Introduction
Le constitutionnaliste averti décrit généralement la constitution de son pays comme étant la charte fondamentale qui régit les relations entre les pouvoirs et entre les citoyens et les pouvoirs. Il a donc coutume de parler de libertés publiques, de droits fondamentaux, des trois pouvoirs et des structures de l’État. Il se sent moins à l’aise quand il s’agit de discourir sur l’économie. C’est sans doute là un héritage des constitutions libérales du xixe siècle. L’économie était un corps étranger à l’État et vice-versa.
Deux domaines d’investigation nous semblent propices à rendre compte de la place ou de l’absence de l’économie dans l’ordre constitutionnel belge. D’une part, existe-t-il des normes constitutionnelles qui régissent le comportement des acteurs économiques ? La première partie de la contribution est consacrée à ces normes dites « matérielles ». D’autre part, la Constitution contient-elle des normes relatives à la structure et à l’organisation des opérateurs économiques, principalement publics ? Ces normes dites « institutionnelles » sont abordées dans la seconde partie de cette contribution.
1 Les normes constitutionnelles matérielles
1.1 Déficit normatif
La Constitution belge ne contient pas de disposition normative édictant soit des principes généraux soit des règles précises concernant l’activité économique, qu’elle soit privée ou publique. La liberté d’entreprendre est-elle le principe et les normes de police qui l’encadrent l’exception ou, au contraire, l’encadrement et la planification de l’économie sont-ils la norme et la liberté économique l’exception ? Les agents économiques privés ont-ils la primauté de l’activité économique, les pouvoirs publics ne pouvant intervenir qu’à titre supplétif ou, au contraire, le capitalisme public est-il la norme et l’activité privée l’exception ? Autant de questions qui ne trouvent pas de réponse directe dans la Constitution.
- 1
la construction du fédéralisme belge qui a nécessité l’édiction de principes communs et fédérateurs, lors du transfert en 1988 de domaines importants, dont la politique économique, aux collectivités fédérées ; - 2l’émergence constitutionnelle en 1994 des droits économiques et sociaux dans l’article 23 de la Constitution ;
- 3le cadre normatif européen relatif aux libertés économiques et au droit de la concurrence, lequel a été transcrit dans les livres iii et iv du Code de droit économique ;
- 4le rôle joué par la Cour constitutionnelle à l’égard de ces trois premiers facteurs.
Nous les examinons successivement ci-après, en soulignant à travers les trois premiers facteurs le rôle de la Cour constitutionnelle.
1.1.1 Le fédéralisme
La loi spéciale du 8 août 1988 de réformes institutionnelles prévoit le transfert aux régions d’un bloc de compétences intitulé « l’économie ». Ce transfert, inséré dans l’article 6, § 1er, vi de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, concerne des domaines importants de la vie économique, dont le 1° n’est pas le moindre puisqu’il s’intitule « la politique économique » ! Ce transfert important de compétences s’accompagne de deux réserves fondamentales. La première réserve encadre la régionalisation de l’économie par des principes d’organisation de la vie économique belge, tels que l’union économique et l’unité monétaire, la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et la liberté d’entreprendre (article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980). La seconde réserve contient expressément douze domaines qui demeurent de la compétence de l’autorité fédérale, du moins pour ce qui est de la fixation des règles générales (article 6, § 1er, vi, alinéa 4 de la loi spéciale du 8 août 1980). Le propos de cette contribution n’étant pas axé sur la répartition des compétences, nous nous attarderons uniquement sur la première réserve.
En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d’industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de
l’unité monétaire, tel qu’il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux.1
La liberté d’entreprendre est ainsi érigée pour la première fois expressément comme paradigme normatif et fédérateur de l’activité économique. De manière biaisée toutefois. En effet, il ne s’agit pas d’une norme constitutionnelle comme telle. Nos lois spéciales, même si elles sont hiérarchiquement inférieures à la Constitution, doivent toutefois être considérées comme des normes quasi-constitutionnelles, appartenant au bloc de constitutionnalité sensu lato. En raison, tout d’abord de la majorité qui est requise pour les adopter, majorité plus stricte que celle relative à une révision constitutionnelle2. Mais aussi eu égard au fait qu’elles constituent, tout comme la Constitution, des normes de référence pour le contrôle de la Cour constitutionnelle3. Par ailleurs, la liberté d’entreprendre apparaît comme une règle de répartition de compétences dans une matière régionale bien précise.
Bien que l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 s’inscrive dans l’attribution de compétences aux régions en ce qui concerne l’économie, cette disposition traduit la volonté du législateur spécial de
maintenir une réglementation de base uniforme de l’organisation de l’économie dans un marché intégré.4
L’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 implique que les régions et, par extension, eu égard à l’objectif général de la disposition, les communautés exercent leurs compétences « dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d’industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire, tel qu’il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux.5
La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, en tant que règle répartitrice de compétence.7
En conclusion, le principe de la liberté de commerce et d’industrie est donc devenu une norme de référence dans l’ensemble du contentieux relatif aux règles de répartition des compétences, qu’elles soient fédérales, régionales ou communautaires. Elle s’est aussi transformée, sous l’influence de la Cour, en une norme d’exercice des compétences.
il suit de ces principes [décret d’Allarde et article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale] que chaque composante de l’État, y compris les provinces, est tenue, même en matière fiscale, de s’abstenir de prendre séparément des mesures qui constitueraient des entraves à la libre circulation de certains biens, fausseraient le jeu de la concurrence et, par là même, feraient obstacle au libre exercice du commerce et de l’industrie.9
1.1.2 L’article 23 de la Constitution
1° le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle dans le cadre d’une politique générale de l’emploi, visant entre autres à assurer un niveau d’emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d’information, de consultation et de négociation collective.
