Constitution et économie en Belgique

In: The Idea of Economic Constitution in Europe
Author:
Pierre Nihoul
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Résumé

La Constitution belge et l’économie semblent être des corps étrangers l’un à l’autre. Sous l’angle des normes matérielles, le déficit constitutionnel est comblé en droit interne par le législateur spécial et la Cour constitutionnelle et en droit de l’Union par la primauté des normes de droit primaire et de droit dérivé. Le concept dominant est celui de la liberté économique qui peut être aménagée par les autorités étatiques sur le plan normatif ou via le capitalisme public. Ces deux interventions requièrent une habilitation législative qui est d’interprétation restrictive et qui doit respecter le principe d’égalité et de non-discrimination. Sous l’angle des normes organiques, deux questions plus particulières nous paraissent devoir être abordées en l’absence ici aussi de normes constitutionnelles. Comment les autorités indépendantes qui assurent la régulation économique trouvent-elles leur place dans l’ordre juridique belge alors qu’elles sont dotées du pouvoir réglementaire ? La Constitution permet-elle ou interdit-elle aux pouvoirs publics de prendre en charge des activités économiques et d’instituer à cet effet des services publics économiques et, à défaut, l’aspect structurel du capitalisme public trouve-t-il alors ses limites dans le droit de l’Union européenne ?

Introduction

Le constitutionnaliste averti décrit généralement la constitution de son pays comme étant la charte fondamentale qui régit les relations entre les pouvoirs et entre les citoyens et les pouvoirs. Il a donc coutume de parler de libertés publiques, de droits fondamentaux, des trois pouvoirs et des structures de l’État. Il se sent moins à l’aise quand il s’agit de discourir sur l’économie. C’est sans doute là un héritage des constitutions libérales du xixe siècle. L’économie était un corps étranger à l’État et vice-versa.

Deux domaines d’investigation nous semblent propices à rendre compte de la place ou de l’absence de l’économie dans l’ordre constitutionnel belge. D’une part, existe-t-il des normes constitutionnelles qui régissent le comportement des acteurs économiques ? La première partie de la contribution est consacrée à ces normes dites « matérielles ». D’autre part, la Constitution contient-elle des normes relatives à la structure et à l’organisation des opérateurs économiques, principalement publics ? Ces normes dites « institutionnelles » sont abordées dans la seconde partie de cette contribution.

1 Les normes constitutionnelles matérielles

1.1 Déficit normatif

La Constitution belge ne contient pas de disposition normative édictant soit des principes généraux soit des règles précises concernant l’activité économique, qu’elle soit privée ou publique. La liberté d’entreprendre est-elle le principe et les normes de police qui l’encadrent l’exception ou, au contraire, l’encadrement et la planification de l’économie sont-ils la norme et la liberté économique l’exception ? Les agents économiques privés ont-ils la primauté de l’activité économique, les pouvoirs publics ne pouvant intervenir qu’à titre supplétif ou, au contraire, le capitalisme public est-il la norme et l’activité privée l’exception ? Autant de questions qui ne trouvent pas de réponse directe dans la Constitution.

Cette défaillance normative du système constitutionnel belge s’est quelque peu comblée, mais de manière encore insuffisante, sous l’influence de quatre facteurs :
  1. 1la construction du fédéralisme belge qui a nécessité l’édiction de principes communs et fédérateurs, lors du transfert en 1988 de domaines importants, dont la politique économique, aux collectivités fédérées ;
  2. 2l’émergence constitutionnelle en 1994 des droits économiques et sociaux dans l’article 23 de la Constitution ;
  3. 3le cadre normatif européen relatif aux libertés économiques et au droit de la concurrence, lequel a été transcrit dans les livres iii et iv du Code de droit économique ;
  4. 4le rôle joué par la Cour constitutionnelle à l’égard de ces trois premiers facteurs.

Nous les examinons successivement ci-après, en soulignant à travers les trois premiers facteurs le rôle de la Cour constitutionnelle.

1.1.1 Le fédéralisme

La loi spéciale du 8 août 1988 de réformes institutionnelles prévoit le transfert aux régions d’un bloc de compétences intitulé « l’économie ». Ce transfert, inséré dans l’article 6, § 1er, vi de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, concerne des domaines importants de la vie économique, dont le 1° n’est pas le moindre puisqu’il s’intitule « la politique économique » ! Ce transfert important de compétences s’accompagne de deux réserves fondamentales. La première réserve encadre la régionalisation de l’économie par des principes d’organisation de la vie économique belge, tels que l’union économique et l’unité monétaire, la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et la liberté d’entreprendre (article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980). La seconde réserve contient expressément douze domaines qui demeurent de la compétence de l’autorité fédérale, du moins pour ce qui est de la fixation des règles générales (article 6, § 1er, vi, alinéa 4 de la loi spéciale du 8 août 1980). Le propos de cette contribution n’étant pas axé sur la répartition des compétences, nous nous attarderons uniquement sur la première réserve.

Elle est formulée en ces termes :

En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d’industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l’unité monétaire, tel qu’il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux.1

La liberté d’entreprendre est ainsi érigée pour la première fois expressément comme paradigme normatif et fédérateur de l’activité économique. De manière biaisée toutefois. En effet, il ne s’agit pas d’une norme constitutionnelle comme telle. Nos lois spéciales, même si elles sont hiérarchiquement inférieures à la Constitution, doivent toutefois être considérées comme des normes quasi-constitutionnelles, appartenant au bloc de constitutionnalité sensu lato. En raison, tout d’abord de la majorité qui est requise pour les adopter, majorité plus stricte que celle relative à une révision constitutionnelle2. Mais aussi eu égard au fait qu’elles constituent, tout comme la Constitution, des normes de référence pour le contrôle de la Cour constitutionnelle3. Par ailleurs, la liberté d’entreprendre apparaît comme une règle de répartition de compétences dans une matière régionale bien précise.

Cette disposition s’est ensuite imposée comme paradigme directeur en raison de l’interprétation évolutive de la Cour constitutionnelle. Premièrement, nonobstant son insertion dans le domaine de compétence régionale intitulé « l’économie », la Cour a d’abord jugé que l’intention du législateur spécial était que ce principe, tout comme les autres principes que cette disposition recèle, encadre l’ensemble des compétences régionales :

Bien que l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 s’inscrive dans l’attribution de compétences aux régions en ce qui concerne l’économie, cette disposition traduit la volonté du législateur spécial de maintenir une réglementation de base uniforme de l’organisation de l’économie dans un marché intégré.4

Deuxièmement, la Cour a par la suite jugé que cette règle devait aussi s’appliquer aux compétences des Communautés :

L’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 implique que les régions et, par extension, eu égard à l’objectif général de la disposition, les communautés exercent leurs compétences « dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d’industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire, tel qu’il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux.5

Troisièmement, la Cour a étendu cette règle à l’égard des législations fédérales dès lors que cette liberté est devenue l’un des éléments du cadre normatif commun à l’ensemble de l’économie belge6. De manière générale, la Cour juge que :

La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, en tant que règle répartitrice de compétence.7

En conclusion, le principe de la liberté de commerce et d’industrie est donc devenu une norme de référence dans l’ensemble du contentieux relatif aux règles de répartition des compétences, qu’elles soient fédérales, régionales ou communautaires. Elle s’est aussi transformée, sous l’influence de la Cour, en une norme d’exercice des compétences.

