Discussion Les difficultés d’une interprétation ordolibérale de la constitution micro-économique de l’Union européenne

In: The Idea of Economic Constitution in Europe
Author:
Claire Mongouachon
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Résumé

La contribution discute la place ambiguë de l’argument ordolibéral dans l’analyse de la constitution micro-économique européenne. Elle rappelle la position mitigée des ordolibéraux à l’égard du projet de création du marché commun. À rebours d’une lecture déterministe du traité, la constitution économique de l’Union européenne se prête à différentes interprétations. La pensée ordolibérale a certes pu constituer une clé d’analyse féconde de la constitution économique européenne, et jouer en particulier un rôle dans la promotion par la Cour de justice de libertés de circulation et de règles de concurrence orientées vers l’accès au marché. Mais cette pensée n’est pas monolithique. Sous l’influence de Hayek, les ordolibéraux de la seconde génération ont dénoncé les excès de l’interventionnisme public sur le marché, tant s’agissant des règles du marché intérieur que des règles de concurrence. C’est en insistant sur ce tournant hayekien et sur l’apport du juriste Mestmäcker que la contribution propose de lever certaines contradictions dans les propositions ordolibérales faites en matière de concurrence. Elle précise notamment l’articulation entre cette seconde génération d’ordolibéraux et les néolibéraux de l’école de Chicago ainsi que leur positionnement respectif dans le contexte de modernisation du droit européen de la concurrence.

Introduction

Convoquer la pensée ordolibérale pour analyser la constitution économique européenne est aujourd’hui un passage obligé, tant cette doctrine a été mobilisée ces dernières années, souvent à des fins critiques, pour expliquer l’importance des réformes économiques structurelles menées dans les États membres de l’Union. De l’ouverture à la concurrence des industries de réseaux autrefois organisées sous forme de services publics monopolistiques aux politiques de réduction des déficits publics sous la bannière de l’Union économique et monétaire, ces réformes ont été bien souvent présentées comme étant le résultat du néolibéralisme ou de l’ordolibéralisme1. Certains économistes2, philosophes ou sociologues3 ont ainsi exploré les liens entre l’Union européenne et l’ordolibéralisme pour tenter d’expliquer le primat accordé à la libre concurrence et à la stabilité de la politique monétaire.

Plus fondamentalement, certains auteurs n’hésitent pas à faire remonter l’origine du découplage entre l’économique et le social au traité de Rome. D’importantes compétences d’harmonisation en matière économique auraient été offertes, tandis que dans les autres domaines les compétences seraient restées limitées, préfigurant le phénomène d’intégration négative à l’œuvre dans la construction européenne4. L’influence de la doctrine ordolibérale est alors soulignée pour expliquer que l’intégration européenne était à ses débuts « quasi exclusivement un projet économique »5. Mais certains travaux vont jusqu’à amalgamer ces différents facteurs, proposant une lecture quasi déterministe du mode actuel de gouvernance économique européenne. Celui-ci serait le résultat d’un « programme ordolibéral » accepté dès l’origine et visant la « construction d’un marché concurrentiel » doté de son propre appareil juridique et institutionnel6.

L’enjeu politique d’un tel constat est fort, car celui-ci conduit à distiller dans le débat public l’idée que l’Union européenne serait entièrement façonnée par un programme idéologique, fermée à toute autre vision quant aux finalités et aux méthodes de réalisation de la construction européenne.

L’objet de cet article est de discuter le rôle qu’a pu jouer l’ordolibéralisme dans la formation et l’application de la constitution économique de l’Union européenne. Les caractéristiques de la constitution micro-économique ayant été brossées dans les contributions précédentes7, il s’agit de mettre en évidence à la fois la force et les ambiguïtés du discours ordolibéral. On insistera sur le caractère pluriel des analyses que produit la pensée ordolibérale, tant les propositions ordolibérales ont été hétéroclites et mouvantes dans le temps, s’agissant aussi bien d’interpréter les règles du marché intérieur que les règles de concurrence.

En retraçant précisément l’orientation politique sous-jacente au droit du marché intérieur, Pieter Van Cleynenbreugel et Xavier Miny ont souligné que le critère de « l’accès au marché » constituait une valeur centrale de la constitution économique européenne. Mais les auteurs insistent sur le fait que cela est bien moins le fruit de la volonté des Pères fondateurs que le résultat de l’action de la Cour de justice. Le point de départ de la présente réflexion confortera ce point de vue en examinant la place de l’ordolibéralisme dans l’établissement de la constitution économique originaire (1.).

Dans la deuxième partie de la discussion, on se propose de revenir sur les différents modèles constitutionnels d’application des règles du droit du marché intérieur qui ont prévalu au cours de la construction européenne. On montrera que la pensée ordolibérale occupe une place ambiguë, en ce sens qu’elle paraît pouvoir commander des formes d’harmonisation du marché intérieur bien diverses (2.).

À l’instar de la présentation de l’école de Chicago, dont Frédéric Marty a pu décortiquer à la fois ses mouvances et son influence sur la politique européenne de concurrence, on montrera dans la troisième partie que la pensée ordolibérale a subi certaines inflexions qui doivent être mises en perspective avec le tournant hayekien de l’école de Fribourg (3.).

1 La place résiduelle de l’ordolibéralisme dans la constitution économique originaire

Loin d’avoir milité en faveur de la consécration d’un traité d’obédience ordolibérale, les ordolibéraux ont nourri une relative indifférence à l’égard du projet communautaire (1.1). C’est en réalité en termes d’équilibre qu’il convient d’analyser la constitution économique originaire (1.2.).

1.1 La relative indifférence ordolibérale à l’égard du projet communautaire

Un bref retour vers les négociations ayant précédé la signature du traité de Rome s’impose pour comprendre que celui-ci ne scelle alors nullement une vision commune et partagée du destin économique et social de la future Communauté. La délégation française ne pouvait se laisser convaincre par les thèses ordolibérales, alors même que celles-ci commençaient à peine en Allemagne à investir le terrain politique, sous l’influence notamment du ministre de l’Économie, Ludwig Erhard. Certes, deux responsables favorables à l’ordolibéralisme se trouvaient en situation de négocier le traité. D’une part, Hans von der Groeben, avant d’être l’artisan de la politique de concurrence en tant que commissaire européen à la concurrence, a été le principal rédacteur du rapport Spaak8 et le président du comité Marché commun9. D’autre part, Alfred Müller-Armack, inventeur du concept de l’économie sociale de marché, est également le représentant de la République fédérale d’Allemagne dans le comité « Marché commun ». Mais, comme l’explique Patricia Commun, il ne faut « pas imaginer une action concertée entre (ces) différents acteurs […] en vue d’imposer une vision ordolibérale au niveau européen »10. Müller-Armack n’était pas soutenu par le chancelier Adenauer, qui était loin de partager ses vues libérales. Ce dernier voyait d’abord dans le projet européen un instrument de réconciliation avec la France et se distanciait des thèses libérales exprimées par Ludwig Erhard. Müller-Armack dut se livrer à un délicat exercice de synthèse de la classe politique allemande afin de la faire avancer sur le chemin de l’intégration européenne11.

En réalité, les ordolibéraux ont exprimé des positions très mitigées à l’égard du projet européen. Si Röpke se montre favorable à la création d’une vaste zone de libre-échange, c’est ainsi avant tout pour favoriser le commerce international12. Aussi s’exprime-t-il clairement contre le marché commun qu’il voit comme vecteur d’une bureaucratie européenne et source de planification13. De même, Ludwig Erhard voit dans le traité une possible menace pour la libéralisation des marchés et les exportations allemandes. De fait, les traités européens paraissent consacrer certains choix en termes de politique économique et sociale qui ne correspondaient alors guère à la vision ordolibérale. Le contenu du traité de Rome est ainsi fortement critiqué pour certaines de ses dispositions pro-interventionnistes qui contredisent l’idée d’intégration par le marché : les politiques sectorielles, telles que la politique agricole commune, s’analysent d’un point de vue ordolibéral comme autant de sources potentielles pour la planification et la recherche de rentes (« capture by rent-seeking »14).

Sans doute le cadre européen n’offrait-t-il pas véritablement un ancrage pertinent à l’épanouissement de la doctrine ordolibérale. Lorsque la première génération de penseurs ordolibéraux développait les principes de l’Ordnungspolitik fondés sur des marchés ouverts et des monnaies librement convertibles, c’était principalement dans le cadre de l’État-nation. L’instauration de l’ordre concurrentiel était conçue comme une mission qui devait incomber à l’État, pensé dans le cadre national15. L’idée est que le contrat social qui fonde la constitution économique doit reposer sur un consensus suffisamment fort, réunissant une communauté de citoyens suffisamment homogène pour partager des intérêts communs16. Loin de vouloir universaliser leur doctrine, les ordolibéraux envisageaient plutôt la constitution économique d’un point de vue national dans la mesure où celle-ci devait procéder d’un choix collectif reflétant des préférences culturelles et éthiques communes. Rien ne vouait donc l’ordolibéralisme à la postérité européenne, et ce d’autant moins que les forces politiques lui étaient plutôt défavorables au moment où le traité de Rome est négocié.

Car il faut par ailleurs rappeler que le contexte des années 1950 est marqué par un engouement pour la planification économique dans les États fondateurs, en premier lieu en France17. Ce sont des socialistes (Guy Mollet) et radicaux de gauche (Maurice Faure) qui sont au gouvernement français au moment des négociations du traité. Même si le contenu du traité de Rome est rédigé sur la base des travaux menés, à l’écart des discussions nationales, au sein du comité présidé par le Belge (et socialiste) Paul-Henri Spaak, c’est un économiste français, Pierre Uri, plutôt favorable au planisme, qui en rédige la synthèse, à côté de l’ordolibéral Hans von der Groeben. La synthèse sera elle-même finalement approuvée par le chef de la délégation française, Félix Gaillard, du Parti radical et ancien collaborateur de Jean Monnet. L’élaboration de la Communauté économique européenne (cee) s’inscrit sur ce point dans la continuité idéologique du Plan Schuman telle que restituée par Antonin Cohen, qui montre que ce Plan pouvait déjà être perçu comme une tentative de « conciliation des techniques de planification simple et de la concurrence »18. L’idée d’une constitution économique communautaire d’obédience ordolibérale qui se serait imposée dès 1957 doit donc clairement être écartée. Aussi est-on naturellement porté à entrevoir cette constitution économique comme le fruit d’un compromis politique acquis pour l’essentiel à la cause de la construction européenne et dotée de sa dynamique propre.

1.2 L’indétermination constitutionnelle des méthodes d’intégration économique

C’est très précisément en termes d’équilibre que la première étude de la doctrine française consacrée au sujet décrypte la constitution économique de la cee. Léontin-Jean Constantinesco19 montre que celle-ci ne consacre pas un modèle économique spécifique, mais

qu’elle s’appuie sur une économie de marché contrôlée et à caractère social. Elle contient, avec les principes de libre concurrence et de non-discrimination, deux principes fondamentaux de l’économie de marché. D’autre part, les possibilités d’intervention dans le processus économique, prévues afin d’éviter les conséquences indésirables du libre jeu des forces économiques, montrent qu’une planification indicative, de même que des interventions ponctuelles ou des contrôles, sont toujours possibles.20

Le principal apport de cette étude est de révéler les modalités concrètes de réalisation de la constitution économique communautaire, d’où il ressort un examen des modalités de l’harmonisation européenne. L’auteur entreprend de mettre en relation les objectifs globaux, les instruments devant servir à la réalisation de ces objectifs, et les principes déterminant le fonctionnement des instruments. Ce sont les « trois sortes d’éléments » qui constituent les parties intégrantes d’une constitution économique. L’idée est que les objectifs exprimés à l’article 2 du traité cee (un développement harmonieux des activités économiques, une expansion économique continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie, le développement de relations plus étroites entre les États membres) sont formulés de façon si générale « qu’ils n’ont pas en eux-mêmes, de signification décisive pour la constitution économique de la c.e.e. »21. C’est « le choix des instruments par lesquels les objectifs seront réalisés qui est décisif »22.

