La Constitution économique de la France et la jurisprudence économique du Conseil constitutionnel

In: The Idea of Economic Constitution in Europe
Author:
François Colly
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Résumé

La question d’une « Constitution économique » de la France est plus particulièrement posée à partir de 1982, lorsque le Conseil constitutionnel a reconnu la pleine valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 contenant des droits et principes de nature et d’effet économiques. Les principes et droits économiques constitutionnalisés constituent-ils une « Constitution économique » substantielle, ordonnatrice, au sens normatif fort, qui contient des choix de système économique s’imposant au politique et au législateur ? Ou bien s’agit-il d’une Constitution économique neutre contenant matériellement des règles et principes fondamentaux garantissant des droits et libertés notamment économiques, encadrant le législateur mais lui laissant la libre détermination des choix de système économique ? Le Conseil constitutionnel s’est très naturellement prononcé pour cette deuxième conception, celle d’une Constitution économique neutre, constitutionnalisant des droits et libertés, notamment économiques, au sommet de la hiérarchie des normes, dans le « bloc de constitutionnalité », encadrant le législateur, mais lui laissant la liberté des choix de système économique. Dès lors, le Conseil constitutionnel a, par son contrôle abondant et étendu de la constitutionnalité des lois, identifié et défini les droits et libertés notamment économiques et en a précisé le contenu et la portée. Sa jurisprudence de plus en plus riche a constitutionnalisé le droit économique ainsi que toutes les branches du droit et construit, s’agissant des droits et libertés, le corpus de normes constitutionnelles fondamentales.

Introduction

La question de la Constitution économique a été posée en France plus singulièrement à partir des années 1980–2000, à la suite, d’une part, des décisions du Conseil constitutionnel rendues à partir de 1982 (Nationalisations, Privatisations, etc.) et, d’autre part, de réflexions renouvelées de la doctrine juridique sur cette notion, certes initiées par Léontin-Jean Constantinesco en 19601 et fortement marquées par la notion ordolibérale de Constitution économique2. La question classique posée est celle des rapports entre le droit en général et plus particulièrement la Constitution et l’économie. La fonction structurante des activités et des politiques économiques, comme de la vie et des réalités sociales, par le droit est-elle assurée par la Constitution ou bien par le législateur et l’exécutif ? Il s’agit de savoir si la Constitution elle-même contient des choix fondamentaux, donc des normes contraignantes, de politiques économiques s’imposant juridiquement aux gouvernants ou bien si la Constitution est neutre quant aux choix économiques, c’est-à-dire qu’elle laisse libres les autorités politiques des choix de politique économique et ne comporte pas de détermination ni de limites au pouvoir politique en ce domaine. Cette question a depuis lors été étudiée par nombre d’auteurs et le plus souvent tranchée dans le sens de la neutralité économique de la Constitution de la France3. Un peu schématiquement, l’on peut considérer qu’il existe deux grands principaux modèles de Constitution économique.

Le premier modèle, le plus intense et global, est normatif, ordonnateur, substantiel, de « conception d’essence substantialiste »4. Des choix économiques sont dictés par la Constitution. Son origine réside dans la doctrine allemande de l’ordolibéralisme construite par les économistes Walter Eucken et Leonhard Miksch et les juristes Franz Böhm et Hans Großmann-Doerth5 dans les années 1930–1960 pour établir des règles et institutions juridiques régissant la structure et le fonctionnement de l’ordre économique. Les ordolibéraux ont entendu réagir contre les excès du libéralisme classique en Allemagne, en particulier contre les excès des cartels (ententes) et les atteintes à la libre concurrence et à la liberté du marché provenant des puissances économiques privées. Pour Franz Böhm, qui articule ordre juridico-économique et liberté, il convient à cet effet de déplacer du droit privé les règles de la concurrence et du marché, pour les inscrire dans le droit public et donc dans la Constitution économique6. La Constitution pose le cadre juridique de la concurrence et établit un ordre concurrentiel dont l’État assure et contrôle le respect de façon active7. La Constitution impose et garantit un ordre concurrentiel et l’élimination des monopoles. Cette construction de norme juridico-économique constitutionnelle, évoquée à titre d’exemple, ne sera pas établie dans la Loi fondamentale, mais marquera la reconstruction économique de la République fédérale allemande après 1945 et sera en partie posée par la loi, en particulier dans la loi de 1957 sur les restrictions de concurrence8.

L’on retrouve le même type de référence à une Constitution économique normative ou ordonnatrice dans l’interprétation de la « Constitution économique de la c.e.e. » de Léontin-Jean Constantinesco9. Cet auteur considère que la référence au marché commun et les dispositions relatives à la politique de concurrence et aux libertés énoncées dans le traité établissant la Communauté économique européenne de 1957 constituent les éléments de la notion de Constitution économique de la cee d’inspiration nettement ordolibérale10. L’on observera que cette vision d’une Constitution économique de la cee et la notion même de Constitution économique ont, en 1970, suscité les réticences des juristes français, Pierre-Henri Teitgen et Maurice Lagrange11, alors avocat général.

Le deuxième modèle de Constitution économique est lui aussi normatif, mais en outre matériel, en ce sens qu’il contient les règles d’organisation des pouvoirs publics et de garantie des libertés12, ou encore relève d’une « conception normativiste »13. La Constitution ne contient pas de principes ordonnateurs ; elle ne dicte pas des choix économiques, libéraux, dirigistes ou interventionnistes. La Constitution économique ne comporte que des principes et règles énoncés dans la Constitution sans portée contraignante quant au régime économique envers le législateur. Ce modèle comprend deux types de sous-modèles. Un premier sous-modèle, maximaliste, est inspiré par l’idée que le droit est foncièrement distinct de l’économie. Aussi bien, et c’est l’approche française, dans son fondement procède-t-elle foncièrement d’une « disjonction épistémologique entre le droit et l’économie »14, c’est-à-dire d’une attitude systémique d’exclusion réciproque entre le droit et l’économie. Ces deux champs scientifiques, qui se veulent chacun autonomes, s’excluent mutuellement ; par conséquent, toute théorie économique est naturellement écartée du champ juridique. Dès lors, la notion de Constitution économique, qui associe deux champs étrangers l’un à l’autre, est impossible. Le droit ne connaît pas l’économie. Comme le relève Francesco Martucci15, cette dissociation apparaissait classiquement dans les interrogations et débats doctrinaux sur l’existence d’un « droit économique », d’un « droit public économique » ou d’un « droit public de l’économie »16. Par conséquent, en pratique la question des relations entre le droit et l’économie se pose en dehors de la Constitution, en particulier traditionnellement en France, entre le droit administratif et l’économie.

Selon un deuxième sous-modèle plus contemporain, apparu en France depuis 1981, la Constitution économique est constituée par les règles et principes fondamentaux généraux à objet et effet économique, relatifs à la vie économique, figurant matériellement dans la Constitution ou dégagés par le Conseil constitutionnel, tels que le droit de propriété, la liberté d’entreprendre, la liberté contractuelle auxquels s’ajoutent notamment des principes fondamentaux à effet potentiellement économique comme le principe d’égalité, appliqué notamment à la concurrence, etc. Ces principes et règles ne sont qu’un cadre et des instruments mis à la disposition du législateur pour la mise en œuvre des actions économiques mais placés sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Dès lors se pose l’hypothèse, ou la question, de l’existence d’une Constitution économique française, une véritable constitution économique normative ou ordonnatrice, ou bien d’une Constitution au sens matériel énonçant des principes, droits et règles constitutionnels fondamentaux, un « bloc de constitutionnalité », dont découlent des principes et règles de valeur constitutionnelle de portée économique, dégagés, voire créés, et consacrés par le Conseil constitutionnel (1.). Le Conseil constitutionnel a exercé une double fonction : d’une part, il a constitutionnalisé des règles et principes, notamment économiques, qui constituent les normes de référence du contrôle de constitutionnalité ; d’autre part, il forge le droit constitutionnel économique en exerçant le contrôle du respect par la loi des droits et libertés économiques constitutionnels par ses décisions et sa jurisprudence économique (2.).

1 La question d’une constitution économique de la France

Avant 1981, en France, la question de la Constitution économique ne se posait pas dans la mesure où les constitutions françaises portaient sur l’organisation des pouvoirs publics et ne comportaient pas, ou très peu, de dispositions substantielles, principes et droits, même économiques, impératifs. L’idée que la Constitution elle-même comportait l’énonciation et la garantie de droits et de libertés était largement étrangère à la pensée juridique française. Cette fonction incombait à la loi. La structuration et l’organisation juridique de l’économie, réduite durant la période libérale du xixe siècle, interventionniste à partir de 1915 et surtout 1945, relevaient de la loi et des règlements administratifs. La structuration juridique du système économique était principalement assurée par le Code civil et par le droit public économique, lequel était essentiellement un droit administratif économique.

Historiquement, depuis 1791, les Constitutions françaises étaient des Constitutions relatives à l’organisation du pouvoir politique dont les textes déterminaient les organes et les fonctions, législatifs, exécutifs et juridictionnels, fixaient les modes de relations entre eux et les procédures d’accès, mais ne proclamaient pas de droits substantiels. En préambule de certains textes constitutionnels, ont été parfois placés des déclarations de droits ou des préambules (Constitution de l’An I (1793), de l’An iii (1795), Charte de 1814, Constitution de 1848, Préambule de la Constitution de 1946). Le texte le plus essentiel est évidemment la Déclaration des droits de l’homme de 1789, initialement destinée à précéder la Constitution de 1791, qui, depuis sa proclamation, domine par ses principes théoriques l’édifice politique et juridique. Elle a été complétée par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 toujours en vigueur aujourd’hui. La Déclaration de 1789, rompant avec les principes de l’Ancien régime monarchique, était considérée comme l’énonciation de principes philosophiques, théoriques et politiques fondamentaux de la société fixant le cadre du pouvoir politique et des règles législatives et réglementaires. Ils étaient considérés comme dotés d’une valeur de principe, mais dénués de valeur juridique impérative. Le contenu de la Déclaration de 1789 consacrait comme droits naturels et imprescriptibles de l’homme la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression, ainsi que l’égalité. Excepté la consécration du droit de propriété, la Déclaration ne comportait l’énoncé d’aucun principe spécifiquement économique tel que la liberté d’entreprendre, la liberté du commerce et de l’industrie ou la liberté contractuelle. Ces libertés économiques étaient considérées par les auteurs de la Déclaration comme naturellement et implicitement incluses dans la liberté17. Selon la formule classique, énoncée par le commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions sous la décision du Conseil d’État Baldy du 10 août 191718, la Déclaration de 1789 est « implicitement ou explicitement au frontispice des Constitutions républicaines », en raison de son importance fondamentale.

