer, concernant les conditions sociales, morales et culturelles permettant à l’intérêt personnel et à l’intérêt général de converger42. L’idée que le marché, indépendamment de la question de l’autorégulation des activités commerciales, ne produit pas lui-même le substrat social de son meilleur fonctionnement, est plutôt absente du néolibéralisme dans son ensemble, et constitue indiscutablement un trait spécifique à l’ordolibéralisme. De fait existe en son sein une « question sociale » qu’on ne trouve pas chez les autres néolibéraux. Cela s’exprime par la reconnaissance que le sort fait aux ouvriers de l’industrie est épouvantable (Eucken), par la nécessité d’une action pour améliorer les conditions d’hygiène et de santé des travailleurs, mais aussi par une fiscalité progressive et redistributrice, notamment via l’impôt sur les successions et la mise en place d’assurances sociales. Il ne s’agit pas seulement de « charité » mais bien de lutte contre le pouvoir économique : l’État doit empêcher la concentration des richesses sur plusieurs générations, qui porterait atteinte au socle moral et politique de l’ordre concurrentiel. Eucken disait en ce sens qu’il fallait intervenir pour que la propriété privée soit acceptable même pour les citoyens qui ne possèdent pas43. Cela dit, la portée de cette préoccupation pour les conditions sociales et culturelles de l’ordre libéral est difficile à appréhender. L’économie sociale de marché prévoit un système de sécurité sociale mais compte pour l’essentiel sur les effets sociaux d’un bon fonctionnement économique. Le social est d’abord assuré par la concurrence, selon une anticipation de la théorie du ruissellement, mais contient des principes redistributifs complémentaires.

2.2 La nature de l’intervention publique ordolibérale

Du coup, que penser d’un tel contenu normatif ? Il est difficile de qualifier ce programme d’action « interventionniste » – ou alors en un sens tellement faible qu’on ne voit pas quelle mesure étatique ne serait pas interventionniste, l’État de droit pouvant être en lui-même vu comme une « intervention ». Il n’est même pas certain qu’il constitue une véritable rupture avec le laissez-faire, dont la réalité antagoniste est peut-être largement fantasmée. En effet, à part la lutte contre les monopoles, nulle trace d’un appel à une action positive au sein du jeu économique, d’une « direction d’acteurs », et, à part via la fiscalité, nulle remise en cause de la justice catallactique. Dès lors, on peut se demander si l’ordolibéralisme ne consiste pas, paradoxalement, à constitutionnaliser le laissez-faire. Agir, ça ne relève pas du laissez-faire, mais agir en faveur du laissez-faire, n’est-ce pas le programme ordolibéral ? Lorsque Rüstow évoque une intervention consistant en « l’accélération des processus naturels »44, cela ne porte pas un programme de rupture ni même de révision de ce processus « naturel » qu’est la concurrence. L’action demandée à un État libéral fort consiste à rompre avec l’État total, à installer l’ordre concurrentiel, éventuellement par une « mise à feu » initiale (Eucken) sous la forme, par exemple, d’une extension du crédit, mais ensuite à laisser faire les acteurs de cet ordre. Le programme de sortie de crise des ordolibéraux dans les années 1920 et 1930 est « interventionniste » parce qu’il faut sortir de l’interventionnisme de l’État total. Il ne vaut pas pour l’avenir, une fois la constitution économique mise en place.