Ces instruments sont de deux sortes : d’une part, le marché commun et, d’autre part, le rapprochement des politiques économiques des États membres. Si l’on examine leurs modalités de fonctionnement, on s’aperçoit que ces deux instruments renvoient à deux concepts qui sont aujourd’hui bien connus. L’intégration pour le premier instrument, lequel est fondé sur le principe de non-discrimination, sur les libertés économiques et le principe de concurrence non faussée, et implique un transfert de compétences au profit des organes de la Communauté ; et la coopération pour le second instrument, qui se réalise par une simple coordination de certaines politiques sectorielles, dans lesquelles les États membres conservent leur compétence décisionnelle, tout en n’étant plus complètement autonomes puisqu’ils doivent se coordonner avec leurs partenaires. Constantinesco percevait dans ces deux instruments un « effet déséquilibrant »23, source de difficultés pour le développement de la cee. De surcroît, il n’existe pas de cohérence entre les domaines d’action de la Communauté économique et les instruments à sa disposition. Ainsi, le rapprochement des politiques économiques s’applique-t-il aussi, de façon supplétive, à certains aspects du marché commun : par exemple, le traité prévoit un mécanisme de coordination de la politique commerciale, alors que celle-ci est la conséquence directe de l’Union douanière, laquelle relève de l’intégration. De même, peut-on ajouter, l’ensemble des libertés de circulation n’obéit pas à un mode de réalisation uniforme puisque la liberté de circulation des travailleurs nécessite un processus « d’harmonisation qui est orienté par les organes communautaires »24.

En ce qui concerne précisément la question des travailleurs, l’article 117 du traité de Rome illustre parfaitement le caractère dualiste des instruments utilisés pour atteindre les objectifs qu’il définit. Premier article du titre consacré à la politique sociale, l’article 117 prévoit que

[l]es États membres conviennent de la nécessité de promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d’œuvre permettant leur égalisation dans le progrès. Ils estiment qu’une telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché commun, qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux, que des procédures prévues par le présent traité et du rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives.

Certains auteurs ont pu déduire de cette disposition la préférence du traité pour une approche de la construction européenne par le marché25 ; l’harmonisation sociale « semble devoir résulter spontanément du fonctionnement du Marché commun en général »26. En réalité, il n’est pas précisé si l’harmonisation des systèmes sociaux, censée être favorisée par le fonctionnement du marché, résultera seulement de la mise en œuvre des libertés de circulation ou bien d’une intervention ad hoc du législateur communautaire. Certes, l’article 117 ne comporte aucun délai et aucune procédure d’harmonisation spéciale permettant d’atteindre l’objectif social visé par le traité. Cela illustrerait très précisément le compromis réalisé par le traité « entre le point de vue de la France qui désirait voir les bénéfices sociaux, traitements et autres conditions de travail mis à égalité avant que le Marché commun n’entre en vigueur et le point de vue de ceux qui estimaient qu’une telle égalité n’était pas une condition préalable indispensable »27. Reste cependant la procédure d’harmonisation subsidiaire prévue par le traité de Rome : conformément à l’article 3, h) du traité, l’article 100 permet en effet au Conseil d’adopter des directives pour le rapprochement des dispositions nationales qui ont une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du Marché commun. Or, le lien entre les conditions de travail de la main-d’œuvre et la libre circulation des travailleurs est évident. Surtout, l’article 101 permet de remédier aux distorsions de concurrence liées aux disparités existant entre les législations nationales en recourant le cas d’échéant à l’élaboration de directives à la majorité qualifiée.

Si la mission programmatique de l’article 117 du traité n’a donné lieu qu’à de simples recommandations, empruntant le chemin de la coordination, cela résulte à notre sens moins des contraintes juridiques du traité que des « circonstances politiques sous-jacentes »28. Autrement dit, ce sont moins les potentialités offertes par la constitution économique qui firent défaut en ce domaine que l’absence d’un réel consensus politique quant à l’opportunité de recourir à des mesures d’harmonisation contraignantes pour les États.

En résumé, on doit partir du constat que la constitution économique originaire ne consacre pas de modèle économique spécifique en matière d’harmonisation. Le recours à la méthode du rapprochement des législations nationales peut être vu comme un instrument d’intégration sur le marché commun ou comme un moyen plus ou moins autonome de coordonner les politiques économiques. Il peut aussi s’effectuer par le biais d’une variété de moyens juridiques, allant du règlement à la recommandation, en passant par la directive, sans qu’il n’y ait de cohérence entre ces outils juridiques et le domaine d’intervention régi29. Les voies de l’harmonisation, par le marché ou par l’action législative, ne paraissent pas prédéterminées par la constitution économique. Imprécise, celle-ci laisse à la discrétion des organes communautaires le choix des modalités de sa réalisation. C’est donc vers celles-ci qu’il convient de se tourner pour mesurer le poids exact de l’influence ordolibérale, non plus désormais sur la rédaction mais sur l’interprétation de la constitution économique européenne.

2 La place ambivalente de l’ordolibéralisme comme outil d’interprétation du marché intérieur

Si l’on doit à l’ordolibéralisme d’avoir permis de livrer un puissant cadre d’analyse du traité sous l’angle d’une constitution économique (2.1.), il ne peut s’agir que d’une reconstitution a posteriori de la rationalité du traité, qui autorise du reste une variété d’approches conceptuelles du marché intérieur (2.2.). Ces approches, qui vont de l’harmonisation législative européenne à la mise en concurrence des systèmes juridiques nationaux en passant par la décentralisation des modes de régulation, peuvent en effet chacune trouver appui dans la doctrine ordolibérale, ce qui montre le caractère contrasté de celle-ci dans l’appréhension de la constitution économique de l’Union.

2.1 La pertinence de l’interprétation ordolibérale de la constitution économique

2.1.1 Le programme de l’école de Fribourg

Sans refaire ici de présentation détaillée de la doctrine ordolibérale, on peut dire que la première génération d’ordolibéraux, juristes et économistes réunis au sein de l’école de Fribourg dans les années 1930, a proposé un puissant cadre d’analyse des conditions de fonctionnement du marché30. Préconisant, pour des raisons d’abord philosophiques et humanistes, un programme de restauration en profondeur des bases de l’économie de marché – un système économique jugé à la fois efficace et conforme à la dignité humaine – les ordolibéraux recourent au concept central de constitution économique (Wirtschaftsverfassung), hérité des débats relatifs à la nouvelle Constitution de Weimar31. Il s’agit ainsi de construire et garantir l’ordre économique souhaité à travers un ensemble de principes jugés déterminants pour le fonctionnement de l’économie de marché. Les ordolibéraux rejettent avec force la thèse du libéralisme économique traditionnel, car ils ne croient pas en l’harmonie spontanée des marchés. Il faut un « État fort »32, et un cadre juridique solide pour garantir l’existence et la préservation de l’économie de marché. Tout comme l’exorbitance de la puissance publique est limitée par les principes de l’État de droit censés figurer dans la constitution politique, les puissances économiques privées doivent être subordonnées à des principes applicables à tous, consignés dans une constitution économique. « L’ordre juridique doit être compris et façonné comme une constitution économique », c’est-à-dire une « décision politique d’ensemble sur l’organisation de la vie économique de la nation »33. Si l’État doit exercer un rôle actif dans l’économie, c’est tant que possible en agissant sur le cadre (en fixant les règles du jeu) de façon à faire émerger et préserver les conditions de l’économie de marché (Ordnungspolitik)34. Dans la mesure strictement nécessaire, lorsque certains déséquilibres sont constatés, il pourra agir sur le processus économique (en intervenant sur les mécanismes de marché pour les reconstituer artificiellement ou les corriger). Le premier type d’action est encadré par des principes constituants (primat de la politique monétaire, ouverture des marchés, propriété privée, liberté contractuelle, responsabilité, constance de la politique économique) ; le second par des principes régulateurs (politique de concurrence, politique de répartition des revenus, correction des décisions individuelles, correction des comportements anti-conjoncturels), tous deux partie intégrante de la constitution économique35.

2.1.2 L’analogie entre les règles du traité et la constitution économique ordolibérale

Le programme ordolibéral ainsi esquissé dans ses grandes lignes, il est aisé et même tentant de reconnaître dans le droit du marché commun la transposition au niveau communautaire des préceptes issus du projet ordolibéral de constitution économique. Au fond, il suffirait de réactiver la lecture foucaldienne de l’ordolibéralisme comme source de légitimation de l’État allemand après la Seconde Guerre mondiale36, dans un contexte où la restauration de la légitimité politique se trouvait totalement anéantie par les exactions commises par le régime politique nazi. En identifiant très précisément les conditions de l’« interventionnisme » de marché, la doctrine ordolibérale pouvait servir la cause du développement des communautés européennes et de ses instances en quête de légitimation.

La place accordée à la politique de concurrence à travers la mention à l’article 3, f) du traité cee d’un système de concurrence non faussée et la consécration des quatre libertés de circulation rappellent fortement le principe d’ouverture du marché si fermement ancré dans la constitution économique proposée par Walter Eucken. L’idée d’un marché commun qui se réaliserait à travers une politique active de la Communauté en faveur des libertés économiques s’avère bien en phase avec l’esprit originel de l’école de Fribourg et son rejet d’un marché livré à ses propres forces destructrices. Le critère de l’accès au marché dont l’importance a été rappelée tant s’agissant des libertés de circulation (par Pieter Van Cleynenbreugel et Xavier Miny)37 que s’agissant des règles de concurrence (par Frédéric Marty)38 pourrait bien trouver un fondement dans ce programme doctrinal. Les règles de concurrence et les libertés de circulation ont pu être interprétées dans le sens d’une véritable décision d’ensemble en faveur de l’économie de marché39, conformément à l’objet de la constitution économique ordolibérale. Enfin, le fait que le projet d’intégration européenne prenne corps par le biais d’une communauté de nature exclusivement économique a pu paraître revêtir une signification intrinsèquement ordolibérale. Selon cette perspective, le droit communautaire a pu être présenté comme un ordre juridique dévolu au maintien des libertés économiques et à la protection de la concurrence, deux domaines d’où il pouvait tirer une légitimité indépendante de celle des États40.

2.1.3 La mobilisation ordolibérale du concept de constitution économique

Les théories ordolibérales ont dès lors pu être mobilisées avec succès comme instrument d’analyse à la fois dogmatique et critique du droit communautaire par un grand nombre d’éminents juristes allemands : Hans von der Groeben, qui fut, comme nous l’avons déjà mentionné, le premier commissaire à la concurrence41, Carl-Friedrich Ophüls42, également actif comme ambassadeur et qui été l’un des premiers auteurs à introduire à l’analyse du droit communautaire sous l’angle du concept ordolibéral de constitution économique, Peter Behrens43 ou encore Ernst-Joachim Mestmäcker44. Sans nécessairement avoir été en mesure de faire prévaloir leur vision politique lors de l’édification du traité originaire45, cette doctrine a pu soutenir ex post l’existence d’une constitution économique sous-jacente au traité de Rome en s’appuyant notamment sur le régime des libertés de circulation et les règles de concurrence, directement applicables46.