À partir de 1981, le Conseil constitutionnel a pleinement intégré à la Constitution les textes substantiels que constituaient la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 rattachés à la Constitution de 1958 par son Préambule. En effet, le Préambule de l’actuelle Constitution du 4 octobre 1958 proclame solennellement l’attachement du peuple français aux droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946.

Le Préambule de la Constitution de 1946 a confirmé les principes libéraux de la Déclaration de 1789 et les a complétés par des principes de démocratie sociale et économique et d’inspiration interventionniste19. Conformément à la tendance existant dans les textes constitutionnels depuis les années 1920 et surtout après 1945, il comporte des dispositions de nature économique. Sur le plan des principes économiques en particulier, il proclame des principes sociaux et droits-créances envers la Nation et énonce de façon normative et programmatique dans son alinéa 9 que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Il pose ainsi des limites au droit de propriété et le principe de la nationalisation d’entreprises, en particulier des services publics nationaux et de tout monopole de fait.

Néanmoins les dispositions de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 étaient considérées comme des références de principe fondamentales, inspiratrices du droit établi par la loi et les règlements, mais dénuées de portée normative. Toutefois, la doctrine juridique et la jurisprudence du Conseil d’État, puis, après 1958, celle du Conseil constitutionnel, estimaient que les dispositions claires et précises étaient dotées de portée impérative. Ainsi en allait-il, par exemple, du droit de grève formulé de façon lapidaire par l’alinéa 7 du Préambule de 1946 « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Le bouleversement a été apporté par le Conseil constitutionnel qui a considéré que le Préambule de la Constitution de 1958 a intégré la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 dans le texte constitutionnel lui-même. Désormais, ces textes font partie du texte constitutionnel au même titre que les autres dispositions de la Constitution. Au demeurant, la Constitution de 1958 comporte dans son texte la proclamation de droits et libertés de l’individu ainsi que, pour ce qui nous concerne ici, des principes et des dispositions de nature économique. Dans le corps même de la Constitution, son article 34, qui détermine le domaine de la loi, précise que la loi fixe les règles et principes concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques (donc aussi les libertés économiques), les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé, le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, les lois de programme déterminant les objectifs de l’action économique et sociale de l’État, etc.

Il importe de souligner que cette novation a été rendue possible par l’avènement d’un contrôle de constitutionnalité en 1958 qui n’existait pas auparavant. La Constitution de 1958 a créé une institution nouvelle dans le droit français, le Conseil constitutionnel, initialement chargé de contrôler principalement le respect du domaine de la loi fixé dans la Constitution (art. 34), par le pouvoir réglementaire du Gouvernement. Alors qu’avant 1958, conformément à la doctrine traditionnelle française de la souveraineté de la loi votée par le Parlement, aucun contrôle de la conformité de la loi par rapport à la Constitution n’était possible, la création d’un Conseil constitutionnel en 1958 a ouvert la voie à un contrôle de la loi au regard de la Constitution, un contrôle a priori, avant sa promulgation. Au fil des années, le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois qui lui étaient soumises s’est, par la pratique, étendu à toutes les dispositions de la Constitution et considérablement amplifié. De plus, l’élargissement du pouvoir de saisine du Conseil à soixante députés ou sénateurs en 1974 a multiplié les décisions de contrôle de conformité des lois. En outre, ultérieurement, la création en 2010 (loi constitutionnelle du 23 juillet 2008) d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori de toutes les lois en vigueur par la Question prioritaire de constitutionnalité (qpc) a considérablement étendu les possibilités de contrôle de constitutionnalité des lois.

La première étape de l’intégration de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 à la Constitution a été franchie avec la décision du 16 juillet 1971 relative à la liberté d’association20. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel s’est référé, dans les visas des textes fondant sa décision, à la Constitution de 1958 « et notamment son Préambule », indiquant ainsi, certes de façon incidente mais nette, qu’il reconnaissait force impérative au Préambule et faisait application de ses dispositions.

Mais l’étape décisive a été accomplie avec la décision du 16 janvier 1982 Nationalisations21. Dans cette décision rendue sur la saisine de parlementaires contre la loi procédant à d’importantes nationalisations d’entreprises, le Conseil constitutionnel a reconnu la pleine valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 :

Aux termes du Préambule de la Constitution 1958 le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 […] Les principes même énoncés par la Déclaration des droits de l’homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression, qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ; que la liberté qui, aux termes de l’article 4 de la Déclaration consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d’entreprendre22.

Le législateur ne saurait être dispensé, dans l’exercice de sa compétence, du respect des règles de valeur constitutionnelle qui s’imposent à tous les organes de l’État. Par cette décision, le Conseil constitutionnel considère que les principes énoncés par la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 font pleinement partie de la Constitution et ont pleine valeur normative, comme l’ensemble du texte constitutionnel. Ils s’imposent au législateur comme à toutes les autorités de l’État. Parmi les principes et règles énoncés par la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 figurent des principes et règles de portée économique et des libertés économiques. Dès lors, constituent des dispositions normatives, des principes de portée économique comme le droit de propriété et la liberté d’entreprendre, spécifiquement reconnue en tant que composante de la liberté, et des principes tels que l’égalité dont les effets sont potentiellement économiques. Cette novation fait entrer dans la Constitution des principes constitutionnels économiques et pourrait s’analyser en l’avènement d’une Constitution économique en France. La Constitution comporte désormais des principes fondamentaux et des dispositions substantiellement économiques.

Par ailleurs, il convient de préciser que la Charte de l’environnement adoptée en 2004 a vu confirmer sa valeur constitutionnelle dans son intégralité par la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 200823 Loi sur les ogm, en dépit de l’imprécision de certains principes et droits affirmés, tels que le principe de précaution (art. 5) ou le droit à un environnement sain (art. 1er).

Auparavant, le droit et les libertés économiques en France étaient, depuis la Révolution française, d’origine législative et jurisprudentielle. La structuration de l’économie et son organisation étaient inspirées par des idées, des doctrines et des principes, principalement libéraux, et aussi depuis le début du xxe siècle par des principes interventionnistes, mais la mise en œuvre des principes était fixée par la loi et la jurisprudence. Le Code civil de 1804, « Constitution de la société civile française », selon le juriste exégète du Code civil Demolombe, « la véritable constitution de la France » au sens matériel, selon le doyen Carbonnier24, a fixé le droit de propriété, le droit du contrat, la responsabilité, l’égalité, etc., tandis que la jurisprudence, en particulier celle du Conseil d’État, a formulé le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, c’est-à-dire la liberté professionnelle et la limitation des interventions économiques publiques25. L’on peut considérer que ces principes et droits, fondamentaux pour l’ordre économique, issus d’une pluralité de normes, non inclus dans la Constitution juridique, forment une Constitution économique dans une acception substantielle comme l’a montré Francesco Martucci26.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 janvier 1982, en reconnaissant la pleine valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 a, d’une part, constitutionnalisé les droits fondamentaux et libertés individualistes classiques, susceptibles de limiter le pouvoir de l’État, ainsi que les droits sociaux interventionnistes. Leur énoncé est matérialisé dans la Constitution. D’autre part, il a constitutionnalisé le droit économique27, puisque ces textes contiennent l’énonciation de droits, de libertés et principes de nature et de portée économiques libéraux et d’interventionnisme économique28. En dégageant les principes et règles constitutionnels, et en en contrôlant le respect par le législateur, il a d’ailleurs au fil du temps aussi constitutionnalisé toutes les branches du droit, et non seulement le droit économique. Dès lors se construit une Constitution économique française.

Quant à leur contenu, les dispositions économiques énoncées par la Déclaration de 1789 concernent d’abord le droit de propriété (art. 2), dans sa nature de droit naturel et imprescriptible de l’homme et son caractère fondamental, ainsi que son régime d’indemnisations en cas de privation de propriété, formulé à l’article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Les dispositions économiques consistent aussi en la liberté d’entreprendre, spécifiquement et pour la première fois énoncée par le Conseil constitutionnel en 1982, ainsi que dans les applications économiques du principe d’égalité (égalité devant les charges publiques, devant l’impôt, devant les législations économiques…).

S’agissant du Préambule de 1946, il est marqué par la proclamation des principes politiques, économiques et sociaux, interventionnistes, voire dirigistes, tels que notamment le droit du travail, le droit syndical, le droit de grève, ainsi que tout particulièrement les nationalisations (al. 9). En ce qui concerne les nationalisations, comme on l’a vu, l’alinéa 9 énonce que « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Cet énoncé énergique, qui constitue à la fois un programme et un principe, a posé des problèmes d’interprétation aigus quant à sa portée sur lesquels il conviendra de revenir.

Dès lors, puisque la Constitution contient des principes économiques fondamentaux, des règles économiques impératives et aussi des énonciations programmatiques, doit-on considérer la Constitution de 1958 comme une Constitution économique au sens intense, substantiel, ordonnateur ? En d’autres termes, la Constitution énonce-t-elle des principes normatifs ou ordonnateurs de choix politiques et économiques, qui imposeraient, notamment au législateur, un type de système économique, libéral ou bien interventionniste ?

La première difficulté réside dans les différences, voire les contradictions, entre la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 dans leurs contenus, donc dans leur articulation et leur conciliation. Doit-on considérer qu’il existerait une prévalence d’un des deux textes sur l’autre ou bien qu’il convient de concilier ces deux textes pour voir apparaître un principe de choix politique et économique fondamental ? Le Conseil constitutionnel n’a pas retenu une conception substantielle ou ordonnatrice de la Constitution déterminant un choix de système économique. Ces choix appartiennent au législateur. Il a concilié les deux textes et donc leurs principes différents, dans le sens plus formel de principes de valeur constitutionnelle (A). Par ailleurs, plus précisément, la question se posait de savoir quelles obligations implique le principe des nationalisations contenu dans l’alinéa 9 du Préambule de 1946 au regard de la protection de la propriété ainsi que de la propriété publique. Le Conseil constitutionnel a tranché dans le sens de l’absence de principes ordonnateurs par la neutralisation du texte de l’alinéa 9 (B).

