Les racines historiques et théoriques de l’Union économique et monétaire

In: The Idea of Economic Constitution in Europe
Author:
Francesco Martucci
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Résumé

Tout autant catalysée par le marché que façonnée par le politique, l’Union économique et monétaire se révèle le fruit d’un « chemin de dépendance » menant à l’établissement d’une « communauté de stabilité » (monétaire, macro-économique et financière). Il ressort des traités une architecture juridique asymétrique imprégnée, sur le plan idéologique, des thèses de la nouvelle macro-économie classique. Il convient néanmoins de nuancer la portée juridique de ces règles de discipline par le marché, car, derrière le discours de ce constitutionnalisme économique néolibéral, une marge de manœuvre certaine est laissée au politique. La conclusion à laquelle on parvient est ainsi celle d’une dialectique de l’économique et du politique qui façonne le juridique, comme en témoigne le Plan de relance européen destiné à endiguer les effets de la crise de la Covid-19.

Introduction

Le sujet qu’il m’a été demandé de traiter porte sur une question d’autant plus essentielle qu’elle doit être replacée dans le contexte de la crise de la Covid-19. Loin de céder à la mode du moment en s’érigeant en hérauts de la fin du monde d’avant, sans savoir de quoi l’après sera fait, on peut constater que, parmi les multiples conséquences pour l’Union européenne, la crise de la Covid-19 a conduit à une évolution de paradigme pour l’Union économique et monétaire (uem). L’avocat général Campos Sánchez-Bordona a ainsi souligné que le plan de relance de l’Union

constitue probablement la plus grande avancée de l’ensemble de l’histoire de l’Union en termes de solidarité. Pour la première fois, l’Union va s’endetter en levant des fonds sur les marchés des capitaux afin de financer, au moyen de subventions et de prêts à grande échelle, la reprise économique des États membres, en fonction de la mesure dans laquelle ils sont affectés par la Covid-19.1

Est-ce à dire que le moment est venu de rompre avec certains des dogmes qui pétrissent l’uem ?

« Que faire des règles budgétaires européennes ? », se sont justement interrogés trois économistes dans le désormais incontournable Grandcontinent, avant d’ajouter : « [l]a pandémie a changé toutes les règles, il est temps de remettre en question les principes »2. L’affirmation est quelque peu péremptoire ; toutes les règles n’ont pas été changées ; tout au plus, certaines d’entre elles ont été suspendues. L’affirmation n’en demeure pas moins éclairante puisque les économistes en question distinguent les règles des principes, ce qui, pour le juriste, fait pleinement sens. Les règles s’avèrent celles qui encadrent la conduite par les institutions de l’Union et les États membres de la politique économique et monétaire. Les principes de l’uem fondent le cadre général de ces règles et guident les institutions de l’Union dans l’application de celles-ci. Indéniablement, la crise de la Covid-19 peut constituer la fenêtre d’opportunité dans laquelle on pourrait s’engouffrer pour réviser les dispositions du droit primaire qui régissent l’uem. Ne serait-il cependant pas vain de vouloir changer les règles sans toucher aux principes qui les sous-tendent ? Deux exemples de règles susceptibles d’être révisées peuvent être donnés.

Le premier, au cœur de toute la tension entre le Bundesverfassungsgericht et la Cour de justice de l’Union européenne, concerne le mandat de la Banque centrale européenne (bce). Celle-ci doit se cantonner aux missions qui lui sont assignées par le droit primaire. La question a été notamment de savoir si les mesures décidées par la bce relèvent de la politique monétaire ou si, au contraire, elles font partie de la politique économique. Le dépassement par la bce de son mandat signifierait en effet une méconnaissance des règles du Traité. L’enjeu est dès lors démocratique puisque, en outrepassant son mandat, la bce remet en cause sa légitimité qui est fondée sur le consentement donné par les États membres au Traité. Pour déterminer si la bce est demeurée dans les limites de son mandat, la Cour de justice définit la politique monétaire en se référant, essentiellement, aux objectifs de celle-ci et, accessoirement, aux instruments prévus par le droit primaire3. L’article 127, paragraphe 1, tfue assigne l’objectif principal de stabilité des prix qui constitue la règle de politique monétaire. Selon l’article 12 des Statuts, il revient à la bce de définir la notion de stabilité des prix, qui dispose à cet effet d’un pouvoir d’appréciation d’autant plus important que cela implique une analyse de faits économiques. La règle de politique monétaire qui délimite le mandat de la bce est donc tributaire à la fois d’un choix politique et d’un contexte économique, ce qui explique sa plasticité et sa permanence. Nécessairement, les mesures de la bce ont un effet sur l’économie, d’autant que c’est justement l’effet recherché pour lutter contre la déflation. La bce ne devrait-elle dès lors pas répondre de ses mesures ? On se heurte alors à l’autre règle de politique monétaire que constitue l’indépendance de la banque centrale…

Le second exemple est celui de la règle budgétaire que les États membres sont tenus de respecter en vertu de l’article 126, paragraphe 1, tfue. Celui-ci interdit les déficits excessifs qui sont définis par l’appréciation des deux valeurs de référence que constituent les rapports au pib, d’une part, du déficit excessif (3 %) et, d’autre part, de la dette publique (60 %). Le respect de la règle est vérifié dans le cadre de procédures menées par la Commission et le Conseil, et dans lesquelles l’Eurogroupe joue également un rôle. Là encore, la règle se déploie entre droit et économie puisque la Commission se fonde sur une analyse économique tout en exerçant, avec le Conseil, un pouvoir d’appréciation. Sans véritablement revêtir une portée contraignante, la règle n’en produit pas moins un effet sur les États membres à l’encontre desquels la Commission exerce une pression à mesure que la soutenabilité des finances publiques se dégrade. La règle budgétaire permet à la Commission, au Conseil et à l’Eurogroupe de demander aux États membres l’adoption de mesures d’assainissement tant conjoncturelles que structurelles, véhiculant ce qu’un certain discours, assez diffus au demeurant, stigmatise comme une vision néolibérale. Dans le même temps, les crises successives ont montré à quel point la règle s’avère tout autant immuable dans son énoncé que variable dans sa mise en œuvre. Il suffit pour s’en convaincre de constater que nombre d’États membres ne respectent pas la valeur de référence de la dette publique. Quant à celle du déficit excessif, les procédures engagées à l’encontre de la majorité des États montrent sa relativité. Faut-il réviser la règle budgétaire pour permettre une relance de l’économie ?

Ces deux exemples soulignent un paradoxe de l’uem. Les règles de politique monétaire et budgétaire telles que définies par le Traité sont demeurées inchangées depuis le lancement de l’uem. Que la stabilité des prix ou l’évitement des déficits excessifs n’aient pas été remis en cause depuis le Traité de Maastricht peut intriguer dans la mesure où les crises successives ont mis en cause l’aptitude des institutions de l’Union à garantir le respect des règles. La permanence de ces règles ne peut se comprendre que par leur ancrage dans les principes fondamentaux de l’uem. Or, tant la règle de stabilité des prix que celle d’évitement des déficits excessifs sont l’expression de l’objectif supérieur de stabilité financière que la Cour de justice a dégagé du système des traités4. C’est là à notre sens le principe axiologique de l’uem, si l’on veut être pompeux, le méta-principe5. La stabilité financière ainsi reconnue par la Cour de justice est à notre sens le produit de la structuration de l’uem telle qu’elle résulte du droit primaire, lequel puise ses racines dans l’histoire et la théorie de l’intégration européenne.

La présente contribution propose donc une exploration des racines historiques et théoriques de l’uem dans le but de démontrer que ce ne sont pas tant les règles qui sont permanentes que l’objectif supérieur qu’elles servent6. Autrement dit, la question qu’on se pose est celle de savoir si une recontextualisation de cet objectif permet d’en relativiser la portée ou si, au contraire, il s’enracine si profondément dans l’Union qu’une évolution n’est pas envisageable. Dès lors, prend tout son sens l’exercice rétrospectif proposé par les directeurs scientifiques du présent ouvrage7 qui appellent à une réflexion sur les racines de l’uem. Le Littré définit la racine comme le « principe, origine de certaines choses ». C’est donc au commencement que nous sommes invités à nous placer, expliquant l’ajout de l’adjectif historique. L’approche essentialiste s’est quelque peu émancipée en droit de l’Union européenne d’une lecture, au demeurant longtemps retenue, historiciste de la construction européenne. Le droit de l’intégration postule la spécificité de l’Union européenne en éludant parfois le processus qui a conduit à ce résultat. Il n’est toutefois que l’aboutissement d’une évolution de facteurs et d’une confrontation d’intérêts qu’il ne convient pas de sous-estimer. La question a été largement étudiée par les politistes qui ont produit des études approfondies sur lesquelles on ne reviendra pas8. L’approche historique s’avère déterminante parce qu’elle explique la façon – et aussi les malfaçons – dont on a été conçue l’uem, fruit d’un chemin de dépendance que l’on se propose de retracer (1.). L’approche théorique est conçue quant à elle dans cette contribution comme la recherche des sens idéologiques qui sous-tendent les dispositions qui régissent l’uem (2.).

1 Le chemin de dépendance

Entre économie et politique, le droit de l’uem s’inscrit ainsi dans un chemin de dépendance tracé par des contraintes que la présente contribution entend identifier. L’aptitude au changement de l’uem est donc tributaire d’un degré de contrainte tout autant juridique qu’économique et politique. On peut dès lors tempérer le discours du statu quo qui avance le droit comme argument faisant obstacle au changement. Retracer le chemin emprunté par l’uem permet en effet de relativiser le caractère immuable des dispositions juridiques puisque celles-ci, recontextualisées, s’avèrent tributaires de circonstances temporellement marquées qui, nécessairement, ont évolué. On peut ainsi emprunter aux politistes l’idée d’une « path dependency » dans laquelle l’intégration européenne s’explique par un chemin préalablement tracé par les réussites et les échecs des projets successifs9. Le processus d’intégration est le fruit d’une série de trajectoires, jonchées de situations et d’évènements dont les conséquences ne peuvent pas être nécessairement anticipées, les institutions et les États jouant comme des structures perméables à des expériences et des intérêts. C’est en ce sens que les racines historiques seront envisagées et que l’on propose de reprendre l’histoire de l’uem10 en mettant en exergue son imbrication avec le marché (1.1.) et son caractère façonné par le politique (1.2.).