Cette conclusion se retrouve également au niveau du contrôle juridictionnel des règlements. La Cour de cassation accepte également de connaître de moyens invoquant l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, précité, notamment à l’égard de réglementations régionales en matière d’environnement8. Le Conseil d’État va même plus loin puisqu’il a jugé qu’

il suit de ces principes [décret d’Allarde et article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale] que chaque composante de l’État, y compris les provinces, est tenue, même en matière fiscale, de s’abstenir de prendre séparément des mesures qui constitueraient des entraves à la libre circulation de certains biens, fausseraient le jeu de la concurrence et, par là même, feraient obstacle au libre exercice du commerce et de l’industrie.9

1.1.2 L’article 23 de la Constitution

L’article 23, inséré dans la Constitution le 31 janvier 1994, énumère dans leur principe une série de droits économiques, sociaux et culturels. Il revient à chaque législateur compétent de garantir ces droits au regard de l’objectif de « dignité humaine » et en tenant compte des « obligations correspondantes ». Cette disposition prévoit, en son alinéa 3, 1°, que les droits économiques, sociaux et culturels comprennent notamment :

1° le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle dans le cadre d’une politique générale de l’emploi, visant entre autres à assurer un niveau d’emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d’information, de consultation et de négociation collective.

Cette disposition consacre bien le libre choix de l’exercice d’une activité professionnelle soit, pour reprendre l’expression de la Cour constitutionnelle, « la liberté d’action des personnes et des entreprises que ce soit dans le secteur économique ou dans d’autres secteurs »10. Par ce biais, la Constitution réaffirme l’autonomie personnelle dans le domaine économique par rapport au corporatisme11. Consacre-t-elle pour autant la liberté d’entreprendre par rapport aux normes étatiques et par rapport aux acteurs publics économiques ?

Après beaucoup d’hésitations et une jurisprudence fluctuante selon les domaines12, la Cour constitutionnelle a clarifié, à partir de 2015, sa jurisprudence à propos de la relation entre la liberté de commerce et d’industrie et l’article 23 de la Constitution. Elle a ainsi jugé à l’égard d’un moyen invoquant « la liberté de commerce et d’industrie telle qu’elle est notamment prévue à l’article 23 de la Constitution »13 :
  1. B.11.1.Cette disposition inclut le droit au libre choix d’une activité professionnelle parmi les droits économiques, sociaux et culturels.
  2. B.11.2.Il ressort des travaux préparatoires de l’article 23 de la Constitution que le Constituant n’a pas entendu consacrer la liberté de commerce et d’industrie ou la liberté d’entreprendre dans les notions de « droit au travail » et de « libre choix d’une activité professionnelle » (Doc. parl., Sénat, se 1991–1992, n° 100-2/3°, p. 15; n° 100-2/4°, pp. 93 à 99; n° 100-2/9°, pp. 3 à 10). Une telle approche découle également du dépôt de différentes propositions de « révision de l’article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d’industrie » (Doc. parl., Sénat, 2006–2007, n° 3-1930/1; Sénat, se 2010, n° 5-19/1; Chambre, 2014–2015, doc 54-0581/001).
  3. B.11.3.Le moyen, en ce qu’il est pris de la violation de l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, n’est pas fondé.

La Cour n’admet donc pas l’inclusion de la liberté d’entreprendre dans l’article 23 de la Constitution. Cette absence du prescrit constitutionnel entraîne une double conséquence quant au contrôle juridictionnel de la compatibilité des normes législatives avec cette liberté. En premier lieu, sous l’angle du principe de la légalité, l’article 23 de la Constitution contient une réserve expresse au profit du législateur et fait des droits économiques et sociaux une matière en principe réservée au législateur. Or, il s’avère que la plupart des réglementations économiques sont le fait du pouvoir exécutif en vertu d’une habilitation très large du législateur. Celles-ci étaient-elles menacées en cas de constitutionnalisation de la liberté de commerce et d’industrie ? La réponse à cette question nous paraît négative dès lors que la Cour constitutionnelle exerce un contrôle atténué du principe de légalité énoncé dans l’article 23 de la Constitution. Elle a ainsi admis que le législateur se contente d’établir lui-même « le principe » de la restriction et confie au Roi sa mise en œuvre14. Par après, la Cour a jugé que « cette disposition constitutionnelle n’interdit pas au législateur compétent d’accorder des délégations au Gouvernement pour autant que ces délégations portent sur l’adoption de mesures dont l’objet a été déterminé par le législateur »15. Il s’ensuit que les éléments accessoires mais aussi essentiels peuvent être délégués au pouvoir exécutif à la simple condition que l’« objet » de l’habilitation ait été indiqué par le législateur. Hors champ de l’article 23, la liberté économique n’est donc pas une matière réservée au législateur.

En deuxième lieu, sous l’angle de la clause de standstill ou de l’effet cliquet, l’article 23 de la Constitution est interprété comme interdisant au législateur compétent de réduire significativement les garanties existantes dans la législation antérieure sauf si un motif d’intérêt général le justifie. Il s’ensuit que le législateur qui revient sensiblement sur le niveau existant de protection doit s’en justifier sous le contrôle de la Cour constitutionnelle. Une telle obligation s’applique aux droits énumérés à l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, la Cour l’ayant reconnu à l’égard du droit de négociation collective16. Un tel effet ne saurait toutefois s’appliquer à l’égard de la liberté d’entreprendre dès lors que la Cour n’inclut pas cette liberté dans cette disposition constitutionnelle.

L’impact de cette non-constitutionnalisation de la liberté économique doit toutefois être relativisé en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des entraves ou limitations législatives à cette liberté, et ce pour deux raisons. D’une part, comme nous l’avons vu, la liberté de commerce et d’industrie est reconnue depuis 1988, par le biais de l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, comme principe directeur de l’exercice des compétences par toutes les entités belges. Or, cette disposition, en tant que norme répartitrice de compétences, fait partie des normes dont la Cour assure directement le respect. D’autre part, la liberté de commerce et d’industrie est consacrée par une norme législative ordinaire très ancienne, le décret dit d’Allarde des 2–17 mars 1791, aujourd’hui remplacée par l’article ii.3. du Code de droit économique17. En soi, la Cour n’est pas compétente pour contrôler une norme législative au regard d’autres normes législatives qui ne sont pas des règles de répartition des compétences. Elle a toutefois admis d’examiner des moyens combinant les articles 10 et 11 de la Constitution, qui consacrent le principe d’égalité et de non-discrimination, avec la liberté d’entreprendre au terme du raisonnement suivant :
  1. B.8.1.L’article ii.3 du Code de droit économique dispose : « Chacun est libre d’exercer l’activité économique de son choix ».
  2. B.8.2.La Cour n’est pas compétente pour contrôler des dispositions législatives au regard d’autres dispositions législatives qui ne sont pas des règles répartitrices de compétence.
  3. B.8.3. La loi du 28 février 2013, qui a introduit l’article ii.3, précité, du Code de droit économique, a abrogé le décret dit d’Allarde des 2–17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d’industrie, a servi régulièrement de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.
  4. B.8.4.La liberté d’entreprendre, visée par l’article ii.3 du Code de droit économique, doit s’exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article ii.4 du même Code).
  5. La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l’Union européenne applicables, ainsi qu’avec l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, s’agissant d’une règle répartitrice de compétence. Enfin, la liberté d’entreprendre est également garantie par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
  6. B.8.5. Par conséquent, la Cour est compétente pour contrôler les dispositions attaquées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté d’entreprendre.18

Il s’ensuit que si la valeur juridique de la liberté d’entreprendre est d’un rang inférieur à celui de la Constitution19, sa protection juridictionnelle ne l’est pas dès lors qu’elle est justiciable de la Cour constitutionnelle. Le débat sur la constitutionnalisation de la liberté de commerce et d’industrie est donc sans doute devenu fort théorique, du moins sous l’angle du contentieux constitutionnel.