1.1 La conciliation des principes de 1789 et 1946

La première difficulté a résidé dans l’articulation entre les principes posés par chacun des deux textes et la question de l’égalité ou non de valeur des deux textes. Leur compatibilité a donné lieu à des controverses que la décision du Conseil du 16 janvier 1982 Nationalisations a tranchées dans le sens de leur égale valeur. La Déclaration de 1789, d’inspiration individualiste et libérale, consacre des droits individuels qu’il est convenu de nommer les libertés économiques constitutionnelles, c’est-à-dire essentiellement le droit de propriété et la liberté d’entreprendre. Le Préambule de 1946, d’inspiration interventionniste, consacre des droits économiques et sociaux, des droits-créances, très différents et susceptibles d’être incompatibles avec les droits individualistes. L’argumentation principale a consisté à soutenir que les principes libéraux et individualistes correspondant aux nécessités de la fin du xviiie siècle, posés par la Déclaration de 1789, ont été corrigés par le Préambule de 1946, texte postérieur exprimant les principes correspondant aux exigences de la deuxième moitié du xxe siècle29. S’agissant en particulier du droit de propriété, pour les partisans de la supériorité du texte postérieur, le Préambule de 1946, il aurait perdu son caractère fondamental et ne pouvait s’opposer aux nationalisations.

Le Conseil constitutionnel a considéré et souligné, dans une interprétation littérale, que l’articulation se trouve formulée par le Préambule de 1958 lui-même, qui énonce que le peuple français proclame son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946. Il a souligné que, par les référendums approuvant les Constitutions de 1946 et 1958, le peuple français a approuvé et confirmé des textes conférant valeur constitutionnelle aux principes et aux droits proclamés en 1789 par la Déclaration, par conséquent au droit de propriété et à la liberté, donc la liberté d’entreprendre, complétés par le Préambule de la Constitution de 1946. Les principes et les droits tels qu’énoncés dans les deux textes ont une égale valeur constitutionnelle et, en cas de divergence, doivent être combinés et conciliés, le cas échéant par le Conseil constitutionnel, pour leur application par la loi. Il n’existe aucune hiérarchie entre les deux textes.

Si l’on s’attache à la situation de 1982, pour le Conseil, le droit de propriété ainsi que la liberté, garantis par la Déclaration, permettent au législateur de procéder à des nationalisations, moyennant indemnisation, mais dans la limite où les transferts de biens et d’entreprises opérés ne restreindraient pas le champ de la propriété privée et de la liberté d’entreprendre au point de méconnaître ce droit et cette liberté. Les textes constitutionnels comportent implicitement, quant au respect de ces droits, des limites. Il n’est pas question de reprendre ici les abondants commentaires apportés à cette décision30, mais il est possible de se référer aux explications très éclairantes données par le doyen Vedel, alors membre du Conseil constitutionnel et rapporteur de la décision du 16 janvier 1982 :

[La Constitution] n’impose pas elle-même ni par les textes que l’on y assimile […] de principes du libéralisme économique […] [; il n’y a] rien qui interdise une politique socialiste. […] Le Conseil devra énoncer un principe délicat à formuler mais très important […]. Il semble qu’il pourrait simplement énoncer que l’équilibre des libertés, parmi lesquelles figure le droit de propriété, interdit le changement de société. Il devra marquer dans sa décision que le droit de propriété conserve une place essentielle dans cet équilibre des libertés…31

Si le législateur souhaitait aller au-delà et passer d’un régime de propriété privée à un régime collectiviste, il serait dès lors nécessaire de procéder à une révision constitutionnelle32. C’est l’affirmation de la neutralité de la Constitution.

Si les deux textes constitutionnels, celui de la Déclaration de 1789 et celui du Préambule de 1946, ont une égale valeur, la question se pose de savoir comment sont conciliés leurs principes, différents, voire contradictoires, pour assurer le respect des libertés économiques et des droits sociaux ainsi que la structuration de l’économie. Il apparaît dans la pratique que la tendance qui domine dans l’interprétation de la Constitution et dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel est la tendance libérale, corrigée par les principes interventionnistes ou le cas échéant conciliée avec eux. La coexistence ne peut imposer l’un plutôt que l’autre système économique. La Constitution est neutre au regard des choix économiques. Elle n’impose ni le choix du régime économique libéral, ni celui de l’interventionniste ou du dirigisme, ni celui d’un régime d’économie mixte. Ces choix appartiennent pleinement au législateur, dans le respect des principes constitutionnels. D’ailleurs, la crise économique de 2008 et la crise du Covid-19, en 2020, montrent bien que le mode interventionniste est en cas de besoin toujours potentiellement applicable par le politique, au moyen de la loi, pour maîtriser les crises, corriger les risques économiques et sociaux et parer aux excès pouvant découler de la liberté économique.

Sur un plan politique, dans un pays comme la France dans lequel l’opinion est aussi divisée sur les choix politiques et économiques, il n’est probablement pas possible de considérer que la Constitution fixe un système économique déterminé. Ainsi une conciliation a été opérée. Sur le plan juridique, la pratique, en particulier la jurisprudence du Conseil constitutionnel, montre que l’option d’une Constitution économique normative ou ordonnatrice est rejetée à la faveur de la conception d’une Constitution économique neutre, matérielle, au premier sens de la notion telle que caractérisée par le professeur Sabino Cassese, c’est-à-dire comme comportant l’ensemble des dispositions constitutionnelles se rapportant à l’économie33. Le Conseil constitutionnel s’est appliqué à neutraliser le caractère potentiellement foncièrement normatif du contenu de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946, donc de la Constitution française.

1.2 L’interprétation neutralisante de l’alinéa 9 du Préambule de 1946

Une deuxième difficulté résidait dans la question de savoir si les énonciations fortes contenues dans l’alinéa 9 du Préambule de 1946 contiennent des principes normatifs ou ordonnateurs caractéristiques d’une Constitution économique. Ce problème apparaît nettement avec les interprétations de l’alinéa 9 du Préambule de 1946 données par le Conseil constitutionnel, ainsi d’ailleurs que par le Conseil d’État, qui ont tendu à neutraliser la portée la plus forte des énonciations de ce texte.

1.2.1 Les nationalisations : un pouvoir discrétionnaire du législateur, soumis à la condition flexible de « nécessité publique »

L’on pouvait considérer que ce texte apparaissait comme contenant un principe ordonnateur ou impératif de nationalisation envers le législateur : « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Dans l’esprit des rédacteurs de la Constitution d’octobre 1946, cette énonciation ne visait pas à la collectivisation générale des moyens de production ni à l’abandon du principe du libéralisme économique par la suppression de la propriété privée et de la liberté du commerce et de l’industrie. Il visait à prévoir, d’une part, par la nationalisation, le retour à la Nation et aux travailleurs des grands moyens de production et des grandes entreprises de services publics et, d’autre part, la disparition des monopoles détenus par des puissances économiques privées afin d’éviter qu’un monopole de fait n’entrave le libre exercice de la concurrence34. Comme cela a été relevé par plusieurs auteurs, l’on peut observer que la formulation de cet alinéa représente une version de l’ordolibéralisme à la française de la Constitution35, en ce sens qu’il prescrit au législateur la nationalisation pour assurer le fonctionnement correct du marché en cas de monopole de fait entravant la concurrence. La formulation impérative de cette disposition constitutionnelle correspond à la notion de constitution économique au sens fort. Pourtant la jurisprudence du Conseil constitutionnel a neutralisé la force obligatoire que l’on aurait pu reconnaître à l’alinéa 936.

Dans la situation de 1982, la question posée alors par la saisine du Conseil au regard de l’alinéa 9 était de savoir si ce texte imposait strictement la nationalisation aux conditions de service public national ou de monopole de fait – conditions d’ailleurs non remplies par le projet de loi de nationalisation – et donc imposait une compétence liée du législateur ou si, au-delà des dispositions de l’alinéa 9, le législateur pouvait librement nationaliser dans d’autres hypothèses. Le Conseil constitutionnel a opté dans la décision du 16 janvier 1982 pour le pouvoir discrétionnaire du législateur de nationaliser, hors des cas énoncés par l’alinéa 9, et à la seule condition de « nécessité publique », prévue, elle, dans l’article 17 dans le cadre de l’expropriation, c’est-à-dire dans le cadre de la privation de propriété, ce qu’est aussi la nationalisation. L’obligation de nationaliser en cas de service public national ou de monopole de fait demeure, mais le législateur se voit reconnaître le pouvoir de décider politiquement, librement, de nationaliser sous la seule condition très générale de « nécessité publique ». Le Conseil constitutionnel exerce sur ce pouvoir discrétionnaire un « contrôle minimum », limité à l’erreur manifeste d’appréciation, outil calqué sur les instruments du contentieux administratif. Le Conseil constitutionnel, qui prend toujours soin d’indiquer qu’il n’a pas les mêmes pouvoirs que le législateur, se montre très respectueux de la liberté de choix du Parlement.

En outre, il convient de relever que l’obligation de nationaliser ou de ne pas privatiser, impliquée par le texte, est en réalité sans effet puisqu’elle ne pouvait être sanctionnée en raison de l’absence de recours en carence de la loi.

1.2.2 Les privatisations : large marge de manœuvre du législateur, via une interprétation souple des notions de « service public national » et de « monopole de fait »

La question du caractère impératif ou non de l’alinéa 9 s’est posée également à propos de la situation inverse des nationalisations, celle des privatisations d’entreprises publiques et de monopoles publics. Le texte constitutionnel autorise-t-il la privatisation, c’est-à-dire le transfert de propriété du secteur public au secteur privé37, d’une entreprise ayant les caractères d’un « service public national » ou d’un « monopole de fait » ? Dès 1946, les deux notions sont apparues comme peu claires et mouvantes38. Elles ne le sont pas davantage aujourd’hui ; le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État en ont donné les interprétations les plus souples laissant une grande liberté au législateur.