1.1 l’uem catalysée par le marché

Si l’uem a été introduite par le Traité de Maastricht, sa genèse se trouve dans les origines mêmes de la construction européenne. Tout comme le Traité de Rome, la question monétaire a été envisagée initialement comme étroitement liée au développement de relations économiques internationales dans le cadre historiquement marqué de l’après-guerre. Ainsi, dans le cadre de l’Organisation européenne de coopération économique (oece), héritière du Plan Marshall, a vu le jour l’Union européenne de paiements (uep), créée le 19 septembre 1950 par dix-huit États, l’organisation ayant parallèlement adopté un code de libéralisation du commerce. L’idée est de lier intrinsèquement la libéralisation des échanges commerciaux avec une libération des paiements. L’Union européenne des paiements devait être maintenue aussi longtemps qu’un système multilatéral de paiements n’était pas mis en place entre les États européens ce qui fut le cas après la conclusion du Traité de Rome, expliquant que l’expérience ait pris fin en 1958, ayant rempli ses missions. En effet, les paiements ont pu être libérés grâce à une stabilité des changes catalysant ainsi les échanges commerciaux intra-européens. L’Union européenne des paiements fut ainsi une première expérience d’une centralisation des paiements, prémisse d’une banque centrale et d’une unité de compte commune11. Du moins a-t-elle permis de préparer à la convertibilité des monnaies dans le cadre du marché commun.

L’idée d’un marché commun a été conçue par référence au développement du libre-échange mondial avec la volonté de retenir une ambition plus forte que celle qui a accompagné les négociations du gatt (General Agreement on Tariffs and Trade)12. « Du point de vue monétaire, la cee semblait être une institution pour des temps heureux »13. Nul n’était besoin de prévoir dans le Traité de Rome des dispositions ambitieuses en matière monétaire puisque les États fondateurs faisaient partie du système monétaire international tel qu’il avait été conçu par les accords de Bretton Woods14. On trouvait tout au plus dans la troisième partie du Traité cee un titre ii consacré à la « politique économique », se composant de trois chapitres : « politique de conjoncture », « balance des paiements » et « politique commerciale ». Seule une coordination des politiques économiques et monétaires était prévue15. Le système de Bretton Woods était censé garantir la convertibilité monétaire et la stabilité des changes propice au développement des échanges commerciaux. La dynamique du marché commun n’était cependant pas que celle d’un libre-échange. On a dès lors été confronté à un hiatus entre la naissance d’une intégration européenne et une instabilité monétaire révélée par trois crises, la réévaluation du Mark en 1961, la crise des balances des paiements en Italie en 1964 et la dévaluation du Franc en 1968. Ces trois crises ont montré la tendance des États à chercher des solutions extérieures à la Communauté, notamment en faisant appel au fmi. La crise du Franc, qui faisait suite aux évènements de 1968, a marqué un tournant dans l’intégration monétaire.

La politique agricole commune provoque l’un des premiers effets d’entraînement qui caractérise le droit de l’intégration. Elle repose sur des mécanismes de marché, fussent-ils révélateurs d’une logique d’économie administrée, et implique donc la fixation des prix. C’est par l’effet d’une crise des changes sur les prix des produits agricoles que la nécessité d’une intégration monétaire se fait sentir. En effet, la variabilité des taux de change se répercute sur le prix des produits agricoles perturbant le fonctionnement normal du marché, ce que la Commission a souligné dès 196816. Pour remédier à cette instabilité des changes, ont été adoptés des mécanismes de montants compensatoires monétaires au cœur d’un intense débat à la fin des années 1960 et ayant donné lieu à un contentieux abondant dans les années 1970. La crise du Franc de 1968 a constitué la fenêtre d’opportunité empruntée par la Commission européenne pour proposer le Plan Barre17. La Commission avait cependant déjà préparé le terrain avec le rapport Marjolin de 1962 en appelant à compléter le marché commun par une union monétaire caractérisée par une fixité des taux de change entre les monnaies européennes18. L’échéance évoquée par le rapport Marjolin coïncidait avec la fin de la période de mise en place de l’union douanière fixée au 1er janvier 1970, montrant le lien étroit entre marché commun et uem. Il existe en effet une affinité élective entre union monétaire et marché commun. Toutefois, rien ne prédestine le second à évoluer vers la première. Le rapport Barre a constitué une première étape préparatoire au plan Werner19. Le plan Werner constitue assurément un moment fondateur pour l’uem puisqu’il a été adopté par une résolution du Conseil du 22 mars 197120. Il a proposé un processus de réalisation de l’uem en trois étapes qui a été engagé mais s’est arrêté très rapidement. Faute d’une volonté politique suffisante, le projet n’a pas dépassé la première étape, « le processus d’intégration ayant perdu de son élan sous l’influence de réactions divergentes aux chocs économiques de l’époque »21. La Communauté s’est alors contentée de mécanismes de coopération monétaire prenant la forme du serpent monétaire européen mis en place en 1973 puis, en 1979, du système monétaire européen.

L’uem parachève le marché intérieur. Cette évolution n’était pas inéluctable ; les économistes admettent qu’un marché unique peut fonctionner avec plusieurs monnaies22. Certes, les avantages économiques et pratiques pour le marché intérieur sont patents, car les échanges sont plus faciles lorsqu’ils se font dans une même monnaie. Le projet de l’uem sera relancé par la Commission Delors qui a pleinement exploité la ruse de la raison du marché intérieur. L’Acte unique européen constitue en effet un autre moment essentiel dans l’histoire de l’uem. Des quatre libertés de circulation du marché commun, seule la libre circulation des capitaux demeurait encore balbutiante. La Cour de justice avait dénié un effet direct à la disposition du Traité consacrant cette liberté au motif que la liberté complète de tout mouvement de capital pouvait « compromettre la politique économique de l’un ou de l’autre des États ou provoquer un déséquilibre de sa balance des paiements »23. Il faut attendre l’Acte unique européen pour que la liberté des mouvements des capitaux devienne effective. Afin de réaliser le marché unique au 1er janvier 1993, la Commission Delors a proposé l’adoption d’une directive en vue de libéraliser les mouvements de capitaux. Ainsi, le Conseil a adopté la directive 88/361/cee, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du Traité cee, qui imposait la suppression des restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres. Cette directive illustre parfaitement la force motrice du droit dérivé libérant la contrainte économique. La Commission s’est en effet largement nourrie des réflexions de Padoa-Schioppa portant sur le « théorème du carré ou quatuor contradictoire », soulignant que libre-échange, libre circulation des capitaux, taux de change fixe et politiques monétaires nationales ne peuvent durablement coexister24. La « prophétie » de cette conciliation impossible s’est ainsi réalisée lors des crises monétaires qui ont frappé certains États de la Communauté en 1992 et 199325. Ces crises, provoquées par des mouvements spéculatifs favorisés par la forte mobilité des capitaux et par les taux de change alors fixes mais ajustables, ont mis en lumière le caractère « illusoire » du pouvoir des États sur le marché26. Ainsi que l’a souligné un auteur :

les opérateurs ont placé les États devant un choix clair : conserver leurs monnaies nationales au risque de mettre en péril le marché unique européen ou maintenir pleinement ce dernier mais adopter une monnaie unique et abandonner en conséquence leurs monnaies nationales. Quel que soit le bien-fondé du choix effectué, [...] force est de constater qu’il fut loin d’être libre du côté des États. Leur décision de renoncer à leur monnaie nationale ne fut qu’une manifestation bien formelle de souveraineté : en réalité, elle leur fut imposée – si ce n’est dictée – par les marchés.27

Les temps étaient donc mûrs pour s’engager sur la voie d’une uem dont le Traité de Maastricht consacrera l’existence.

1.2 l’uem façonnée par le politique

Monnaie et souveraineté sont indissolublement liées. Les États ne renoncent pas aisément à une telle prérogative de puissance publique. Aussi, dans la construction de l’uem, tout puissant qu’il soit en fait, le marché est demeuré faible en droit aussi longtemps que la volonté politique n’a pas accompagné le processus.

Dès le plan Werner, voire même avant, s’esquissent les positions politiques en présence quant au processus de réalisation de l’uem. Schématiquement, deux approches se confrontent. D’un côté, on trouve la position allemande et néerlandaise dite du « couronnement » défendue par les États à monnaie forte. Selon cette thèse également dite « économiste », la centralisation de la politique monétaire s’opère au terme d’un processus de convergence macro-économique. Ainsi, les politiques monétaire et budgétaire doivent suffisamment converger pour permettre la mise en place d’institutions de sorte que la monnaie unique s’avère un couronnement. De l’autre côté se dégage une approche dite « monétariste », défendue par la Belgique, la France ou l’Italie, selon laquelle la création institutionnelle favorise un rapprochement économique. Autrement dit, la volonté politique exprimée par des institutions produit le rapprochement entre les économistes. Derrière cette opposition quant au processus de réalisation de la monnaie unique se dessine une conception différente de l’uem : alors que les monétaristes militaient en faveur d’une forte autonomie des États dans la conduite de la politique budgétaire et économique pour permettre une adaptation conjoncturelle, les économistes défendaient la nécessité d’une forte coordination des politiques nationales pour garantir une stabilité structurelle.