1.1.3 Le cadre normatif européen

On le sait, les traités fondateurs de l’Union européenne consacrent quatre libertés économiques qui constituent, selon la Cour de justice de l’Union européenne, des « principes fondamentaux du Traité »20. L’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, entrée en vigueur le 1er décembre 2009, dispose que « la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ».

Ce cadre normatif vient suppléer le déficit normatif belge en la matière de deux manières. D’abord, via l’article 34 de la Constitution qui dispose que « [l]’exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public ». Schématiquement, cet article 34 rend constitutionnelle l’attribution de l’exercice de pouvoirs déterminés à une institution de droit international public, et particulièrement aux institutions de l’Union européenne. Ainsi, la norme de droit de l’Union qui est prise en vertu et dans le cadre des traités constitutifs de l’Union prime, en vertu de l’article 34, la législation interne puisque cette norme de l’Union n’est rien d’autre que le produit de ce transfert constitutionnel de l’exercice des compétences. Les juridictions belges, tant judiciaires qu’administratives, contrôlent donc directement la compatibilité des normes législatives avec le droit de l’Union, tant primaire que dérivé, et les écartent au besoin pour assurer la primauté du droit de l’Union.

Ensuite, via le lien direct établi par la Cour constitutionnelle entre ces libertés économiques et la liberté nationale de commerce et d’industrie. Elle a ainsi jugé qu’

[u]ne disposition législative qui est contraire à la libre circulation des biens et des services est, ipso facto, contraire à la liberté de commerce et d’industrie, ainsi qu’au principe d’égalité et de non-discrimination. En effet, une telle mesure lèse les producteurs ou prestataires de services d’autres États membres en ce qui concerne l’accès au marché belge.21

La Cour a confirmé ce lien :

La liberté de commerce et d’industrie est étroitement liée à la liberté professionnelle, au droit de travailler et à la liberté d’entreprise, qui sont garantis par les articles 15 et 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et à plusieurs libertés fondamentales consacrées par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [...], comme la libre circulation des biens, la libre prestation des services et la liberté d’établissement. Le principe d’égalité et de non-discrimination constitue également un principe fondamental de l’Union européenne.22

Ce lien a encore été confirmé par les arrêts précités de 201523 par lesquels la Cour a expressément exclu la liberté de commerce et d’industrie de l’article 23 de la Constitution, d’une part, en indiquant que la liberté d’entreprendre doit être lue en combinaison avec les dispositions européennes applicables, dont les libertés économiques, et, d’autre part, en rejetant un moyen pris de la violation de la liberté d’entreprendre en se référant à la réponse apportée à un autre moyen invoquant la violation d’une des quatre libertés économiques. Par contre, la Cour a refusé d’établir un lien d’analogie entre l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et les articles 102 et 106 du tfue24. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle examine fréquemment des moyens invoquant la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec des dispositions soit des traités (droit primaire), soit des directives et règlements UE (droit dérivé), contrôlant ainsi indirectement la validité des normes législatives belges au droit de l’Union25.

1.2 Quelles sont les conséquences ?

L’absence de constitutionnalisation de la liberté d’entreprendre, compensée par son intégration dans le contrôle de constitutionnalité opéré par la Cour constitutionnelle, entraîne certaines conséquences rapidement abordées en ce qui concerne les interventions de l’État, qu’elles soient normatives ou actives.

1.2.1 Sur l’interventionnisme normatif

Revêtue initialement de la force d’une norme législative ordinaire par le biais d’un décret révolutionnaire, remplacé depuis par une disposition législative ordinaire (l’art. ii.3 du Code de droit économique), la liberté d’entreprendre est intégrée en 1988, par une loi spéciale, dans les règles de répartition des compétences et devient, par l’effet de la jurisprudence constitutionnelle, l’un des éléments-cadre de l’exercice des compétences, non seulement pour les matières régionales, mais aussi pour les matières fédérales, communautaires et locales. Elle est aussi une norme de référence dans le cadre du contrôle de constitutionnalité par le prisme des articles 10 et 11 de la Constitution avec lesquels elle peut être combinée.

La liberté de commerce et d’industrie ou liberté économique doit donc être respectée par les législateurs respectifs, qu’ils règlent eux-mêmes la matière ou qu’ils en délèguent des éléments au pouvoir exécutif, cette liberté n’étant pas du domaine réservé au législateur. Elle n’est pas pour autant conçue comme une liberté absolue ou illimitée. Elle ne fait ainsi pas obstacle à ce que le législateur règle l’activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur compétent ne violerait toutefois la liberté de commerce et d’industrie que s’il limitait cette liberté sans qu’existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi ou portait atteinte à ce principe en manière telle que l’union économique et monétaire serait compromise26.

Les mesures d’encadrement du marché et les restrictions à la liberté d’entreprendre doivent en synthèse respecter les limites suivantes : primo, elles ne sont admissibles que pour autant qu’elles soient prévues par le législateur dans ses éléments essentiels sans pour autant être une matière réservée au législateur ; secundo, en tant que mesures dérogatoires, elles sont d’interprétation restrictive, notamment quant à la compétence de l’auteur de l’acte ; tertio, les normes de police économique doivent respecter le principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination : à ce titre, ces limitations doivent reposer sur un critère objectif, poursuivre un but légitime, être pertinentes au regard de l’objectif poursuivi et ne pas produire des effets disproportionnés.

1.2.2 Sur le capitalisme public

La Constitution belge ne réserve pas d’activités économiques ou des secteurs d’activité économique27 aux pouvoirs publics ou au secteur privé. Elle n’indique pas non plus la primauté ou la subsidiarité de l’un ou de l’autre et ne contient pas non plus d’identification d’une économie nationale mixte, planifiée ou libre comme dans d’autres constitutions. Dans un régime de libertés, l’absence de prescrit constitutionnel exprès n’empêche donc pas les initiatives privées ou publiques.

Il existe néanmoins, comme nous l’avons vu ci-avant, dans l’ordre normatif belge, le principe de la liberté économique. Quel est son impact sur le capitalisme public ou l’initiative publique économique ?

1.2.2.1 Subsidiarité ?

En Belgique, cette liberté de principe n’emporte pas que le principe de subsidiarité soit érigé comme condition de l’intervention des investisseurs publics, laquelle serait dans ce cas subordonnée à la démonstration d’une carence du secteur privé. Cette signification de la liberté d’entreprendre est présente en France depuis un arrêt de principe du Conseil d’État de France du 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers28. Une telle signification n’a toutefois pas cours en Belgique29. Telle est l’opinion de la très grande majorité de la doctrine30. Par ailleurs, aucune décision de justice belge n’a, à notre connaissance, infirmé cette appréciation. Enfin, cette opinion s’est trouvée confortée dans la pratique par l’émergence, principalement après la Seconde Guerre mondiale, d’organismes ou d’entreprises publiques directement concurrentiels avec le secteur privé ou, dans certains cas, en situation privilégiée, voire monopolistique.