Parmi les auteurs mentionnés, il convient de s’attarder plus en détail sur la lecture que promeut Ernst-Joachim Mestmäcker47. Disciple de Franz Böhm, qui fut son directeur de thèse, il a contribué d’une façon déterminante au développement du droit communautaire, en particulier du droit européen de la concurrence, tant dans ses activités universitaires qu’en tant que conseiller auprès de la Commission européenne. Dans l’ensemble de ses écrits, il défend l’idée d’une constitution économique fondée sur l’existence de droits subjectifs. Comme on le précisera par la suite en matière de concurrence, la Cour de justice aurait à travers sa jurisprudence (sur l’effet direct et la primauté) constitutionnalisé les libertés économiques, comprises dans le sens de véritables « libertés fondamentales »48. Celles-ci ont un rang constitutionnel, ce qui implique que les citoyens des États membres ne sont pas seulement destinataires du droit communautaire, mais aussi sujets de droit communautaire. Les règles qui fondent des droits subjectifs à participer aux échanges économiques transfrontières sont aussi des droits à participer à la concurrence. C’est ici que le critère de l’accès au marché trouvera sa légitimation, tant en droit du marché intérieur qu’en droit de la concurrence – une légitimation fondamentale pour Mestmäcker, car la constitution économique issue des traités est aussi partie intégrante de la légitimité politico-constitutionnelle de l’Union49.

On voit ainsi combien la pensée ordolibérale offre un cadre d’analyse extrêmement fécond et pertinent pour comprendre tant la pratique de la Commission européenne que la jurisprudence de la Cour de justice. Mais cette lecture ordolibérale du traité ne constitue jamais qu’une clé d’analyse possible du traité, en d’autres termes un procédé de reconstitution intellectuelle a posteriori de la rationalité économique du traité50, dont les approches effectives sont en réalité bien plus contrastées.

2.2 L’ordolibéralisme face à la pluralité des modèles de réalisation du marché intérieur

Pour mesurer la complexité d’une lecture ordolibérale de la constitution économique européenne, il peut être utile de revenir sur les différentes approches possibles du marché intérieur. Dans sa fameuse analyse de la constitution économique européenne, Miguel Poiares Maduro a ainsi dégagé trois modèles possibles de réalisation du marché intérieur51 (qui viennent au soutien de la thèse du caractère ouvert de la constitution économique européenne).

Le premier modèle, centralisé, considère que l’intégration négative qui résulte des libertés économiques doit être complétée par une intégration positive au niveau européen légitimée démocratiquement. Le second modèle, modèle de concurrence, correspond au mécanisme d’intégration négative, dépourvu de re-réglementation au niveau européen, le marché conférant la légitimation nécessaire. Le troisième modèle, décentralisé, est fondé sur l’idée que la source de légitimation des réglementations provient des États-nations. Pour M. Poiares Maduro ces différents modèles ont tous joué et joueront à l’avenir un rôle important dans la mise en œuvre de la constitution économique européenne52. Nous voulons montrer que dans chacun de ces modèles, en apparence contradictoires, il y a place pour une analyse ordolibérale du marché intérieur.

2.2.1 L’ordolibéralisme et le modèle centralisé

Le modèle dit centralisé consiste à réintroduire au niveau central et en parallèle de l’application des libertés de circulation une forme d’harmonisation fondée sur l’intervention du législateur européen. Cette approche se met en marche dès les premières années d’existence de la cee, moment où se mettent en place de nombreux programmes d’harmonisation. À l’occasion du passage à la deuxième phase de la période transitoire, en 1962, la Commission européenne avait établi un programme d’action tout à fait révélateur de la conception qu’elle se faisait des compétences qui lui étaient dévolues dans le traité53. Dans son programme, la Commission constatait que la première phase transitoire – la réalisation d’une union douanière, facilitée par une forte croissance économique et une accélération des échanges au sein des États membres – s’était révélée fructueuse. Elle estimait néanmoins que ce premier succès devrait dorénavant s’accompagner d’une harmonisation accrue des politiques nationales. Dépassant la seule logique douanière, le projet devait s’incarner dans une véritable union économique, laquelle supposait un effort d’harmonisation sociale, fiscale et économique, afin d’éliminer les disparités qui favorisaient artificiellement ou au contraire handicapaient les entreprises opérant sur le marché commun54. Ce programme illustre le fait que, dans sa phase formative, le projet communautaire se traduit moins par une volonté délibérée de mettre en concurrence les systèmes nationaux que de les faire converger, dans la perspective d’une future union économique, par une action bien visible et organisée au niveau européen. Or ce programme est porté par Hans von der Groeben. Cela montre que le projet pensé aux origines comportait, dans l’esprit même de certains ordolibéraux (en ligne sur ce point avec les idées fondatrices de l’école de Fribourg), une forte dose interventionniste. Cela peut s’expliquer par la nature de ce type d’intervention. Il faut se rappeler la distinction cruciale au cœur de la pensée ordolibérale entre les interventions sur le cadre et les interventions sur les processus de marché, que nous avons rappelée plus haut. À la différence des interventions portant sur le processus qui nourrissent les plus grandes réserves ordolibérales, les interventions sur le cadre sont largement plébiscitées dans la doctrine de Walter Eucken.

2.2.2 L’ordolibéralisme et le modèle concurrentiel

Ces interventions le sont assurément moins dans la seconde génération d’ordolibéraux qui prônent une approche concurrentielle du marché intérieur et ne perçoivent donc pas favorablement les possibilités d’harmonisation législative accrues suite à l’Acte unique européen en 1986. L’Acte unique européen prévoit que les mesures de rapprochement des législations concernant le marché intérieur doivent reposer sur un niveau de protection élevé en matière de santé, de sécurité et de protection de l’environnement et des consommateurs55. Ces possibilités d’intégration par la voie de l’interventionnisme européen seront vivement critiquées, tandis que la voie du modèle concurrentiel est au contraire valorisée56. C’est ainsi que Manfred Streit et Werner Mussler, deux auteurs qui appartiennent à la deuxième génération ordolibérale (l’Ordnungsökonomik), s’attachent à opposer deux visions économiques fondamentales du processus d’unification européenne : l’une par l’harmonisation (législative) européenne ; l’autre par le marché et la mise en concurrence des systèmes nationaux (ces deux visions correspondent donc respectivement au premier et au deuxième modèle de Paduro). Ils distinguent ainsi entre une forme d’« integration by intervention » (aussi appelée intégration « par le haut »), qu’ils rejettent très fermement, et une seconde forme de type « integration by framework activities » (équivalant à une intégration « par le bas »). Tandis que dans la première approche, l’intégration poursuit différents objectifs communs prédéfinis par le législateur, la seconde laisse aux acteurs privés le maximum de liberté de choix, non seulement quant aux biens et services sur le marché commun, mais également quant aux systèmes institutionnels prévalant sur ce même marché commun57. Cette seconde approche renvoie ainsi au concept de concurrence juridique58 (regulatory competition) ou concurrence entre les systèmes juridiques (competition bewteen jurisdictions)59. Cette analyse reflète assez fidèlement la pensée de Hayek, qui marque profondément à partir des années 1980 l’école de Fribourg, introduisant une certaine rupture au sein de l’école ordolibérale (le fameux tournant hayekien)60. La concurrence sur le marché commun est censée agir ici comme un processus de découverte : en permettant aux particuliers d’élargir leurs possibilités de choisir les systèmes institutionnels qui servent au mieux leurs intérêts personnels, la concurrence entre systèmes juridiques au sein de la Communauté peut aider à améliorer le cadre institutionnel, dans un sens qui ne peut être connu à l’avance.

Cette philosophie économique est évidemment favorable au modèle de concurrence. Elle favorise une forme d’harmonisation spontanée des systèmes nationaux par une mise en compétition des États qui se trouverait envisagée, selon Streit et Mussler, par l’article 3, c) du traité lui-même61. Cette lecture permet de rendre compte de certains raisonnements et principes jurisprudentiels. Dans l’arrêt Schul, la Cour, interprétant les finalités du traité énoncées aux articles 2 et 3 du traité, affirme que « [l]a notion de marché commun telle que la Cour l’a dégagée dans une jurisprudence constante, vise à l’élimination de toutes les entraves aux échanges intracommunautaires en vue de la fusion des marchés nationaux dans un marché unique réalisant des conditions aussi proches que possibles de celles d’un véritable marché intérieur »62. Elle paraît entériner ici l’idée que les conditions d’unification du marché seront le résultat du processus d’élimination des obstacles nationaux.

Cette conception est également associée à une forme d’intégration négative. Pour que les avantages soient assurés également aux particuliers, il faut conférer à ces libertés économiques une portée maximale, c’est-à-dire un effet direct. Les obligations mises à la charge des États membres se muent alors en droits subjectifs censés renforcer considérablement le système du marché intérieur. La dimension juridique de la constitution économique définie par les ordolibéraux, conférant aux acteurs économiques une citoyenneté de marché, a été maintes fois soulignée63. Elle s’est accompagnée d’une dimension institutionnelle – la supranationalité, la mise en œuvre et le contrôle des libertés étant confiés à des organes supranationaux. Pour Christian Joerges et Florian Rödl, l’institutionnalisation du système de concurrence non faussée placé au cœur de l’intégration européenne aurait ainsi été découplée de la dimension sociale de cette intégration64, ce qui conduit à expliquer le phénomène d’intégration négative. Comme l’indiquent clairement les ordolibéraux de la seconde génération, la Communauté n’aurait pas à être investie de missions politiques reléguées, pour des raisons de légitimité, aux seules démocraties nationales. Une telle logique supranationale rend forcément inutile une action du législateur européen en vue d’harmoniser les conditions du marché. L’ouverture des systèmes nationaux au sein de la communauté s’opère de façon quelque peu mécanique, par le biais des libertés économiques, lesquelles agissent en même temps comme « un instrument effectif de dérégulation »65.

C’est en ces termes qu’a pu être restituée la portée intégrative du principe de reconnaissance mutuelle66, dégagé par la Cour dans l’arrêt Cassis de Dijon67. Pour Streit et Mussler, cet arrêt aurait, au moins pour partie, légitimé l’intégration par le bas, le marché commun se présentant dès lors aux individus comme un vaste espace d’opportunités susceptibles de leur offrir un large choix entre les différents systèmes juridiques européens68. Cette mise en concurrence des systèmes nationaux est censée générer l’harmonisation spontanée des marchés nationaux en vertu d’analyses économiques reconnues69. Les consommateurs établis dans les pays qui pratiquent pour certains produits des prix élevés en raison des contraintes de réglementation en vigueur peuvent se heurter à un problème d’information : ils peuvent en effet considérer que les prix bas en provenance des États à la réglementation plus libérale sont un signe de moindre qualité. Cela est susceptible d’inciter les exportateurs pratiquant des prix bas à investir pour se construire une réputation en mettant en place des mécanismes de certification volontaire ou encore des tests de certification de leurs produits indiquant la conformité aux standards pratiqués par les États aux prix élevés. Ce phénomène spontané aboutirait à un système de convergence vers des niveaux de qualité plus élevés entre les États. Cette lecture « concurrentielle » du principe de reconnaissance mutuelle a été relayée par une grande partie de la doctrine allemande, qui y a vu une confirmation du caractère ordolibéral de la constitution économique communautaire.

Mais les analyses ordolibérales de la constitution économique concordent également avec le modèle décentralisé.

2.2.3 Le modèle décentralisé

Le modèle décentralisé a connu un certain succès ces dernières années. Si l’Acte unique européen pouvait favoriser tout autant une forme d’harmonisation législative centralisée au niveau européen qu’une forme de mise en concurrence des réglementations nationales par la généralisation du principe de reconnaissance mutuelle (respectivement premier et second modèle), le traité de Maastricht marque un pas franc en direction de la décentralisation. On assiste ainsi à la montée en puissance du principe de subsidiarité depuis le traité de Maastricht, aujourd’hui consacré à l’article 5 tue. Cette montée en puissance est confortée par la protection désormais accordée à l’identité et à l’autonomie des États membres, à l’article 4, §2, tue. Cette protection renforcée de l’autonomie des États membres peut, à première vue, être lue comme un moyen de réaliser la diversité et la pluralité dont se réclame l’Union européenne70. Cette diversité, reconnue également dans le protocole sur les services d’intérêt général au profit des services d’intérêt économique général, explique notamment le pouvoir discrétionnaire des autorités nationales dans la définition de leurs missions. Concernant les services non économiques d’intérêt général, la compétence des États membres est même entière. Dans les deux cas, la relégation des missions et de l’organisation des services d’intérêt général au niveau national est vue comme un moyen de préserver ces services et accueillie favorablement par les défenseurs d’un certain modèle social européen. L’autonomie des États membres en matière sociale est en effet parfois jugée nécessaire à la préservation des systèmes sociaux par les défenseurs d’une Europe sociale71.