Cette disposition consacre bien le libre choix de l’exercice d’une activité professionnelle soit, pour reprendre l’expression de la Cour constitutionnelle, « la liberté d’action des personnes et des entreprises que ce soit dans le secteur économique ou dans d’autres secteurs »10. Par ce biais, la Constitution réaffirme
- B.11.1.Cette disposition inclut le droit au libre choix d’une activité professionnelle parmi les droits économiques, sociaux et culturels.
- B.11.2.Il ressort des travaux préparatoires de l’article 23 de la Constitution que le Constituant n’a pas entendu consacrer la liberté de commerce et d’industrie ou la liberté d’entreprendre dans les notions de « droit au travail » et de « libre choix d’une activité professionnelle » (Doc. parl., Sénat, se 1991–1992, n° 100-2/3°, p. 15; n° 100-2/4°, pp. 93 à 99; n° 100-2/9°, pp. 3 à 10). Une telle approche découle également du dépôt de différentes propositions de « révision de l’article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d’industrie » (Doc. parl., Sénat, 2006–2007, n° 3-1930/1; Sénat, se 2010, n° 5-19/1; Chambre, 2014–2015, doc 54-0581/001).
- B.11.3.Le moyen, en ce qu’il est pris de la violation de l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, n’est pas fondé.
La Cour n’admet donc pas l’inclusion de la liberté d’entreprendre dans l’article 23 de la Constitution. Cette absence du prescrit constitutionnel entraîne une double conséquence quant au contrôle juridictionnel de la compatibilité des
En deuxième lieu, sous l’angle de la clause de standstill ou de l’effet cliquet, l’article 23 de la Constitution est interprété comme interdisant au législateur compétent de réduire significativement les garanties existantes dans la législation antérieure sauf si un motif d’intérêt général le justifie. Il s’ensuit que le législateur qui revient sensiblement sur le niveau existant de protection doit s’en justifier sous le contrôle de la Cour constitutionnelle. Une telle obligation s’applique aux droits énumérés à l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, la Cour l’ayant reconnu à l’égard du droit de négociation collective16. Un tel effet ne saurait toutefois s’appliquer à l’égard de la liberté d’entreprendre dès lors que la Cour n’inclut pas cette liberté dans cette disposition constitutionnelle.
- B.8.1.L’article ii.3 du Code de droit économique dispose : « Chacun est libre d’exercer l’activité économique de son choix ».
- B.8.2.La Cour n’est pas compétente pour contrôler des dispositions législatives au regard d’autres dispositions législatives qui ne sont pas des règles répartitrices de compétence.
- B.8.3. La loi du 28 février 2013, qui a introduit l’article ii.3, précité, du Code de droit économique, a abrogé le décret dit d’Allarde des 2–17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d’industrie, a servi régulièrement de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.
- B.8.4.La liberté d’entreprendre, visée par l’article ii.3 du Code de droit économique, doit s’exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article ii.4 du même Code).
- La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l’Union européenne applicables, ainsi qu’avec l’article 6, § 1er, vi, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, s’agissant d’une règle répartitrice de compétence. Enfin, la liberté d’entreprendre est également
garantie par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. - B.8.5. Par conséquent, la Cour est compétente pour contrôler les dispositions attaquées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté d’entreprendre.18
Il s’ensuit que si la valeur juridique de la liberté d’entreprendre est d’un rang inférieur à celui de la Constitution19, sa protection juridictionnelle ne l’est pas dès lors qu’elle est justiciable de la Cour constitutionnelle. Le débat sur la constitutionnalisation de la liberté de commerce et d’industrie est donc sans doute devenu fort théorique, du moins sous l’angle du contentieux constitutionnel.
1.1.3 Le cadre normatif européen
On le sait, les traités fondateurs de l’Union européenne consacrent quatre libertés économiques qui constituent, selon la Cour de justice de l’Union européenne, des « principes fondamentaux du Traité »20. L’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, entrée en vigueur le 1er décembre 2009, dispose que « la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ».
Ce cadre normatif vient suppléer le déficit normatif belge en la matière de deux manières. D’abord, via l’article 34 de la Constitution qui dispose que « [l]’exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public ». Schématiquement, cet article 34 rend constitutionnelle l’attribution de l’exercice de pouvoirs déterminés à une institution de droit international public, et particulièrement aux institutions de l’Union européenne. Ainsi, la norme de droit de l’Union qui est prise en vertu et dans le cadre des traités constitutifs de l’Union prime,
[u]ne disposition législative qui est contraire à la libre circulation des biens et des services est, ipso facto, contraire à la liberté de commerce et d’industrie, ainsi qu’au principe d’égalité et de non-discrimination. En effet, une telle mesure lèse les producteurs ou prestataires de services d’autres États membres en ce qui concerne l’accès au marché belge.21
La liberté de commerce et d’industrie est étroitement liée à la liberté professionnelle, au droit de travailler et à la liberté d’entreprise, qui sont garantis par les articles 15 et 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et à plusieurs libertés fondamentales consacrées par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [...], comme la libre circulation des biens, la libre prestation des services et la liberté d’établissement. Le principe d’égalité et de non-discrimination constitue également un principe fondamental de l’Union européenne.22
Ce lien a encore été confirmé par les arrêts précités de 201523 par lesquels la Cour a expressément exclu la liberté de commerce et d’industrie de l’article 23 de la Constitution, d’une part, en indiquant que la liberté d’entreprendre doit être lue en combinaison avec les dispositions européennes applicables, dont les libertés économiques, et, d’autre part, en rejetant un moyen pris de la
1.2 Quelles sont les conséquences ?
L’absence de constitutionnalisation de la liberté d’entreprendre, compensée par son intégration dans le contrôle de constitutionnalité opéré par la Cour constitutionnelle, entraîne certaines conséquences rapidement abordées en ce qui concerne les interventions de l’État, qu’elles soient normatives ou actives.