1.2.2.1 Les services publics nationaux

En ce qui concerne les services publics nationaux, dans sa décision du 25–26 juin 1986 relative aux privatisations39, le Conseil constitutionnel a précisé que « la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle » et que « serait contraire à la Constitution le transfert du secteur public au secteur privé de certaines entreprises dont l’exploitation revêt les caractères d’un service public national ». Mais surtout, au sein des « services publics nationaux » dont la définition est malaisée, il a introduit une distinction entre les services publics constitutionnels et les autres, établis par la loi ou les règlements : « [l]e fait qu’une activité ait été érigée en service public par la loi, sans que la Constitution ne l’ait exigé, ne fait pas obstacle à ce que cette activité, comme l’entreprise qui en est chargée, fasse l’objet d’un transfert au secteur privé ». Quant aux services publics constitutionnels40, ce sont ceux qui sont exigés par la Constitution, c’est-à-dire les services régaliens (Défense, Justice, Police, services fiscaux) et les services d’enseignement et de santé. Ils ne peuvent pas être privatisés, mais il a été admis que certains éléments de leur gestion peuvent être concédés à des entreprises privées. La question est plus complexe s’agissant des services publics, notamment industriels et commerciaux nationaux, institués par la loi. Ils peuvent être privatisés par la loi. Pour ce faire, deux possibilités existent. Soit le législateur retire le caractère de service public national au service ou le décharge de ses obligations de service public et le service peut alors être privatisé. C’est ce qui a été réalisé pour France Télécom en 200341. En revanche, La Poste, transformée en société anonyme dont le capital est détenu par l’État ou des personnes morales publiques, n’a pas perdu son caractère de service public national42. Soit, deuxième possibilité, il est procédé au constat, par le législateur ou par le Conseil constitutionnel, que le service n’est pas géré au niveau national ou par une seule entreprise et il peut être privatisé.

Au reste, s’agissant des services publics nationaux non constitutionnels, la possibilité de leur privatisation a été rendue plus aisée par la jurisprudence. Le Conseil constitutionnel a donné une nouvelle définition de ces services publics dans sa décision du 30 novembre 2006 ; elle est centrée sur deux critères principaux : d’une part, leur organisation au niveau national ; d’autre part, l’exécution du service par une seule entreprise. Cela permet de ne plus considérer comme service public national des services assurés par plusieurs entreprises, par exemple Gaz de France en 200643, après la libéralisation des services de l’énergie et la perte de son monopole, et Aéroport de Paris en 201944. Dès lors, ces entreprises, conformément à la nouvelle définition et vidées de leurs obligations de service public, peuvent être transférés au secteur privé.

1.2.2.2 Les « monopoles de fait »

En ce qui concerne le monopole de fait, la question se pose de savoir s’il est possible de transférer au secteur privé des entreprises gérant des infrastructures publiques constitutives de monopoles naturels. Dans le cas de monopole légal, celui-ci peut être supprimé par la loi. En 1946, la notion paraissait assez claire si, par exemple, l’on envisageait les chemins de fer en raison de leurs lourdes infrastructures. Aujourd’hui, en présence des politiques de libéralisation de l’Union européenne, ce type d’exemple est caduc45. D’ailleurs, les infrastructures sont dissociées des activités de services et de prestations et il paraît difficile de privatiser des infrastructures pour de fortes raisons de sécurité nationale et d’ordre public. La jurisprudence constitutionnelle a neutralisé la portée de l’impossibilité de transfert au secteur privé en exigeant le caractère non national du monopole observé.

Dans sa décision des 25–26 juin 198646 concernant les privatisations, le Conseil constitutionnel a défini la notion de « monopole de fait » :

[Le monopole de fait] doit s’entendre compte tenu de l’ensemble du marché à l’intérieur duquel s’exercent les activités des entreprises ainsi que la concurrence qu’elles affrontent dans ce marché de la part de l’ensemble des autres entreprises ; qu’on ne saurait prendre en compte les positions privilégiées que telle ou telle entreprise détient momentanément ou à l’égard d’une production qui ne représente qu’une partie de ses activités ; que compte tenu de ces considérations, il n’est pas établi, en l’état, que ce soit par une erreur manifeste d’appréciation que les entreprises figurant dans sur la liste annexée à la loi ainsi que leurs filiales aient été considérées comme ne constituant pas des monopoles de fait.

Cette approche a été très critiquée par la doctrine, car elle ne repose pas sur une analyse économique pertinente et concrète. Ce mode de contrôle abstrait apparaît lacunaire. En effet, le Conseil constitutionnel, tel qu’il le définit, retient une vision excessivement large du marché pertinent à considérer pour caractériser l’existence ou l’absence d’un monopole ou d’un marché concurrentiel. Pour lui, l’ensemble du marché est géographiquement le marché à l’échelon national, ce qui est trop vaste et incohérent en ce sens que le marché pertinent doit être défini, notamment territorialement, en fonction de chaque situation. Il prend en considération l’ensemble des marchés sur lesquels l’entreprise exerce l’ensemble de ses activités pour caractériser un monopole et non certaines de ses activités. Il retient le marché considéré tel que défini par l’entreprise et non par le consommateur.

En conséquence, la position du Conseil constitutionnel, ainsi d’ailleurs que celle du Conseil d’État, conduisent à faire prévaloir une conception très large du marché pertinent, donc de la substituabilité des produits ou services pour le consommateur. Elles rendent très rares les cas où une entreprise est en position de monopole et donc ne peut être privatisée. Par exemple, lors de la privatisation des sociétés d’autoroutes, le Conseil d’État47 a considéré que les sociétés concessionnaires d’autoroutes ne constituaient pas des monopoles de fait puisqu’il existait un itinéraire alternatif pour chaque itinéraire autoroutier. Cette analyse économique fondée sur la substituabilité des services conduit à intégrer le transport autoroutier dans le transport routier global, ce qui est très contestable et peu réaliste. Mais de son côté, le Conseil de la concurrence, dans son avis du 2 décembre 200548, a au contraire relevé, d’une part, la spécificité du service autoroutier et sa faible substituabilité par rapport à d’autres modes de transport et, d’autre part, le risque de constitution d’un monopole privé regroupant la plupart des parcours autoroutiers après la privatisation. Aussi, en conséquence, le Conseil d’État, dans sa décision du 27 septembre 2006 Bayrou & a.49, a admis la privatisation en écartant la notion de monopole de fait au motif qu’aucune des sociétés concessionnaires n’était dotée de monopole « à l’échelon national ». Les critiques de la doctrine envers la méthode d’analyse économique du Conseil d’État ont été renouvelées à propos de son avis du 14 juin 2018 relatif à la privatisation d’Aéroport de Paris (adp) et de la Française des jeux (fdj), autorisées par la loi du 22 mai 2019 pacte50.

De la même façon le Conseil constitutionnel a retenu des appréciations très larges de la notion de marché pertinent dans sa décision du 16 mai 2019 loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Loi pacte)51 concernant adp et la fdj.

S’agissant d’adp, le Conseil a considéré que cette société publique, exploitant à titre exclusif plusieurs aérodromes en Île-de-France, parmi lesquels les deux principaux du pays, n’exploitait pas une entreprise constituant un monopole de fait. Il ne s’est pas placé sur le terrain du marché aéroportuaire de l’Île-de-France, ni sur le marché national français, mais, d’une part, sur le marché européen des aéroports européens et internationaux, en se fondant sur le fait que, si adp « domine largement le secteur aéroportuaire français, cette société est en situation de concurrence croissante avec les principaux aéroports régionaux, y compris en matière de dessertes internationales ainsi d’ailleurs qu’avec les grandes plateformes européennes de correspondance aéroportuaire ». Il a, d’autre part, retenu comme marché pertinent, le marché, particulièrement étendu, du transport sur lequel s’exerce l’activité d’adp « qui inclut des liaisons pour lesquelles plusieurs modes de transport sont substituables… [puisqu’il] se trouve, sur certains trajets, en concurrence avec les transports par la route et le transport ferroviaire, en particulier, pour ce dernier, du fait du développement des lignes à grande vitesse ». Outre que la motivation s’avère très vague et imprécise, la pertinence de la prise en considération d’un marché retenu aussi étendu et général – tel le marché européen des aéroports – est particulièrement contestable, voire délibérément sur mesure, pour faire échapper adp à la qualification de monopole de fait.

S’agissant de la privatisation de la majorité du capital de la fdj, cette société bénéficiait de droits exclusifs, donc d’un monopole de droit, pour les jeux de loterie commercialisés en réseau physique et en ligne, ainsi que pour les jeux de paris sportifs proposés en réseau physique. Le Conseil constitutionnel a considéré que, d’une part, « ces droits exclusifs ne confèrent pas à la fdj un monopole de fait au sein du secteur, [donc au sein du marché pertinent], des jeux d’argent et de hasard comprenant également les paris hippiques, les jeux de casino et les paris sportifs en ligne » et que, « [d]’autre part, si la fdj propose, en concurrence avec d’autres opérateurs, des paris sportifs et des jeux de poker en ligne, ces activités, ajoutées à celles de ses droits exclusifs, ne lui confèrent pas non plus une place prépondérante de nature à constituer un monopole de fait au sein du secteur de jeux d’argent et de hasard ». La prise en considération d’un marché aussi étendu apparaît une nouvelle fois très discutable.

1.2.3 Conséquence : la neutralisation du caractère potentiellement normatif ou ordonnateur du Préambule de 1946 et l’absence d’une Constitution économique au sens strict

Ainsi, par un mode de contrôle abstrait et non concret et par des interprétations très souples du service public national et du monopole de fait, appuyées sur une acception très large et globale du marché pertinent et de la substituabilité des services, le Conseil constitutionnel vide la Constitution de notions qui auraient pu être les éléments d’une Constitution économique. Il a, de façon continue dans le temps, neutralisé le caractère de principe potentiellement normatif ou ordonnateur des obligations constitutionnelles posées dans le Préambule de 1946. Il a écarté l’interprétation normative forte de principes susceptibles d’avoir la nature de règles ordonnatrices appartenant à une Constitution économique au sens strict. Il reconnaît une très large liberté des choix de politique économique au législateur.

L’on doit observer que, même dans le cadre de l’hypothèse d’une Constitution économique de type normatif faible, bornée à l’énoncé matériel de principes fondamentaux, et neutre, les interprétations extrêmement souples, au reste de nature très libérale, que donne le Conseil constitutionnel des notions de service public national et de monopole de fait vident celles-ci de toute portée vraiment contraignante et les neutralisent. Les normes de référence du contrôle de constitutionnalité sont purgées de toute obligation. Telles qu’interprétées, ces notions n’imposent pratiquement pas de contrainte au législateur qui demeure largement maître de l’opportunité de ses choix.