Pour autant, et non sans paradoxe, l’idée d’une subsidiarité de l’action européenne en matière sociale est aussi partie intégrante du modèle ordolibéral. Comme l’indique Frédéric Marty, Röpke est un fervent défenseur d’une logique décentralisée. La subsidiarité est par ailleurs l’un des éléments clés du modèle de concurrence des systèmes juridiques qui rallie notamment certains membres de l’Ordnungsökonomik. Dans le modèle évolutionniste de la concurrence juridique, c’est la diversité dynamique des systèmes juridiques qui doit permettre l’observation et l’apprentissage72. Facteur de création de la connaissance, cette diversité est jugée devoir être préservée des tentatives d’harmonisation législative. Le principe de subsidiarité apparaît ainsi comme l’un des avatars des partisans d’une intégration par le bas.

Comme on le voit, la pensée ordolibérale peut être sollicitée en appui tour à tour aux trois modèles de constitution économique du marché intérieur décrits par Paduro en raison, précisément, de son ambivalence. Le caractère hétérogène des propositions ordolibérales s’explique en partie par l’éclairage plus général de la généalogie des idées73. Le tournant hayekien a produit une rupture dans la doctrine ordolibérale et une réorientation du programme de Fribourg dans le sens d’un moindre interventionnisme en matière économique. Outre le droit du marché intérieur, ce tournant se reflète également dans l’interprétation des règles européennes de concurrence.

3 La place à réévaluer de l’ordolibéralisme dans l’application des règles de concurrence

Ainsi, après avoir rappelé l’influence fort relative de l’ordolibéralisme dans la mise en place des règles du traité fondateur de la cee, puis montré que la pensée ordolibérale pouvait se prêter à différentes interprétations des règles relatives au marché intérieur, il convient à présent de situer l’apport de la doctrine ordolibérale à la politique européenne de concurrence, second axe de la constitution micro-économique de l’Union. Si l’influence ordolibérale sur l’interprétation initiale des règles européennes de concurrence est plutôt bien documentée, il s’agit ici d’insister sur l’idée que cette doctrine ordolibérale n’est toutefois pas figée dans le temps et qu’il est dès lors nécessaire de mettre en perspective les conceptions ordolibérales plus contemporaines de la concurrence avec les développements récents de la politique et la jurisprudence européennes de concurrence.

Frédéric Marty a bien montré les termes de l’opposition théorique entre le courant ordolibéral qui a longuement influencé la politique européenne de concurrence, notamment à ses débuts, et l’approche développée au sein de l’école de Chicago ayant conduit à la modernisation de la politique de concurrence de l’Union à partir des années 200074. Nous proposons de compléter cette analyse, en précisant le rôle ambivalent joué par l’ordolibéralisme dans ce débat. On montrera que l’approche originelle de l’école de Fribourg a pu concourir à l’émergence d’une politique de concurrence active et « interventionniste » (3.1.), tandis que l’ordolibéralisme de seconde génération se traduit par une conception plus prudente du rôle des autorités à l’égard du processus concurrentiel, qui reste néanmoins radicalement différente de celle de l’école de Chicago. C’est pourquoi les ordolibéraux ont exprimé des positions très hostiles à la mise en œuvre de la more economic approach (3.2.).

3.1 L’ordolibéralisme originel et le développement d’une politique européenne de concurrence interventionniste

Il n’est bien sûr pas possible de (re)faire ici la démonstration de l’empreinte ordolibérale sur la mise en œuvre des règles communautaires (puis européennes) de concurrence. Nous voulons simplement insister sur l’idée que cette politique de concurrence très énergique est largement servie par la vision originelle que les premiers ordolibéraux développent des règles de concurrence. Trois aspects de la politique européenne de concurrence illustrent cette influence : la protection des libertés (c’est-à-dire de l’accès au marché) ; l’approche formaliste des règles de concurrence ; le caractère interventionniste de la politique de concurrence.

3.1.1 Une politique d’ouverture du marché orientée vers la protection des libertés

En premier lieu, le premier président de la Commission européenne, le juriste Walter Hallstein, et son commissaire à la concurrence, Hans von der Groeben, contribuent au développement d’une politique de concurrence directement orientée vers l’impératif de préservation des libertés. La Commission estime que les entreprises doivent adopter des comportements loyaux, car il s’agit de garantir au sein du marché commun un accès équitable aux opportunités, la liberté d’accéder aux activités commerciales et la liberté de choix75. Cet objectif est une constante pour la première phase de formation de sa politique de concurrence. La Commission place au cœur de son analyse la liberté économique et l’égalité des chances, la liberté étant censée bénéficier à toutes les entreprises, à commencer par les petites et moyennes entreprises76. La politique de concurrence de la Commission européenne bénéficie de l’appui de la Cour de justice qui fait alors prévaloir une interprétation de la règle de concurrence orientée vers le critère d’accès au marché, un critère qui se confond avec la protection des libertés économiques77. Est par exemple susceptible de constituer un abus le fait pour une entreprise dominante de « renforcer sa position au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c’est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l’entreprise dominante »78. On assiste ici à une forme de constitutionnalisation de l’objectif de préservation de la liberté, ou de l’accès au marché pour reprendre le propos de Frédéric Marty.

Cette quête de liberté est bien sûr au cœur du programme de Fribourg. Comme l’écrit Eucken, « l’ordre concurrentiel doit créer un cadre dans lequel la libre activité de l’individu est limitée par la sphère de libertés de l’autre »79. Eucken explique que la liberté, telle qu’elle a été systématisée aux xviiie et xixe siècles, est la seule forme possible d’existence humaine puisque « sans liberté, sans autonomie spontanée, l’être humain n’est tout simplement pas un être humain »80. C’est cette sphère de liberté, que le droit doit garantir, mais qu’il doit aussi limiter pour protéger la sphère de liberté de tous81. L’exercice des libertés individuelles doit être protégé de la menace que créent la concentration économique et le pouvoir économique en général.

3.1.2 Une approche formelle des règles de concurrence

En second lieu, dans la pratique et la jurisprudence européennes, s’exprime une approche formelle des règles de concurrence consistant à identifier certains comportements d’entreprises dominantes comme étant nocifs « en tant que tels » (per se) sans qu’il soit nécessaire d’examiner les effets concrets d’un tel comportement du point de vue des consommateurs. Dans l’affaire Hoffmann-La Roche, qui portait sur une pratique de rabais de fidélité, la Cour identifiait un abus consistant dans le fait pour un opérateur dominant d’« influencer la structure d’un marché, où à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli »82. Un tel comportement fait obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une « compétition normale », au maintien ou au développement de la concurrence sur le marché. Le comportement est condamné dans la mesure où le fait de lier des acheteurs par une obligation d’approvisionnement exclusif auprès de l’opérateur dominant tend à enlever ou à restreindre la possibilité de choix de l’acheteur en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement et à barrer l’accès du marché. Peu importe, précise la Cour, le montant, considérable ou minime, des achats concernés83. Ainsi, la Cour ne s’intéresse aucunement à la question de savoir quels effets concrets le rabais de fidélité produit sur le marché. La Cour protège ici le processus concurrentiel sans considération d’efficience économique.

Cette approche formaliste du droit de la concurrence prend corps dans l’identification de certains comportements jugés par principe anticoncurrentiels, car ils portent atteinte à la structure du marché. Il en va ainsi en matière d’ententes où certaines pratiques seront jugées anticoncurrentielles en raison de leur « objet » sans qu’une analyse supplémentaire de leur « effet » soit requise84, ce qui permit à la Commission d’établir à travers différentes communications une liste de comportements interdits en soi (per se), aussi appelés « restrictions caractérisées »85. En matière d’abus de position dominante, la Cour tracera le départ entre les comportements qui relève d’une « concurrence normale »86 ou d’une « concurrence par les mérites »87 et ceux qui portent atteinte à la structure du marché : rabais de fidélité, mais aussi prix prédateurs ou encore ventes liées.

Cette distinction s’appuie sur l’une des distinctions phares du programme de Fribourg, d’abord identifiée par le juriste Hans Carl Nipperdey88, avant d’être reprise par Franz Böhm89. Ces auteurs opposent une concurrence par les mérites (Leistungswettbewerb) à une concurrence d’exclusion (Behinderungswettbewerb). L’idée est toujours de stigmatiser les situations de pouvoir de marché. En situation de concurrence, une entreprise ne peut progresser sur le marché qu’en étant plus performante ou en innovant. En revanche, lorsqu’une entreprise cherche à éliminer ses concurrents autrement que par les mérites (c’est-à-dire en améliorant ses propres performances), elle le fait nécessairement en s’appuyant sur son pouvoir économique, et cela au détriment du processus concurrentiel. Sur cette base, Böhm a pu élaborer une classification des catégories de comportements d’entreprises dominantes selon que ces comportements caractérisent une concurrence par les mérites ou par l’exclusion. Les prix prédateurs, les rabais de fidélité et les refus de vente se trouvent qualifiés de comportements d’exclusion et considérés comme étant anticoncurrentiels puisqu’une entreprise ne disposant pas d’une puissance économique suffisante ne pourrait pas se livrer à de tels agissements90. De son côté, Walter Eucken avait identifié certaines pratiques qu’il estimait incompatibles avec l’exercice d’un monopole91. Au titre de ces pratiques, on trouve la fixation de conditions contractuelles qui désavantagent les partenaires commerciaux de l’entreprise dominante ou la fixation de prix supérieurs au prix d’équilibre – une liste à laquelle fera écho tant l’article 102 alinéa 2 a) que l’article 101 tfue, dont on s’accorde parfois à dire qu’elle aurait été influencée par le courant ordolibéral. Qu’elle soit fixée dans le traité lui-même, ou confortée par la pratique de la Commission européenne et la jurisprudence de la Cour, l’approche formaliste consistant à dégager une liste de comportements par principe anticoncurrentiels puise ainsi ses racines dans divers écrits ordolibéraux.

3.1.3 Une politique de concurrence interventionniste

En troisième lieu, la politique européenne de concurrence se singularise par le caractère intrusif de son contrôle sur les monopoles et les puissances dominantes. Certes, les positions dominantes ne sont pas interdites en soi. Mais la qualification de position dominante entraîne l’application d’un régime de contrôle strict sur les comportements de ces opérateurs dominants. Ce type de contrôle s’incarne dans la notion d’abus d’exploitation dont on a pu dire un temps qu’elle était entièrement contenue dans l’article 102 tfue et qu’elle faisait la singularité du modèle européen de concurrence92. C’est sur ce fondement que la Cour a pu construire sa jurisprudence relative au contrôle des prix inéquitables. Dans l’arrêt United Brands, la Cour de justice a considéré que l’article 102 tfue impliquait de vérifier si le bénéficiaire de la position dominante « a utilisé les possibilités qui en découlent pour obtenir des avantages de transaction qu’il n’aurait pas obtenus en cas de concurrence praticable et suffisamment efficace »93. Ce contrôle repose notamment sur un test de comparaison des prix soit par rapport aux coûts supportés par l’entreprise soit par rapport aux prix pratiqués sur des marchés analogues. Dans tous les cas, il s’agit de mettre en œuvre une forme de concurrence hypothétique, c’est-à-dire d’obliger l’entreprise dominante à se comporter comme si elle subissait la contrainte des marchés, en neutralisant en quelque sorte son pouvoir de marché. Ce type de contrôle, très intrusif, a été fort contesté, en particulier sous l’influence des travaux issus du courant de l’école de Chicago. Il amène les autorités de concurrence à s’immiscer directement dans la gestion de l’entreprise dominante et paraît en pratique circonscrit à des hypothèses bien particulières, notamment lorsque l’entreprise est détentrice de droits exclusifs ou spéciaux sur un marché donné.