1.2.1 Sur l’interventionnisme normatif
Revêtue initialement de la force d’une norme législative ordinaire par le biais d’un décret révolutionnaire, remplacé depuis par une disposition législative ordinaire (l’art. ii.3 du Code de droit économique), la liberté d’entreprendre est intégrée en 1988, par une loi spéciale, dans les règles de répartition des compétences et devient, par l’effet de la jurisprudence constitutionnelle, l’un des éléments-cadre de l’exercice des compétences, non seulement pour les matières régionales, mais aussi pour les matières fédérales, communautaires et locales. Elle est aussi une norme de référence dans le cadre du contrôle de constitutionnalité par le prisme des articles 10 et 11 de la Constitution avec lesquels elle peut être combinée.
La liberté de commerce et d’industrie ou liberté économique doit donc être respectée par les législateurs respectifs, qu’ils règlent eux-mêmes la matière ou qu’ils en délèguent des éléments au pouvoir exécutif, cette liberté n’étant pas du domaine réservé au législateur. Elle n’est pas pour autant conçue comme une liberté absolue ou illimitée. Elle ne fait ainsi pas obstacle à ce que
Les mesures d’encadrement du marché et les restrictions à la liberté d’entreprendre doivent en synthèse respecter les limites suivantes : primo, elles ne sont admissibles que pour autant qu’elles soient prévues par le législateur dans ses éléments essentiels sans pour autant être une matière réservée au législateur ; secundo, en tant que mesures dérogatoires, elles sont d’interprétation restrictive, notamment quant à la compétence de l’auteur de l’acte ; tertio, les normes de police économique doivent respecter le principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination : à ce titre, ces limitations doivent reposer sur un critère objectif, poursuivre un but légitime, être pertinentes au regard de l’objectif poursuivi et ne pas produire des effets disproportionnés.
1.2.2 Sur le capitalisme public
La Constitution belge ne réserve pas d’activités économiques ou des secteurs d’activité économique27 aux pouvoirs publics ou au secteur privé. Elle n’indique pas non plus la primauté ou la subsidiarité de l’un ou de l’autre et ne contient pas non plus d’identification d’une économie nationale mixte, planifiée ou libre comme dans d’autres constitutions. Dans un régime de libertés, l’absence de prescrit constitutionnel exprès n’empêche donc pas les initiatives privées ou publiques.
Il existe néanmoins, comme nous l’avons vu ci-avant, dans l’ordre normatif belge, le principe de la liberté économique. Quel est son impact sur le capitalisme public ou l’initiative publique économique ?
1.2.2.1 Subsidiarité ?
En Belgique, cette liberté de principe n’emporte pas que le principe de subsidiarité soit érigé comme condition de l’intervention des investisseurs publics,
1.2.2.2 Principe de légalité ?
L’intervention directe des investisseurs publics dans l’activité économique empiète nécessairement sur l’activité économique privée, même si le degré d’intensité varie selon les circonstances. Nous considérons dès lors que l’action économique publique suppose une habilitation législative, particulière ou générale, à tout le moins lorsque cette intervention est dotée de privilèges ou de pouvoirs spécifiques. Les juridictions vérifient d’ailleurs si l’auteur de l’intervention économique, qu’elle soit exclusive, privilégiée ou concurrentielle, tient effectivement du législateur sa compétence et si l’activité rentre dans le champ d’application de la loi, du décret ou de l’ordonnance ou est nécessaire à son application. La validité de telles interventions est admise pourvu qu’elles soient prévues ou autorisées par le législateur, fût-ce en termes laconiques. À cette occasion, le législateur peut évidemment modaliser l’intervention des pouvoirs publics dans l’activité économique. Une partie de la doctrine considère que « la participation à la constitution de sociétés ou associations de pur
1.2.2.3 Principe de proportionnalité ?
Nous soutenons également que les principes de nécessité et de proportionnalité, applicables à toute intervention législative en vertu du principe d’égalité et de non-discrimination, ont pour effet d’empêcher les pouvoirs publics de prendre en charge une activité économique en l’assortissant de moyens d’action qui sont de nature à entraver sans nécessité ou de manière exagérée l’exercice normal d’une activité industrielle, commerciale ou financière ou, en d’autres termes, qui sont susceptibles de fausser indument ou de manière disproportionnée le jeu normal de la concurrence sur un marché. Ainsi comprise, la liberté d’entreprendre ne fait pas obstacle à la création ou au financement par les pouvoirs publics de services ou d’entreprises à caractère économique, même si ceux-ci sont directement concurrentiels au secteur privé ; elle implique toutefois que les pouvoirs publics s’abstiennent de revêtir une telle activité économique de privilèges exorbitants de droit commun sans justification adéquate et proportionnée.
2 Les normes constitutionnelles institutionnelles
La Constitution contient-elle des normes relatives à l’organisation, à la structure et au fonctionnement des acteurs publics qui interviennent dans l’activité économique ? Deux questions plus particulières nous paraissent devoir être abordées. La régulation économique figure-t-elle dans la Constitution ? Les opérateurs publics économiques y ont-ils leur place ?
2.1 La régulation économique
La régulation économique prend généralement la forme de normes de police administrative. La police de l’économie étant une police administrative spéciale, elle ne peut s’autoriser du pouvoir général de police dont disposent les différentes autorités exécutives du pays33. Ces normes de police économique nécessitent ainsi une habilitation législative spécifique à chaque domaine d’intervention. La matière n’étant pas réservée au législateur, l’habilitation législative est souvent formelle et manque de contenu de sorte que l’essentiel des normes de police économique est le fait du pouvoir exécutif agissant par l’intermédiaire de ses départements ministériels.