En définitive, dans la critique que propose l’ordolibéralisme du laissez-faire, celui-ci sert de slogan politique, de symbole voire d’épouvantail, mais n’est pas saisi avec rigueur, et c’est à tort que l’on admet que l’ordolibéralisme incarnerait une révolution dans le libéralisme parce qu’il marquerait une rupture avec un vieux libéralisme enterré. Le laissez-faire, comme demande adressée au prince, ne concernait que les décisions liées à l’activité commerciale ; le conseil ne valait en rien pour toutes les dimensions de la vie sociale ou tous les domaines de l’État. Il n’exigeait donc pas l’inertie de l’État dans sa fonction de définition des règles du jeu, et se trouvait compatible avec l’idée d’une constitution économique. C’est ensuite devenu un mot-valise pour désigner l’indifférence et l’inaction devant un certain nombre d’effets sociaux de la révolution industrielle, et appeler en retour un programme d’encadrement de l’ordre concurrentiel. Mais dans le domaine économique à strictement parler, cet encadrement laisse faire les acteurs (à l’exception des ententes anti-concurrentielles). S’il n’y avait pas de laissez-faire pour les entrepreneurs et les consommateurs, il n’y aurait tout simplement pas d’économie de marché. Autrement dit, l’ordolibéralisme est un programme d’action de l’État dans la société autour du marché mais pas d’intervention dans le marché, où le principe premier demeure le « laissez faire, laissez passer ». Il ne récuse que la dimension politique du laissez-faire, conservant sa dimension économique (à la différence de Keynes, qui lui plaide pour une action de l’État dans les mécanismes économiques45). Comme le suggère le titre du célèbre et influent ouvrage de Henry Simons, A Positive Program for Laissez-Faire (1934), et comme le développera plus tard Vanberg (et comme le souligne W. Bonefeld), le plein fonctionnement de la main invisible – métaphore du laissez-faire – requiert des conditions que l’État peut garantir.

Vu ainsi, du point de vue de l’action positive, l’ordolibéralisme n’est pas si éloigné des autres branches du néolibéralisme. Au-delà de leurs divergences épistémologiques et paradigmatiques, certes importantes, Eucken, Röpke, Hayek, Mises, ou Milton Friedmann, entendent que l’État laisse librement fonctionner la logique de la concurrence, n’intervenant pas dans les décisions des entreprises privées, laissant se faire spontanément la rencontre de l’offre et de la demande. Le principe d’une action de régulation permanente de l’ordre concurrentiel, dans une logique de « maintien de l’ordre », dont la part la plus spectaculaire est la lutte contre les abus de confiance et les monopoles, n’a pas une portée suffisante pour exclure l’ordolibéralisme du néolibéralisme46. Si, comme le montre très bien Thomas Biebricher47, le fossé s’est creusé en avançant dans le siècle, c’est parce que le paradigme volontariste ou constructiviste a vu son succès décliner avec la crise des États-providence. L’évolution du néolibéralisme vers un approfondissement de l’individualisme et de l’autorégulation, et de manière générale vers la thématique du moins d’État n’était plus favorable, chez les libéraux, à la thématique de l’interventionnisme. Néanmoins, le niveau d’action sur et dans le marché proposé par l’agenda ordolibéral n’est pas différent de celui proposé, par exemple, par Hayek dans La constitution de la liberté. On en retrouve des accents, comme le souligne Thomas Biebricher, chez Buchanan et Brennan lorsqu’ils évoquent la nécessité d’une constitution fiscale48. La marginalisation progressive des ordolibéraux dans la galaxie néolibérale est due à une évolution de l’état d’esprit dominant, et non à un refus de la notion de constitution économique.

2.3 L’illusion de l’interventionnisme néolibéral

L’ordolibéralisme ne peut donc être considéré comme le cœur d’une révolution intellectuelle ayant vu le libéralisme se transformer, à partir de lui, en une doctrine de l’interventionnisme, au sens d’une modification substantielle de la fonction du gouvernement libéral. Cette idée gagne pourtant du terrain parmi les travaux sur le néolibéralisme. Cela devient même, notamment en France, un lieu commun de la critique du néolibéralisme, envisagé il est vrai moins comme doctrine qu’en tant que pratique gouvernementale. Cette réorientation s’appuie essentiellement sur les analyses de Foucault, (re)découvertes en 2004.

L’analyse de l’ordolibéralisme par Foucault s’inscrit dans une recherche sur les formes de la gouvernabilité qui se déploient avec la modernité. Le fond de sa thèse est connu : avec le libéralisme, le gouvernement des hommes consiste à peser sur leurs intérêts par une modification de leur milieu. Le libéralisme produit une façon de conduire les individus, non par un centre unitaire de commandement mais par une action incitative sur le milieu du sujet ; en ceci, il trouve dans l’utilitarisme de Bentham sa première grande expression : en agissant sur le calcul économique des individus, on parvient à gouverner par une manipulation des intérêts, par la liberté économique et la logique propre au marché. Foucault insiste sur le fait que la dimension jusnaturaliste, présente dans le discours libéral, tend à s’effacer dans la pratique du pouvoir au profit de la dimension utilitariste. Le libéralisme contient donc dès son origine un programme de gouvernement, et pas seulement un idéal d’abstention. Avec Bentham, la liberté n’est pas une donnée naturelle mais l’objet de l’action de l’État. Foucault évoque une production active de liberté, à la fois sécurisée et surveillée, selon le modèle du panoptique (la « forme même du gouvernement libéral49 »). À lire Foucault, on peut considérer que le libéralisme classique contient déjà un principe « interventionniste », à l’œuvre dans la « biopolitique », qui devant maximiser les processus vitaux de la population, produit et consomme de la liberté. L’homme économique du libéralisme est un individu discipliné par l’action indirecte du pouvoir.