1.2.2.2 Principe de légalité ?

L’intervention directe des investisseurs publics dans l’activité économique empiète nécessairement sur l’activité économique privée, même si le degré d’intensité varie selon les circonstances. Nous considérons dès lors que l’action économique publique suppose une habilitation législative, particulière ou générale, à tout le moins lorsque cette intervention est dotée de privilèges ou de pouvoirs spécifiques. Les juridictions vérifient d’ailleurs si l’auteur de l’intervention économique, qu’elle soit exclusive, privilégiée ou concurrentielle, tient effectivement du législateur sa compétence et si l’activité rentre dans le champ d’application de la loi, du décret ou de l’ordonnance ou est nécessaire à son application. La validité de telles interventions est admise pourvu qu’elles soient prévues ou autorisées par le législateur, fût-ce en termes laconiques. À cette occasion, le législateur peut évidemment modaliser l’intervention des pouvoirs publics dans l’activité économique. Une partie de la doctrine considère que « la participation à la constitution de sociétés ou associations de pur droit privé et la prise de participations dans de telles sociétés participe de la capacité juridique naturelle des personnes morales de droit public, en ce compris, de sorte qu’aucune habilitation du législateur ne serait requise pour de telles opérations »31. Pour sa part, la section de législation du Conseil d’État recommande qu’une disposition législative expresse intervienne aux fins de lever toute ambiguïté sur la capacité des pouvoirs publics à participer aux opérations précitées32.

1.2.2.3 Principe de proportionnalité ?

Nous soutenons également que les principes de nécessité et de proportionnalité, applicables à toute intervention législative en vertu du principe d’égalité et de non-discrimination, ont pour effet d’empêcher les pouvoirs publics de prendre en charge une activité économique en l’assortissant de moyens d’action qui sont de nature à entraver sans nécessité ou de manière exagérée l’exercice normal d’une activité industrielle, commerciale ou financière ou, en d’autres termes, qui sont susceptibles de fausser indument ou de manière disproportionnée le jeu normal de la concurrence sur un marché. Ainsi comprise, la liberté d’entreprendre ne fait pas obstacle à la création ou au financement par les pouvoirs publics de services ou d’entreprises à caractère économique, même si ceux-ci sont directement concurrentiels au secteur privé ; elle implique toutefois que les pouvoirs publics s’abstiennent de revêtir une telle activité économique de privilèges exorbitants de droit commun sans justification adéquate et proportionnée.

2 Les normes constitutionnelles institutionnelles

La Constitution contient-elle des normes relatives à l’organisation, à la structure et au fonctionnement des acteurs publics qui interviennent dans l’activité économique ? Deux questions plus particulières nous paraissent devoir être abordées. La régulation économique figure-t-elle dans la Constitution ? Les opérateurs publics économiques y ont-ils leur place ?

2.1 La régulation économique

La régulation économique prend généralement la forme de normes de police administrative. La police de l’économie étant une police administrative spéciale, elle ne peut s’autoriser du pouvoir général de police dont disposent les différentes autorités exécutives du pays33. Ces normes de police économique nécessitent ainsi une habilitation législative spécifique à chaque domaine d’intervention. La matière n’étant pas réservée au législateur, l’habilitation législative est souvent formelle et manque de contenu de sorte que l’essentiel des normes de police économique est le fait du pouvoir exécutif agissant par l’intermédiaire de ses départements ministériels.

De nouveaux acteurs publics ont vu le jour et se sont vus investis de différentes compétences dans le domaine de la police économique : avis, conseil, médiation, contrôle, décisions individuelles, voire pouvoir réglementaire. En bref, des pouvoirs de police et de régulation. Ces administrations sont généralement regroupées sous le vocable générique d’autorités administratives indépendantes. Cette nouvelle forme d’organisation étatique s’est en Belgique élaborée et installée empiriquement, sans aucun cadre préétabli, au coup par coup. Là où la Constitution parle de structures et de pouvoirs, elle traite seulement de l’administration centrale et de la décentralisation territoriale (art. 107 et 162 à 166). Rien n’est dit à propos de la décentralisation fonctionnelle ni a fortiori sur ces nouveaux intervenants. Il s’ensuit qu’il n’existe pas en Belgique de définition normative de ces autorités ni de cadre normatif régissant la création, la structure, les missions et le fonctionnement de ces organismes.

La doctrine et la jurisprudence ont tenté de combler cette lacune en identifiant plusieurs traits caractéristiques : la personnalité juridique, le rôle d’expertise, les missions d’observation, de surveillance et de régulation, l’existence d’un certain nombre de prérogatives… L’élément identificateur, qui les distingue assurément de la décentralisation fonctionnelle classique, est l’absence de contrôle hiérarchique et de tutelle qui leur assure, comme le vocable générique les désignant l’indique, leur autonomie, leur indépendance34.

Cette autonomie et cette indépendance sont consubstantielles à leur raison d’être qui est d’assurer la police de certains secteurs économiques, voire leur régulation. À cette fin, elle se doit d’être double, c’est-à-dire tout à la fois à l’égard des opérateurs économiques présents dans le secteur considéré (souci d’impartialité) et à l’égard des pouvoirs publics. En effet, les secteurs économiques qu’elles régissent en tout ou en partie ont été pour la plupart marqués par des monopoles historiques de l’État en raison de leur caractère stratégique (télécommunications, transports, poste, énergie) et par la subsistance, après leur libéralisation, d’un opérateur public resté important, voire puissant. Il faut dès lors éviter des conflits d’intérêts entre les missions étatiques de police et de régulation et les intérêts économiques et financiers que l’État possède encore dans certains opérateurs. Cette exigence d’indépendance est encore renforcée par le droit dérivé de l’Union européenne, les directives de libéralisation des secteurs économiques stratégiques prévoyant une régulation autonome des pouvoirs publics.

Les pouvoirs publics ont créé de tels opérateurs en l’absence d’habilitation constitutionnelle expresse. En soi, ce silence constitutionnel n’empêche pas les pouvoirs publics de créer de tels organismes souvent personnalisés au nom de leur pouvoir résiduel. Il suscite néanmoins deux questions fondamentales.

La première question a trait à l’identification du pouvoir créateur de ces organismes. Elle peut être résolue rapidement sur le vu de nos principes constitutionnels. En effet, le pouvoir réglementaire autonome du Roi dont Il dispose en vertu de l’article 107 de la Constitution ne Lui permet pas d’instituer motu proprio des administrations ou organismes personnalisés et investis de missions de police, de sorte que leur création requiert l’intervention du législateur. Celle-ci est en outre renforcée pour ce qui concerne les entités fédérées par l’article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 qui réserve au pouvoir législatif régional et communautaire la compétence de fixer les éléments essentiels de l’organisation et du fonctionnement de tels organismes.

La seconde question, plus polémique, a trait à la nature des prérogatives qui peuvent être accordées à ces organismes. Plus particulièrement, ceux-ci peuvent-ils être investis du pouvoir réglementaire en vue de réguler, en tout ou en partie, le(s) secteur(s) économique(s) considéré(s) ? On le sait, plusieurs objections fondamentales s’opposent à l’attribution de compétences réglementaires à ces organismes ou à ces autorités, tout à fait ignorés de la Constitution et des lois spéciales de réformes institutionnelles : l’attribution des pouvoirs à des autorités constitutionnellement identifiées ; l’unicité du pouvoir réglementaire ; la subordination du pouvoir réglementaire à un contrôle parlementaire et à un contrôle juridictionnel ; et certaines garanties essentielles, comme la publication des règlements et le contrôle préventif exercé par la section de législation du Conseil d’État. Depuis son arrêt n° 130/2010 du 18 novembre 2010, la Cour constitutionnelle a toutefois validé, d’une part, la figure juridique de l’autorité administrative indépendante en sa caractéristique essentielle, l’absence de contrôle hiérarchique et de tutelle, et, d’autre part, les délégations de pouvoir réglementaire. Trois conditions doivent être respectées : (1) il doit s’agir d’une matière technique déterminée ; (2) il doit y aller de compétences exécutives spécifiques ; (3) et surtout, il doit subsister un contrôle juridictionnel et un contrôle parlementaire. Le brevet de constitutionnalité de ces autorités au regard des articles 33, 37 et 108 de la Constitution est ainsi conditionné à ces trois exigences. La Cour relève aussi les exigences du droit européen qui s’imposent à la Belgique via l’article 34 de la Constitution, exigences qui se sont progressivement renforcées en matière d’indépendance des organismes de régulation.