Ces oppositions expliquent l’échec de la première tentative d’uem telle que conçue par le plan Werner dans un contexte marqué par l’effondrement du système de Bretton Woods. La crise économique de 1973 a assurément refroidi les ardeurs intégratrices des États qui, dans le contexte de la fin de la parité des monnaies prévue par les accords de Bretton Woods, ne pouvaient guère renoncer à des instruments de politique économique tels que la politique monétaire ou de change. Dans le même temps, avec la fin des accords de Bretton Woods, les États membres avaient fait le choix de rendre leurs monnaies pleinement convertibles28. C’est pourquoi dès 1973 a été mis en place dans la Communauté le serpent monétaire européen qui est devenu, en 1979, le système monétaire européen29 – tous deux abréviés par l’acronyme sme.

Outre le fait que ces expériences ont contribué à la réalisation de l’uem, leurs caractéristiques appellent une série de remarques. En premier lieu, les sme sont demeurés de nature purement politique. En effet, ils n’ont fait l’objet d’aucune consécration en droit communautaire. Leur création a été décidée par les chefs d’État ou de gouvernement au sein des Sommets européens qui deviendront les Conseils européens. Or, les actes du Conseil européen n’avaient à cette époque aucune valeur juridique. Les États se sont donc limités à une coopération strictement politique. Néanmoins, le Conseil européen s’est affirmé comme un acteur essentiel du processus conduisant à l’uem. En second lieu, les sme ont reposé sur une logique de parités entre monnaies des États membres pouvant fluctuer dans les limites de marges prédéterminées. Plutôt que d’agir rétrospectivement par des montants compensatoires monétaires, les États ont donc préféré anticiper en encadrant les fluctuations de change afin que celles-ci n’affectent pas le fonctionnement du marché commun. Ce faisant était prévue une intervention concertée des banques centrales des États membres sur les marchés afin de rétablir le cas échéant les parités. Les sme ont ainsi constitué le creuset d’une coopération monétaire entre banques centrales conférant à celles-ci un rôle qui ne se démentira pas par la suite. Ainsi, les accords de Nyborg de 1987, visant à renforcer les politiques d’intervention au sein du mécanisme de change, sont liés à la décision du Conseil d’adopter la directive de 1988 sur la libéralisation des mouvements de capitaux30. Parallèlement, la crise bancaire de 1974 a conduit les banques centrales à établir le forum informel que deviendra le comité de Bâle en vue d’encadrer l’activité des établissements bancaires, dans un contexte où la Communauté édicte les premières directives bancaires.

Profitant de l’effet catalyseur de l’Acte unique européen et de la libéralisation des mouvements de capitaux, la Commission Delors a engagé une nouvelle réflexion sur l’uem. Il y a une concomitance voulue par la Commission entre la libéralisation des mouvements de capitaux prévue par la directive du 24 juin 1988 et l’uem. Les temps étaient de surcroît politiquement mûrs, justifiant cette proposition à laquelle les États membres ont adhéré. Celle-ci a nourri les réflexions du Conseil européen de Hanovre qui, en juin 1988, a créé le comité Delors composé notamment de gouverneurs de banques centrales siégeant à titre personnel. Ainsi, en 1988, le Conseil européen d’Hanovre a confié à Jacques Delors, en sa qualité de président de la Commission européenne31, l’élaboration d’un rapport présentant les étapes de la mise en place de l’uem. Ce sont également les États membres qui, lors du Conseil européen de Madrid de 1989, ont approuvé les conclusions du rapport Delors32. Celui-ci est déterminant dans la quête des racines de l’uem. Tout d’abord, il existe une filiation très claire entre le rapport Werner et le rapport Delors. Certes quelques différences existent ; néanmoins, les projets d’uem ainsi que les processus de mise en place se ressemblent fort. Ensuite, le rapport Delors constitue la base de travail sur laquelle s’est fondée la conférence intergouvernementale qui a préparé le Traité de Maastricht. Plus précisément, après que le Conseil européen a approuvé les conclusions du rapport Delors, un groupe « à haut niveau » présidé par Élisabeth Guigou a transcrit ces conclusions dans un document destiné à recenser les questions posées à la future Conférence intergouvernementale. Il s’est essentiellement agi de transcrire politiquement les propositions encore perçues comme techniques du comité Delors. Ce filtre politique s’est avéré d’autant plus nécessaire que la partie du Traité de Maastricht relative à l’uem est fortement inspirée par les travaux du comité des gouverneurs33.

Ont influencés la Commission les réflexions du Rapport Emerson, dont on peut dire qu’il reflète la doctrine économique sous-jacente à l’uem34. Ainsi retrouve-t-on dans le Traité instituant la Communauté européenne les trois phases devant conduire à la monnaie unique telles que les avait amorcées le rapport Werner et explicitées le rapport Delors35. La première phase (1er juillet 1990 – 31 décembre 1993) a abouti à la libéralisation complète des mouvements de capitaux, à l’achèvement du marché unique et au renforcement de la coordination des politiques économiques et monétaires36. La deuxième phase (1er janvier 1994 – 31 décembre 1998), à mi-chemin entre la phase préparatoire et la répétition générale, a permis, outre la création de l’Institut monétaire européen, ancêtre de la bce, l’adaptation juridique et institutionnelle nécessaire à l’introduction de l’euro, tout en approfondissant la coordination des politiques économiques et monétaires des États membres37. La troisième phase a débuté pour onze États membres le 1er janvier 1999. Enfin, le parallélisme est également démontré par la concomitance, au 31 décembre 1993, du passage à la deuxième phase de l’uem et de la consécration, par la directive de 1988, de la liberté totale des mouvements de capitaux38. Au terme de ce processus, les billets et pièces en euros ont été mis en circulation le 1er janvier 200239. Avec la troisième phase est née, la monnaie unique européenne.

Dès le plan Werner, l’uem est envisagée comme impliquant une « asymétrie systématique »40 qui deviendra une de ses caractéristiques les plus fondamentales. L’asymétrie est l’expression d’un choix ontologique qui consiste à distinguer monétaire et économique. D’un côté, l’union monétaire correspond à une unification des politiques monétaire et de change de sorte que celles-ci sont confiées à l’échelon européen. De l’autre côté, l’union économique implique au contraire que la politique économique et budgétaire demeure du ressort étatique. Il ressort du rapport Delors que la perte de l’instrument monétaire et de change devait pour les États être compensée par la conservation de l’instrument budgétaire. Ce choix s’explique par la singularité du « fédéralisme budgétaire » européen qui n’en est pas un. En effet, le budget communautaire était structurellement bien trop faible pour qu’on puisse prétendre à une politique budgétaire européenne. La dialectique marché commun/uem des années 1980 ne peut être comprise sans rappeler que ces mêmes années ont été marquées par l’avènement de la discipline budgétaire comme règle imposée aux finances publiques européennes. Le temps était celui du « I want my money back » de Margaret Thatcher dont l’esprit frugal a été perpétué au gré des négociations sur les perspectives financières ; il suffit de penser aux âpres négociations au cours du Conseil européen de juillet 2020 et à la position défendue par un groupe d’État mené par les Pays-Bas.

L’asymétrie s’explique également par des raisons économiques puisque, dans le rapport Delors, il était acquis que la monnaie unique européenne ne reposerait pas sur une zone monétaire optimale. Dans une zone monétaire non optimale, comme l’uem, la politique monétaire unique permet de réagir aux chocs symétriques, c’est-à-dire qui frappent la zone euro dans son ensemble ; les politiques budgétaires nationales permettent de réagir aux chocs asymétriques, c’est-à-dire qui frappent uniquement un territoire étatique ou infra-étatique ; la politique budgétaire est ainsi conçue « comme alternative à l’instrument des taux de change »41. L’asymétrie est consacrée par le Traité qui la matérialise par une répartition des compétences entre l’Union et les États, reflet de ce que certains économistes désignent comme le « consensus de Bruxelles »42. Alors que la politique monétaire relève, pour la zone euro, de la compétence exclusive de l’Union, la politique économique demeure du ressort étatique. Sur le plan économique, l’asymétrie a une implication majeure pour le policy mix qui doit être adopté. Dans une zone monétaire, la soutenabilité des finances publiques de chaque État a une incidence sur la monnaie. Cela explique la nécessité d’une coordination des politiques économiques, voire d’une discipline budgétaire43. Sur le plan politique, alors que le plan Werner évoquait un « centre de décision pour la politique économique » qui devait exercer « de façon indépendante, en fonction de l’intérêt communautaire, une influence décisive sur la politique économique générale de la Communauté »44, le rapport Delors s’est cantonné à promouvoir une coordination des politiques économiques45. Avant et après le Traité de Maastricht, la France a revendiqué un « gouvernement économique », comme contrepoids politique de la bce46. Sur le plan juridique, le Traité a ainsi organisé une coordination des politiques économiques et consacré des règles de discipline budgétaire dont on exposera le sens en seconde partie. L’article 3, point c), tfue attribue ainsi à l’Union une compétence exclusive pour la politique monétaire et de change pour les États membres dont la monnaie est l’euro. Selon les articles 5 et 119 tfue, les États membres sont compétents pour conduire leur politique budgétaire.

L’autre caractéristique fondamentale de l’uem qui est le produit de son histoire est la différenciation. On entend par là la circonstance que l’euro n’est pas la monnaie de tous les États membres ; au 1er janvier 2022, dix-neuf États membres ont adopté la monnaie unique. Il est intéressant à cet égard de noter que le Traité de Lisbonne a procédé au toilettage des dispositions transitoires qui, avec l’entrée en troisième phase de l’uem, étaient devenues obsolètes. Alors qu’auparavant les États membres n’ayant pas adopté l’euro faisaient l’objet d’un chapitre intitulé « dispositions transitoires » (chapitre 4), le Traité de Lisbonne a ajouté à celui-ci un chapitre désigné « dispositions propres aux États membres dont la monnaie est l’euro ».