Ainsi, d’une part, par la reconnaissance de l’équivalence de valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946, donc des droits et principes d’inspirations différentes qu’ils contiennent et, d’autre part, par la neutralisation des obligations de l’alinéa 9 du Préambule de 1946, le Conseil constitutionnel a écarté la thèse d’une Constitution économique imposant quelque choix de système économique que ce soit.

Par cette interprétation, dans le sens de la neutralité de la Constitution, le Conseil constitutionnel s’inscrit dans une position classique bien connue, fermement affirmée par des juridictions constitutionnelles importantes. Il rejoint la Cour suprême des États-Unis qui, en 1937 avec son arrêt West Coast Hotel c.Parrish, a rompu avec la célèbre jurisprudence Lochner v. New York de 190552 qui avait « constitutionnalisé » le libéralisme économique. Il rejoint aussi la Cour de Karlsruhe qui, dans sa décision du 20 juillet 1954, Aide à l’investissement, a considéré que « le constituant [de la Loi constitutionnelle de 1949] ne s’est pas prononcé explicitement en faveur d’aucun système économique particulier (ou déterminé). Cela autorise le législateur à conduire la politique économique qui lui semble opportune dès lors qu’il respecte la Loi fondamentale »53.

Par ses choix, le Conseil constitutionnel a enrichi la Constitution française et construit une Constitution économique de la France matérielle et neutre. Les choix de système et de politique économiques appartiennent au législateur, dans le respect des principes de valeur constitutionnelle. La fonction du Conseil constitutionnel consiste également à exercer le contrôle du respect des principes et règles constitutionnels et des libertés économiques par la loi. Par les décisions qu’il rend, il construit sa jurisprudence économique dont il convient de présenter les lignes et les évolutions.

2 La jurisprudence économique du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a transformé les sources du droit constitutionnel en consacrant la présence dans la Constitution de principes et règles de valeur constitutionnelle énoncés notamment par la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946, ainsi que par sa jurisprudence qui a constitutionnalisé au fil du temps toutes les branches du droit, et non seulement le droit économique. À cet égard, la constitutionnalisation du droit de l’économie ne diffère pas de la constitutionnalisation du droit de la personne, du droit administratif, du droit civil, du droit pénal, du droit du travail, du droit de l’environnement, etc. ; elle en est comparable. Toutefois, l’intérêt particulier porté à la constitutionnalisation du droit de l’économie réside, d’une part, dans l’importance de la matière économique dans nos sociétés comme cadre général des activités sociales et, d’autre part, dans l’attention doctrinale portée dans la plupart des pays à la notion de Constitution économique et les réflexions dont elle est l’objet. L’entreprise que constitue le présent ouvrage montre d’ailleurs clairement la place particulière que tient cette notion et son intérêt54.

Le Conseil constitutionnel a ainsi construit ce que la doctrine juridique française a appelé le bloc de constitutionnalité comprenant notamment les normes de valeur constitutionnelle s’imposant au pouvoir législatif et dont le Conseil doit assurer le respect. Cette expression, aujourd’hui contestée en doctrine, n’est pas utilisée par le Conseil. Il se réfère, pour désigner les sources du droit constitutionnel55, à celle de « principes et règles de valeur constitutionnelle » ou, de façon plus technique, aux « normes de référence du contrôle de constitutionnalité », ou encore à celle de Constitution. À partir des règles et principes de valeur constitutionnels généraux, il a consacré, s’agissant plus précisément du droit public économique, ce que les juristes appellent « les libertés économiques ». En ce sens, la « Constitution économique » ne constitue pas la Constitution économique au sens intense, d’« essence substantialiste »56 ou « ordonnatrice »57, mais plus simplement, au sens matériel, les règles et principes de valeurs constitutionnel du bloc de constitutionnalité, au sommet de la hiérarchie des normes, portant ou ayant effet sur l’économie. En d’autres termes, il s’agit de la constitutionnalisation matérielle des libertés économiques58. Ces règles et principes s’imposent au législateur et représentent les normes de référence du contrôle assuré par le juge constitutionnel.

Les principes et libertés économiques constitutionnels découlent des principes et libertés constitutionnels fondamentaux dont ils sont une déclinaison. Ayant pour destinataires les personnes, ces droits naturels et imprescriptibles de l’homme que sont la propriété et la liberté, comme l’égalité, sont qualifiés de fondamentaux par la décision du 16 janvier 1982. La notion de droits et libertés fondamentaux est largement examinée par la doctrine59, mais on se bornera à considérer dans la présente étude ceux qui figurent dans la Constitution et ont valeur constitutionnelle.

Ces principes et libertés économiques fondamentaux, on le sait, sont à titre principal le droit de propriété, la liberté d’entreprendre, la liberté contractuelle, l’égalité dans la concurrence. Ils sont largement présentés dans la plupart des ouvrages, manuels et travaux doctrinaux60, aussi ne paraît-il pas nécessaire de leur consacrer de trop longs développements.

Le rôle du Conseil constitutionnel est central puisque c’est lui qui a dégagé, consacré et défini ces droits et libertés économiques. La jurisprudence du Conseil en matière de principes et libertés économiques a beaucoup évolué depuis 1982. Il convient de s’attacher à en dégager les grands traits et de tenter de caractériser les aspects notables de cette jurisprudence depuis 1982. Outre l’identification et la définition des principes, il en a ensuite déterminé leur champ d’application et leur étendue en exerçant son contrôle pour en faire assurer le respect par la loi et garantir la protection des citoyens et acteurs économiques.

Il convient tout d’abord de relever la multiplication et l’élargissement des possibilités de saisine du Conseil qui ont entraîné un accroissement du nombre de celles-ci et donc permis au Conseil de développer abondamment sa jurisprudence (2.1.). Ensuite l’on s’attachera à présenter les traits des grandes libertés économiques et la jurisprudence relative à chacune de ces libertés (2.2.).

2.1 L’élargissement de l’accès aux procédures de contrôle

Tout d’abord, d’une façon générale, l’extension du champ de son contrôle a d’abord été rendue possible sur le plan procédural par l’élargissement des possibilités de saisine à des catégories d’acteurs de plus en plus larges. La saisine du Conseil a priori, avant la promulgation des lois votées, a d’abord été limitée, de 1958 à 1974, aux quatre autorités que sont le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de chaque assemblée. Elle a ensuite été étendue, en 1974, à soixante députés ou sénateurs. Dès lors, les parlementaires, en particulier d’opposition, ont saisi le Conseil contre la plupart des lois votées, en particulier presque toutes les lois de finances, lui permettant d’exercer son contrôle sur des domaines de plus en plus étendus.

Enfin, l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité (qpc) en 2010 a considérablement ouvert l’accès au contentieux constitutionnel a posteriori, en permettant aux justiciables, dans le cadre d’un contentieux devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation, de voir introduire la procédure de qpc en vue de faire apprécier directement par le Conseil la constitutionnalité de tout ou partie d’une loi en vigueur applicable à l’instance. Le Conseil peut ainsi déclarer les dispositions législatives en cause contraires à la Constitution et en prononcer l’abrogation. En conséquence, nombre de groupes, association, syndicats et opérateurs économiques se sont saisis de cet accès aisé à la contestation de dispositions législatives en vigueur qu’ils n’estiment pas conformes à leurs intérêts et susceptibles d’être contraires à la Constitution et aux libertés économiques. La pratique, qui s’est largement répandue, consiste, pour un opérateur économique par exemple, à former un recours devant le juge administratif contre un acte administratif, ou contre un refus d’abrogation d’un acte administratif fondé sur une loi, et de soulever une demande de qpc qui, selon l’appréciation du juge, Conseil d’État ou Cour de cassation, sera transmise au Conseil pour l’examen de la constitutionnalité de cette loi. Cet usage assez systématique de la procédure de qpc a conduit le Conseil à étendre considérablement son contrôle dans tous les domaines, particulièrement en matière économique61.

L’élargissement de l’accès au contentieux constitutionnel par l’introduction du contrôle a posteriori par la qpc a apporté un « changement de culture » par rapport aux usages du contrôle a priori62. L’organisation de l’examen des qpc, véritable instance entre les parties, a vu l’établissement d’une procédure propre comportant l’application du principe du contradictoire et la publicité des débats oraux. Ainsi les parties peuvent échanger leurs arguments dans un véritable débat, notamment oral, ce que la pratique illustre sur des questions d’enjeux importants63.

De plus, dans le contentieux qpc, le Conseil constitutionnel accueille, durant l’instruction des affaires, des « observations en intervention » formulées par des intervenants justifiant d’un intérêt à agir64. En outre, les « portes étroites » par lesquelles les opérateurs économiques pouvaient, en pratique, fréquemment accéder au Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori se sont vues imposer la publicité. Les portes étroites sont des contributions extérieures adressées au Conseil, depuis les années 1970, par des juristes tiers à la procédure à l’occasion de saisines. Cette pratique discrète et informelle permettait l’accès indirect de tiers à la saisine examinée, notamment d’opérateurs économiques, au Conseil constitutionnel. Il était entendu que les portes étroites étaient confidentielles et ne constituaient pas des pièces ni des éléments du débat sur la saisine en cause. Cette pratique était très critiquée en raison de l’accès discret, privilégié et non contradictoire au Conseil qu’elles permettaient et de son manque de transparence65. Après avoir d’abord assuré la publicité de la liste des contributions extérieures en 2017, le Conseil a ensuite décidé, dans un communiqué du 24 mai 2019, de rendre public le texte des contributions extérieures qui lui sont adressées spontanément, précisant qu’elles n’ont pas le caractère de document de procédure et qu’il n’est pas tenu d’y répondre. Il n’en demeure pas moins que, si la pratique des « portes étroites » élargit l’accès au Conseil et enrichit le débat, elle bénéficie principalement aux acteurs et opérateurs économiques qui ont la possibilité de s’assurer le concours d’éminents juristes et de les rémunérer.

La multiplication des saisines et requêtes a entraîné, sur le fond, au moyen du contrôle exercé, une extension du champ d’application des libertés économiques et un enrichissement de leur définition, de leur contenu et de leur protection.