De nouveaux acteurs publics ont vu le jour et se sont vus investis de différentes compétences dans le domaine de la police économique : avis, conseil, médiation, contrôle, décisions individuelles, voire pouvoir réglementaire. En bref, des pouvoirs de police et de régulation. Ces administrations sont généralement regroupées sous le vocable générique d’autorités administratives indépendantes. Cette nouvelle forme d’organisation étatique s’est en Belgique élaborée et installée empiriquement, sans aucun cadre préétabli, au coup par coup. Là où la Constitution parle de structures et de pouvoirs, elle traite seulement de l’administration centrale et de la décentralisation territoriale (art. 107 et 162 à 166). Rien n’est dit à propos de la décentralisation fonctionnelle ni a fortiori sur ces nouveaux intervenants. Il s’ensuit qu’il n’existe pas en Belgique de définition normative de ces autorités ni de cadre normatif régissant la création, la structure, les missions et le fonctionnement de ces organismes.
La doctrine et la jurisprudence ont tenté de combler cette lacune en identifiant plusieurs traits caractéristiques : la personnalité juridique, le rôle d’expertise, les missions d’observation, de surveillance et de régulation, l’existence d’un certain nombre de prérogatives… L’élément identificateur, qui les distingue assurément de la décentralisation fonctionnelle classique, est l’absence de contrôle hiérarchique et de tutelle qui leur assure, comme le vocable générique les désignant l’indique, leur autonomie, leur indépendance34.
Les pouvoirs publics ont créé de tels opérateurs en l’absence d’habilitation constitutionnelle expresse. En soi, ce silence constitutionnel n’empêche pas les pouvoirs publics de créer de tels organismes souvent personnalisés au nom de leur pouvoir résiduel. Il suscite néanmoins deux questions fondamentales.
La première question a trait à l’identification du pouvoir créateur de ces organismes. Elle peut être résolue rapidement sur le vu de nos principes constitutionnels. En effet, le pouvoir réglementaire autonome du Roi dont Il dispose en vertu de l’article 107 de la Constitution ne Lui permet pas d’instituer motu proprio des administrations ou organismes personnalisés et investis de missions de police, de sorte que leur création requiert l’intervention du législateur. Celle-ci est en outre renforcée pour ce qui concerne les entités fédérées par l’article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 qui réserve au pouvoir législatif régional et communautaire la compétence de fixer les éléments essentiels de l’organisation et du fonctionnement de tels organismes.
La seconde question, plus polémique, a trait à la nature des prérogatives qui peuvent être accordées à ces organismes. Plus particulièrement, ceux-ci peuvent-ils être investis du pouvoir réglementaire en vue de réguler, en tout ou en partie, le(s) secteur(s) économique(s) considéré(s) ? On le sait, plusieurs objections fondamentales s’opposent à l’attribution de compétences réglementaires à ces organismes ou à ces autorités, tout à fait ignorés de la Constitution et des lois spéciales de réformes institutionnelles : l’attribution des pouvoirs à des autorités constitutionnellement identifiées ; l’unicité du pouvoir réglementaire ; la subordination du pouvoir réglementaire à un contrôle parlementaire et à un contrôle juridictionnel ; et certaines garanties essentielles, comme la publication des règlements et le contrôle préventif exercé
Nous avons déjà rendu compte des difficultés créées par cette jurisprudence de la Cour constitutionnelle – notamment le fait que la Cour utilise le droit de l’Union pour légitimer la création de figures juridiques inconnues de la Constitution et pour valider le fractionnement du pouvoir réglementaire qui, lui, n’apparaît pas compatible avec certaines dispositions constitutionnelles35. Nous avons aussi relevé que dès lors que la fonction réglementaire est une des trois fonctions essentielles dans notre appareil constitutionnel, son mode d’exercice par certains organismes ne peut rester indéfiniment étranger au texte constitutionnel36. Nous avons enfin proposé de donner une assise constitutionnelle à ces nouveaux modes de réglementation et surtout aux limites qui les entourent : par respect de l’État de droit ; mais aussi par souci de légitimité37.
2.2 Les opérateurs publics économiques
Les pouvoirs publics cette fois prennent en charge une activité économique ; ils sont ou deviennent producteurs de biens, de services ou de capitaux. Quel est le vecteur de cette intervention directe? Les pouvoirs publics utilisent rarement dans ce domaine leurs services administratifs internes. La plupart du temps, ils agissent par le biais d’une personne morale spécifique que
Ainsi, il faut épingler l’absence de fondement constitutionnel du service public économique en Belgique. Si la Constitution belge ne consacre pas l’existence des services publics économiques, elle ne les interdit pas pour autant. Dans un régime constitutionnel de liberté comme le nôtre, il faut en effet admettre, en l’absence de disposition contraire, la possibilité pour les pouvoirs publics de prendre en charge des activités économiques et d’instituer à cet effet de tels services.
Tout au plus peut-on relever qu’en tant que dérogation à la liberté économique, la création de ces services ou entreprises nécessite en principe un fondement législatif, à tout le moins dans ses éléments essentiels, même si cette intervention n’est pas dotée de privilèges ou de droits spécifiques. Cette exigence s’impose dorénavant expressément dès lors qu’elle a depuis été consacrée par l’article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 qui prévoit que le décret ou l’ordonnance doit régler « la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle » de tels organismes ou entreprises. Il s’ensuit que dans ces matières, aucun pouvoir normatif ne peut donc être délégué au Gouvernement ou à l’organisme ainsi créé ; les règles de base relatives à la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle de cette personne doivent être fixées par le législateur et ces règles doivent garantir la nature publique de la personne morale ainsi créée. Il n’est fait exception à ce principe que pour les mesures de détail ou de simple exécution39. Pour le Conseil d’État, « cette disposition s’applique aussi bien lorsqu’un service décentralisé est institué par décret que lorsque le décret prévoit la création
Le propos de cette contribution n’est pas de rendre compte du cadre législatif pluriel existant en la matière, ce qui a été fait en d’autres lieux et qui est hors champ constitutionnel41. Ce cadre normatif constitutionnel inexistant est toutefois comblé par le droit de l’Union européenne. Sur le plan organique, il faut tenir compte de trois éléments principaux.
2.2.1 L’article 345 tfue
L’article 345 tfue42 exprime le principe de neutralité des traités à l’égard du régime de propriété dans les États membres43. Ce principe entraîne deux conséquences.