Ici aussi, ce type de contrôle est directement tiré des propositions développées par la première génération d’ordolibéraux afin d’enrayer les méfaits du pouvoir économique. Les auteurs de l’école de Fribourg ont tous prôné le recours au concept de concurrence Als Ob (As If Competition). Certes, ceux-ci ne s’entendaient pas sur l’étendue de son champ d’application, ce qui illustre une fois encore l’hétérogénéité des propositions ordolibérales en matière de concurrence. La mise en place de la législation anticartels en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale sera ainsi l’occasion d’une « première division sérieuse au sein de l’école de Fribourg »94. Tandis que Walter Eucken le préconisait en particulier pour les monopoles naturels95, Franz Böhm envisageait son application bien plus largement à toutes les situations de domination du marché qui n’auraient pas été purement et simplement éradiquées96.

Leonhard Miksch, qui est l’inventeur du concept97, le destinait plus généralement aux situations de monopoles ou d’oligopoles. Il proposait une intervention de l’État qui aurait eu pour objet de reproduire artificiellement les conditions du modèle théorique de l’économie de marché. Ainsi, dans les cas où le processus de coordination de l’économie d’échanges (par les prix) ne fonctionne pas, il devrait être « imité »98. Il s’agit pour l’autorité publique de reconstituer la sévérité naturelle d’un marché qui fonctionnerait librement en éliminant les profits de monopole. La politique de concurrence est ici particulièrement offensive. L’autorité en charge du contrôle fixera notamment un prix équivalent au niveau des coûts totaux de l’entreprise, incluant une rémunération raisonnable du capital. Cette solution préfigure celle qui s’est imposée en droit de l’Union avec, notamment dans le cadre des régulations sectorielles, la mise en place d’obligations d’accès aux infrastructures à des tarifs orientés vers les coûts.

Ce concept de « comme si » est tout à fait emblématique du caractère interventionniste de la politique ordolibérale. En 1964, François Bilger insistait largement sur ce caractère, expliquant qu’une telle politique autorisait un nombre illimité d’interventions dès lors qu’elles se justifient par la réalisation de l’équilibre parfait99. On touche ici aux origines de l’idée d’un « libéralisme intervenant » si communément associé au courant ordolibéral, en particulier suite à la publication du cours au Collège de France de Michel Foucault100. Celui-ci s’est beaucoup appuyé sur la thèse de Bilger pour étayer sa magistrale présentation de la singularité de l’ordolibéralisme, en contraste avec le néolibéralisme américain. Mais cette présentation de l’ordolibéralisme, qui se diffuse à partir du milieu des années 2000 en France au moment où le cours de Michel Foucault est publié, doit aujourd’hui être révisée. Le caractère pro-interventionniste de la doctrine ordolibéral apparaît en effet nettement moins marqué dans la seconde génération d’ordolibéraux, ce qui conduit à s’interroger sur son articulation avec la seconde école de Chicago.

3.2 L’ordolibéralisme de seconde génération, entre remise en cause de l’intervention publique et défense continue de la liberté de concurrence

Comme l’a montré Frédéric Marty, l’interventionnisme concurrentiel du modèle européen, son caractère rigide et dirigiste, ont été ardemment critiqués et ont conduit à la modernisation des règles de concurrence (la more economic approach). Mais la remise en cause de cet interventionnisme ordolibéral originel n’est pas seulement le résultat de la critique de Chicago. Elle est aussi le fait d’une rupture interne à l’école de Fribourg, qui intervient précisément avec la seconde génération d’ordolibéraux, proche de Hayek.

C’est sans doute au juriste Mestmäcker (dont on rappelle qu’il est l’élève de Böhm) que l’on doit l’une des plus virulentes critiques de l’association effectuée entre l’ordolibéralisme et cette idée d’un interventionnisme concurrentiel. Après avoir présenté le positionnement doctrinal de Mestmäcker, on montrera qu’il s’agit là d’une (re)lecture évolutionniste de la concurrence101, qui est celle qui caractérise la seconde génération de l’école de Fribourg.

3.2.1 La remise en cause de l’interventionnisme

Pour remettre en cause les traits prétendument trop interventionnistes attribués à l’ordolibéralisme, Mestmäcker s’est attaché à relativiser l’importance tant du concept de concurrence « comme si » que de la notion d’exploitation.

S’agissant du concept de concurrence « comme si », l’auteur a dénoncé les travaux de David Gerber, lesquels ont pu contribuer de façon remarquable à dégager la singularité du modèle européen, dont il impute les spécificités à la pensée ordolibérale et au droit allemand, pour mieux faire ressortir l’opposition avec le droit antitrust américain102. Tout comme l’avait fait Bilger dans sa thèse, Gerber conclut que le cadre d’analyse ordolibéral génère de très nombreuses interventions de la part des autorités chargées de créer et contrôler le bon fonctionnement de l’économie de marché concurrentielle103. C’est cette analyse que rejette fermement Mestmäcker. Il estime qu’il y a là une mésinterprétation du rôle de la constitution économique, qui ne doit pas être perçue comme étant intrinsèquement génératrice d’interventions publiques. Le comparatiste aurait ainsi accentué exagérément certains concepts, tels que celui de concurrence « comme si »104. Mestmäcker rappelle, à juste titre, que ce type de contrôle n’avait pas vocation à s’appliquer à tout type de comportement mis en œuvre par une entreprise dominante, mais restait au contraire circonscrit à des hypothèses bien spécifiques.

Plus largement, c’est la notion d’abus d’exploitation qui est discréditée. Dans son commentaire du droit allemand de la concurrence, Mestmäcker souligne ainsi les dangers que le contrôle des prix excessifs fait peser sur la structure des marchés, en diminuant l’attractivité de ceux-ci pour les concurrents effectifs ou potentiels105. Ce type de contrôle ne devrait s’appliquer que dans des cas particuliers, notamment dans l’hypothèse d’une structure de marché très affaiblie et incapable de préserver le mécanisme de coordination par les prix inhérent au système du marché. Wernhard Möschel (lui-même élève de Mestmäcker) a montré que le contrôle de l’abus d’exploitation introduisait une contradiction dans le système de pensée ordolibéral. Aboutissant en effet à un contrôle des résultats, il s’insère mal dans un système de règles dans lequel la concurrence est pensée comme un processus dynamique de découverte106.

La critique ordolibérale de la notion d’abus d’exploitation apparaît bien en phase avec l’évolution du droit européen de la concurrence. Si, comme on l’a dit, la Commission et la Cour de justice s’étaient emparées de cet outil pour bâtir dans les années 1970 un contrôle particulièrement approfondi des comportements inéquitables (en particulier des prix excessifs), ce type de contrôle a été délaissé ces dernières années au profit d’une plus grande attention portée aux abus d’éviction. La modernisation du droit de la concurrence, en matière d’abus de position dominante, est passée par la marginalisation du contrôle des abus d’exploitation. Ainsi la communication de 2009 n’a-t-elle concerné que les abus dits d’exclusion. Il y a dans la critique de la notion d’abus d’exploitation que développent les ordolibéraux de la seconde génération une méfiance à l’égard du contrôle des prix qui rejoint la critique portée par l’école de Chicago. Elle aboutit à une pareille remise en cause du rôle des autorités de contrôle de concurrence. Mais le rapprochement s’arrête ici. Car il n’en reste pas moins une opposition radicale de la seconde génération d’ordolibéraux avec l’école de Chicago. Dépolitisée, anti-constructiviste, cette pensée ordolibérale renouvelée rejette sans concession toute idée d’une instrumentalisation des règles de concurrence aux seules fins d’efficacité.

3.2.2 Une conception dépolitisée des règles de concurrence

Dans la perspective ordolibérale originelle, la concurrence est vue comme un ordre qui doit être construit par des règles et, si besoin, par une intervention de l’État. Organisée par des principes, soumise au respect de règles, cette intervention publique au service de l’ordre concurrentiel est clairement assumée. Comme l’indique Eucken, « l’ordre concurrentiel doit créer un cadre dans lequel la libre activité de l’individu est limitée par la sphère de libertés de l’autre »107. Cet aspect constructiviste des règles de concurrence est servi par une certaine vision politique de la société qui apparaît bien dans la définition que Böhm donne de la constitution économique. Au contraire, Mestmäcker promeut une conception dépolitisée du droit de la concurrence. Il s’agit de protéger la concurrence pour elle-même, comme processus de découverte, et non pour les résultats qui sont censés en découler.

Mestmäcker, dont la pensée n’est pas dépourvue de toute contradiction, s’inscrit ici dans le sillon tracé par Hayek et Hoppmann. Hayek condamnait toute forme de « constructivisme rationnel », c’est-à-dire toute tentative de contrôle du processus de concurrence par le biais d’objectifs définis politiquement, et concevait le droit comme un ordre abstrait108. Les ordolibéraux de cette nouvelle vague s’attachent alors à promouvoir des règles générales et abstraites qui puissent être valables pour elles-mêmes.

Certes, cette insistance sur l’idée que l’ordre concurrentiel repose sur des règles clairement définies et applicables à tous est exprimée depuis fort longtemps. Franz Böhm, recourant dès 1937 à la métaphore des « règles du jeu », insistait sur l’exigence du respect de la norme109. Mais cette métaphore sera reprise par la nouvelle école de Fribourg pour préciser que les règles du jeu ne doivent pas être orientées vers un but prédéfini. Garantir à chacun l’exercice de ses libertés suppose de les soustraire à l’emprise d’objectifs collectifs, que ces objectifs soient politiques, sociaux ou économiques.

Une distanciation s’effectue avec le concept de « concurrence complète » (vollständige Wettbewerb) auquel adhéraient les premiers ordolibéraux. Trop statique, ce concept s’avère être aussi un concept hétéronome, c’est-à-dire qu’il repose sur une représentation définie par le politique de ce que doit être le résultat de la concurrence, à savoir la « dépotentialisation » maximale des puissances économiques publiques mais aussi privées, pour préserver l’ordre de liberté110. Or les ordolibéraux de seconde génération refusent toute instrumentalisation des opérateurs économiques au service d’une finalité, quelle qu’elle soit111.

C’est en cela précisément que les « néo-ordolibéraux » s’éloignent également du courant de l’école de Chicago et ne partagent absolument pas les prescriptions qui animent la more economic approach. Ce dernier courant prône une approche finalisée des règles de concurrence, où les arguments relatifs à l’efficacité économique s’invitent en permanence dans l’examen de la licéité des comportements des entreprises sur le marché.

3.2.3 La mise à distance des arguments d’efficacité économique

Si les ordolibéraux contestent l’application à la matière concurrentielle de raisonnements fondés sur un objectif d’efficience, alors même que cet objectif implique un recul de l’interventionnisme politique qu’ils prônent par ailleurs, c’est parce que l’application de la règle ne peut en aucun cas dépendre d’un objectif extérieur. L’efficience ne peut être pour Hayek ou Hoppmann qu’une conséquence accessoire, indirecte, d’une politique de concurrence orientée vers la liberté112.