L’ajout est constitutionnellement significatif à deux titres. D’une part, le droit primaire consacre désormais le caractère pérenne de la différenciation induite par l’uem. Or, celle-ci avait justement été conçue comme devant regrouper l’ensemble des États membres, à l’exception du Danemark et du Royaume-Uni dont l’opt out a été entériné par des protocoles. L’effort de re-contextualisation présente l’intérêt de concevoir l’uem à ses origines dans le cadre de l’Union européenne naissante. Le temps était celui de l’unité du système juridique communautaire forgée par un droit de l’intégration dont la Cour de justice défendait l’autonomie, la cohérence et l’uniformité. Aussi, partie intégrante de la Communauté européenne, l’uem devait être marquée du sceau de l’unité. Avec le Danemark et le Royaume-Uni, auxquels il convient d’ajouter la Suède, la différenciation prend également une signification politique puisque la non-participation à la monnaie unique peut constituer l’expression d’un choix souverain de l’État membre, au-delà même de la lettre du Traité, si l’on prend l’exemple suédois. Cependant, la norme de droit, fût-elle capable de produire des fictions juridiques, cède aux faits économiques qui sont tout aussi têtus qu’imprévisibles. Cela explique l’exigence de « degré de convergence durable » que le Traité pose comme postulat d’adoption de la monnaie unique, qu’il se soit agi de passer à la troisième phase de l’uem ou de lever la dérogation dont font l’objet les États membres qui ne participent pas à la zone euro. Rétrospectivement, la pérennisation de la différenciation conduit au constat que l’Union européenne ne constitue pas une zone monétaire présentant un degré de convergence suffisant pour supporter une monnaie unique. La crise grecque a cependant montré que l’appréciation du degré de convergence est autant politique qu’économique. En effet, elle peut aussi s’expliquer par le fait que la Grèce n’avait pas atteint le degré de convergence suffisant pour intégrer la zone euro.

L’affinité élective entre marché intérieur et uem a conduit pour des raisons à la fois pragmatiques et stratégiques à étroitement lier libéralisation des mouvements de capitaux et intégration monétaire. Dès lors que les monnaies sont pleinement convertibles, la libre circulation des capitaux provoque une déstabilisation des politiques économiques et monétaires des États. Aussi l’uem a d’autant plus aisément vu le jour qu’un discours devenu conviction pour la Commission et la majorité des États s’est répandu dans les années 1980. Les marchés de capitaux éliment inéluctablement la souveraineté monétaire qui risque de devenir une pure illusion dépassée si elle ne se réinvente pas. L’Union économique et monétaire a donc été portée par une forte volonté politique tout autant contrainte que libérée par le marché. À la croisée de la mondialisation de l’économie et de la réalisation du marché intérieur, l’État membre ne pouvait plus conduire, en toute autonomie, sa politique économique et monétaire. Cela explique les deux caractéristiques fondamentales de l’uem faisant son caractère « incomplet »47.

2 Les sens idéologiques

L’étude des racines théoriques de l’uem nous conduit sur un terrain particulièrement délicat de la recherche juridique lorsqu’est en cause le droit économique. La question est en effet de savoir quelles sont les conceptions économiques qui sous-tendent le droit primaire. S’il est indéniable que les dispositions du titre viii de la troisième partie du Traité ne sont pas neutres au regard de la théorie économique, il n’est cependant pas évident d’identifier les influences concrètes de la pensée économique sur les rédacteurs du Traité. L’exercice est d’autant plus ardu que la négociation au sein de la conférence intergouvernementale implique la confrontation des positions politiques défendues par les États48. S’est néanmoins dégagé un accord autour de l’idée de règles économiques qui encadrent les choix politiques, dans une logique de constitutionnalisme économique (2.2.) qu’induit une communauté de stabilité (2.1.).

2.1 La communauté de stabilité

L’un des moyens d’étudier l’influence de la théorie économique sur la formulation des dispositions du Traité est de se reporter aux travaux préparatoires. La démarche n’est pas habituelle en droit de l’Union européenne, ce qui s’explique notamment parce que, jusqu’au Traité de Lisbonne dont les dispositions sont largement issues des travaux de la Convention ayant préparé le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe, ces travaux demeuraient confidentiels. La jurisprudence de la Cour de justice relative à l’uem a cependant modifié la donne puisque les trois arrêts Pringle, Gauweiler et Weiss se réfèrent expressément aux travaux d’élaboration du Traité de Maastricht pour interpréter les articles 123 et 125 tfue49. Ainsi que l’avocat général le souligne dans l’arrêt Gauweiler50, ces travaux préparatoires renvoient largement au rapport Delors de la Commission européenne qui restitue dans une forme plus littéraire et politique les soubassements économiques de l’uem. Si l’on souhaite encore approfondir la quête des racines théoriques de l’uem, il convient de se référer ensuite au rapport dit Emerson qui constitue l’expression économique de la position de la Commission européenne en ce qui concerne l’uem51. Ainsi que le soulignent les préfaciers de ce rapport, si le programme qui conduit à la monnaie unique

est à la fois économique et politique, ce sont avant tout les qualités fonctionnelles de l’union économique et monétaire qui en conditionneront le succès ou l’échec. C’est pourquoi la Commission a décidé de procéder à une évaluation détaillée des effets économiques probables – coûts et avantages – de la marche vers l’uem. Elle a ainsi demandé [...] de jeter un pont entre les négociateurs politiques, d’une part, et la communauté des économistes, d’autre part, et de susciter une motivation réciproque en matière de recherche et de conseils.52

L’uem telle qu’elle a été organisée par le Traité de Maastricht reflète dans une très large mesure les conclusions du rapport Emerson. Celui-ci fait des références à « l’analyse économique », à la « théorie économique », à la « littérature économique », en citant expressément certaines théories telles que celles des zones monétaires optimales ou de la croissance. Des références plus précises sont données en notes en bas de page et en bibliographie. L’essence économique des dispositions du Traité relatives à l’uem se donne ainsi à voir.

Dans le rapport Emerson, la Communauté est une « zone monétaire favorable » dans laquelle une union économique et monétaire présente plus d’avantages que de coûts. La synthèse est ainsi opérée :

les anciennes théories économiques en matière d’évaluation de la création d’unions monétaires peuvent avoir suggéré, en ce qui concerne la Communauté, que l’arbitrage entre les deux arguments considérés comme fondamentaux par ces théories laisse l’issue incertaine quant aux avantages du processus ; de nouvelles approches économiques et les caractéristiques spécifiques de la structure et de la situation de la Communauté apportent sept arguments complémentaires qui, tous, mettent en évidence l’avantage que représente l’uem pour cette Communauté. On peut affirmer, dès lors, que l’avantage économique est réel. On pourrait y ajouter les objectifs de l’union politique ; mais les critères économiques suffisent.53

La dernière phrase de la citation est révélatrice d’un biais originel de l’uem dans laquelle l’économie prime le politique, du moins les avantages économiques suffisent à justifier l’intégration monétaire, l’avancée politique suivra. Certes, on peut y voir une expression de la méthode fonctionnaliste dans laquelle on débute par la solidarité de fait. Le résultat en est cependant que la règle de droit, pour permettre l’avantage économique, limitera le choix politique. La présentation par la partie B du rapport Emerson des « principaux avantages et coûts » est également significative en ce qu’elle révèle le primat donné au monétaire par rapport à l’économique. Sont tout d’abord présentés les « gains d’efficience »54 qui relèvent du bon sens puisqu’il s’agit de tirer les conséquences, avec une monnaie unique, de la fin des taux de changes ; outre l’élimination des coûts de transaction liés au cours de change, le rapport met en exergue la fin des incertitudes de change, ces dernières ayant été aiguisées par la libéralisation des mouvements de capitaux. Le ton est donc donné puisque la deuxième série d’avantages n’est autre que la stabilité des prix en termes de coûts d’inflation et de désinflation. Les conséquences en sont ensuite tirées puisque le rapport présente les « implications pour les finances publiques »55 des États membres avant de traiter de la possibilité « d’ajuster sans le taux de change nominal »56.

La logique économique est ainsi de fonder le primat de la stabilité des prix dans un contexte d’une autonomie budgétaire laissée aux États, impliquant une discipline et une coordination57. On retrouve l’asymétrie systématique sur laquelle est fondée l’uem qui s’explique également par le caractère non optimal, mais favorable, de la zone monétaire ; puisque l’ajustement aux chocs négatifs ne se fait que partiellement par le marché du travail (salaires et mobilité des travailleurs), la réponse aux « chocs asymétriques » dans l’uem se fait par des ajustements au moyen du financement extérieur et surtout de la politique budgétaire conçue « comme alternative à l’instrument des taux de change »58. Selon le Rapport Emerson :

La perte de la politique monétaire et de l’instrument du change au niveau national imposera de nouvelles exigences à la politique budgétaire nationale, en vue de la stabilisation et de l’ajustement en cas de perturbations spécifiques à un pays particulier. Elle devra faire preuve à la fois de flexibilité et d’autonomie, tout en restant compatible avec des niveaux “soutenables” de déficit et de dette publique. Toutefois, une norme exigeante de stabilité monétaire implique que les déficits et dettes publics insoutenables ne peuvent plus être monétisés. La discipline budgétaire devra être intensifiée en vue d’éviter les déficits trop importants […].59