Cette disposition n’a pas pour effet de faire échapper les régimes de propriété existants dans les États membres aux règles fondamentales du traité44. Ainsi, et conformément à l’article 106, paragraphe 1, tfue, les règles de concurrence du traité, qui sont des règles fondamentales, sont applicables indistinctement aux entreprises publiques et privées.
Inversement, l’application des règles de concurrence aux entreprises indépendamment du régime de propriété dont elles sont l’objet, et donc aux entreprises publiques, n’a pas pour effet de restreindre le domaine de protection de l’article 345 tfue. En d’autres termes, cette application n’empêche pas les États d’avoir un secteur public économique et ne conduit pas à ce que les États membres ne disposent pratiquement plus d’aucune latitude dans leur gestion des entreprises publiques, dans la conservation des participations qu’ils
2.2.2 L’article 106, § 2, tfue
Cette disposition prévoit une dérogation aux différentes règles de la concurrence en faveur des « services d’intérêt économique général ». Comme la Cour de justice l’a précisé, « cette disposition vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises en tant qu’instrument de politique économique ou sociale avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché commun »48.
Sur le plan organique49, nous nous contenterons de relever que la mission d’intérêt général doit résulter d’un acte exprès de la puissance publique. À défaut d’un tel acte ou à défaut de se prévaloir d’un tel acte, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant si lesdites activités peuvent constituer un service d’intérêt économique général50.
Sur le plan formel, cet acte peut être unilatéral (un acte législatif, réglementaire ou individuel sous la forme d’une autorisation ou d’un agrément) ou conventionnel (une concession de service public ou un contrat de gestion). Le droit de l’Union n’impose pas de recourir à une forme juridique particulière et renvoie au droit interne de chaque État membre quant à la nature de l’acte à intervenir. Comme nous l’avons vu ci-avant, il nous paraît que l’attribution
2.2.3 L’octroi de droits spéciaux ou exclusifs
L’article 106, § 1er, tfue, qui traite des droits exclusifs ou spéciaux, n’interdit pas de tels droits. En vertu de cette disposition, les collectivités publiques ne
Sur le plan organique, l’attribution de tels droits doit en principe intervenir au terme d’une procédure et de conditions objectives et transparentes. En effet, de tels droits constituent des restrictions aux articles 49 (liberté d’établissement) et 56 (libre prestation des services) du tfue55. L’obligation de transparence apparaît ainsi comme une condition préalable obligatoire à l’octroi par un État membre à un opérateur du droit exclusif ou spécial d’exercer une activité économique, quel que soit le mode de sélection de cet opérateur (contractuel ou unilatéral).
- 1Ces obligations ne doivent pas être respectées lorsque l’activité concernée ne revêt pas un caractère économique puisque, dans ce cas, elle n’est pas soumise au droit de la concurrence56.
- 2Les restrictions apportées par les droits spéciaux ou exclusifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services peuvent néanmoins être admises, comme toute restriction aux libertés économiques, si elles sont justifiées soit par les objectifs expressément prévus par le traité (articles 51, 52 et 61 du tfue), soit par des raisons impérieuses d’intérêt général issues de la jurisprudence de la cjue. Pour rappel, l’admissibilité est conditionnée par le fait qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.
- 3
Pour les octrois conventionnels, l’absence d’une procédure objective et transparente est justifiée lorsque les conditions de l’exception in house sont remplies. La Cour a en effet appliqué cette exception à l’octroi de concessions de service57.
Conclusion
Au terme de cette contribution, il faut bien constater que la place de l’économie dans la Constitution belge est inexistante tant sur le plan des normes matérielles (de comportement) que des normes institutionnelles (d’organisation).
Ce déficit constitutionnel matériel est comblé tantôt par le législateur spécial, qui insère la liberté économique dans les principes fédérateurs de l’union économique et monétaire belge, tantôt par la Cour constitutionnelle qui en fait un principe directeur de l’exercice des compétences par les différentes autorités belges, tantôt par le droit de l’Union européenne. Il en ressort que la liberté économique doit être respectée par les législateurs respectifs, sans pour autant être une liberté absolue ou illimitée. L’interventionnisme normatif des pouvoirs publics dans l’économie doit dès lors recevoir à tout le moins un fondement législatif, certes souvent formel, qui est d’interprétation restrictive et qui doit respecter le principe d’égalité et de non-discrimination. Si le capitalisme public n’est pas subordonné à la démonstration de la carence du secteur privé, il nécessite néanmoins une habilitation législative et peut s’accompagner de moyens d’actions spécifiques, voire de privilèges moyennant toutefois une justification adéquate et proportionnée.
Les normes constitutionnelles font aussi défaut sur le plan organique. Ainsi, la régulation économique s’est déplacée des administrations vers de nouveaux acteurs que sont les autorités indépendantes de régulation. Ces figures juridiques sont inconnues de la Constitution. Le fractionnement du pouvoir réglementaire résultant de l’attribution à ces organismes de pouvoirs de régulation n’apparaît pas compatible avec certaines dispositions
C’est nous qui soulignons. Cette insertion fait suite à l’arrêt n° 47/88 du 25 février 1988 de la Cour d’arbitrage qui ne fait toutefois pas référence à cette liberté mais seulement au concept d’union économique et monétaire. Depuis la Sixième Réforme de l’État, le concept d’« Union économique et monétaire » est également repris à l’article 1ter de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. N.d.E. : voy. infra dans ce volume, D. Piron, « The Special Financing Law: Tax competition and fiscal consolidation at the heart of Belgium’s material economic Constitution ».
Majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique et total des deux tiers des suffrages exprimés pour les premières (art. 4, alinéa 3 de la Constitution) ; deux tiers des suffrages pour la seconde (art. 195, alinéa 5).