2.2 Les libertés économiques garanties par la jurisprudence

La mise en œuvre de la garantie constitutionnelle des libertés économiques est réalisée par les juges et plus particulièrement par le Conseil constitutionnel. Par sa jurisprudence, il a défini ces libertés, précisé leur contenu, leurs limites et leur régime juridique et assuré leur protection. Toutefois, la critique ne l’épargne pas. À cet égard, la question a été posée comme thème d’un colloque tenu en 2019 : « est-il le gardien des libertés ? »66 ; à la question des réponses nuancées sont généralement apportées67. Sont en cause la prudence du Conseil ainsi que l’usage superficiel de certains des outils de son contrôle.

Pour exercer son contrôle sur les lois, le Conseil met en œuvre des techniques qui sont communes à toutes les grandes libertés pour censurer ou non l’atteinte à la norme constitutionnelle de référence. Il s’agit d’abord de l’erreur manifeste d’appréciation susceptible d’être commise par le législateur, lorsque celui-ci, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, librement, doit estimer une situation au regard des conditions exigées par la Constitution pour adopter les dispositions d’une loi. Il s’agit ensuite du contrôle de la proportionnalité de la gravité d’une mesure législative portant atteinte à une liberté ; est-elle proportionnée au regard de la liberté constitutionnelle ? Ne dénature-t-elle pas la liberté par la gravité de l’atteinte qu’elle porte ? Le juge constitutionnel peut aussi s’efforcer de concilier deux libertés pour trouver le juste équilibre entre les atteintes à l’une et à l’autre. Enfin, le Conseil, plutôt que de censurer ou d’abroger une disposition législative qui porte atteinte à une liberté peut préférer formuler une réserve d’interprétation par laquelle il restreint le sens ou indique les limites de l’application des dispositions en cause. Il peut aussi limiter dans le temps les effets d’une censure ou abrogation afin de laisser au législateur le temps d’adopter une nouvelle loi correctrice. Au reste, le Conseil prend soin de souligner son respect à l’égard du Parlement et affirme régulièrement qu’il n’a pas les mêmes pouvoirs que lui.

Il n’apparaît pas que le contrôle des libertés économiques comporte des particularités significatives par rapport au contrôle exercé sur les autres principes et libertés constitutionnels. La particularité la plus notable réside dans l’introduction par le Conseil constitutionnel dans le contentieux économique constitutionnel, et plus spécialement celui de la liberté d’entreprendre et de la concurrence, de normes de références spécifiques. Il s’agit des notions de « bon fonctionnement concurrentiel du marché », d’« encadrement de la concurrence » et de l’objectif de « préservation de l’ordre public économique », qui sont propres au domaine économique. Elles seront examinées plus loin, dans le cadre de la concurrence.

La pratique du contrôle exercé n’est pas exempte de reproches. Ils portent le plus fréquemment sur le caractère souvent sommaire et laconique des motivations des décisions, ou sur la préférence du Conseil pour les analyses abstraites des situations au détriment des analyses concrètes ou encore sur l’usage abondant, voire excessif, du motif d’intérêt général, parfois politiquement teinté, pour justifier certaines atteintes aux droits et libertés, y compris économiques.

Il serait tentant de donner une présentation transversale des caractères de la jurisprudence du Conseil concernant les grandes libertés économiques, mais les particularités relatives à chacune d’elle conduit à préférer les aborder successivement. De manière plus particulière il convient de présenter les caractères de la jurisprudence du Conseil au regard de chacun des droits et libertés économiques garantis par la Constitution, le droit de propriété (2.2.1.), la liberté d’entreprendre (2.2.2.), la liberté contractuelle (2.2.3.), la concurrence (2.2.4.) et la commande publique (2.2.5.).

2.2.1 Le droit de propriété

Le droit de propriété proclamé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 (ddh) a été consacré, on le sait, comme ayant pleine valeur constitutionnelle dans la décision fondamentale du 16 janvier 1982. La propriété est étroitement liée à la liberté et constitue elle-même une liberté68. Elle est essentielle du point de vue de l’économie, car elle est susceptible de porter sur les biens de production : « l’entreprise reste cachée sous la propriété » comme l’a relevé G. Ripert69. Il s’agit de la propriété des personnes privées, mais aussi, à titre égal, de la propriété de l’État et des autres personnes publiques comme l’a énoncé la décision des 25–26 juin 1986 relative aux privatisations70, affirmation renouvelée dans le cadre de la qpc, par exemple dans la décision du 17 décembre 2010 afpa71(inconstitutionnalité de la cession à titre gratuit sans conditions de biens appartenant à l’État à une association).

Le droit de propriété consiste pour le propriétaire en le droit d’utiliser son bien librement et d’en disposer, ce qui en est un « attribut essentiel »72. Le droit de propriété consacré ne s’entend pas comme défini en fonction de la conception existant en 1789, mais en fonction de l’évolution subie par ce droit depuis lors, évolution « caractérisée à la fois par l’extension de son champ d’application à des domaines nouveaux et par des limitations exigées au nom de l’intérêt général ». Le droit de propriété inclut dans sa définition les domaines nouveaux que sont la propriété mobilière, la propriété immatérielle et la propriété industrielle et commerciale73, c’est-à-dire les marques de fabrique, de commerce ou de service74, ainsi que la propriété intellectuelle, notamment le droit d’auteur et les droits voisins75. De façon remarquable, le Conseil, dans sa décision du 10 juin 201076, a étendu le contenu et la définition du droit de propriété en considérant que le droit de propriété protège le « droit de propriété du créancier garanti par les articles 2 et 4 [la liberté] de la Déclaration de 1789 ». Il s’écarte par-là de la définition civiliste classique car le droit de propriété est un droit réel portant sur une chose, alors que le droit de créance est un droit personnel qui opère entre le créancier et le débiteur.

En cas d’atteintes au droit de propriété, la protection de ce droit est assurée par le contrôle du Conseil constitutionnel sur la nature de l’atteinte et sur le respect du régime des garanties attachées à l’atteinte. Bien qu’absolu (ddh, art. 2), le droit de propriété peut faire l’objet d’atteintes qui sont de deux ordres : d’une part, les limitations ou restrictions, fondées sur l’article 2 de la Déclaration de 1789 ; d’autre part, les privations de propriété qui relèvent de l’article 17 de la Déclaration.

Les restrictions ou limitations à l’exercice du droit de propriété « doivent être justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi » par législateur77. Les buts d’intérêt général sont multiples et variables. L’on peut citer, par exemple, l’obligation de respect de certaines distances pour les plantations en limite de propriété voisine, laquelle n’est pas disproportionnée par rapport au but d’assurer des relations de bon voisinage et ne porte pas atteinte à l’exercice du droit de propriété78 ; l’obligation de rénovation énergétique des bâtiments résidentiels à l’occasion d’une mutation est, elle, contraire à la Constitution en ce que la loi ne définit ni la portée de l’obligation, ni les conditions financières de sa mise en œuvre ni celles de son application dans le temps79. Les limitations et restrictions à l’exercice de la propriété n’appellent en principe l’octroi d’aucune indemnité.

Les privations de propriété sont principalement les expropriations pour cause d’utilité publique ainsi que les nationalisations, mais elles concernent aussi d’autres cas, en particulier en matière de propriété foncière : la rétention par l’État de biens culturels dont l’autorisation d’exportation a été refusée80, ou encore le droit de préemption exercé par les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (safer) sur des terres agricoles en vue de leur réattribution à d’autres agriculteurs81. Le régime des privations de propriété découlant de l’article 17 de la ddh a été défini par la décision Nationalisations du 16 janvier 1982, ainsi que par la décision des 25–26 juin 1986 pour les privatisations82. Tout d’abord, les privations de propriété ne peuvent être décidées qu’au profit d’une autorité de l’État et par le seul Parlement. Ensuite, le législateur ne peut priver de la propriété privée que « lorsque la nécessité publique l’exige évidemment » sous le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation comme l’a énoncé le Conseil en 198283. En outre, la loi doit prévoir une juste et préalable indemnité. Le caractère juste de l’indemnisation est rigoureusement contrôlé par le Conseil. Elle peut être calculée sur la valeur moyenne en bourse des actions ou par des experts. Elle doit compenser l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain84. Enfin, elle doit être préalable, c’est-à-dire que ses modalités et modes de calcul doivent être définis avant la réalisation de l’opération.

Par ailleurs, aux termes de la décision des 25–26 juin 1986, l’article 17 de la ddh « ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers, mais aussi à titre égal la propriété de l’État et des autres personnes publiques ». Les privatisations et transferts de propriété du secteur public au secteur privé doivent comporter une contrepartie appropriée à la valeur réelle du patrimoine cédé et en aucune façon à des prix inférieurs à la valeur réelle des biens. En outre, les nationalisations et privatisations relèvent de l’alinéa 9 du Préambule de 1946 comme cela a été étudié plus haut85.

De manière générale, le législateur ne peut pas porter au droit de propriété des atteintes aboutissant à sa dénaturation, ni consistant en une atteinte disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi par la loi.

2.2.2 La liberté d’entreprendre

La liberté d’entreprendre ne figure pas en tant que telle dans la Déclaration de 1789. Elle a été reconnue, formulée et consacrée par le Conseil constitutionnel dans la décision du 16 janvier 1982 Nationalisations qui l’a déduite de la liberté proclamée dans l’article 4 de la Déclaration. Il lui a conféré pleine valeur constitutionnelle : « la liberté qui, aux termes de l’article 4 de la Déclaration consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d’entreprendre ». Énoncée d’abord comme « ni générale ni absolue » et ne pouvant exister que dans le cadre d’une réglementation instituée par la loi, aux termes de la décision du 27 juillet 198286, cette formulation a été abandonnée par la décision du 10 juin 199887 . Désormais « il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la [ddh], les limitations justifiées par l’intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles, à la condition que lesdites limitations n’aient pas pour conséquence d’en dénaturer la portée » ou de ne pas être proportionnées à l’objectif poursuivi. Cette formulation est reprise dans la plupart des décisions postérieures, notamment dans l’importante décision du 5 août 2015 relative à la Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron »88. Elle a en outre été définie par la décision du 30 novembre 2012, M. Christian S.89, comme la liberté d’accéder et d’exercer une activité ou profession ; elle correspond à la traditionnelle liberté du commerce et de l’industrie du droit français énoncée, notamment par le Conseil d’État, depuis la Révolution de 1789.