Derrière la logique économique exprimée par le rapport Emerson, le chemin vers l’uem a été marqué par la quête d’un consensus politique autour de la monnaie unique. La Commission Delors a en effet accompagné le processus dans les années 1980 en déployant une stratégie destinée tout particulièrement à convaincre les Allemands du bien-fondé et de la faisabilité d’une monnaie unique. Ainsi, le sme a été ancré à partir de 1979 sur le Mark60. Toutefois, au début des années 1980, alors que le marché interbancaire se développe, une fuite des capitaux de France provoque la chute du franc avec une inflation de 30% par rapport au mark. Face à l’impuissance du sme, la crise de la Communauté économique européenne guette. Jacques Delors, encore ministre, propose une sortie de crise avec le tournant de la rigueur de 1983 comportant l’ancrage de la politique monétaire française sur le mark. Le modèle devient ainsi celui de la monnaie allemande et de la Bundesbank qui avait affirmé son indépendance vis-à-vis du gouvernement61. Dès lors, dès les années 1980, la future monnaie européenne se dessinait sous les traits de la stabilité des prix garantie par une banque centrale indépendante vis-à-vis du pouvoir politique. C’était la condition sine qua non posée par les Allemands pour accepter une monnaie unique. Ainsi, dans son arrêt du 12 octobre 1993, la Cour constitutionnelle allemande a exigé que le passage à la monnaie unique se fasse dans le respect de l’exigence de stabilité62. Elle estime que le Bundestag a consenti au Traité de Maastricht uniquement parce que l’uem a été conçue comme une communauté de stabilité (Stabilitätsgemeinschaft). Les conditions constitutionnelles de la participation de l’Allemagne à la troisième phase de l’uem seraient remises en cause si la stabilité n’était plus garantie. Il ressort ainsi de la résolution du Bundestag relative à l’uem que celui-ci

reconnaît que le Traité sur l’Union européenne jette les bases d’une future monnaie européenne stable, notamment en garantissant l’indépendance de la Banque centrale européenne et en prévoyant l’adoption, d’un commun accord, de critères de stabilité pour les États membres participants. À cet égard, il faudra, au moment du passage à la troisième phase de l’Union économique et monétaire, interpréter ces critères de stabilité de manière stricte et rigoureuse. La décision permettant le passage à la troisième phase ne peut être prise qu’à partir du moment où cette stabilité est démontrée et où il est prouvé que les données fondamentales de l’économie suivent des évolutions parallèles et que la solidité du budget et des finances des États membres participants est durable. Cette décision ne saurait s’inspirer de considérations d’opportunité, mais elle doit tenir compte des réalités économiques. La nature des critères retenus est telle qu’ils ne sauraient être considérés comme remplis dès lors qu’il y est satisfait d’un point de vue purement statistique. Au contraire, c’est aussi le déroulement même du processus de convergence qui doit permettre d’acquérir la conviction qu’ils sont durablement remplis. La future monnaie européenne doit être, et rester, aussi stable que le mark allemand.63

On retrouve ainsi les assises fondamentales de l’uem donnant le primat au monétaire. La monnaie unique doit garantir la stabilité des prix ce qui implique une banque centrale indépendante. Elle ne peut être instituée que si un degré de convergence durable est atteint. Le droit primaire consacre les critères dits de convergence dont la finalité est de produire une stabilité macro-économique. L’article 140, paragraphe 1, tfue énonce les quatre critères économiques : la réalisation d’un degré élevé de stabilité des prix ; le caractère soutenable de la situation des finances publiques ; le respect des marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de taux de change du système monétaire européen pendant deux ans au moins ; le caractère durable de la convergence atteinte par l’État et de sa participation au mécanisme de taux de change, qui se reflète dans les niveaux des taux d’intérêt à long terme.

2.2 Le constitutionnalisme économique

Il est parfois affirmé, un peu hâtivement, que l’uem serait d’inspiration ordolibérale, ce qui s’expliquerait par la filiation allemande et le modèle de la Bundesbank. Cette vision est quelque peu réductrice et méconnaît l’inspiration principale de l’uem. En effet, bien que la question ne soit que fort rarement évoquée, telle que conçue par le Traité de Maastricht, l’uem s’avère davantage le reflet du courant du constitutionnalisme économique64 qui, sur certains points, rejoint l’ordolibéralisme65.

L’uem est fondée sur des règles économiques qui limitent les choix de politique économique. L’idée est celle du constitutionnalisme économique au sens notamment des travaux de l’école de la nouvelle macro-économie classique66. Dans la continuité de la conception classique, celle-ci s’ancre sur l’idée d’une neutralité de la monnaie et d’une tendance de l’économie à converger spontanément vers un équilibre au sens parétien67. Le principal apport de ce courant de pensée a été l’analyse de l’efficience de l’interventionnisme étatique mis en exergue par l’opposition entre politiques discrétionnaires et règles économiques : rules rather than discretion ; aux politiques discrétionnaires, il convient de préférer des règles économiques68. Dans la continuité des monétaristes, les nouveaux classiques sont d’autant plus favorables aux règles dans la conduite des politiques macro-économiques que les marchés financiers occupent une place centrale dans le fonctionnement de l’économie. Selon la parabole électorale, les gouvernants conduisent les politiques économiques en interaction avec les marchés. Les agents du marché forment des anticipations rationnelles qui biaisent les politiques discrétionnaires. En période pré-électorale, les gouvernements font preuve d’une prodigalité intéressée à laquelle succède, une fois la réélection acquise, la rigueur décharnée. Les marchés anticipent l’« incohérence temporelle » de ces « cycles électoraux »69 et, ce faisant, neutralisent les effets des politiques économiques. C’est pourquoi, à des politiques discrétionnaires, il faut préférer des règles économiques sur lesquelles les opérateurs du marché ancrent leurs anticipations rationnelles. En matière monétaire, ces anticipations provoquent un « biais inflationniste » lorsque la banque centrale n’est pas indépendante du pouvoir politique70. La théorie économique a donc développé un modèle d’indépendance des banques centrales qui faisait consensus à la fin des années 1980, du moins parmi les banquiers centraux, étant rappelé que ces derniers ont largement pesé dans la préparation du Traité de Maastricht sur les questions institutionnelles du sebc. Non seulement la banque centrale doit être indépendante, mais ses objectifs doivent demeurer purement monétaires71. Particulièrement sensibles au policy-mix, les nouveaux classiques insistent en effet sur l’inefficacité d’une politique monétaire destinée à produire de la croissance et de l’emploi. De la même manière, on retrouve la volonté de limiter le choix de politique économique par des règles dans le volet budgétaire de l’uem. C’est là au demeurant l’un des principaux apports de la nouvelle macro-économie classique par rapport aux travaux monétaristes et classiques. Les auteurs de cette école ont montré que « grâce à un traitement approprié de la ‘‘contrainte budgétaire’’ intertemporelle de l’État, […] la politique monétaire n’est pas dissociable de la politique budgétaire et fiscale » expliquant que l’inflation a également des causes d’ordre budgétaire et fiscal72. Pour résumer la pensée macro-économique classique, si celle-ci est libérale parce qu’elle préconise « des interventions minimales de l’État dans le fonctionnement des marchés », elle a également

suscité de nouvelles analyses, qui ont permis de cerner plus précisément les conditions du bien-fondé des interventions et de leur efficience, en prenant en considération les aspects stratégiques, jusqu’alors négligés, des interactions entre le gouvernement et les agents privés. Une telle orientation des analyses théoriques met nécessairement l’accent sur le ‘‘rôle constitutionnel’’ de l’État dans l’économie, et amène donc à regarder le ‘‘laisser-faire’’ comme une caricature sans fondement.73

On retrouve dès lors les théories du constitutionnalisme économique dans l’asymétrie fondamentale de l’uem qui existe entre le monétaire et l’économique. Du moins est-ce la conclusion à laquelle on pourrait parvenir en estimant, avec Jean-Paul Fitoussi, qu’aux choix politiques ont été préférées des règles économiques74.

Le primat de la politique monétaire explique que le droit primaire ait consacré l’objectif principal de la stabilité des prix75. Ainsi que le souligne un avocat général :

à la différence d’autres banques centrales, la bce se caractérise par le fait qu’elle est liée par un mandat clair, étroitement tourné vers la lutte contre l’inflation. Les travaux préparatoires au Traité de Maastricht, ainsi que l’historiographie consacrée à la politique monétaire, confirment l’importance de ce mandat dans les négociations ayant débouché sur la création de la bce.76

Outre l’influence de l’Allemagne, en particulier de la Bundesbank, lors de la négociation du Traité de Maastricht, un consensus s’est dégagé sur l’argumentation théorique pour justifier le credo de la stabilité monétaire77, puisant ses origines économiques dans la courbe de Phillips, « radicalisée » par la théorie des anticipations rationnelles78. Le corollaire de la stabilité des prix est l’indépendance de la bce et des banques centrales nationales79, comme le relève le rapport Emerson :

une Banque centrale indépendante n’est pas exposée à cette tentation de créer une inflation surprise parce que, si son mandat statutaire est de sauvegarder la stabilité des prix, elle n’a aucun intérêt à accroître temporairement l’activité économique, ni à faire baisser temporairement la valeur de la dette publique par une inflation non anticipée.80

Dans son rapport relatif au projet de statut du sebc, le comité des gouverneurs avait également insisté sur la nécessité de confier la politique monétaire à une autorité indépendante, car la zone euro, formée de plusieurs États, risque d’être le lieu d’affrontements d’intérêts de court terme préjudiciables à la stabilité des prix sur le long terme81. Pour la bce, constitue en effet un « reflet de la pensée économique contemporaine, étayée par l’expérience [...] [le fait que] les banques centrales dotées d’un statut indépendant ayant un mandat clair de maintien de la stabilité des prix se sont révélées être les plus à même d’atteindre un niveau d’inflation faible et de garantir la stabilité de la monnaie, ainsi que la confiance dans celle-ci »82. L’indépendance « permet aux responsables de la politique monétaire de se consacrer prioritairement au maintien de la stabilité des prix de manière durable et crédible, sans devoir tenir compte de considérations politiques à court terme »83. Affranchie des considérations politiques, la bce interagit avec les marchés financiers dans la conduite de la politique monétaire.