Article 142 de la Constitution et article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
Cour Const., arrêt du 19 juillet 2005, n°132/2005, B.4.2. ; Cour Const., arrêt du 8 juillet 2010, n° 83/2010, B.7. ; Cour Const., arrêt du 28 octobre 2010, n° 123/2010, B.5.2. ; Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016, B.6.2.
Cour Const., arrêt du 26 mai 1999, n° 53/99, B.6.3.; Cour Const. arrêt du 25 novembre 1999, n° 124/99, B.5.3.; Cour Const., arrêt du 30 juin 2004, n° 119/2004, B.2.2. (qui vise aussi les commissions communautaires) ; Cour Const., arrêt du 19 avril 2006, n° 51/2006, B.10.2.
Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016 (à propos de la législation fédérale sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics) ; arrêt du 9 juin 2016, no 89/2016 (législation fédérale sur les assurances).
Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016, B.6.8.
Cass., 16 juin 1998, Pas., I, p. 314 : « La liberté du commerce et de l’industrie n’empêche pas le législateur de réglementer cette liberté et, le cas échéant, de la limiter, notamment en vue d’éviter la nuisance excessive pour l’environnement qui peut résulter de l’exploitation d’un établissement dangereux, incommode ou insalubre ».
C.E., 28 octobre 1998, a.s.b.l. “Fédération nationale des scieries” et consorts, n° 76.717. Le Conseil d’État opère donc un tel contrôle en matière réglementaire (voy. p. ex. c.e., 26 janvier 2010, s.a. Shanks, n° 200.077 à propos d’une taxe provinciale sur les centres d’enfouissement technique).
Cour Const., arrêt du 11 février 1993, n° 10/93, B.8.3.
N.d.E. : notons que les thèses qualifiées de corporatistes ont eu une certaine influence, quoique désormais extrêmement marginale, sur les constitutions économiques de certains États européens (voy. supra dans ce volume, H. Rabault, « Le Concept de Constitution économique : émergence et fonctions »).
Voy. P. Nihoul, Éléments de droit public de l’économie, Bruxelles, Larcier, 2017, pp. 26–27.
Cour Const., arrêt du 21 mai 2015, n° 66/2015. Cet arrêt a été confirmé par les arrêts suivants : Cour Const., arrêt du 11 juin 2015, n° 86/2015, B.3.7.1. à B.3.7.3. ; Cour Const., arrêt du 24 septembre 2015, n° 125/2015, B.10.2 ; Cour Const., arrêt du 3 mars 2016, n° 31/2016, B.6.3. ; Cour Const., arrêt du 28 avril 2016, n° 56/2016, B.17.2. ; Cour Const., arrêt du 9 juin 2016, n° 89/2016, B.3.2.2 ; Cour Const., arrêt du 1er mars 2018, n°26/2018, B.32.2 ; Cour Const., arrêt du 6 juin 2019, n° 94/2019, B.10.2 ; Cour Const., arrêt du 17 octobre 2019, n° 141/2019, B.9 ; Cour Const., arrêt du 9 décembre 2021, n° 177/2021, B.42.2.
Cour Const., arrêt du 21 juin 2006, n° 103/2006, B.3.3. et 3.6 (contingentement des kinés et critères de sélection).
Cour Const., arrêt du 10 juillet 2008, n° 101/2008 (normes en matière de logement) ; Cour Const., arrêt du 18 décembre 2008, n° 182/2008, B.6.3. (répétibilité des honoraires) ; Cour Const., arrêt du 22 décembre 2010, n° 151/2010, B.4. (normes de bruit) ; Cour Const., arrêt du 31 juillet 2013, n° 110/2013, B.4 (définition des noyaux d’habitat dans le code du logement) ; Cour Const., arrêt du 5 mars 2015, n° 24/2015, B.40 (logement) ; Cour Const., arrêt du 30 avril 2015, n° 47/2015, B.7 (logement) ; Cour Const., arrêt du 6 octobre 2016, n° 125/2016, B.63.1 (environnement) ; Cour Const., arrêt du 27 juin 2019, n° 105/2019, B.6 (prestations familiales) ; Cour Const., arrêt du 24 octobre 2019, n° 148/2019, B. 31 (pension).
Cour Const., arrêt du 13 octobre 2016, n° 130/2016.
Sur ce point, voy. P. Nihoul, Éléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 17–23.
Cour Const., arrêt du 30 avril 2015, n° 50/2015. Cet arrêt a été confirmé par l’arrêt du 21 décembre 2017, n° 150/2017, B.11.2. à 11.4., l’arrêt du 5 juillet 2018, n° 90/2018, B.7.3., l’arrêt du 21 janvier 2021, n° 10/2021, B.36.1. à 36.4., l’arrêt du 30 septembre 2021, n° 119/2021, B.11.2. et l’arrêt du 9 décembre 2021, n° 177/2021, B.42.4.
N.d.E. : contrairement à ce que le Conseil constitutionnel de France a décidé, voy. infra dans ce volume, F. Colly, « La Constitution économique de la France et la jurisprudence économique du Conseil constitutionnel ».
Voy. cjce, 14 décembre 1962, Commission c/ Luxembourg et Belgique, aff. jtes 2 et 3/62 (ecli:eu:c:1962:45), Rec. p. 813, spéc. p. 828 ; 9 décembre 1997, Commission c/ France, aff. 265/95 (ecli:eu:c:1997:595), Rec. p. I-6959, spéc. pts. 24 et 27. N.d.E. : sur ces libertés, voy. supra dans ce volume, P. Van Cleynenbreugel & X. Miny, « The Fundamental Economic Freedoms: Constitutionalizing the Internal Market ».
Cour Const., arrêt du 22 décembre 2010, n° 149/2010, B.11. Voy. aussi Cour Const., arrêt du 9 décembre 2021, n° 177/2021, B.42.6.