Paradoxalement, alors qu’il fonde l’essentiel de son analyse de la gouvernementalité libérale sur Bentham, Foucault perçoit dans le néolibéralisme (à l’intérieur duquel distingue-t-il principalement l’ordolibéralisme et l’école de Chicago) une inflexion à l’égard du libéralisme antérieur, en ceci qu’il serait un « interventionnisme ». En quoi porte-t-il un nouvel art de gouverner ? La grande nouveauté serait que le marché est le but et non la limite du gouvernement. Selon Foucault, le néolibéralisme inverse le rapport du politique et de l’économique à l’œuvre dans le libéralisme classique : le marché fonde la légitimité de l’État plutôt que l’inverse, et devient l’objectif, le principe et la forme de l’État. Ce n’est plus « l’État qui surveille le marché » mais « le marché qui surveille l’État »50. Passons sur le fait que cela ressemble à un contre-sens puisque l’ordolibéralisme se distingue précisément par l’idée que l’État est le fondement du marché, cela ne dit pas grand-chose de la réalité pratique de l’interventionnisme. Sur ce terrain il semble que Foucault se satisfasse des formules par lesquelles certains ordolibéraux définissent leur programme : ainsi de l’idée de « politique de société » et d’« action sur l’environnement social », avancée par Müller-Armack51. On ne trouve guère chez Foucault plus de précision ; le vague demeure quant à la portée pratique de « l’intervention permanente »52, qui est limitée au principe de l’action publique pour le marché. Alors pourtant que Foucault entend non pas faire de l’histoire des idées mais éclairer la rationalité gouvernementale des années 1970, il ne s’avance guère plus loin sur le terrain de la praxis. En définitive, l’interventionnisme libéral consiste à faire en sorte que l’individu soit libre en un sens libéral, et à intervenir dans et par le droit pour lui garantir ce droit à la liberté. L’intervention n’est que production des règles et des services publics qui permettent au marché de fonctionner, dans une logique d’extension de la concurrence à tous les domaines de la vie. Seul compte finalement le principe selon lequel le libéralisme est une technique du pouvoir, une façon particulière de gouverner par la discipline des conduites, ce qu’il nomme le passage d’un « sois libre » à un « je vais te produire de quoi être libre »53.

Conclusion

Pour conclure sur la question de la constitution économique, je voudrais résumer mon scepticisme quant à la réalité de la rupture doctrinale entre libéralisme de laissez-faire et néolibéralisme d’intervention. Sur le plan de la gouvernementalité, il est certain que le cadre général des démocraties libérales a évolué dans le sens d’une action publique favorable à la fois à l’économie de marché et aux droits sociaux. S’il est possible de qualifier cette réalité pratique de « néolibérale », synthèse du libéralisme et de sa correction par effet des idéologies contraires, cela ne peut être accepté qu’en prenant la mesure de l’écart avec la doctrine néolibérale. L’usage du terme peut laisser sceptique tant la distance entre la réalité de la présence étatique contemporaine et les idées des maîtres à penser du néolibéralisme est grande. Cela peut sembler une étrange démarche que de vouloir expliquer la réalité de la gouvernementalité contemporaine par l’application d’une doctrine qui en rejette la plus grande part. De surcroît, ranger l’ensemble du droit et des politiques publiques contemporaines sous l’étiquette néolibérale ne permet sans doute pas d’en comprendre la complexité ; d’autres influences doctrinales, d’autres lignes de force historiques, liées à une modernité qui ne saurait se réduire au libéralisme, s’y déploient, qui se trouvent ignorées et incomprises.