Nous avons déjà rendu compte des difficultés créées par cette jurisprudence de la Cour constitutionnelle – notamment le fait que la Cour utilise le droit de l’Union pour légitimer la création de figures juridiques inconnues de la Constitution et pour valider le fractionnement du pouvoir réglementaire qui, lui, n’apparaît pas compatible avec certaines dispositions constitutionnelles35. Nous avons aussi relevé que dès lors que la fonction réglementaire est une des trois fonctions essentielles dans notre appareil constitutionnel, son mode d’exercice par certains organismes ne peut rester indéfiniment étranger au texte constitutionnel36. Nous avons enfin proposé de donner une assise constitutionnelle à ces nouveaux modes de réglementation et surtout aux limites qui les entourent : par respect de l’État de droit ; mais aussi par souci de légitimité37.

2.2 Les opérateurs publics économiques

Les pouvoirs publics cette fois prennent en charge une activité économique ; ils sont ou deviennent producteurs de biens, de services ou de capitaux. Quel est le vecteur de cette intervention directe? Les pouvoirs publics utilisent rarement dans ce domaine leurs services administratifs internes. La plupart du temps, ils agissent par le biais d’une personne morale spécifique que l’on qualifie de service public économique ou d’entreprise publique38. Cette notion est très difficile à conceptualiser en Belgique. En effet, il n’y a pas, en Belgique, de théorie générale du service public ni de cadre normatif général en la matière, encore moins dans le domaine économique.

Ainsi, il faut épingler l’absence de fondement constitutionnel du service public économique en Belgique. Si la Constitution belge ne consacre pas l’existence des services publics économiques, elle ne les interdit pas pour autant. Dans un régime constitutionnel de liberté comme le nôtre, il faut en effet admettre, en l’absence de disposition contraire, la possibilité pour les pouvoirs publics de prendre en charge des activités économiques et d’instituer à cet effet de tels services.

Tout au plus peut-on relever qu’en tant que dérogation à la liberté économique, la création de ces services ou entreprises nécessite en principe un fondement législatif, à tout le moins dans ses éléments essentiels, même si cette intervention n’est pas dotée de privilèges ou de droits spécifiques. Cette exigence s’impose dorénavant expressément dès lors qu’elle a depuis été consacrée par l’article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 qui prévoit que le décret ou l’ordonnance doit régler « la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle » de tels organismes ou entreprises. Il s’ensuit que dans ces matières, aucun pouvoir normatif ne peut donc être délégué au Gouvernement ou à l’organisme ainsi créé ; les règles de base relatives à la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle de cette personne doivent être fixées par le législateur et ces règles doivent garantir la nature publique de la personne morale ainsi créée. Il n’est fait exception à ce principe que pour les mesures de détail ou de simple exécution39. Pour le Conseil d’État, « cette disposition s’applique aussi bien lorsqu’un service décentralisé est institué par décret que lorsque le décret prévoit la création d’un tel service par une association de personnes en vue de créer une personne de droit public »40.

Le propos de cette contribution n’est pas de rendre compte du cadre législatif pluriel existant en la matière, ce qui a été fait en d’autres lieux et qui est hors champ constitutionnel41. Ce cadre normatif constitutionnel inexistant est toutefois comblé par le droit de l’Union européenne. Sur le plan organique, il faut tenir compte de trois éléments principaux.

2.2.1 L’article 345 tfue

L’article 345 tfue42 exprime le principe de neutralité des traités à l’égard du régime de propriété dans les États membres43. Ce principe entraîne deux conséquences.

Cette disposition n’a pas pour effet de faire échapper les régimes de propriété existants dans les États membres aux règles fondamentales du traité44. Ainsi, et conformément à l’article 106, paragraphe 1, tfue, les règles de concurrence du traité, qui sont des règles fondamentales, sont applicables indistinctement aux entreprises publiques et privées.

Inversement, l’application des règles de concurrence aux entreprises indépendamment du régime de propriété dont elles sont l’objet, et donc aux entreprises publiques, n’a pas pour effet de restreindre le domaine de protection de l’article 345 tfue. En d’autres termes, cette application n’empêche pas les États d’avoir un secteur public économique et ne conduit pas à ce que les États membres ne disposent pratiquement plus d’aucune latitude dans leur gestion des entreprises publiques, dans la conservation des participations qu’ils possèdent dans ces dernières, ou encore dans la prise en compte de considérations autres que des critères purement lucratifs. À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les traités ne s’opposent, en principe, ni à la nationalisation d’entreprises45 ni à leur privatisation46. Il s’ensuit que les États membres peuvent légitimement poursuivre l’objectif qui consiste à établir ou à maintenir un régime de la propriété publique pour certaines entreprises47.

2.2.2 L’article 106, § 2, tfue

Cette disposition prévoit une dérogation aux différentes règles de la concurrence en faveur des « services d’intérêt économique général ». Comme la Cour de justice l’a précisé, « cette disposition vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises en tant qu’instrument de politique économique ou sociale avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché commun »48.

Sur le plan organique49, nous nous contenterons de relever que la mission d’intérêt général doit résulter d’un acte exprès de la puissance publique. À défaut d’un tel acte ou à défaut de se prévaloir d’un tel acte, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant si lesdites activités peuvent constituer un service d’intérêt économique général50.

Sur le plan formel, cet acte peut être unilatéral (un acte législatif, réglementaire ou individuel sous la forme d’une autorisation ou d’un agrément) ou conventionnel (une concession de service public ou un contrat de gestion). Le droit de l’Union n’impose pas de recourir à une forme juridique particulière et renvoie au droit interne de chaque État membre quant à la nature de l’acte à intervenir. Comme nous l’avons vu ci-avant, il nous paraît que l’attribution d’une mission de service public à un organisme personnalisé requiert l’intervention du législateur en droit interne belge. À cet égard, il y a lieu de préciser qu’« il ne découle ni du libellé de l’article 86, § 2, ce (106, § 2, tfue) ni de la jurisprudence relative à cette disposition qu’une mission d’intérêt général ne peut être confiée à un opérateur qu’à l’issue d’une procédure d’appel d’offres »51. Pour le surplus, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’organisation de ce qu’ils considèrent comme des services d’intérêt économique général52. Cette notion peut donc recouvrir des réalités et des appellations très différentes selon les États ; elle est donc marquée par une grande diversité, comme le reconnaît d’ailleurs l’article 1er du protocole (n° 26) sur les services d’intérêt général, annexé au Traité de Lisbonne53.

2.2.3 L’octroi de droits spéciaux ou exclusifs

L’article 106, § 1er, tfue, qui traite des droits exclusifs ou spéciaux, n’interdit pas de tels droits. En vertu de cette disposition, les collectivités publiques ne peuvent toutefois, à cette occasion, édicter ou maintenir des mesures contraires aux règles européennes. En effet, « il résulte des termes clairs de l’article 86, § 1, ce (devenu 106, § 1, tfue) que celui-ci n’a pas de portée autonome, en ce sens qu’il doit être lu en combinaison avec les autres règles pertinentes du traité »54.