Cour Const., arrêt du 18 octobre 2012, n° 119/2012, B.5.2. (avec questions préjudicielles à la cjue – arrêt 8 mai 2014, Pelckmans, C-483/12 (ecli:eu:c:2014:304)). Pour un lien indirect avec la directive « services », voy. Cour Const., arrêt du 23 janvier 2014, n° 6/2014, B.34.
Cour Const., arrêts n° 66/2015 et 86/2015 précités.
Cour Const., arrêt du 28 mai 2009, n° 87/2009, B.6.1.
Voy. ainsi Cour Const., arrêt du 14 janvier 2016, n° 1/2016, B.23 à B.27 (à propos des restrictions en matière de publicité et d’information professionnelle pour la médecine esthétique) ; Cour Const., arrêt du 14 janvier 2021, n° 3/2021 (à propos de l’exclusion de la faculté d’infliger une amende administrative aux autorités publiques et à leurs préposés ou mandataires en matière de protection des données).
Voy. la jurisprudence vaste et constante de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’État, et de la Cour de cassation, et les références doctrinales citées dans P. Nihoul, Éléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 32–33.
La notion d’activité économique reçoit ici la signification que lui donne la Cour de justice de l’Union européenne, soit « toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné », ce qui exclut les activités de puissance publique, l’éducation et la sécurité sociale.
Recueil Lebon, p. 583.
Voy. Ph. Quertainmont, Droit public économique, Waterloo, Kluwer, 2007, pp. 38–40 ; J. Ph. Colson, Droit public économique, Paris, lgdj, 1999, pp. 48–59.
M.A. Flamme, « Le régime des activités commerciales et industrielles des pouvoirs publics en Belgique », Revue de l’Institut de Sociologie, ulb, 1966, p. 248 ; A. Manitakis, La liberté de commerce et de l’industrie en droit belge et français, Bruxelles, Bruylant, 1979, p. 59 ; P. Delahaut, « La création et le financement des entreprises par les pouvoirs publics », in Les nouveaux modes d’intervention des pouvoirs publics dans l’entreprise, Bruxelles, Bruylant, 1988, pp. 19–20 ; Ph. Quertainmont, Droit public économique, op. cit., pp. 38–40. Contra: J. Lebrun, « Les formes juridiques de l’initiative économique publique en Belgique aux xix et xxe siècles », in Le rôle des capitaux publics dans le financement de l’industrie en Europe occidentale aux xix et xxe siècles, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 25.
Voy. notamment D. Deom, « Les instruments du droit administratif à l’épreuve des « partenariats public-privé » (PPP) », in Les partenariats public-privé (p.p.p.) : Un défi pour le droit des services publics, Bruxelles, La Charte, 2005 ; D. D’Hooghe et F. Vandendriessche, Publiek-Private samenwerking, Bruges, Die Keure, 2003, pp. 191 et s.
Avis 49.775/4 du 11 juillet 2011 sur un avant-projet d’ordonnance « relative au partenariat public-privé en Région de Bruxelles-Capitale », cité dans « Le Conseil d’État – Chronique de jurisprudence 2011 », Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2013, n°1, p. 178.
Article 37 de la Constitution pour l’autorité fédérale ; article 20 de la loi spéciale du 8 août 1980 pour les autorités fédérées ; décrets et ordonnances communaux et provinciaux pour les autorités locales.
P. Goffaux, Dictionnaire élémentaire de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2006, voy. autorité administrative indépendante ; Ph. Quertainmont, « La régulation économique sectorielle en Belgique et le rôle du juge administratif », Administration Publique., 2014, n°4, pp. 537–575 ; P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 47–48.
P. Nihoul, « Le droit dérivé de l’Union européenne, justification d’une législation prétendument inconstitutionnelle ? », in P. D’Argent, D. Renders et M. Verdussen (dir.), Les visages de l’État – Liber amicorum Yves Lejeune, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 609–622.
P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 53–64.
C. Jenart et P. Nihoul, « Une nouvelle disposition constitutionnelle sur la décentralisation fonctionnelle du pouvoir normatif ? », Chroniques de Droit Public – Publiekrechtelijke Kronieken, 2019, n°2, pp. 324–330.
Traditionnellement, on parle de service public lorsque les pouvoirs publics créent une personne morale et d’entreprise publique lorsqu’ils prennent une participation dans une entreprise existante.
Voy. les « Chroniques de jurisprudence du Conseil d’Etat » de P. Nihoul et R. Andersen, Revue Belge de Droit Constitutionnel, 1995, pp. 217–218; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 1997, pp. 188–190; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 1998, pp. 289–290 et 295–296; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2000, n°1, pp. 107–108; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2002, n°1, pp. 75–77; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2005, n°1, pp. 108–109; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2006, n°4, pp. 449–450; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2007, n°3, pp. 315–316; Revue Belge de Droit Constitutionnel, 2008, n°3, pp. 276–277. Voy. aussi l’avis 56.754/2 du 3 novembre 2014 sur un avant-projet devenu le décret-programme du 17 décembre 2014, Doc. parl, Parl. Comm. fr., 2014–2015, n° 47/001, pp. 61 et s.
Avis 60.125/2 du 26 septembre 2016 sur un avant-projet de décret de la Communauté française « autorisant le Gouvernement de la Communauté française à s’associer à des tierces parties au sein d’une personne morale de droit public et en fixant la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle », Doc. Parl., Parl. Comm. Fr., 2016–2017, n° 351/1, p. 15.
J. Lebrun, Dictionnaire des services publics, relevant de l’Etat ; règles d’organisation et de fonctionnement, Bruxelles, Oyez, 1978 ; P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 87–96.
« Le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres ».
cjue, 22 octobre 2013, Staat der Nederlanden contre Essent NV et cts, C-105/12 à C-107/12 (ecli:eu:c:2013:677), point 29.