Sur le terrain de l’histoire des idées, il semble erroné de parler de rupture interventionniste dans la pensée libérale, la réalité étant plutôt celle d’une continuité, certes traversée par de fortes tensions, entre les libéralismes d’hier et d’aujourd’hui. Par-delà les situations historiques, le projet libéral demeure la constitution d’un ordre juridique favorable au marché. Les idées de liberté comme donnée naturelle (non au sens de produite naturellement par l’histoire mais au sens de conforme avec la nature humaine) et comme artifice économique sont au cœur du libéralisme dès son origine, et appellent une action de l’État, plus ou moins volontariste selon le contexte, qui consiste à « constituer » le cadre des interactions inter-individuelles. À l’intérieur de ce cadre, que seuls les anarcho-capitalistes pensent pouvoir être produit dans une logique « d’autorégulation de l’autorégulation », les individus agissent librement. Le laissez-faire, comme principe de limitation de l’ingérence du politique dans l’économique et non comme stigmatisation du « conservatisme bourgeois », répétons-le, n’est pas l’anarchisme mais l’action libre dans un cadre défini. Par conséquent, si l’interventionnisme ne consiste qu’à définir ce cadre, et il me semble que c’est grosso modo le cas dans l’ordolibéralisme, il n’y a pas d’incompatibilité fonctionnelle entre le laissez-faire et « l’interventionnisme » libéral.

Le rapport de l’État au laissez-faire économique peut faire l’objet de configurations variées. Là où les institutions favorables à la liberté sont déjà en place, le rôle du pouvoir sera modeste ; là où elles n’existent pas, l’État devra les instituer. Il est vrai qu’autour de 1900, et de plus en plus jusqu’aux années 1930, est apparue une critique libérale du laissez-faire, identifié à une trahison du message émancipateur des origines. Mais il semble qu’il s’agissait moins d’une critique du « laissez-faire » que du « ne faites rien du tout ». Si Lippmann, par exemple, en accord avec les ordolibéraux, plaide pour davantage de taxation des héritages et une socialisation du droit du travail, il rejette résolument toute intervention du pouvoir dans ce que font les citoyens de leur liberté, y compris en matière économique54. Non abstention, certes, mais pas non plus « intervention permanente ». L’ordolibéralisme ne veut pas revenir à l’État de police mais donner un État de droit à l’économie de marché. L’innovation théorique importante qu’est la constitution de l’économie par le droit ne doit pas laisser croire que les acteurs de l’économie se trouvent soumis au pouvoir politique : le droit renforce la concurrence comme seule règle à la fois juste et efficace ; il s’agit de construire un ordre juridique pour que le gouvernement ne puisse donner aucun ordre aux acteurs du marché. Il est vrai que dans ce cadre les hommes sont contraints à la liberté et à la responsabilité individuelle, contraints de jouer le jeu de la concurrence. Si l’ordolibéralisme porte bien un gouvernement des hommes, il ne contient pas une intervention du gouvernement dans leurs choix économiques.

Si enfin je rassemble la problématique des deux contributions auxquelles j’ai tenté de réagir, la question se pose de savoir si, dans l’ordolibéralisme, la notion de constitution économique est la forme d’un libéralisme autoritaire. J’ai essayé de montrer, en rejoignant en partie le point de vue de Werner Bonefeld, que, si à quelques moments de l’histoire, était apparue une sympathie ou un acquiescement pour le principe d’une dictature libérale, cette tentation ou cette possibilité n’était pas contenue dans la notion de constitution économique. Son principe contient manifestement une volonté d’endiguement des effets de la démocratie mais porte également un mode de gouvernement des individus consistant à les laisser se gouverner eux-mêmes. Si dans une perspective foucaldienne, ce rapport de l’État à la société relève d’un gouvernement disciplinaire des conduites, il ne constitue ni une rupture dans l’histoire du libéralisme, ni le support d’un véritable interventionnisme, la société civile demeurant « ouverte » en ce qu’elle a de plus profond.

1

V. Valentin, Les conceptions néo-libérales du droit : fondements d’un individualisme radical, Thèse, Paris 2 Panthéon-Assas, 2000. En est issu l’ouvrage : V. Valentin, Les conceptions néo-libérales du droit, Paris, Economica, 2002.

2

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, S. Audier, « Le néolibéralisme : Un “libéralisme autoritaire” néo-schmittien ? ».