Pendant 18 ans, jusqu’à la décision du 7 décembre 200090, la portée de cette liberté a été limitée puisqu’aucune loi n’a été censurée par le Conseil constitutionnel pour atteinte à la liberté d’entreprendre. Au fil de l’évolution de la liberté d’entreprendre depuis 2000, il apparaît qu’elle a fait l’objet d’une promotion remarquable, en particulier à partir de 2010 avec la qpc.

2.2.2.1 Le rôle central de la liberté d’entreprendre dans le contentieux constitutionnel économique

En premier lieu, sur un plan théorique, elle représente probablement la liberté la plus fondamentale pour plusieurs raisons. D’abord, elle est directement fondée sur la liberté énoncée à l’article 4 de la Déclaration de 1789 et elle est indubitablement très fortement liée à la propriété, qui constitue elle-même une liberté. Consacrée par le Conseil constitutionnel, elle contient la traditionnelle liberté du commerce et de l’industrie (1791) qui elle-même en « découle » et en est une « composante »91. Elle est proche de la liberté d’établissement du droit de l’Union européenne et de la liberté d’entreprise de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (art. 16). Ensuite, le Conseil constitutionnel tend à relier la libre et égale concurrence à la liberté d’entreprendre, considérant parfois que l’égale concurrence constitue un motif d’intérêt général justifiant une atteinte à la liberté d’entreprendre. Par exemple, des obligations différentes de repos hebdomadaires des salariés, imposées par le droit du travail, sont susceptibles de porter atteinte à la liberté d’entreprendre parce qu’elles rompent l’égalité de concurrence entre des entreprises, notamment entre des départements voisins92. La libre et égale concurrence, qui n’a pas valeur constitutionnelle, est souvent liée à la liberté d’entreprendre, voire rattachée ou intégrée à elle.

En deuxième lieu, sur un plan contentieux, la liberté d’entreprendre représente la plus importante part du contentieux constitutionnel économique en ce sens que le plus grand nombre de saisines et de requêtes qpc contre des lois invoquent des atteintes disproportionnées apportées à la liberté d’entreprendre ou sa méconnaissance. De plus, en général, les auteurs de saisines et les requérants invoquent dans leurs mémoires une pluralité de moyens d’inconstitutionnalité, dont parmi eux des atteintes à la liberté d’entreprendre. Il en résulte que le nombre de décisions du Conseil constitutionnel portant sur cette liberté est très important.

Mais aussi, en troisième lieu, de façon plus remarquable, la liberté d’entreprendre a été à l’origine d’une double évolution très importante, depuis 2010 plus particulièrement. Tout d’abord, l’introduction de la qpc93, donc de la procédure de contrôle a posteriori, a entraîné une ouverture considérable de l’accès au contentieux constitutionnel. Il en a par conséquent résulté la multiplication des requêtes94, en particulier émanant des opérateurs économiques. Sur le fondement d’atteintes à la liberté d’entreprendre, ainsi qu’à la liberté de concurrence, se sont multipliées les requêtes qpc en matière de contentieux de droit économique portant sur des lois de réglementation, d’aides économiques ou la régulation. Il en résulte depuis lors un accroissement considérable des décisions rendues en matière économique. Ensuite, il apparaît à l’observation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que celui-ci oriente sa jurisprudence en une tendance marquée dans le sens du libéralisme économique et de l’économie de marché. La confrontation entre la liberté d’entreprendre et d’autres principes ou objectifs constitutionnels conduit souvent à une prise en considération marquée par le libéralisme économique. La jurisprudence constitutionnelle apparaît libérale en matière économique95.

2.2.2.2 Le contenu de la liberté d’entreprendre

Dans son contenu, la liberté d’entreprendre comprend deux aspects, qu’il convient d’examiner successivement : la liberté d’accès à une activité ou profession et la liberté d’exercice d’une activité ou profession.

La liberté d’accès à une activité ou profession au regard de la liberté d’entreprendre fait l’objet d’un contrôle du Conseil assez souple. Par exemple, l’interdiction des jeux de hasard ou leur soumission à autorisation préalable ne portent pas atteinte à la liberté d’entreprendre96, de même que l’interdiction d’exploiter un débit de boisson à toute personne condamnée pour certains crimes ou délits97. De la même façon, la déclaration d’activité imposée aux mototaxis ou la délivrance d’une carte professionnelle imposée aux conducteurs de véhicules de transports avec chauffeur (vtc) et les limitations de leurs activités par rapport au monopole des taxis ne portent pas d’atteintes disproportionnées à la liberté d’entreprendre98. Il en va ainsi s’agissant du monopole conféré à l’inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives)99. Par ailleurs, respectent les garanties légales exigées par la liberté d’entreprendre l’encadrement strict, par le code de la santé publique, de la profession et de l’activité de pharmacien, ainsi que leur établissement, afin de favoriser une répartition équilibrée des officines sur l’ensemble du territoire et de garantir ainsi l’accès de l’ensemble de la population aux services qu’elles offrent100. Également, quant à la liberté d’accès, la loi établissant un régime d’autorisation administrative des noms de domaines sur Internet et de l’usage de «.fr » est-elle censurée en raison de l’insuffisance d’encadrement du secteur et l’absence des garanties du respect de la liberté d’entreprendre ; toutefois le régime n’est pas censuré en lui-même, car il est justifié par l’intérêt général.

La liberté d’exercice d’une activité ou profession, qui ne permet pas de restreindre la liberté de gestion des opérateurs économiques, donne lieu à un très grand nombre de décisions qui, dans l’ensemble, préservent la liberté d’entreprendre. Ainsi, dans la décision du 30 novembre 2012 M. Christian S, le code des professions applicable en Alsace-Moselle obligeait dans certains cas les artisans à s’affilier à une corporation, ce qui emportait plusieurs conséquences sur la gestion de leur entreprise (cotisations, contrôles, sanctions, etc.). Cette obligation est contraire à la liberté d’entreprendre, non au regard de la liberté de création d’une entreprise, mais au regard de la liberté d’exercice professionnel.

De même, les dispositions législatives du code de l’environnement (art. L. 224–1) prévoyant l’obligation d’utiliser une quantité minimum de bois dans les constructions nouvelles pour des raisons environnementales, sont-elles censurées au motif de l’absence d’intérêt général autorisant une atteinte aussi forte à la liberté d’entreprendre101. En sens inverse, le Conseil admet que l’interdiction de l’usage de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est justifiée par l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement et l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique102. De même, l’interdiction de mise à disposition de gobelets, verres et assiettes jetables pour la table en matière plastique ne dénature-t-elle pas la liberté d’entreprendre, car elle est suffisamment encadrée103. L’interdiction par la loi française de la présence de « Bisphénol A » dans les emballages en contact avec des produits alimentaires pour nourrissons a été jugée contraire à la liberté, mais seulement en ce qui concerne l’exportation, car ces produits sont autorisés dans de nombreux pays. En revanche, cette interdiction sur le territoire national n’est pas contraire à la liberté d’entreprendre, car il n’appartient pas au Conseil d’apprécier le risque médical « au regard de l’état des connaissances »104. Cette solution curieuse paraît destinée à tempérer l’interdiction du « Bisphénol A » à l’égard des entreprises utilisant ce produit.

Enfin, il est notable que, dans une décision du 31 janvier 2020105, le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé l’objectif de valeur constitutionnelle (ovc) de protection de la santé (Préambule de 1946, al. 11), a, pour la première fois, consacré « la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains » comme ovc découlant de la Charte de l’environnement dont le législateur doit assurer la conciliation avec la liberté d’entreprendre. Dès lors, en interdisant la vente et l’exportation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par les instances compétentes de l’UE, mais en laissant aux entreprises un délai de trois ans pour adapter leur activité, le législateur « a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d’entreprendre et les ovc de protection de l’environnement et protection de la santé ». Le Conseil n’a donc pas censuré la loi.

2.2.2.3 Les modalités du contrôle du respect de la liberté d’entreprendre

La liberté d’entreprendre n’est ni générale ni absolue, aussi des limitations peuvent être apportées par la loi, mais dans les conditions constitutionnellement posées. Ces conditions sont d’abord la compétence du Parlement, ensuite les exigences de l’intérêt général, enfin l’absence de dénaturation de cette liberté, c’est-à-dire l’atteinte à la substance de cette liberté par un degré extrême d’atteinte.

Le contrôle du Conseil constitutionnel sur le respect de la liberté d’entreprendre, comme des autres libertés constitutionnelles, porte sur l’erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt général éventuellement commise par le législateur ainsi que sur les termes de la confrontation, c’est-à-dire la conciliation équilibrée avec d’autres droits et libertés fondamentaux et exigences constitutionnelles, par exemple la protection de la santé (du Préambule de 1946, al. 11) ou le droit d’obtenir un emploi (al. 5). Mais le Conseil met surtout en œuvre un contrôle de la proportionnalité de l’atteinte ou de l’adéquation de la limitation de la liberté d’entreprendre elle-même par rapport à l’objectif poursuivi par la loi ou par rapport à d’autres droits et libertés constitutionnels confrontés. Au demeurant, le mode d’exercice du contrôle de proportionnalité fait l’objet de fréquentes critiques adressées par la doctrine. Ces critiques résident dans le constat que le Conseil, d’une part, recourt à des pratiques d’« examen particulièrement sommaire qui réduisent le contrôle de proportionnalité au prononcé de formules rituelles »106, d’autre part, a la préférence pour un contrôle abstrait plutôt que concret et, enfin, pêche par des motivations insuffisantes, succinctes et laconiques. Il est incontestable que ses motivations sont fréquemment sommaires et lapidaires. Souvent le Conseil se contente de se référer à une absence de disproportion manifeste de la loi examinée, sans explications ni justifications. Comme on l’a vu plus haut, le même type de critiques est exprimé dans le cadre d’autres contentieux économiques, en particulier celui du contrôle des atteintes à la concurrence et des monopoles de fait. L’analyse d’un marché est effectuée au moyen d’un contrôle abstrait et non concret, entraînant donc une appréciation sommaire et imprécise de la réalité ou non d’un « marché pertinent »107.

En outre, le Conseil constitutionnel préfère parfois à une déclaration de non-conformité d’une disposition législative le prononcé d’une « interprétation sous réserve ». Il formule ainsi des interprétations neutralisantes, constructives ou directives des lois qui consistent à priver d’effets juridiques, compléter ou encadrer des dispositions législatives contestées. Il en use fréquemment, mais en particulier dans le cas de qpc mettant en cause une jurisprudence du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Dans le prolongement de la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel a reconnu une autre liberté économique, la liberté contractuelle.