Il y a là une remise en ordre de la place respectivement assignée aux valeurs de liberté et d’efficacité. Les préoccupations relatives à l’efficacité n’étaient pas totalement absentes des réflexions des premiers ordolibéraux. S’ils prônaient à travers le concept de constitution économique le choix du système d’économie de marché, c’est aussi parce que ce système économique était jugé efficace, fonctionnel, pour opérer la répartition des richesses, notamment dans une société industrialisée. Le système de planification serait impraticable en raison des difficultés à maîtriser des connaissances suffisantes sur des données de plus en plus complexes. Dans cette pensée originelle, les considérations liées à l’efficacité paraissent compter autant que les considérations éthiques113. Lorsque Walter Eucken souligne la nécessité de concevoir un ordre à la fois efficace et juste, il signifie que l’économie de marché mérite d’être protégée non seulement parce que les besoins matériels essentiels seront mieux satisfaits, mais aussi parce que les conditions de réalisation et d’épanouissement de la personne humaine seront mieux respectées. Ces préoccupations relatives à l’efficacité seront largement reléguées par la suite. Ainsi Vanberg proposera une articulation originale des relations entre liberté et efficience en revisitant la distinction entre règles du jeu (Spielregeln) et exercice du jeu (Spielzüge) posée naguère par Franz Böhm. Si des considérations relatives à l’efficience ou à d’autres valeurs peuvent être discutées, ce serait au niveau constitutionnel (lors de la définition de la règle), mais non au niveau sous-constitutionnel (lors de l’application de la règle)114. De même, si les règles du jeu produisent bien un effet, ce n’est pas de cet effet que doit dépendre la mise en œuvre de la règle. Ainsi, on y revient, il convient de distinguer et de ne pas confondre le processus concurrentiel, qui s’exerce dans le cadre des règles, et le résultat auquel aboutit ce processus.

3.2.4 Le refus du conséquentialisme juridique

Ce refus du conséquentialisme, c’est-à-dire d’instrumentalisation de la règle de droit aux fins d’efficacité, conduit logiquement à privilégier et à maintenir une approche formaliste du droit – celle-là même qui sous-tendait, comme on l’a vu, la mise en œuvre originelle des règles européennes de concurrence, avant qu’elle ne soit balayée par l’approche more economic. Ici aussi, l’apport de la pensée hayekienne au positionnement des ordolibéraux de seconde génération est notable. Sous l’empire d’une loi générale, abstraite, et non finalisée, l’individu peut définir lui-même ses propres fins115. Le droit doit donc reposer sur des règles per se. Cela signifie que les normes juridiques restent valables même si leur application au cas particulier conduit à un résultat dommageable ou insensé116. L’idée est partagée non seulement par Hayek mais aussi par Hoppmann qui précise que les règles de concurrence « ne doivent dépendre que de circonstances dont on peut attendre qu’elles puissent être connues ou constatées par les intéressés »117. La règle per se doit être univoque en précisant clairement à son destinataire ce qu’il peut faire ou non. Pour Mestmäcker, ces règles présentent le mérite de pouvoir être mises en œuvre et exécutées sans donner lieu à un pouvoir d’appréciation de politique économique118. On comprend dès lors que Mestmäcker se soit opposé vigoureusement à la mise en œuvre d’une approche dite « plus économique » des règles de concurrence, consistant pour l’autorité de contrôle à mettre en balance les effets d’une pratique sur le marché.

Il y a donc un écart important avec les enseignements de la Law & Economics en faveur d’une analyse de type coûts/bénéfices. Ce type d’analyse, d’après les auteurs ordolibéraux, met à mal l’autonomie et la rationalité interne du droit. Dans un ouvrage au titre très explicite119, Mestmäcker a montré toute la divergence qui oppose Posner à Hayek dans leur façon d’appréhender le rapport entre droit et économie. Cette discussion, initiée dans le contexte de modernisation de la politique européenne de concurrence, illustre le décalage philosophique entre la nouvelle école de Fribourg et la seconde école de Chicago. Alors que l’analyse de Posner suppose de retirer au droit sa propre rationalité interne, le système économique de Hayek est un système de libertés fondé sur un ordre juridique qui conçoit les libertés économiques comme des droits individuels120. Interpréter une règle de droit à l’aune d’une analyse coûts/bénéfices s’avère radicalement incompatible avec toute théorie exigeant que le droit et les valeurs qu’il consacre soient respectés pour eux-mêmes121. Il y a sans doute dans ce questionnement éthique un fond partagé par l’ensemble des ordolibéraux qui rejetaient dès l’origine tout système économique qui aurait réduit l’être humain à un simple moyen122. C’est dans cette continuité que Mestmäcker et les autres juristes proches de l’ordolibéralisme envisagent l’articulation entre le droit et l’économie. Si l’économie peut avoir une fonction instrumentale, il n’en va pas de même de la règle de droit qui doit être respectée pour elle-même123. À l’inverse de Posner qui refusait de voir dans le droit une discipline autonome124, la pensée ordolibérale lui accorde une importance intrinsèque et ne le conçoit jamais comme un simple moyen d’obtenir d’autres biens.

Conclusion

La confrontation théorique entre école de Fribourg et école de Chicago, qui s’est révélée avec force au moment de la modernisation de la politique européenne de concurrence, ne doit donc pas masquer les aspérités de ces deux courants de pensée. L’école de Fribourg est marquée par différentes facettes, l’une, originelle, plutôt favorable à l’interventionnisme de marché, l’autre, contemporaine, moins encline à justifier l’intervention d’autorités extérieures. Il s’agit sans doute moins d’une rupture doctrinale que d’un renouvellement des idées et d’un approfondissement de certains fondements déjà latents dans les premiers écrits ordolibéraux. Toujours est-il que ce renouvellement de la doctrine ordolibérale ne facilite pas l’exercice d’analyse de la constitution micro-économique de l’Union que nous avons mené ici.

En premier lieu, on a pu montrer que les règles instituant le marché commun dans le traité de Rome pouvaient difficilement être vues comme le produit d’une pensée monolithique appelant la réalisation d’un programme économique prédéterminé qui serait celui prôné par les ordolibéraux. Les règles du traité procèdent bien au contraire d’un équilibre entre différentes visions politiques du projet européen, équilibre qui autorise à parler d’une constitution économique « mixte ».

En second lieu, différentes méthodes d’harmonisation du marché intérieur découlent de cette constitution économique européenne. Elles ont donné lieu au fil de la construction européenne à divers modèles de constitution micro-économique. On a voulu montrer que chacun de ces modèles pouvait laisser place à une lecture ordolibérale. Cette lecture plurielle de la constitution économique européenne est liée au tournant hayekien qui invite à (ré)interpréter les règles du marché intérieur sous l’angle évolutionniste des règles de concurrence.

En dernier lieu, l’application des règles de concurrence de l’Union a incontestablement été façonnée par les concepts tirés de l’ordolibéralisme qui ont conduit à conforter la légitimité et l’autorité de la politique de concurrence dans les premières phases de sa formation. La rigidité et la sévérité de cette politique ont été critiquées sous l’influence de l’école de Chicago. Les ordolibéraux contemporains de ce mouvement ont adopté un positionnement assez ambivalent, caractérisé d’un côté par la volonté de faire reculer l’interventionnisme des autorités de concurrence, et de l’autre par le maintien d’une conception très formelle des règles de concurrence, servie par une défense absolue du processus concurrentiel où les arguments d’efficacité sont mis à distance envers toute forme d’instrumentalisation du droit.

Dévoilée en particulier par le juriste Mestmäcker, la philosophie du droit de la pensée « néo-ordolibérale » peut dès lors être questionnée au regard du statut qu’occupe la règle de droit dans le projet européen. Une pensée qui s’attache au respect de la règle pour elle-même n’est-elle pas difficile à concilier avec la place ancillaire que la règle de droit occupe en droit européen ? Selon la méthode d’interprétation téléologique de la Cour, les règles du traité sont toujours interprétées en relation avec les finalités politiques de l’intégration européenne. Il y a là sans doute une contradiction à explorer entre, d’un côté, un programme orienté vers la protection d’un processus de concurrence en soi et, de l’autre, un droit (micro- et macro-) économique de l’Union européenne tout entier dédié à la réalisation d’un projet par nature politique.

1

F. Denord, R. Knaebel et P. Rimbert, « L’ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le Vieux Continent », Le Monde diplomatique, août 2015, pp. 20–21.

2

R. Salais, Le viol d’Europe. Enquête sur la disparition d’une idée, Paris, Presses Universitaires de France, 2013.

3

P. Dardot et C. Laval, Ce cauchemar qui n’en finit pas. Comment le néolibéralisme défait la démocratie, Paris, La Découverte, 2016.

4

G. Majone, Rethinking the Union of the Europe Post-Crisis. Has Integration Gone too Far ?, Cambridge University Press, 2014, spéc. p. 151. Majone reconnaît que le traité de Rome ne paraît pas attacher de caractère normatif à la distinction entre intégration négative et intégration positive mais soutient que si le marché commun devait pouvoir être réalisé par le biais de ces deux méthodes, il s’est appuyé majoritairement, dans les faits, sur l’intégration négative (spéc. p. 154).

5

K. Tuori, « La Constitution économique parmi les Constitutions européennes », Revue Internationale de Droit Économique, 2011, vol. xxv, n°4, pp. 559–599 : « même si l’on ne souscrit pas à la notion ordolibérale de la Constitution économique européenne, il faut reconnaître l’impact des présupposés socio-théoriques sous-jacents sur l’interprétation et l’application du droit » (p. 572), concède l’auteur après avoir pris soin d’écarter l’idée ordolibérale d’une constitution économique, celle-ci étant jugée au contraire neutre (p. 571).

6

P. Dardot et C. Laval, Ce cauchemar qui n’en finit pas. Comment le néolibéralisme défait la démocratie, op. cit., pp. 117 et s.

7

Voy. supra dans ce volume, P. Van Cleynenbreugel & X. Miny, « The Fundamental Economic Freedoms: Constitutionalizing the Internal Market », et F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE : de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale ? ».

8

On rappelle que le Rapport Spaak rendu le 21 avril 1956 faisait suite à la conférence de Messine et à la création le 9 juillet 1955 d’un comité intergouvernemental présidé par le Belge Paul-Henri Spaak. Il devait trancher le choix fondamental entre une intégration sectorielle partielle et un marché commun général, et tracera le plan d’action concret de réalisation de ce dernier.

9

L. Warlouzet, Le choix de la CEE par la France. L’Europe économique en débat de Mendès France à de Gaulle (1955–1969), Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2011.

10

P. Commun, Les ordolibéraux. Histoire d’un libéralisme à l’allemande, Paris, Les Belles Lettres, 2016, p. 333.

11

Ibid., p. 329.

12

M. Wohlgemuth, « Europäische Ordnungspolitik », in Freiburger Diskussionspapiere zur Ordnungsökonomik, Walter Eucken Institut, 08/5, p. 3, disponible à l’adresse : http://www.eucken.de/fileadmin/bilder/Dokumente/Diskussionspapiere/08_5bw.pdf (dernière consultation le 12 février 2022).

13

A. Lechevalier, « Why has German Ordoliberalism Become a French Issue? Some Aspects about Ordoliberal Thoughts we can Learn from the French Reception », in J. Hien et C. Joerges (dir.), Ordoliberalism, Law and the Rule of Economics, Oxford/Portland, Hart Publishing, 2017, pp. 23–48, spéc. p. 39. N.d.E.: voy. aussi supra dans ce volume, S. Audier, « Le néolibéralisme : Un “libéralisme autoritaire” néo-schmittien ? ».

14

Cet argument est notamment celui qu’explicitent M. Streit et W. Mussler, « The Economic Constitution of the European Community: From “Rome” to “Maastricht” », European Law Journal, 1995, vol.1, n°1, pp. 5–30, spéc. pp. 16 et s.

15

M. Wohlgemuth, « Europäische Ordnungspolitik », op. cit., p. 3.

16

Ibid., p. 4. M. Wohlgemuth se référe ici aux analyses en termes d’économie constitutionnelle qui seront développées par la suite tant par Viktor Vanberg que James Buchanan. N.d.E.: sur le sujet, voy. supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

17

Sur ces débats, voy. L. Warlouzet, Le choix de la CEE par la France, op. cit.