Sur le plan organique, l’attribution de tels droits doit en principe intervenir au terme d’une procédure et de conditions objectives et transparentes. En effet, de tels droits constituent des restrictions aux articles 49 (liberté d’établissement) et 56 (libre prestation des services) du tfue55. L’obligation de transparence apparaît ainsi comme une condition préalable obligatoire à l’octroi par un État membre à un opérateur du droit exclusif ou spécial d’exercer une activité économique, quel que soit le mode de sélection de cet opérateur (contractuel ou unilatéral).

Il faut toutefois relever trois exceptions :
  1. 1Ces obligations ne doivent pas être respectées lorsque l’activité concernée ne revêt pas un caractère économique puisque, dans ce cas, elle n’est pas soumise au droit de la concurrence56.
  2. 2Les restrictions apportées par les droits spéciaux ou exclusifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services peuvent néanmoins être admises, comme toute restriction aux libertés économiques, si elles sont justifiées soit par les objectifs expressément prévus par le traité (articles 51, 52 et 61 du tfue), soit par des raisons impérieuses d’intérêt général issues de la jurisprudence de la cjue. Pour rappel, l’admissibilité est conditionnée par le fait qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.
  3. 3Pour les octrois conventionnels, l’absence d’une procédure objective et transparente est justifiée lorsque les conditions de l’exception in house sont remplies. La Cour a en effet appliqué cette exception à l’octroi de concessions de service57.

Conclusion

Au terme de cette contribution, il faut bien constater que la place de l’économie dans la Constitution belge est inexistante tant sur le plan des normes matérielles (de comportement) que des normes institutionnelles (d’organisation).

Ce déficit constitutionnel matériel est comblé tantôt par le législateur spécial, qui insère la liberté économique dans les principes fédérateurs de l’union économique et monétaire belge, tantôt par la Cour constitutionnelle qui en fait un principe directeur de l’exercice des compétences par les différentes autorités belges, tantôt par le droit de l’Union européenne. Il en ressort que la liberté économique doit être respectée par les législateurs respectifs, sans pour autant être une liberté absolue ou illimitée. L’interventionnisme normatif des pouvoirs publics dans l’économie doit dès lors recevoir à tout le moins un fondement législatif, certes souvent formel, qui est d’interprétation restrictive et qui doit respecter le principe d’égalité et de non-discrimination. Si le capitalisme public n’est pas subordonné à la démonstration de la carence du secteur privé, il nécessite néanmoins une habilitation législative et peut s’accompagner de moyens d’actions spécifiques, voire de privilèges moyennant toutefois une justification adéquate et proportionnée.

Les normes constitutionnelles font aussi défaut sur le plan organique. Ainsi, la régulation économique s’est déplacée des administrations vers de nouveaux acteurs que sont les autorités indépendantes de régulation. Ces figures juridiques sont inconnues de la Constitution. Le fractionnement du pouvoir réglementaire résultant de l’attribution à ces organismes de pouvoirs de régulation n’apparaît pas compatible avec certaines dispositions constitutionnelles. Malgré l’intervention de la Cour constitutionnelle validant et ces organismes et leurs pouvoirs, il est plus que nécessaire de donner une assise constitutionnelle à ces nouveaux modes de réglementation et surtout aux limites qui les entourent. Par ailleurs, la Constitution belge ne consacre pas l’existence des services publics économiques mais ne les interdit pas pour autant. L’aspect structurel du capitalisme public trouve alors ses limites dans le droit de l’Union européenne, à savoir le principe de neutralité du droit européen (article 345 du tfue), le régime des droits spéciaux et exclusifs (article 106, § 1er, tfue) et les services économiques d’intérêt général (article 106, § 2, tfue).

1

C’est nous qui soulignons. Cette insertion fait suite à l’arrêt n° 47/88 du 25 février 1988 de la Cour d’arbitrage qui ne fait toutefois pas référence à cette liberté mais seulement au concept d’union économique et monétaire. Depuis la Sixième Réforme de l’État, le concept d’« Union économique et monétaire » est également repris à l’article 1ter de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. N.d.E. : voy. infra dans ce volume, D. Piron, « The Special Financing Law: Tax competition and fiscal consolidation at the heart of Belgium’s material economic Constitution ».

2

Majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique et total des deux tiers des suffrages exprimés pour les premières (art. 4, alinéa 3 de la Constitution) ; deux tiers des suffrages pour la seconde (art. 195, alinéa 5).

3

Article 142 de la Constitution et article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

4

Cour Const., arrêt du 19 juillet 2005, n°132/2005, B.4.2. ; Cour Const., arrêt du 8 juillet 2010, n° 83/2010, B.7. ; Cour Const., arrêt du 28 octobre 2010, n° 123/2010, B.5.2. ; Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016, B.6.2.

5

Cour Const., arrêt du 26 mai 1999, n° 53/99, B.6.3.; Cour Const. arrêt du 25 novembre 1999, n° 124/99, B.5.3.; Cour Const., arrêt du 30 juin 2004, n° 119/2004, B.2.2. (qui vise aussi les commissions communautaires) ; Cour Const., arrêt du 19 avril 2006, n° 51/2006, B.10.2.

6

Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016 (à propos de la législation fédérale sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics) ; arrêt du 9 juin 2016, no 89/2016 (législation fédérale sur les assurances).

7

Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016, B.6.8.

8

Cass., 16 juin 1998, Pas., I, p. 314 : « La liberté du commerce et de l’industrie n’empêche pas le législateur de réglementer cette liberté et, le cas échéant, de la limiter, notamment en vue d’éviter la nuisance excessive pour l’environnement qui peut résulter de l’exploitation d’un établissement dangereux, incommode ou insalubre ».

9

C.E., 28 octobre 1998, a.s.b.l. “Fédération nationale des scieries” et consorts, n° 76.717. Le Conseil d’État opère donc un tel contrôle en matière réglementaire (voy. p. ex. c.e., 26 janvier 2010, s.a. Shanks, n° 200.077 à propos d’une taxe provinciale sur les centres d’enfouissement technique).

10

Cour Const., arrêt du 11 février 1993, n° 10/93, B.8.3.

11

N.d.E. : notons que les thèses qualifiées de corporatistes ont eu une certaine influence, quoique désormais extrêmement marginale, sur les constitutions économiques de certains États européens (voy. supra dans ce volume, H. Rabault, « Le Concept de Constitution économique : émergence et fonctions »).

12

Voy. P. Nihoul, Éléments de droit public de l’économie, Bruxelles, Larcier, 2017, pp. 26–27.

13

Cour Const., arrêt du 21 mai 2015, n° 66/2015. Cet arrêt a été confirmé par les arrêts suivants : Cour Const., arrêt du 11 juin 2015, n° 86/2015, B.3.7.1. à B.3.7.3. ; Cour Const., arrêt du 24 septembre 2015, n° 125/2015, B.10.2 ; Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016, B.6.3. ; Cour Const., arrêt du 28 avril 2016, n° 56/2016, B.17.2. ; Cour Const., arrêt du 9 juin 2016, n° 89/2016, B.3.2.2 ; Cour Const., arrêt du 1er mars 2018, n°26/2018, B.32.2 ; Cour Const., arrêt du 6 juin 2019, n° 94/2019, B.10.2 ; Cour Const., arrêt du 17 octobre 2019, n° 141/2019, B.9 ; Cour Const., arrêt du 9 décembre 2021, n° 177/2021, B.42.2.