La règle d’objectif que constitue la stabilité des prix s’avère plastique puisqu’elle a permis à la bce d’adapter sa politique monétaire à la situation économique. Une partie des mesures non conventionnelles décidées par la bce s’est matérialisée par des achats sur les marchés de titres publics ou privés que ce soit en réaction aux crises financières ou de dette souveraine ou comme réponse aux risques de déflation dans le cadre du Quantitative easing. En Allemagne, les achats de titres publics sur les marchés secondaires ont été contestés ; juridiquement, cela a abouti à la tension entre la Cour constitutionnelle allemande et la Cour de justice dans l’affaire Weiss84. Cette tension illustre la manière dont, à droit constant, la bce a fait évoluer la politique monétaire en s’émancipant quelque peu des racines théoriques de l’uem. Au demeurant, Guillaume Grégoire souligne dans une passionnante étude que la tension entre la Cour constitutionnelle allemande et la Cour de justice s’explique par une divergence d’approche économique85. Plus précisément, on peut se demander s’il n’y a pas une divergence de contrôle entre la Cour de justice qui, à notre sens, demeure dans une appréciation purement juridique alors que la Cour allemande s’engage sur un terrain plus économique.

Derrière la controverse sur la proportionnalité du programme d’achats de titres publics par la bce, se dessine une double question bien plus fondamentale. La première est celle de l’articulation entre droit, économie et politique. Le droit primaire assigne un objectif principal qu’il appartient à la bce de définir en vertu de l’article 12.1 des statuts du sebc. Sur ce fondement, le conseil des gouverneurs a arrêté la « stratégie de politique monétaire » en adoptant un acte hors nomenclature rendu public sous la forme d’un communiqué de presse86. Cette stratégie désigne le cadre général sur lequel les agents économiques sont censés fonder leur anticipation. Il appartient ainsi à l’institution en charge de la politique monétaire de se fonder sur la théorie économique de son choix pour atteindre cet objectif. Tout l’enjeu est de savoir jusqu’à quel point le juge peut contrôler le choix économique de politique monétaire. La seconde question est celle de la répartition des compétences car, derrière l’argument de l’ultra vires, la Cour constitutionnelle allemande interroge l’empiètement allégué de la bce sur la politique économique. L’asymétrie fondamentale de l’uem montre ici ses limites puisque la bce estime, et la Cour de justice l’admet, que pour atteindre l’objectif de stabilité des prix, ses mesures de politique monétaire doivent produire des effets sur l’économie ; tout le Quantitative easing repose sur cette logique. Penser constitutionnellement l’uem comme permettant une séparation étanche des compétences de politique monétaire et de politique économique demeure de l’ordre de la fiction juridique détachée de la réalité économique. La bce devrait-elle dès lors se fonder sur l’objectif secondaire de soutien aux politiques économiques dans l’Union européenne comme le permet l’article 127, paragraphe 1, tfue ? Ce serait admettre que les États membres puissent, au titre de la compétence de politique économique, avoir un droit de regard sur la politique de la bce avec un risque pour l’indépendance de la bce.

L’asymétrie fondamentale de l’uem a également une autre incidence majeure sur le constitutionnalisme économique. La constitutionnalisation de la discipline budgétaire trouve sa justification dans l’interaction entre la répartition des compétences et l’objectif de stabilité des prix. Il existe dans la zone euro une interdépendance entre la politique budgétaire et la politique monétaire. Au point 19 du rapport Delors, il est ainsi insisté sur « la nécessité d’un transfert du pouvoir de décision des États membres à la Communauté [qui] se manifesterait surtout dans les domaines de la politique monétaire et de la gestion macro-économique ». Il est ajouté que si la politique monétaire est confiée à un « organe de décision unique », « toute une série de décisions resteraient du ressort des autorités nationales et régionales » de sorte que « étant donné l’impact qu’elles pourraient avoir sur la situation économique interne et externe de la Communauté et leurs implications pour la conduite d’une politique monétaire commune, ces décisions devraient se situer dans un cadre macro-économique convenu et être soumises à des règles et à des procédures contraignantes »87.

Le primat du monétaire a pour conséquence d’imposer aux États membres le respect de règles de politique budgétaire. Les premières de ces règles ont vocation à permettre aux « forces du marché » d’« exercer un effet de discipline »88 comme le souligne le rapport Delors. Celui-ci ajoute que « les contraintes imposées par les forces du marché pourraient être trop lentes et trop faibles ou au contraire trop soudaines et trop perturbatrices » expliquant que

[d]ans le domaine budgétaire, il faut des règles contraignantes. Elles devraient premièrement imposer un plafond effectif aux déficits budgétaires des pays membres de la Communauté, bien que, pour la fixation de ces limites, la situation de chaque pays puisse devoir être prise en considération. Deuxièmement, elles excluraient l’accès au crédit direct de la banque centrale et à d’autres formes de financement monétaire, tout en autorisant des opérations d’open market sur titres d’État.89

La discipline de marché est ainsi produite par les articles 123 à 125 tfue. L’interdiction du financement monétaire (123) conduit les États membres à emprunter sur les marchés sans disposer de conditions privilégiées (124) en répondant seuls de leurs engagements en vertu de la clause de no-bail out (125). Selon la Cour de justice, il ressort des travaux d’élaboration du Traité de Maastricht que les articles 123 à 125 tfue visent « à inciter les États membres à respecter une politique budgétaire saine en évitant qu’un financement monétaire des déficits publics ou un accès privilégié des autorités publiques aux marchés financiers ne conduise à un endettement excessif ou à des déficits excessifs des États membres »90.

L’arrêt Pringle ajoute que le « respect d’une telle discipline contribue à l’échelle de l’Union à la réalisation d’un objectif supérieur, à savoir le maintien de la stabilité financière de l’Union monétaire »91. L’effet disciplinaire du marché étant insuffisant, l’article 126 tfue impose aux États membres l’interdiction des déficits excessifs, le caractère excessif étant déterminé par le rapport entre le produit intérieur brut (pib) et le déficit public, d’une part, et la dette publique, d’autre part ; la première valeur de référence de 3 % est censée identifier le déficit qui constitue un risque pour la stabilité des prix alors que la seconde de 60 % permet ainsi de mesurer le caractère « soutenable » de l’endettement sur une période de moyen et long terme92. Ces deux valeurs de référence sont fixées par le protocole n°12 sur la procédure concernant les déficits excessifs à des pourcentages (3 % et 60 %) qui peuvent être modifiés selon une procédure législative spéciale, le Conseil statuant à l’unanimité, après consultation du Parlement européen et de la bce93. Tout aussi déterminantes que la règle de déficit excessif s’avèrent les procédures prévues pour en garantir le respect. C’est afin de garantir la discipline budgétaire que la procédure pour déficit excessif a été prévue par l’article 126 tfue et renforcée par le Pacte de stabilité et de croissance à la demande des Allemands. Les modifications successives par le Six-Pack, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et par le Two-Pack ont eu vocation à compenser l’émergence d’une assistance financière dans la zone euro par l’exigence d’une plus grande responsabilité des États, autrement dit d’une discipline encore renforcée. Dans le contexte de la crise sanitaire, le Pacte de stabilité et de croissance a été suspendu par la Commission, révélant l’adaptabilité des règles de discipline budgétaire à la situation conjoncturelle94. Le principal écueil sur lequel a buté le Plan de relance a été celui des autres règles qui s’imposent à l’Union dans l’adoption de son budget.

Telle qu’elle est consacrée par le droit positif, l’uem reflète une construction qu’on pourrait qualifier de néolibérale en ce sens qu’il s’est agi d’adapter la politique économique et monétaire en fonction de la contrainte des marchés financiers95. Les racines théoriques de l’uem révèlent en effet qu’il s’est agi, afin de garantir une stabilité macro-économique nécessaire à une monnaie unique, d’imposer le respect de règles dans la conduite des politiques monétaire et économique. Toutefois, il convient de relativiser la portée juridique de ces règles car, derrière le discours du constitutionnalisme économique, une large marge de manœuvre est laissée au politique.

Conclusion

L’étude des racines historiques et théoriques de l’uem présente l’intérêt de mettre en exergue quelles sont les assises fondamentales qui, fruit d’un chemin de dépendance, s’avèrent si ancrées qu’elles ne sauraient être abandonnées qu’au prix d’un changement de paradigme ontologique. La conclusion à laquelle on parvient est celle d’une dialectique de l’économique et du politique qui façonne le juridique. L’histoire de l’uem montre que celle-ci s’est construite autour du « totem du marché » selon l’expression de Nicolas Jabko96. Les marchés financiers constituent une contrainte pour la bce et les États membres dont les choix de politique monétaire et budgétaire sont aiguillés par l’exigence de stabilité. C’est cette même stabilité qui peut libérer le choix du carcan de la règle lorsque la situation le requiert. La crise de la Covid-19 l’a confirmé pour la bce et l’a montré pour la question budgétaire. Le Plan de relance n’est-il pas la prémisse d’un centre de décision pour la politique économique prévue par le plan Werner ?

1

cjue, Allemagne / Pologne et Commission, C‑848/19 P, Conclusions de l’avocat général M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 18 mars 2021, ecli:eu:c:2021:218, note 61.

2

O. Blanchard, A. Leandro et J. Zettelmeyer, « Que faire des règles budgétaires européennes ? », Le GrandContinent, 22 février 2021, disponible à l’adresse : https://legrandcontinent.eu/fr/2021/02/22/que-faire-des-regles-budgetaires-europeennes/ (dernière consultation le 12 février 2022).