En ce sens, cjce, 6 novembre 1984, Fearon, 182/83, (ecli:eu:c:1984:335), point 7; cjce, 1er juin 1999, Konle, C‑302/97 (ecli:eu:c:1999:271), point 38; cjce, 23 septembre 2003, Ospelt et Schlössle Weissenberg, C‑452/01 (ecli:eu:c:2003:493), point 24; cjue, 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C‑171/08 (ecli:eu:c:2010:412), point 64; cjue, 21 décembre 2011, Commission/Pologne, C‑271/09 (ecli:eu:c:2011:855), point 44 ; cjue, 8 novembre 2012, Commission/Grèce, C-244/11 (ecli:eu:c:2012:694), point 16.
Voy., en ce sens, cjue, 15 juillet 1964, Costa/Enel, 6/64 (eu:c:1964:66).
Voy., en ce sens, cjue, 8 novembre 2012, Commission/Grèce, précité, point 17.
cjue, Staat der Nederlanden contre Essent NV et cts, précité, points 30 et 31.
cjce, 21 septembre 1999, Albany, C‑67/96 (ecli:eu:c:1999:430), pt 103 et jurisprudence citée; cjue, 20 avril 2010, Federutility e.a., C-265/08 (ecli:eu:c:2010:205), pt 28 ; cjue, 21 décembre 2011, Enel Produzione SpA, C-242/10 (ecli:eu:c:2011:861), pt 41 ; cjue, 7 septembre 2016, anode, C-121/15 (ecli:eu:c:2016:637), pt 43.
Pour les autres composantes de la définition, nous renvoyons à P. Nihoul, Eléments de droit public de l’économie, op. cit., pp. 277–284 ; P-O. De Broux et P. Lagasse, « Créer et organiser des services publics économiques : actualité des balises nationales et européennes », in P-O. De Broux et P. Nihoul (dir.), Actualités en droit public économique, Anthemis, 2017, pp. 63–98.
cjce, 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, 127/73 (ecli:eu:c:1974:25), pt 20 ; cjce, 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86 (ecli:eu:c:1989:140), pt 55; cjce, 1er juillet 2008, motoe, C-49/07 (ecli:eu:c:2008:376), pt 45.
tpice, 10 mai 2000, sic c. Commission, T-46/97 (ecli:eu:t:2000:123), point 61 ; tpice, 15 juin 2005, Olsen c. Com., T-17/02 (ecli:eu:t:2005:218), pt 239 ; Trib. UE, 24 septembre 2015, Viasat Broadcasting UK Ltd, T-125/12 (ecli:eu:t:2015:687), point 99.
« Les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs services d’intérêt économique général. Ils peuvent en particulier tenir compte d’objectifs propres à leur politique nationale » (arrêts précités Albany, pt 104; Federutility e.a., pt 29; Enel Produzione SpA, pt 50 ; anode, pt 44).
« Les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs services d’intérêt économique général. Ils ont un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme des services d’intérêt économique général et la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste. Cette prérogative de l’État membre concernant la définition des services d’intérêt économique général est confirmée par l’absence tant de compétence spécialement attribuée à l’Union que de définition précise et complète de la notion de tels services en droit de l’Union » (Trib. UE, 19 avril 2016, Costantini e.a., T-44/14 (ecli:eu:t:2016:223), point 24).
« Les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne comprennent notamment:
- –[…] ;
- –la diversité des services d’intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes […] ».
Si l’impact d’un protocole peut sembler moindre que celui d’une insertion dans le Traité, juridiquement il ne l’est pas. En droit européen, un protocole a en effet pleine valeur juridique.
Voy. notamment cjce, 19 avril 2007, Asemfo, C-295/05 (ecli:eu:c:2007:227), pt 40; cjce, 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium SA, C-250/06 (ecli:eu:c:2007:783), pt 15.
« Il résulte de l’article 86, § 1, ce (devenu 106, § 1, tfue) que les États membres ne doivent pas maintenir en vigueur une législation nationale qui permet l’attribution de concessions de services publics sans mise en concurrence dès lors qu’une telle attribution viole les articles 43 ce ou 49 ce (devenus 49 ou 56 tfue) ou encore les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence » (cjce, 13 octobre 2005, Parking Brixen, C-458/03 (ecli:eu:c:2005:605), pt 52; cjce, 6 avril 2006, anav, C-410/04 (ecli:eu:c:2006:237), pt 23; cjce, 18 décembre 2007, Empresas, C-220/06 (ecli:eu:c:2007:815), pt 77; cjce, 17 juillet 2008, ASM Brescia SpA, C-347/06 (ecli:eu:c:2008:416), pt 61).
Voy. par exemple cjue, 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, C-437/09 (ecli:eu:c:2011:112), qui concerne la conclusion d’une assurance complémentaire maladie-invalidité par une convention collective de travail.
cjce, Parking Brixen et ANAV, précités. cjce, 13 novembre 2008, Coditel Brabant SA, C-324/07 (ecli:eu:c:2008:621) ; cjce, 10 septembre 2009, Sea srl, C-573-07 (ecli:eu:c:2009:532); cjce, 15 octobre 2009, Acoset SpA, C-196/08 (ecli:eu:c:2009:628) ; cjue, 29 novembre 2012, Econord SpA, C-182/11 et C-183/11 (ecli:eu:c:2012:758) ; cjue, 19 décembre 2012, Azienda Sanitaria Locale di Lecce, C-159/11 (ecli:eu:c:2012:817).
Bibliographie selective
De Broux ,P-O., et Lagasse, P., « Créer et organiser des services publics économiques : actualité des balises nationales et européennes », in P-O. De Broux et P. Nihoul (dir.), Actualités en droit public économique, Anthemis, 2017, pp. 63–98.
Jenart ,C., et Nihoul, P., « Une nouvelle disposition constitutionnelle sur la décentralisation fonctionnelle du pouvoir normatif ? », Chroniques de Droit Public – Publiekrechtelijke Kronieken, 2019, n°2, pp. 324–330.
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Quertainmont, Ph., « La régulation économique sectorielle en Belgique et le rôle du juge administratif », Administration Publique, 2014, n°4, pp. 537–575.