3

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

4

Voy. supra dans ce volume, W. Bonefeld, « Economic Constitution and Authoritarian Liberalism – Carl Schmitt and the idea of a “Sound Economy” ».

5

Voy. supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

6

N.d.E.: voy. également infra dans ce volume, les contributions de D. Piron, M.M. Mohamed Salah, T. Biscahie & S. Gill et S. Adalid reprises dans la Section 6 consacrée au thème Global Governance and New (Economic) Constitutionalism.

7

F. Bottini (dir.), Néolibéralisme et droit public, Paris, Mare & Martin, 2017. N.d.E. : voy. aussi infra dans ce volume, les contributions de la Partie 2 relative à la « Constitution économique européenne. Du micro au macro », et notamment celles de F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE: de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale? » ; de F. Martucci, « Les racines historiques et théoriques de l’Union économique et monétaire » (qui tempère toutefois l’influence ordolibérale dans l’avènement de l’uem et s’intéresse surtout à la nouvelle macroéconomie classique) ; et H. Lokdam & M. A. Wilkinson, « The European Economic Constitution in Crisis: A Conservative Transformation ? » (qui rapproche l’intégration européenne du fédéralisme interétatique d’Hayek).

8

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, G. Grégoire & X. Miny, « Introduction – La Constitution économique : Approche contextuelle et perspectives interdisciplinaires ».

9

G. Chamayou, « Présentation. 1932, Naissance du libéralisme autoritaire », in C. Schmitt et H. Heller, Du libéralisme autoritaire, Paris, La Découverte (Zones), 2020, pp. 6‑82.

10

Ibid., p. 10.

11

Ibid., p. 13.

12

Titre d’une conférence de Schmitt, mais aussi quelques semaines plus tôt, de Rustow (ibid., p. 39).

13

F. Hayek, Droit, législation et liberté, Paris, Presses Universitaires de France, 2013, p. 849 (note subpaginale 1).

14

N.d.E. : voy. aussi supra dans ce volume, P.C. Caldwell, « The Concept and Politics of the Economic Constitution ».

15

G. Chamayou, « Présentation. 1932, Naissance du libéralisme autoritaire », op. cit., p. 17.

16

C. Schmitt, « État fort et économie saine » (1932), in C. Schmitt et H. Heller, Du libéralisme autoritaire, op. cit., pp. 87–118, spéc. p. 97. Voy. aussi H. Rabault, « C. Schmitt et l’influence fasciste. Relire La théorie de la constitution », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2011, vol. 88, n°4, pp. 709–732.

17

C. Schmitt, « Die diktatur des Reichspräsident nach Art. 48 der Reichsverfassung », in Veröffentlichungen der Vereinigung der Deutschen Staatsrechtlehrer, 1, Berlin, Leipzig, De Gruyter, 1924, pp. 63–104.

18

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, G. Grégoire, « The Economic Constitution under Weimar. Doctrinal Controversies and Ideological Struggles ».

19

Cité par G. Chamayou, « Présentation. 1932, Naissance du libéralisme autoritaire », op. cit., p. 31.

20

Ibid., p. 26.

21

Ibid., p. 30.

22

Voy. C. Schmitt, La notion de politique (1932), Paris, Calmann-Lévy, 1994.

23

G. Chamayou, « Présentation. 1932, Naissance du libéralisme autoritaire », op. cit., p. 33.

24

Ibid., p. 35.

25

A. Rüstow, « Diktatur innerhalb der Grenzen der Demokratie » (1929), Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 1959, vol. 7, n° 1, pp. 87–102 (cité par G. Chamayou, « Présentation. 1932, Naissance du libéralisme autoritaire », op. cit., p. 37).

26

G. Chamayou, La société ingouvernable, La Fabrique, 2018.

27

Ibid., p. 264.

28

Ibid.

29

B. Constant, Écrits politiques, Gallimard, 1997, p. 305.

30

Citons ce long passage de La lutte des classes en France (Pauvert, 1965, p. 107) : « La vaste contradiction de cette constitution consiste en ceci : les classes dont elle doit perpétuer l’esclavage social [...] sont mises par elle en possession du pouvoir politique au moyen du suffrage universel. Et à la classe dont elle sanctionne l’ancienne puissance sociale, à la bourgeoisie, elle enlève les garanties politiques de cette puissance. Elle enserre sa domination politique dans des conditions démocratiques qui aident à chaque instant les classes ennemies à remporter la victoire ».