3

cjue, ap, 27 novembre 2012, Pringle, C-370/12, eu:c:2012:756. cjue, Gde ch., 16 juin 2015, Gauweiler, C‑62/14, eu:c:2015:400 ; cjue, Gde ch., 11 décembre 2018, Weiss, C-493/17, ecli:eu:c:2018:1000.

4

cjue, Pringle, C-370/12, précité.

5

N.d.E. : pour une critique de la « méta-politique », voy. infra dans ce volume, S. Adalid, « De la constitution économique à la constitution écologique: l’avènement de la méta-politique ».

6

N.d.E. : voy. aussi infra dans ce volume, S. Cafaro, « The Evolving Economic Constitution of the European Union: Eulogy to Stability? ».

7

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, G. Grégoire & X. Miny, « Introduction – La Constitution économique : Approche contextuelle et perspectives interdisciplinaires ».

8

Voy. par exemple S. Saurugger, Théories et concepts de l’intégration européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2010.

9

Voy. notamment P. Pierson, « The Path to European Integration: A Historical Institutionalist Perspective », Comparative political studies, 1996, Vol. 29, n°2, pp. 123–163.

10

Voy. H. Ungerer, A Concise History of European Monetary Integration. From EPU to EMU, Westport/Londres, Ed. Quorum Books, 1997.

11

H.-K. Mangoldt-Reiboldt, « De l’Union européenne de Paiements à la convertibilité monétaire », Revue économique, 1957, vol. 8, n°1, pp. 75–90, spéc. p. 86.

12

N.d.E. : voy. infra dans ce volume, M.M. Mohamed Salah, « La mise en concurrence internationale des ordres juridiques nationaux ».

13

D. Carreau, « La communauté économique européenne face aux problèmes monétaires », Revue trimestrielle de droit européen, 1971, n°3–4, pp. 586–622, spéc. p. 592.

14

J.-V. Louis, « Union monétaire européenne et Fonds monétaire international », in A. Weber (dir.), Währung und Wirtschaft. Das Geld im Recht. Festschrift für Prof. Dr. Hugo J. Hahn zum 70. Geburtstag, Baden-Baden, Nomos, 1997, pp. 201–214. N.d.E. : concernant le système de Bretton Woods et son évolution, voy. aussi infra dans ce volume, T. Biscahie & S. Gill, « Three Dialectics of Global Governance and the Future of New Constitutionalism ».

15

U. Everling, « L’aspect juridique de la coordination de la politique économique au sein de la Communauté économique européenne », Annuaire Français de Droit International, 1964, pp. 576–604.

16

Mémorandum de la Commission au Conseil au sujet de la politique susceptible d’être poursuivie au sein de la Communauté pour faire face aux problèmes économiques et monétaires actuels, 5 décembre 1968, sec(68) 3958, p. 20. Voy. D. Carreau, « Chronique de droit international économique », Annuaire Français de Droit International, 1969, pp. 644–660.

17

Mémorandum de la Commission sur la coordination des politiques économiques et la coopération monétaire au sein de la Communauté, 12 février 1969, Bull. ce, Suppl. n°3–1969, p. 5.

18

Mémorandum de la Commission sur le programme d’action de la Communauté pendant la deuxième étape, 24 octobre 1962, pp. 75–80.

19

Rapport au Conseil et à la Commission, concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté, dit « Plan Werner », Revue trimestrielle de droit européen, 1971, n°s 3–4, pp. 697–698.

20

Résolution du Conseil, du 22 mars 1971, concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté, joce C 28 du 27 mars 1971 p. 1. Dans ses arrêts du 24 octobre 1973, la Cour de justice n’a donné qu’une valeur politique à cette résolution, voy. cjce, 24 octobre 1973, Schlüter, aff. 9–73, Rec. p. 1135, spéc. p. 1161 ; Rewe Central/Hauptzollamt Kehl, aff. 10–73, Rec. p. 1175, spéc. p. 1195. U. Everling, « Institutional Aspects of a European Economic and Monetary Union », Common Market Law Review, 1971, pp. 495–501 ; U. Everling, « Die Entwicklung der Europäischen Gemeinschaft zur Wirtschafts- und Währungsunion : ihre Bedeutung für die Verfassungsordnung der Mitgliedstaaten », Neue Juristische Wochenschrift, 1971, pp. 1481–1486.

21

Rapport Delors, préc., pt. 1. Les conclusions du rapport Werner se sont en effet trouvées bouleversées par le nouvel environnement international découlant de la fin des accords de Bretton Woods.

22

Voy. sur ce point J.-V. Louis, J.-C. Séché, M. Wolfcarius, T. Margellos et J-F. Marchipont, Le droit de la CEE, Union économique et monétaire, Cohésion économique et sociale, Politique industrielle et technologie européenne, Commentaire Mégret, 2ème éd., Bruxelles, Éditions de l’ULB, 1995, p. 6.

23

cjce, 11 novembre 1981, Casati, 203/80, ecli:eu:c:1981:261.

24

Nous traduisons ainsi les termes anglais « inconsistent quartet » et italien « teorema del quartetto inconciliabile ». T. Padoa-Schioppa (dir.), Efficacité, Stabilité et équité, Paris, Economica, 1987, pp. 91–92 ; voy. aussi J.-V. Louis et al., Commentaire Mégret, op. cit., p. 7. Cette théorie a fortement influencé la Commission, voy. sur ce point N. Jabko, « In the name of the Market: how the European Commission paved the way for monetary Union », Journal of European Public Policy, 1999, pp. 475–495, spéc. pp. 477–479.

25

V. Padoa-Schioppa, La lunga via dell’euro, Bologne, Il Mulino, pp. 114–118.

26

E. Cohen, « Contrainte économique et action politique », Pouvoirs, n°68, 1994, pp. 90–93 ; C. de Boissieu, « Crise du SME et transition vers l’UEM », Regards sur l’actualité juridique, 1993, pp. 15–22.

27

D. Carreau, « Le système monétaire international privé (UEM et euromarchés) », Recueil des Cours – Académie de La Haye, 1998, vol. 274, pp. 309–391, spéc. p. 375.

28

Voy. J.-M. Sorel, « La convertibilité des monnaies », in P. Daillier, G. de la Pradelle et H. Gherari (dir.), Droit de l’économie internationale, Paris, Pedone, 2004, pp. 185–189.

29

M. Devoluy, L’Europe monétaire. Du SME à la monnaie unique, Paris, Hachette, 1998 ; D. Carreau, « Vers une zone de stabilité monétaire : la création du SME au sein de la CEE », Revue du Marché Commun, 1979, pp. 399–417.

30

Directive 88/361/cee du Conseil du 24 juin 1988 pour la mise en oeuvre de l’article 67 du Traité, j.o.u.e., L178, 8 juillet 1988, pp. 5–18 (eli : http://data.europa.eu/eli/dir/1988/361/oj; dernière consultation le 12 février 2022).

31

Conseil européen d’Hanovre, 27 et 28 juin 1988, concl. de la Présidence, Bull. ce, 1988–6, pts. 1.1.1–1.1.4.

32

Conseil européen de Madrid, 26 et 27 juin 1989, concl. de la Présidence, Bull. ce., 1989–6, p. 11.

33

Committee of Governors of the Central Banks of the Member States of the European Community, Draft statute of the European System of Central Banks and of the European Central Bank, Agence Europe, 1990, n°1660–1670. H. K. Scheller, « Le Comité des gouverneurs des banques centrales de la CEE et l’unification monétaire européenne », Histoire, économie & société, 2011, vol. 30, n°4, pp. 79–99.

34

M. Emerson, D. Gros, A. Italianer, J. Pisany-Ferry et H. Reichenbach, « One Market, One Money, An Evaluation of the Potential Costs and Benefits of Forming an Economic and Monetary Union » (Emerson Report), European Economy, n°44, 1990 (publié aux éditions Economica pour la traduction française : Marché unique, monnaie unique, 1990).

35

Voy. R. Chemain, L’Union économique et monétaire. Aspects juridiques et institutionnels, Paris, Pedone, 1996, pp. 31–125 (Ière phase) ; pp. 130–234 (iie phase) ; pp. 235–280 (passage à la iiie phase).

36

Le lancement de la 1ère phase fut décidé par le Conseil européen de Strasbourg de 1989, avant même le Traité de Maastricht. L’article 116, § 2, du Traité en définissait les éléments essentiels. Voy. Conseil européen de Strasbourg, 8–9 décembre 1989, concl. de la Présidence, Bull. ce, 1989–12, p. 12.

37

Art. 116, § 3 à 5, ce. L’article 117 ce définissait le statut et les missions de l’ime.

38

Voy. J.-V. Louis et al., Commentaire Mégret, op. cit., p. 8. Sur la stratégie de la Commission « jouant de cette concomitance », voy. N. Jabko, « In the name of the Market », op. cit., pp. 479–481.

39

Sur les étapes intermédiaires du processus de la troisième phase s’étant déroulées du 1er janvier 1999 au 1er juillet 2002, voy. D. Carreau, « Union économique et monétaire », Jurisclasseur Europe, 1999, fasc. 1811, pts. 75–77.

40

J.-V. Louis, « L’UEM et la gouvernance économique », in L’Union européenne et l’euro : aspects économiques, institutionnels et internationaux, Quatrième conférence ecsa-World, Bruxelles, 17/18 septembre 1998, Luxembourg, opoce, 2000, p. 156.

41

Rapport Emerson, op. cit., p. 176.

42

Voy. A. Benassy-Quéré et B. Coeuré, Économie de l’euro, Paris, La Découverte, 2010, pp. 71–73.

43

D. Gros, « Paradigms for the Monetary Union of Europe », Journal of Common Market Studies, vol. xxvii, n°3, mars 1989, pp. 219–230 ; Y. de Silguy, « Coordonner les politiques économiques », Commentaires, n°79, 1997, pp. 577–584.