18

A. Cohen, « Le Plan Schuman de Paul Reuter. Entre communauté nationale et fédération européenne », Revue française de science politique, 1998, vol. 48, n°5, pp. 645–663.

19

Pour une présentation de l’auteur, voy. F. Martucci, « Constitution économique, quelques fragments de doctrine française », in F. Martucci et C. Mongouachon, La Constitution économique, Paris, Mare & Martin, pp. 27–53, spéc. pp. 30–33.

20

L.-J. Constantinesco, « La constitution économique de la CEE », Revue trimestrielle de droit européen, 1977, vol. 13, n°2, pp. 244–281, spéc. p. 278.

21

Ibid. p. 256. Selon Constantinesco, « [t]ous, libéraux et dirigistes, conservateurs et marxistes, fascistes et communistes, se réclament de ces formules quasi stéréotypées, même si chacun en donne une interprétation différente ». Notons que cela n’empêche pas l’auteur d’en déduire certaines conclusions du point de vue des finalités et de méthodes de la construction européenne. Ainsi de l’objectif de relations plus étroites entre les États membres, il tire la proposition suivant laquelle « la C.E.E. ne peut pas être considérée comme poursuivant un but exclusivement économique ; elle est un moyen et une étape de l’intégration européenne, qui tend à dépasser le cadre économique pour se réaliser, à partir des fondements établis par la C.E.E., dans des domaines de la politique étrangère, de la défense et de la culture. […] La C.E.E. […] est un moyen d’atteindre un autre but (qu’économique), à savoir une Union politique ».

22

Ibid., p. 257.

23

Ibid., p. 261.

24

Ibid., p. 266.

25

C. Erhel et B. Palier, « L’Europe sociale : entre modèles nationaux et coordination européenne », Revue d’économie politique, 2005, vol. 115, n°6, pp. 677–703, spéc. p. 684. Pour ces auteurs, l’article 117 laisserait transparaître « l’idée que la création d’un espace multinational économique constitue un facteur d’accélération de la croissance et de réduction des inégalités entre les pays, exerçant des effets automatiques et positifs sur l’emploi et la cohésion sociale » (nous soulignons).

26

A. Limpens, « Harmonisation des législations dans le cadre du Marché commun », Revue internationale de droit comparé, 1967, vol. 19, n° 3, pp. 621–653, spéc. p. 636, termes en italique soulignés par l’auteur.

27

Ibid., termes en italique soulignés par l’auteur. Référence explicite est faite au Rapport des chefs de délégation aux ministres des affaires étrangères constituant le Comité intergouvernemental créé par la Conférence de Messine, 1956, pp. 60–66.

28

Ibid. Selon l’auteur, la Commission ne pouvait envisager dans ce domaine d’autre moyen d’action que la recommandation.

29

Pour Constantinesco, « l’hétérogénéité des moyens juridiques disponibles correspond aux différences de degré et de nature que la coopération peut connaître dans ses divers secteurs » (L.J., Constantinesco, « La Constitution économique de la C.E.E. », op. cit., p. 262).

30

Nous renvoyons aux nombreux travaux publiés récemment en France : P. Commun et R. Fèvre, Walter Eucken, entre économie et politique, Paris, ENS Editions, 2019 ; P. Commun, Les ordolibéraux. Histoire d’un libéralisme à l’allemande, Paris, Les Belles Lettres, 2016 ; H. Rabault (dir.), L’ordolibéralisme, aux origines de l’école de Fribourg-en-Brisgau, Paris, L’Harmattan, 2016 ; C. Mongouachon, « L’ordolibéralisme : contexte historique et contenu dogmatique », Concurrences, 2011, n°4, pp. 70–78.

31

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, G. Grégoire, « The Economic Constitution under Weimar. Doctrinal Controversies and Ideological Struggles ».

32

L’État fort est celui qui est capable de résister aux pressions des puissances économiques privées. Sur la conception ordolibérale de l’État et spécialement sur la distinction entre État fort et État faible, voy. H. Rabault, « L’idée de “constitution économique” chez Walter Eucken », in H. Rabault, L’ordolibéralisme, aux origines de l’école de Fribourg-en-Brisgau, op. cit., pp. 51–94, spéc. p. 84. N.d.E. : sur les débats concernant un éventuel héritage schmittien des thèses ordolibérales relatives à l’État fort, voy. supra dans ce volume W. Bonefeld, « Economic Constitution and Authoritarian Liberalism – Carl Schmitt and the idea of a “Sound Economy” » – et la discussion critique de cette hypothèse par S. Audier (« Le néolibéralisme: Un “libéralisme autoritaire” néo-schmittien ? ») et par V. Valentin (« L’idée de constitution économique et l’hypothèse du libéralisme autoritaire »).

33

F. Böhm, W. Eucken et H. Großmann-Doerth, « Unsere Aufgabe », Ordnung der Wirtschaft, 1937, p. 29.

34

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

35

F. Bilger, La pensée économique libérale dans l’Allemagne contemporaine, Paris, LGDJ, 1964, pp. 154–160.

36

M. Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours au collège de France. 1978–1979, Paris, Seuil/Gallimard, 2004 : « L’économie produit de la légitimité pour l’État qui en est le garant » (p. 86) ; la liberté économique « produit un consensus permanent » (ibid.).

37

Voy. supra dans ce volume, P. Van Cleynenbreugel & X. Miny, « The Fundamental Economic Freedoms: Constitutionalizing the Internal Market », et F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE : de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale? ».

38

Voy. supra dans ce volume, F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE : de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale ? ».

39

Nombreux sont les auteurs à le reconnaître outre-Rhin. Entre autres, M. E. Streit et W. Mussler, « The Economic Constitution of the European Community: From ‘Rome’ to ‘Maastricht’ », op.cit., p. 14 : « it is a constitution which clearly establishes a market system » ; déjà en ce sens, L.-J. Constantinesco, « La constitution économique de la CEE », op.cit., p. 275 : « le marché commun se fonde, en principe, sur une économie de marché, ce qui explique d’ailleurs aussi l’importance que le traité a accordée au principe de libre concurrence ».

40

C. Joerges, « Europa nach dem Ordoliberalismus: Eine Philippika », Kritische Justiz, vol. 43, n°4, pp. 394–406, spéc. p. 399, se référant sur ce point à A. Müller-Armack, « Die Wirtschaftsordnung des Gemeinsamen Marktes », in A. Müller-Armack (dir.), Wirtschaftsordnung und Wirtchaftspolitik, Fribourg-en-Brisgau, Rombach, 1966, pp. 401 et s.

41

H. von der Groeben, Die Europäische Gemeinschaft und die Herausforderungen unserer Zeit : Aufsätze und Reden 1967–1987 (textes rassemblés et édités par P. R. Weilemann), Baden-Baden, Nomos, 1987.

42

C. F. Ophüls, « Grundzüge europäischer Wirtschaftsverfassung », Zeitschrift für das gesamte Handelsrecht und Wirtschaftsrecht, 1962, vol. 124, pp. 136–181.

43

P. Behrens, « Die Wirtschaftsverfassung der Europäischen Gemeinschaft », in G. Brüggemeier (dir.), Verfassungen für ein ziviles Europa, Baden-Baden, Nomos, 1994, pp. 73–90.

44

E.-J. Mestmäcker, « Zur Wirtschaftsverfassung in der Europäischen Union », in R. H. Hasse, J. Molsberger et C. Watrin (dir.), Ordnung in Freiheit, Stuttgart, Gustav Fischer, 1994.

45

Sur les conflits d’interprétation du traité cee et les affrontements idéologiques entre partisans de la planification et défenseurs d’une forme d’intégration négative telle que prônée par les ordolibéraux, voy. L. Warlouzet, Le choix de la CEE par la France. op. cit., pp. 370 et s. ; Voy. également W. Sauter, « The Economic Constitution of the European Union », Columbia Journal of European Law, 1998, vol. 27, n° 4, pp. 27–68, spéc. p. 50 ; J. Drexl, « La Constitution économique européenne. L’actualité du modèle ordolibéral », Revue Internationale de Droit Économique, 2011, vol. xxv, n° 4, pp. 419–454.

46

Sur l’usage du concept de constitution économique dans la doctrine allemande et communautariste, voy. L. Zevounou, « Le concept de “constitution économique” : une analyse critique », Jus Politicum, n° 21, disponible à l’adresse : http://juspoliticum.com/article/Le-concept-de-constitution-economique-Une-analyse-critique-1231.html (dernière consultation le 12 février 2022).

47

Pour une rare étude consacrée à la pensée de Mestmäcker, voy. C. Joerges, « Review Essay : The jurist as true teacher of law » (review essay on : E.-J. Mestmäcker, Europäische Prüsteine der Herrschaft und des Rechts. Beiträge zu Recht, Wirtschaft und Gesellschaft in der EU, Baden-Baden, Nomos, 2016), Common Market Law Review, 2019, vol. 56, n°3, pp. 843–864.

48

E.-J. Mestmäcker, « Recht und Politik in der EU », in E.-J. Mestmäcker, W. Möschel et M. Nettesheim (dir.), Verfassung und Politik im Prozess der europäischen Integration, Baden-Baden, Nomos, 2008, pp. 9–25.

49

Ibid., p. 12. N.d.E. : pour une remise en cause de cette « légitimité politico-constitutionnelle », voy. infra dans ce volume, P. Lindseth & C. Fasone, « The Eurozone Crisis, the Coronavirus Response, and the Limits of European Economic Governance ».

50

C. Joerges, « Europa nach dem Ordoliberalismus : Eine Philippika », op. cit., p. 399.

51

M. Poiares Maduro, We the Court : The European Court of Justice and the European Economic Constitution: a critical Reading of Article 30 of the EC Treaty, Oxford, Hart Publishing, 1998, p. 159.

52

Ibid., p. 150.

53

C. Kaupa, The Pluralist Character of the European Economic Constitution, Oxford, Hart Publishing, 2016, pp. 50 et s.

54

Ibid., p. 52.

55

N.d.E. : voy. infra dans ce volume, H.-W. Micklitz, « Society, Private Law and Economic Constitution in the EU ».

56

M. E. Streit et W. Mussler, « The Economic Constitution of the European Community : From ‘Rome’ to ‘Maastricht’ », op. cit., p. 19 : « Considering the dichotomy between integration by competition and integration by intervention with regard to regulation, the SEA appears to have established further ambiguities ».

57

M. E. Streit et W. Mussler, « The Economic Constitution of the European Community : From ‘Rome’ to ‘Maastricht’ », op. cit., pp. 12 et 13.

58

S. Harnay et J.-S. Bergé, « Les analyses économiques de la concurrence juridique : un outil pour la modélisation du droit européen ? », Revue Internationale de Droit Économique, 2011, vol. xxv, n°2, pp. 165–192.

59

S. Barbou Des Places, « Contribution(s) du modèle de concurrence régulatrice à l’analyse des modes et niveaux de régulation », Revue Française d’Administration Publique, 2004, vol. 109, n°1 pp. 37–47. N.d.E. : sur le phénomène de concurrence normative, voy. infra dans ce volume, les contributions reprises dans la Section 6 consacrée au thème Global Governance and New (Economic) Constitutionalism, et en particulier celles de M.M. Mohamed Salah (« La mise en concurrence internationale des ordres juridiques nationaux ») et de T. Biscahie & S. Gill (« Three Dialectics of Global Governance and the Future of New Constitutionalism »).

60

Voy. supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

61

M. E. Streit et W. Mussler, « The Economic Constitution of the European Community : From ‘Rome’ to ‘Maastricht’ », op. cit., p. 15 : « Forming a common market according to Article 3(c) represents an obligation to remove existing restrictions of trade and hence of competition between Member States » (nous soulignons).

62

CJCE, 5 mai 1982, Gaston Schul Douane Expediteur BV c/ Inspecteur des droits d’importation et des accises, aff. 15/81, Rec. 1982 p. 01409 (EU:C:1982:135), cons. 33.