14

Cour Const., arrêt du 21 juin 2006, n° 103/2006, B.3.3. et 3.6 (contingentement des kinés et critères de sélection).

15

Cour Const., arrêt du 10 juillet 2008, n° 101/2008 (normes en matière de logement) ; Cour Const., arrêt du 18 décembre 2008, n° 182/2008, B.6.3. (répétibilité des honoraires) ; Cour Const., arrêt du 22 décembre 2010, n° 151/2010, B.4. (normes de bruit) ; Cour Const., arrêt du 31 juillet 2013, n° 110/2013, B.4 (définition des noyaux d’habitat dans le code du logement) ; Cour Const., arrêt du 5 mars 2015, n° 24/2015, B.40 (logement) ; Cour Const., arrêt du 30 avril 2015, n° 47/2015, B.7 (logement) ; Cour Const., arrêt du 6 octobre 2016, n° 125/2016, B.63.1 (environnement) ; Cour Const., arrêt du 27 juin 2019, n° 105/2019, B.6 (prestations familiales) ; Cour Const., arrêt du 24 octobre 2019, n° 148/2019, B. 31 (pension).

16

Cour Const., arrêt du 13 octobre 2016, n° 130/2016.

17

Sur ce point, voy. P. Nihoul, Éléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 17–23.

18

Cour Const., arrêt du 30 avril 2015, n° 50/2015. Cet arrêt a été confirmé par l’arrêt du 21 décembre 2017, n° 150/2017, B.11.2. à 11.4., l’arrêt du 5 juillet 2018, n° 90/2018, B.7.3., l’arrêt du 21 janvier 2021, n° 10/2021, B.36.1. à 36.4., l’arrêt du 30 septembre 2021, n° 119/2021, B.11.2. et l’arrêt du 9 décembre 2021, n° 177/2021, B.42.4.

19

N.d.E. : contrairement à ce que le Conseil constitutionnel de France a décidé, voy. infra dans ce volume, F. Colly, « La Constitution économique de la France et la jurisprudence économique du Conseil constitutionnel ».

20

Voy. cjce, 14 décembre 1962, Commission c/ Luxembourg et Belgique, aff. jtes 2 et 3/62 (ecli:eu:c:1962:45), Rec. p. 813, spéc. p. 828 ; 9 décembre 1997, Commission c/ France, aff. 265/95 (ecli:eu:c:1997:595), Rec. p. I-6959, spéc. pts. 24 et 27. N.d.E. : sur ces libertés, voy. supra dans ce volume, P. Van Cleynenbreugel & X. Miny, « The Fundamental Economic Freedoms: Constitutionalizing the Internal Market ».

21

Cour Const., arrêt du 22 décembre 2010, n° 149/2010, B.11. Voy. aussi Cour Const., arrêt du 9 décembre 2021, n° 177/2021, B.42.6.

22

Cour Const., arrêt du 18 octobre 2012, n° 119/2012, B.5.2. (avec questions préjudicielles à la cjue – arrêt 8 mai 2014, Pelckmans, C-483/12 (ecli:eu:c:2014:304)). Pour un lien indirect avec la directive « services », voy. Cour Const., arrêt du 23 janvier 2014, n° 6/2014, B.34.

23

Cour Const., arrêts n° 66/2015 et 86/2015 précités.

24

Cour Const., arrêt du 28 mai 2009, n° 87/2009, B.6.1.

25

Voy. ainsi Cour Const., arrêt du 14 janvier 2016, n° 1/2016, B.23 à B.27 (à propos des restrictions en matière de publicité et d’information professionnelle pour la médecine esthétique) ; Cour Const., arrêt du 14 janvier 2021, n° 3/2021 (à propos de l’exclusion de la faculté d’infliger une amende administrative aux autorités publiques et à leurs préposés ou mandataires en matière de protection des données).

26

Voy. la jurisprudence vaste et constante de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’État, et de la Cour de cassation, et les références doctrinales citées dans P. Nihoul, Éléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 32–33.

27

La notion d’activité économique reçoit ici la signification que lui donne la Cour de justice de l’Union européenne, soit « toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné », ce qui exclut les activités de puissance publique, l’éducation et la sécurité sociale.

28

Recueil Lebon, p. 583.

29

Voy. Ph. Quertainmont, Droit public économique, Waterloo, Kluwer, 2007, pp. 38–40 ; J. Ph. Colson, Droit public économique, Paris, lgdj, 1999, pp. 48–59.

30

M.A. Flamme, « Le régime des activités commerciales et industrielles des pouvoirs publics en Belgique », Revue de l’Institut de Sociologie, ulb, 1966, p. 248 ; A. Manitakis, La liberté de commerce et de l’industrie en droit belge et français, Bruxelles, Bruylant, 1979, p. 59 ; P. Delahaut, « La création et le financement des entreprises par les pouvoirs publics », in Les nouveaux modes d’intervention des pouvoirs publics dans l’entreprise, Bruxelles, Bruylant, 1988, pp. 19–20 ; Ph. Quertainmont, Droit public économique, op. cit., pp. 38–40. Contra: J. Lebrun, « Les formes juridiques de l’initiative économique publique en Belgique aux xix et xxe siècles », in Le rôle des capitaux publics dans le financement de l’industrie en Europe occidentale aux xix et xxe siècles, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 25.

31

Voy. notamment D. Deom, « Les instruments du droit administratif à l’épreuve des « partenariats public-privé » (PPP) », in Les partenariats public-privé (p.p.p.) : Un défi pour le droit des services publics, Bruxelles, La Charte, 2005 ; D. D’Hooghe et F. Vandendriessche, Publiek-Private samenwerking, Bruges, Die Keure, 2003, pp. 191 et s.

32

Avis 49.775/4 du 11 juillet 2011 sur un avant-projet d’ordonnance « relative au partenariat public-privé en Région de Bruxelles-Capitale », cité dans « Le Conseil d’État – Chronique de jurisprudence 2011 », Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2013, n°1, p. 178.

33

Article 37 de la Constitution pour l’autorité fédérale ; article 20 de la loi spéciale du 8 août 1980 pour les autorités fédérées ; décrets et ordonnances communaux et provinciaux pour les autorités locales.

34

P. Goffaux, Dictionnaire élémentaire de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2006, voy. autorité administrative indépendante ; Ph. Quertainmont, « La régulation économique sectorielle en Belgique et le rôle du juge administratif », Administration Publique., 2014, n°4, pp. 537–575 ; P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 47–48.

35

P. Nihoul, « Le droit dérivé de l’Union européenne, justification d’une législation prétendument inconstitutionnelle ? », in P. D’Argent, D. Renders et M. Verdussen (dir.), Les visages de l’État – Liber amicorum Yves Lejeune, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 609–622.

36

P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 53–64.

37

C. Jenart et P. Nihoul, « Une nouvelle disposition constitutionnelle sur la décentralisation fonctionnelle du pouvoir normatif ? », Chroniques de Droit Public – Publiekrechtelijke Kronieken, 2019, n°2, pp. 324–330.

38

Traditionnellement, on parle de service public lorsque les pouvoirs publics créent une personne morale et d’entreprise publique lorsqu’ils prennent une participation dans une entreprise existante.