44

Rapport Werner, op. cit.

45

Rapport Delors, op. cit., point 30.

46

Voy. Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget, « Le projet français sur l’Union économique et monétaire », Les notes bleues, 18–24 mars 1993, p. 74 ; E. Guigou, « La place et le rôle de l’autorité économique dans l’Union européenne », ecu, n°19, pp. 36–37 ; R. Boyer, Le gouvernement économique de la zone euro, Paris, La Documentation française, 1999.

47

E. Mourlon-Druol, « History of an Incomplete EMU », in F. Amtenbrink et C. Herrmann (dir.), The EU Law of Economic and Monetary Union, Oxford, Oxford University Press, 2020.

48

Voy. K. Dyson et K. Featherstone, The Road to Maastricht. Negotiating Economic and Monetary Union, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; N. Jabko, « In the name of the Market », op. cit. ; N. Jabko, « Monnaie et politique en Europe », Critique internationale, 2005, n° 27, pp. 55–62.

49

cjue, Pringle, C-370/12, précité ; Gauweiler, C‑62/14, précité ; Weiss, C-493/17, précité.

50

cjue, Gauweiler, C‑62/14, précité, Conclusions ecli:eu:c:2015:7, point 107.

51

La pensée économique de la Commission est exprimée par le rapport Emerson. La Commission a pleinement assumé les conclusions de ce rapport (M. Emerson, D. Gros, A. Italianer, J. Pisany-Ferry et H. Reichenbach, Marché unique, monnaie unique, op. cit). Voy. aussi European Economy, « The Economics of EMU », numéro spécial, 1990.

52

Rapport Emerson, op. cit., p. 5.

53

Ibid., pp. 30 et s.

54

Ibid., pp. 67 et s.

55

Ibid., pp. 109 et s.

56

Ibid., pp. 148 et s.

57

Ibid., pp. 111 et s.

58

Ibid., pp. 176.

59

Rapport Emerson, op.cit., p. 23. L’extrait cité se termine par un propos précurseur : « et la Communauté débat actuellement de propositions à cet effet ».

60

K. Dyson et K. Featherstone, The Road To Maastricht, op. cit., pp. 25–26.

61

C.-L. Holtfrerich, « La politique monétaire en Allemagne depuis 1948 : tradition nationale, meilleure pratique internationale ou idéologie ? » in J.-Ph. Touffut (dir.), Les Banques centrales sont- elles légitimes ?, Paris, Albin Michel pp. 37–71.

62

BVerfG, Second Sénat, 12 octobre 1993, Maastricht, 2 BvR 2134/92, 2 BvR 2159/92.

63

Sénat, La mise en place de l’Euro, Rapport de Xavier de Villepin, Délégation du Sénat pour l’Union européenne, Rapport 74, 1996 / 1997, ii C.

64

F. Benaroya, « Le renouveau du constitutionnalisme économique », Problèmes économiques, 1997, n°2547, pp. 8–11.

65

G. Grégoire, « L’économie de Karlsruhe. L’intégration européenne à l’épreuve du juge constitutionnel allemand », Courrier hebdomadaire du crisp, 2021, vol. 2490–2491, nos 5–6, p. 57. N.d.E. : sur les convergences et les divergences entre les différents courants ordo- et néolibéraux en matière de constitutionnalisme économique, voy. aussi supra dans ce volume, T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

66

H. Lamotte et J.-Ph. Vincent, La nouvelle macroéconomie classique, Paris, Presses Universitaires de France, Collection : « Que sais-je ? », 1999, pp. 87–136.

67

J. Le Cacheux, « La nouvelle macro-économie classique : fondement et laisser-faire ? », Cahiers d’Économie Politique, 1989, 16–17, pp. 189–204, spéc. pp. 195 et s.

68

F. E. Kydland et E. C. Prescott, « Rules rather than Discretion: The inconsistency of optimal plans », Journal of Political Economy, 1977, vol. 85, n°3, pp. 473–492.

69

W. Nordhaus, « The Political Business Cycle », Review of Economic Studies, 1975, vol. 42, pp. 169–190.

70

R. B. Barro et D. J. Gordon, « Rules, discretion and reputation in a model of monetary policy », Journal of Monetary Economics, 1983, vol. 12, n°1, pp. 101–121; R. B. Barro et D. J. Gordon, « A positive theory of monetary policy in a natural rate mode », Journal of Political Economy, 1983, vol. 91, n°4, pp. 589–610.

71

K. Rogoff, « The Optimal Degree of Commitment to an Intermediate Monetary Target », The Quarterly Journal of Economics, 1985, vol. 100, n°4, pp. 1169‑1189 ; voy. aussi A. Alesina et L. H. Summers, « Central Bank Independence and Macroeconomic Performance: Some Comparative Evidence », Journal of Money, Credit and Banking, 1993, vol. 25, n°2, pp. 151‑162; A. Cukierman, Central Bank Strategy, Credibility and Independence: Theory and Evidence, Cambridge, The mit Press, 1992 ; S. Eijffinger et J. de Haan, « The Political Economy of Central Bank Independence », Special Papers in International Economy, 1996, n°19, pp. 9–21.

72

T. J. Sargent et N. Wallace, « Rational Expectations, the Optimal Monetary Instrument, and the Optimal Money Supply Rule », Journal of Political Economy, 1975, vol. 83, n° 2, pp. 241–254.

73

J. Le Cacheux, « La nouvelle macro-économie classique : fondement et laisser-faire ? », op. cit., p. 202.

74

J.-P. Fitoussi, Le débat interdit: monnaie, Europe, pauvreté, Paris, Édition Arléa, 1995 ; J.-P. Fitoussi, La règle et le choix, De la souveraineté économique en Europe, Paris, Seuil, 2002.

75

Articles 3, paragraphe 3, tue ; 119 paragraphes 2 et 3, tfue ; 127, paragraphe 1, tfue ; 2 des statuts du sebc.

76

cjue, Gauweiler, C‑62/14, précité, Conclusions précitées, point 107.

77

Rapport Emerson, op. cit., pp. 22–23.

78

J.-P. Faugère, Économie européenne, Paris, Dalloz, 2002, 2e éd., pp. 301–303. Autrement dit, la relation décroissante entre le chômage et inflation serait exacerbée par les anticipations rationnelles des agents économiques à l’égard des taux d’inflation.

79

Articles 130 tfue et 7 des statuts sebc. Voy. A. Alesina et V. Grilli, « The European Central Bank: Reshaping monetary politics in Europe », in M. Canzoneri, V. Grilli et P. Masson (dir.), Establishing a Central Bank: Issues in Europe and Lessons from the US, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, pp. 49–85. M. Aglietta, « L’indépendance des banques centrales », Revue d’économie financière, 1992, n° 22, pp. 37–56.

80

M. Emerson, D. Gros, A. Italianer, J. Pisany-Ferry et H. Reichenbach, Marché unique, monnaie unique, op. cit., p. 105.

81

R. Elgie, « Responsabilité démocratique et indépendance de la Banque centrale : la Banque centrale européenne dans une perspective historique et comparative », Revue Française d’Administration Publique, 1999, n°92, pp. 635–650, spéc. p. 637.

82

bce, « Les relations de la bce avec les institutions et les organes de la Communauté européenne », Bulletin mensuel de la bce, octobre 2000, p. 53.

83

bce, Rapport annuel 1999, p. 140.

84

BVerfG, Second Sénat, 5 mai 2020, pspp, 2 BvR 859/15, ecli:de:BVerfG:2020:rs20200505.2bvr085915.

85

G. Grégoire, « L’économie de Karlsruhe. L’intégration européenne à l’épreuve du juge constitutionnel allemand », op. cit.

86

bce, 8 mai 2003, « La stratégie de politique monétaire de la BCE », Communiqué de presse. F. Martucci, « Banque centrale européenne et Eurosystème. Pouvoirs », Jurisclasseur Europe, 2011, fasc. 244, pt. 7.

87

Rapport Delors, op. cit., point 19.

88

Ibid., point 30.

89

Ibid.

90

cjue, Pringle, précité, point 135 ; cjue, Gauweiler, précité, point 100 ; la Cour renvoie expressément au projet de Traité portant révision du Traité instituant la Communauté économique européenne en vue de la mise en place d’une Union économique et monétaire, Bull. C.E., supplément 2/91, p. 22 et 52.

91

cjue, Pringle, précité, point 135.

92

L’adjectif soutenable est une traduction du terme anglais « sustainable » dont le rapport Emerson avait reconnu qu’il n’avait pas d’équivalent en français. Rapport Emerson, précité, p. 23, note 1.

93

Article 126, paragraphe 14, dernière phrase, tfue.

94

Communication de la Commission au Conseil sur l’activation de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, 20 mars 2020, com(2020)123. Déclaration des ministres des Finances de l’UE sur le pacte de stabilité et de croissance à la lumière de la crise du Covid-19, 23 mars 2020. Article 5, paragraphe 1 ; article 6, paragraphe 3 ; article 9, paragraphe 1 ; article 10, paragraphe 3, du règlement (ce) nº 1466/97, du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, joue L 306 du 23 novembre 2011, p. 12 ; article 3, paragraphe 5, et article 5, paragraphe 2, du règlement (ce) nº 1467/97, du Conseil du 7 juillet 1997, visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, joue L 209, 2 août 1997, p. 6. Voy. E. Castellarin, « L’Union économique et monétaire dans la première phase de la crise du Covid-19 », Revue trimestrielle de droit européen, 2020, pp. 593–620.

95

N.d.E. : voy. aussi infra dans ce volume, H. Lokdam & M. A. Wilkinson, « The European Economic Constitution in Crisis : A Conservative Transformation ? ».

96

N. Jabko, L’Europe par le marché, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 217.

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