63

K. Tuori, « La Constitution économique parmi les Constitutions européennes », op. cit., spéc. p. 574.

64

C. Joerges et F. Rödl, « “Social Market Economy” as Europe’s Social Model? », EUI Working Paper law, n° 2004/82004, p. 16.

65

M. E. Streit et W. Mussler, « The Economic Constitution of the European Community: From ‘Rome’ to ‘Maastricht’ », op. cit., p. 15: « it worked as an effective means of deregulation within the Member States ».

66

Pour un aperçu des questions soulevées, voy. V. Michel, « L’ordre juridique étatique : un ordre juridique concurrencé ? La question du principe de reconnaissance mutuelle », in Annuaire de droit européen, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 31–50.

67

CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral AG c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, aff. 120/78, Rec. p. 649 (EU:C:1979:42).

68

M. E. Streit et W. Mussler, « The Economic Constitution of the European Community: From ‘Rome’ to ‘Maastricht’ », op. cit., spéc. p. 13.

69

J. Pelkmans, « Mutual Recognition: Economic and Regulatory Logic in Goods and Services », in T. Eger et B. Schaefer, Research Handbook on the Economics of European Union Law, Cheltenham, Edward Elgar, 2012 (également consultable sur le site du collège d’Europe, Bruges : European Economic Research Papers, n° 24/2012).

70

Sur la question, voy. J. Porta, La réalisation du droit communautaire – Essai sur le gouvernement juridique de la diversité, Paris, LGDJ/Fondation Varenne, 2007.

71

N.d.E. : voy. infra dans ce volume, la conclusion de C. Joerges, « Economic Constitutionalism and “The Political” of “The Economic” ».

72

S. Harnay et J.-S. Bergé, « Les analyses économiques de la concurrence juridique : un outil pour la modélisation du droit européen ? », op. cit.

73

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, G. Grégoire & X. Miny, « Introduction – La Constitution économique : Approche contextuelle et perspectives interdisciplinaires ».

74

Voy. supra dans ce volume, F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE : de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale? ».

75

Commission des Communautés européennes, 8e rapport sur la politique de concurrence, Bruxelles, 1978, p. 9.

76

Dans son 7e rapport, la Commission assure qu’elle continuera et multipliera ses efforts pour permettre aux petites et moyennes entreprises de surmonter leurs difficultés et profiter des avantages offerts par le marché unique (pp. 10–11).

77

Voy. supra dans ce volume, P. Van Cleynenbreugel & X. Miny, « The Fundamental Economic Freedoms: Constitutionalizing the Internal Market ».

78

CJCE, Arrêt du 21 février 1973, Continental Can, aff. 6–72 (EU:C:1973:22), cons. 26.

79

W. Eucken, Die Grundsätze der Wirtschaftspolitik (1952), Tübingen, Mohr Siebeck, 2004, spéc. p. 250.

80

Ibid., p. 176.

81

Ibid.

82

CJCE, Arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche, aff. 85/79 (EU:C:1979:36), cons. 91.

83

Ibid., cons. 89.

84

CJCE, Arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig, aff. jtes 56 et 58–64 (EU:C:1966:41), jurisprudence qui donne aux termes de l’article 101 « objet » ou « effet » une portée distincte.

85

Règlement n° 2790/1999 de la Commission européenne, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 336 du 29 décembre 1999.

86

CJCE, Arrêt Hoffmann-La Roche, précité.

87

CJCE, Arrêt du 3 juillet 1991, AKZO, aff. C-62/86 (EU:C:1991:286), cons. 70.

88

H.-C. Nipperdey, « Wettbewerb und Existenzvernichtung », Kartell-Rundschau, 1930, n° 28, pp. 127–152.

89

F. Böhm, Wettbewerb und Monopolkampf. Eine Untersuchung zur Frage des wirtschaftlichen Kampfrechts und zur Frage der rechtlichen Struktur der geltenden Wirtschaftsordnung (1933), Berlin, Carl Heymanns Verlag, 1964, p. 178.

90

Ibid., pp. 291–317.

91

W. Eucken, « Die Wettbewerbsordnung und ihre Verwirklichung », ordo: Jahrbuch für die Ordnung von Wirtschaft, 1949, vol. 2, pp. 1–99.

92

C’était l’analyse défendue notamment par R. Joliet, Monopolization and Abuse of Dominant Position. A Comparison Study of the American and European Approaches to the Control of Economic Power, Liège/La Haye, Martinus Nijhoff, 1970, p. 11 et 131.

93

CJCE, Arrêt du 14 février 1978, United Brands, aff. 27/76 (EU:C:1978:22), cons. 249.

94

L’affirmation est de Leonhard Miksch lui-même, extraite de son journal par Nils Goldschmidt, « Leonhard Mikschs Beitrag zur Ordnungstheorie und -politik », in L. P. Feld et E. K. Köhler (dir.), Wettbewerbsordnung und Monopolbekämpfung. Zum Gedanken an Leonhard Miksch (1901–1950), Tübingen, Mohr Siebeck, 2015, pp. 37–52, spéc. p. 45.

95

W. Eucken, Grundsätze der Wirtschaftspolitik, op. cit., p. 295 : « l’objectif de la législation et du contrôle des monopoles est de faire en sorte que les détenteurs d’un pouvoir économique se comportent comme s’il existait une concurrence complète. Le comportement des monopoleurs doit être analogue à celui des entreprises en situation de concurrence ».

96

F. Böhm, « Kartellauflösung und Konzernentflechtung. Spezialistenaufgabe oder Schicksalsfrage ? » (1947), in T. Roser et W. Oswalt (dir.), Entmachtung durch Wettbewerb, Walter Eucken Archiv, Reihe zweite Aufklärung, vol. 3, Berlin, Lit Verlag, 2007, pp. 59–91, spéc. pp. 79–90. Les marchés affaiblis par l’existence de puissances dominantes devraient « être soumis à un contrôle extrêmement sévère de la part de l’autorité en charge de la concurrence » (p. 81).

97

Concept qu’il dégage dans sa thèse d’habilitation en 1937 : Wettbewerb als Aufgabe. Grundsätze einer Wettbewerbsordnung, Stuttgart, Berlin, Kohlhammer, 1937.

98

L. Miksch, « Die Wirtschaftspolitik des Als-Ob », Zeitschrift für die gesamte Staatswissenschaft, 1948, vol. 105, n°2, pp. 310–338, spéc. p. 333.

99

F. Bilger, La pensée économique libérale dans l’Allemagne contemporaine, op. cit., p. 82.

100

N.d.E. : cette idée d’un « interventionnisme libéral » spécifique à un certain néolibéralisme, et en particulier à l’ordolibéralisme, est mise partiellement en doute par V. Valentin, supra dans ce volume (« L’idée de constitution économique et l’hypothèse du libéralisme autoritaire »).

101

Sur l’approche évolutionniste du droit et sur la pensée de Hayek, voy. V. Valentin, Les conceptions néo-libérales du droit, Paris, Economica, 2002.

102

D. J. Gerber, Law and Competition in Twentieth Century Europe: Protecting Prometheus, New York/Oxford, Clarendon Press, 1998.

103

Ibid., p. 247.

104

E.-J. Mestmäcker, « The Development of German and European Competition Law with special Reference to the EU Commission’s Article 82 Guidance of 2008 », in L. F. Pace (dir.), European Competition Law: The Impact of the Commission’s Guidance on Article 102, Cheltenham, Edward Elgar, 2011, pp. 25–62.

105

V. M. Immenga et E.-J. Mestmäcker, Wettbewerbsrecht, vol. II, Kommentar zum GWB, 4e éd., Munich, C.H. Beck, 2007, §152.

106

W. Möschel, in V. M. Immenga et E.-J. Mestmäcker, Wettbewerbsrecht, op. cit., §12. Même remarque du même auteur au sujet du droit européen de la concurrence : W. Möschel, in V. M. Immenga et E.-J. Mestmäcker, Wettbewerbsrecht, Kommentar zum Europäischen Kartellrecht, 4e éd., Munich, C.H. Beck, 2007, § 145.

107

W. Eucken, Grundsätze der Wirtschaftspolitik, op. cit., p. 250 (nous soulignons).

108

F. Hayek, Rechtsordnung und Handelnsordnung, in F. Hayek (dir.), Freiburger Studien. Gesammelte Aufsätze, Tübingen, Mohr Siebeck, 1969, pp. 161–198, spéc. p. 177.

109

F. Böhm, Ordnung der Wirtschaft als geschichtliche Aufgabe und rechtsschöpferische Leistung, Stuttgart, Kohlhammer, 1937, p. 126.

110

R. Fèvre, « Le marché sans pouvoir : au cœur du discours ordolibéral », Revue d’économie politique, mars 2017, n° 1, pp. 119–151.

111

W. Möschel, Pressekonzentration und Wettbewerbsgesetz, Mohr Siebeck, 1978, p. 42, cité par J. H. Klement, Wettbewerbsfreiheit, Tübingen, Mohr Siebeck, 2015, pp. 190 et 205.

112

J. H. Klement, Wettbewerbsfreiheit, op. cit., p. 207.

113

W. Eucken, Grundsätze der Wirtschaftspolitik, op. cit., p. 166 : « La tâche reste toujours la même : la création d’un ordre fonctionnel et juste (i.e. respectueuse de la dignité humaine). [...] Le caractère fonctionnel est une question d’équilibre. Mais ce n’est pas moins une question de justice ».

114

V. Vanberg, « Wettbewerbsfreiheit und ökonomische Effizienz – Die ordnungsökonomische Perspektive », in V. Vanberg (dir.), Evolution und freiheitlicher Wettbewerb, Tübingen, Mohr Siebeck, 2010, pp. 107–126, spéc. pp. 115–116. N.d.E. : voy. aussi supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

115

F. v. Hayek, Droit, législation et liberté, Paris, Presses Universitaires de France, 2013.

116

Ibid.

117

E. Hoppmann, « Volkswirtschaftliche und wirtschaftspolitische Bedeutung des Kartell- und Monopolrechts », in E. Hoppmann et E.-J. Mestmäcker (dir.), Normenzwecke und Systemfunktionen im Recht der Wettbewerbsbeschränkungen, Tübingen, Mohr Siebeck, 1974, pp. 5–20, spéc. p. 14.

118

E.-J. Mestmäcker, Der verwaltete Wettbewerb, Tübingen, Mohr Siebeck, 1984, p. 31 cité par J. H. Klement, Wettbewerbsfreiheit, op. cit., p. 223.

119

E.-J. Mestmäcker, A Legal Theory Without Law. Posner V. Hayek on Economic Analysis of Law, Tübingen, Mohr Siebeck, 2007.

120

Ibid., p. 22.

121

Ibid., p. 48.

122

W. Eucken, Grundsätze der Wirtschaftspolitik, op. cit., p. 77 : « Est-il possible de concevoir un système économique dans lequel les êtres humains ne sont pas que des moyens au service d’une fin ? » s’interroge l’auteur.

123

E.-J. Mestmäcker, « Wirtschaftsordnung und Staatsverfassung », in E.-J. Mestmäcker et H. Sauermann (dir.), Wirtschaftsordnung und Staatsverfassung: Festschrift für Franz Böhm zum 80. Geburtstag, Tübingen, Mohr Siebeck, 1975, pp. 383–419.

124

R. A. Posner, « The Decline of Law as an Autonomous Discipline: 1962 – 1987 », Harvard Law Review, 1987, vol. 100, n°4, pp. 761–780, cité par S. Harnay et A. Marciano, « L’analyse économique du droit – Éléments de rupture et de continuité des années 1970 à aujourd’hui », Économie publique/Public economics, 2011, vol. 26–27, nos 1–2, disponible à l’adresse : https://journals.openedition.org/economiepublique/8694 (dernière consultation le 12 février 2022).

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