31

M. Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours du Collège de France 1978–1979, Paris, Gallimard, 2004.

32

G. Chamayou, La société ingouvernable, op. cit., p. 265.

33

Ibid., p. 215.

34

R. Aron, « La définition libérale de la liberté » (1961), reproduit par P. Manent, Les libéraux (II), Hachette, 1986, pp. 467–488.

35

M. Stolleis, « La naissance de l’Etat interventionniste et le droit public », Trivium, 2016, n°21, disponible à l’adresse : http://journals.openedition.org/trivium/529; (dernière consultation le 12 février 2022) ; version originale : « Die Entstehung des Interventionsstaates und das öffentliche Recht », Zeitschrift für Neuere Rechtsgeschichte, 1989, vol. 11, pp. 129–147.

36

L. Zevounou, « Le concept de “constitution économique” : Une analyse critique », Jus Politicum, 2018, n°20–21, pp. 445–482. N.d.E. : voy. aussi supra dans ce volume, Section 1èreThe Emergence of the Concept: From the Physiocrats to the Weimar Republic, et en particulier G. Grégoire, « The Economic Constitution under Weimar. Doctrinal Controversies and Ideological Struggles » ; H. Rabault, « Le Concept de Constitution économique: émergence et fonctions » ; P.C. Caldwell, « The Concept and Politics of the Economic Constitution »).

37

Voy. supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

38

Voy. J. Drexl, « La constitution économique européenne – l’actualité du modèle ordolibéral », Revue Internationale de Droit Économique, 2011, vol. xxv, n°4, pp. 419–454, spéc. P. 424.

39

Voy. R. Fèvre, L’ordolibéralisme (1932–1950), une économie politique du pouvoir, Thèse, Lausanne, 2017, p. 197.

40

Voy. A. Rüstow, « Liberal intervention » (1932), in H. F. Wünsche (dir.), Standard Texts on the Social Market Economy: Two Centuries of Discussion, Stuttgart, Gustav Fischer, 1982, pp. 183186 (trad. by D. Rutter).

41

Voy. F. Bilger, La pensée économique libérale dans l’Allemagne contemporaine, Paris, lgdj, 1964, pp.174–206 ; L. Simonin, La doctrine ordolibérale et la politique économique allemande de 1948 à 1966, Nancy 2, 1999, pp. 144–157.

42

Voy. F. Oppenheimer, Moyens économiques contre moyens politiques, textes choisis et présentés par V. Valentin, Paris, Les Belles Lettres, 2013.

43

Voy. J. Drexl, « La constitution économique européenne – l’actualité du modèle ordolibéral », op. cit., p. 431.

44

Cité par G. Chamayou, « Présentation. 1932, Naissance du libéralisme autoritaire », op. cit., p. 42.

45

Les principaux traits du laissez-faire tel que défini par Keynes se retrouvent dans l’ordolibéralisme (J. M. Keynes, La fin du laissez-faire (1926), Paris, Payot, 2017). Ainsi, Keynes prône une forme de planification dans le cadre d’une société fidèle aux principes moraux du libéralisme, alors qu’Eucken veut réaliser consciemment l’ordre concurrentiel (voy. R. Fèvre, L’ordolibéralisme (1932–1950), une économie politique du pouvoir, op. cit., pp. 331 et s).

46

N.d.E. : voy. aussi infra dans ce volume, F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE : de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale ? ».

47

Voy. supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

48

G. Brennan et J. Buchanan, The Reason of Rules: Constitutional Political Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1985 ; voy. aussi The Power to Tax: Analytical Foundations of a Fiscal Constitution, New York, Cambridge University Press, 1980.

49

M. Foucault, Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 69.

50

Ibid., p. 120.

51

Ibid., p. 152.

52

Ibid., p. 137.

53

Ibid., p. 65.

54

W. Lippmann, La cité libre, Paris, Médicis, 1936.

Bibliographie sélective

  • Bilger, F., La pensée économique libérale dans l’Allemagne contemporaine, Paris, lgdj, 1964.

  • Bottini ,F., (dir.), Néolibéralisme et droit public, Paris, Mare & Martin, 2017.

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