39

Voy. les « Chroniques de jurisprudence du Conseil d’Etat » de P. Nihoul et R. Andersen, Revue Belge de Droit Constitutionnel, 1995, pp. 217–218; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 1997, pp. 188–190; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 1998, pp. 289–290 et 295–296; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2000, n°1, pp. 107–108; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2002, n°1, pp. 75–77; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2005, n°1, pp. 108–109; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2006, n°4, pp. 449–450; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2007, n°3, pp. 315–316; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2008, n°3, pp. 276–277. Voy. aussi l’avis 56.754/2 du 3 novembre 2014 sur un avant-projet devenu le décret-programme du 17 décembre 2014, Doc. parl, Parl. Comm. fr., 2014–2015, n° 47/001, pp. 61 et s.

40

Avis 60.125/2 du 26 septembre 2016 sur un avant-projet de décret de la Communauté française « autorisant le Gouvernement de la Communauté française à s’associer à des tierces parties au sein d’une personne morale de droit public et en fixant la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle », Doc. Parl., Parl. Comm. Fr., 2016–2017, n° 351/1, p. 15.

41

J. Lebrun, Dictionnaire des services publics, relevant de l’Etat ; règles d’organisation et de fonctionnement, Bruxelles, Oyez, 1978 ; P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 87–96.

42

« Le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres ».

43

cjue, 22 octobre 2013, Staat der Nederlanden contre Essent NV et cts, C-105/12 à C-107/12 (ecli:eu:c:2013:677), point 29.

44

En ce sens, cjce, 6 novembre 1984, Fearon, 182/83, (ecli:eu:c:1984:335), point 7; cjce, 1er juin 1999, Konle, C‑302/97 (ecli:eu:c:1999:271), point 38; cjce, 23 septembre 2003, Ospelt et Schlössle Weissenberg, C‑452/01 (ecli:eu:c:2003:493), point 24; cjue, 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C‑171/08 (ecli:eu:c:2010:412), point 64; cjue, 21 décembre 2011, Commission/Pologne, C‑271/09 (ecli:eu:c:2011:855), point 44 ; cjue, 8 novembre 2012, Commission/Grèce, C-244/11 (ecli:eu:c:2012:694), point 16.

45

Voy., en ce sens, cjue, 15 juillet 1964, Costa/Enel, 6/64 (eu:c:1964:66).

46

Voy., en ce sens, cjue, 8 novembre 2012, Commission/Grèce, précité, point 17.

47

cjue, Staat der Nederlanden contre Essent NV et cts, précité, points 30 et 31.

48

cjce, 21 septembre 1999, Albany, C‑67/96 (ecli:eu:c:1999:430), pt 103 et jurisprudence citée; cjue, 20 avril 2010, Federutility e.a., C-265/08 (ecli:eu:c:2010:205), pt 28 ; cjue, 21 décembre 2011, Enel Produzione SpA, C-242/10 (ecli:eu:c:2011:861), pt 41 ; cjue, 7 septembre 2016, anode, C-121/15 (ecli:eu:c:2016:637), pt 43.

49

Pour les autres composantes de la définition, nous renvoyons à P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 277–284 ; P-O. De Broux et P. Lagasse, « Créer et organiser des services publics économiques : actualité des balises nationales et européennes », in P-O. De Broux et P. Nihoul (dir.), Actualités en droit public économique, Anthemis, 2017, pp. 63–98.

50

cjce, 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, 127/73 (ecli:eu:c:1974:25), pt 20 ; cjce, 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86 (ecli:eu:c:1989:140), pt 55; cjce, 1er juillet 2008, motoe, C-49/07 (ecli:eu:c:2008:376), pt 45.

51

tpice, 10 mai 2000, sic c. Commission, T-46/97 (ecli:eu:t:2000:123), point 61 ; tpice, 15 juin 2005, Olsen c. Com., T-17/02 (ecli:eu:t:2005:218), pt 239 ; Trib. UE, 24 septembre 2015, Viasat Broadcasting UK Ltd, T-125/12 (ecli:eu:t:2015:687), point 99.

52

« Les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs services d’intérêt économique général. Ils peuvent en particulier tenir compte d’objectifs propres à leur politique nationale » (arrêts précités Albany, pt 104; Federutility e.a., pt 29; Enel Produzione SpA, pt 50 ; anode, pt 44).

« Les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs services d’intérêt économique général. Ils ont un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme des services d’intérêt économique général et la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste. Cette prérogative de l’État membre concernant la définition des services d’intérêt économique général est confirmée par l’absence tant de compétence spécialement attribuée à l’Union que de définition précise et complète de la notion de tels services en droit de l’Union » (Trib. UE, 19 avril 2016, Costantini e.a., T-44/14 (ecli:eu:t:2016:223), point 24).

53

« Les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne comprennent notamment:

  1. […] ;
  2. la diversité des services d’intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes […] ».

Si l’impact d’un protocole peut sembler moindre que celui d’une insertion dans le Traité, juridiquement il ne l’est pas. En droit européen, un protocole a en effet pleine valeur juridique.

54

Voy. notamment cjce, 19 avril 2007, Asemfo, C-295/05 (ecli:eu:c:2007:227), pt 40; cjce, 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium SA, C-250/06 (ecli:eu:c:2007:783), pt 15.

55

« Il résulte de l’article 86, § 1, ce (devenu 106, § 1, tfue) que les États membres ne doivent pas maintenir en vigueur une législation nationale qui permet l’attribution de concessions de services publics sans mise en concurrence dès lors qu’une telle attribution viole les articles 43 ce ou 49 ce (devenus 49 ou 56 tfue) ou encore les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence » (cjce, 13 octobre 2005, Parking Brixen, C-458/03 (ecli:eu:c:2005:605), pt 52; cjce, 6 avril 2006, anav, C-410/04 (ecli:eu:c:2006:237), pt 23; cjce, 18 décembre 2007, Empresas, C-220/06 (ecli:eu:c:2007:815), pt 77; cjce, 17 juillet 2008, ASM Brescia SpA, C-347/06 (ecli:eu:c:2008:416), pt 61).

56

Voy. par exemple cjue, 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, C-437/09 (ecli:eu:c:2011:112), qui concerne la conclusion d’une assurance complémentaire maladie-invalidité par une convention collective de travail.

57

cjce, Parking Brixen et ANAV, précités. cjce, 13 novembre 2008, Coditel Brabant SA, C-324/07 (ecli:eu:c:2008:621) ; cjce, 10 septembre 2009, Sea srl, C-573-07 (ecli:eu:c:2009:532); cjce, 15 octobre 2009, Acoset SpA, C-196/08 (ecli:eu:c:2009:628) ; cjue, 29 novembre 2012, Econord SpA, C-182/11 et C-183/11 (ecli:eu:c:2012:758) ; cjue, 19 décembre 2012, Azienda Sanitaria Locale di Lecce, C-159/11 (ecli:eu:c:2012:817).

Bibliographie selective

  • De Broux ,P-O., et Lagasse, P., « Créer et organiser des services publics économiques : actualité des balises nationales et européennes », in P-O. De Broux et P. Nihoul (dir.), Actualités en droit public économique, Anthemis, 2017, pp. 6398.

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  • Jenart ,C., et Nihoul, P., « Une nouvelle disposition constitutionnelle sur la décentralisation fonctionnelle du pouvoir normatif ? », Chroniques de Droit Public – Publiekrechtelijke Kronieken, 2019, n°2, pp. 324–330.

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  • Nihoul, P., « Le droit dérivé de l’Union européenne, justification d’une législation prétendument inconstitutionnelle ? », in P. D’Argent, D. Renders et M. Verdussen (dir.), Les visages de l’État – Liber amicorum Yves Lejeune, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 609622.

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  • Quertainmont, Ph., « La régulation économique sectorielle en Belgique et le rôle du juge administratif », Administration Publique, 2014, n°4, pp. 537575.

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