2.2.3 La liberté contractuelle

La liberté contractuelle108 était consacrée au niveau législatif par le Code civil de 1804 et confirmée dans la nouvelle rédaction de l’article 1102, introduite en 2016 : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ». Cette liberté fondamentale était l’une des libertés de la « constitution civile de la France »109 depuis la fin du xviiie siècle. D’un point de vue économique, on peut considérer qu’elle est un élément ou un prolongement de la liberté d’entreprendre. Après avoir considéré « qu’aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit le principe de la liberté contractuelle » en 1994110, le Conseil constitutionnel s’est acheminé, dans plusieurs décisions de 1997 et des années suivantes, vers une reconnaissance de la liberté contractuelle, pleinement consacrée dans la décision du 19 décembre 2000111, en évoquant « la liberté contractuelle qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Toutefois, la disposition contestée de la loi de financement de la sécurité sociale alors déférée, « inspirée par des motifs d’intérêt général, n’apportait pas à cette liberté une atteinte contraire à la Constitution ».

La liberté contractuelle comprend deux aspects différents. Le premier réside dans la règle selon laquelle les lois nouvelles ne peuvent s’appliquer ou porter atteinte aux contrats en cours, c’est-à-dire aux contrats conclus sous l’empire d’une précédente législation. La loi nouvelle s’applique immédiatement ou dans le délai d’entrée en vigueur qu’elle fixe, mais non aux contrats en cours. La liberté contractuelle protège les contrats existants, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans ses décisions du 7 août 2008 et du 19 novembre 2009112 : « Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte non justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 ».

Le deuxième aspect correspond aux trois éléments classiques énoncés dans le Code civil : la liberté de contracter ou de ne pas contracter, la liberté de choisir son cocontractant et la liberté de déterminer le contenu et la forme du contrat.

Nombreuses sont les contraintes légales pesant sur les contrats, soit des obligations de contracter, soit des obligations d’encadrement relatives au contenu des contrats tenant au droit du travail, droit de la consommation, des assurances, des baux d’habitation, etc., voire l’interdiction de contracter.

Les limites ou restrictions pouvant être apportées à la liberté contractuelle sont les mêmes que celles existant pour la liberté d’entreprendre et les autres libertés, soit l’intérêt général ou la conciliation avec d’autres principes de valeur constitutionnelle. Le Conseil exerce souvent un contrôle de proportionnalité ou d’adéquation. Il a par exemple considéré en 2018 que la nouvelle réglementation relative aux accords de branche ou conventions d’un niveau supérieur entre partenaires sociaux ne portait pas atteinte aux articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, car la loi permettait aux partenaires sociaux de maintenir encore les obligations existantes113. En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré les nouvelles dispositions de l’article L. 912–1 du code de la sécurité sociale, issues de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, sur le fondement de la liberté contractuelle. Cette disposition permettait aux conventions collectives d’une branche professionnelle de désigner un organisme d’assurance santé s’imposant à toutes les entreprises du secteur concerné dans le but de permettre aux salariés de réduire le coût de la couverture médicale en bénéficiant d’économies d’échelle. Le Conseil a considéré que l’intérêt général ne pouvait justifier l’imposition d’« un cocontractant déjà désigné par un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini »114.

Par ailleurs, la question s’est posée de savoir si les personnes publiques disposent de la liberté contractuelle. À l’encontre de cette hypothèse, l’on peut avancer que les personnes publiques disposent de compétences objectives et non de libertés subjectives et que les contrats publics, conclus dans un but d’intérêt général, sont soumis à une réglementation rigoureuse. Toutefois, le Conseil constitutionnel a admis dans une décision du 30 novembre 2006115 l’existence de la liberté contractuelle au bénéfice des collectivités territoriales. Depuis la loi du 8 avril 1946, Gaz de France (gdf), établissement public, détenait le monopole de la distribution de gaz et les communes devaient conclure des conventions de distribution de gaz sur leur territoire avec gdf. Or la loi relative au secteur de l’énergie de 2006 autorisait, dans le cadre de la libéralisation des services de l’énergie, la privatisation de Gaz de France (gdf) et la fin de son monopole. Dès lors, les collectivités territoriales considéraient qu’elles devaient pouvoir conclure librement des contrats de distribution avec l’opérateur privé gdf ou tout autre opérateur et que l’obligation de conclure avec gdf devenait injustifiée. Le Conseil constitutionnel a considéré que « la limitation de la libre administration des collectivités territoriales et de la liberté contractuelle trouve sa justification dans la nécessité d’assurer la cohérence du réseau des concessions actuellement gérées par gdf et de maintenir la péréquation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution ». Il considère donc que la liberté contractuelle bénéficie aux personnes publiques et que la garantie de cette liberté s’applique aux contrats publics. Toutefois, dans des décisions de 2009116 et de 2014117, le Conseil a ajouté un critère selon lequel les personnes publiques devaient être « autonomes » pour bénéficier de la liberté contractuelle, ce qui, relève-t-il, n’est pas le cas ni des hôpitaux ni des établissements publics de coopération intercommunale. Outre le caractère très imprécis du critère de l’« autonomie », ces errements montrent la réticence du Conseil à reconnaître le complet bénéfice de la liberté contractuelle aux personnes publiques.

Depuis les réformes introduites par l’entrée en vigueur du code de la commande publique en avril 2019, qui concerne les marchés publics et les concessions de service, la question pourrait être posée en des termes différents118 bien que ces contrats soient très réglementés. Toutefois, le code de la commande publique ne couvre pas tous les contrats publics, notamment des catégories de contrats importantes telles que les contrats d’occupation du domaine public, ou contrats domaniaux, qui d’ailleurs laissent une assez large liberté de contracter aux personnes publiques gestionnaires du domaine public…

2.2.4 La concurrence

Le Conseil constitutionnel considère que la libre concurrence ou la liberté de concurrence n’est pas un principe de valeur constitutionnelle qui s’impose au législateur119. La libre concurrence n’est pas autonome par rapport à la liberté d’entreprendre à laquelle il la rattache. La libre concurrence ou liberté de concurrence est une composante de la liberté d’entreprendre, car celle-ci comprend le libre accès au marché et la liberté de concurrencer les autres opérateurs présents sur le marché.

Le Conseil constitutionnel a admis à partir de 1998 de contrôler que « les effets éventuels des dispositions contestées sur les conditions de la concurrence ne sont pas constitutifs d’une rupture d’égalité »120. Le respect du principe d’égalité implique la libre concurrence. Dans plusieurs décisions, notamment celle du 11 juillet 2001121, il vérifie que les dispositions législatives contestées comme constitutives d’un avantage concurrentiel « ne portent par elles-mêmes, aucune atteinte à l’égalité entre les entreprises ». La libre concurrence comporte ainsi le respect du principe d’égalité, égalité formelle et égalité réelle, voire correctrice d’inégalités de fait, c’est-à-dire, d’une part, l’égalité entre tous les opérateurs entrants sur le marché ou susceptibles d’y entrer ; d’autre part, l’égalité entre les acteurs opérant sur un marché ; enfin, l’égalité dans les conditions d’exercice de leurs activités économiques. Toutefois, il peut être dérogé au principe d’égalité pour un motif d’intérêt général et pour des motifs en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. La libre concurrence ne se borne pas à l’égalité des individus dans la concurrence. Elle implique une intervention publique pour assurer la concurrence sur le marché et l’application horizontale de la concurrence. L’objet du droit de la concurrence est d’assurer l’encadrement de la concurrence par la fixation de règles, le contrôle du respect de celles-ci par les opérateurs ainsi que l’examen de leurs comportements. La libre concurrence ne peut pas exister sans respect du principe d’égalité ni un encadrement du marché par des règles et une régulation.

Par ailleurs, le Conseil indique nettement qu’il n’est pas le juge de la concurrence et qu’il ne lui appartient pas de contrôler le respect de la libre concurrence, mais qu’« il appartiendra tant aux autorités de contrôle qu’au juge compétent de veiller au respect du principe d’égalité qui, en l’espèce, implique la libre concurrence ». Il reprendra cette même formulation dans des décisions ultérieures, notamment la décision du 16 août 2007 et celle du 11 février 2011122.

À partir de 2011, le Conseil a évolué, allant dans le même sens que la doctrine juridique dominante123 qui a établi que la concurrence est d’intérêt général. Il a donc introduit, dans le contrôle des mesures législatives restrictives de concurrence contestées devant lui, leur justification ou non par un motif d’intérêt général. Ainsi, dans sa décision du 21 janvier 2011124, il a considéré que les mesures prises par un préfet visant à assurer l’égalité entre les établissements d’une même profession dans une même zone géographique répondent à un motif d’intérêt général, puis, dans la décision du 5 août 2011 Somodia125, il a jugé qu’en interdisant l’exercice d’une activité industrielle, commerciale ou artisanale le dimanche, « ces dispositions [prises par le législateur] ont pour objet d’encadrer les conditions de concurrence entre les établissements quels que soient leur taille ou le statut juridique des personnes qui travaillent ; que dès lors, de telles restrictions répondent à un motif d’intérêt général ».

Mais c’est surtout dans la décision du 12 octobre 2012, Canal plus126, qu’il a franchi un pas supplémentaire en introduisant l’objectif de préservation de l’ordre public économique comme un motif d’intérêt général permettant de justifier des limitations aux libertés économiques, en particulier la liberté d’entreprendre et la concurrence. Cette importante décision a été rendue à propos du pouvoir, conféré par l’article L. 480–8 du code de commerce à l’Autorité de la concurrence, de procéder au retrait de la décision ayant autorisé une opération de concentration et d’infliger des sanctions pécuniaires en cas de non-exécution des obligations imposées, d’inexécution d’une injonction, d’une prescription ou d’un engagement attaché à la décision d’autorisation de concentration. Les requérants estimaient que ces dispositions portaient atteinte à la liberté d’entreprendre. Le Conseil considère que :

les dispositions contestées relatives au contrôle des concentrations ont pour objet d’assurer un fonctionnement concurrentiel du marché dans un secteur déterminé ; qu’en les adoptant, le législateur n’a pas porté au principe de la liberté d’entreprendre une atteinte qui ne serait pas justifiée par des objectifs de préservation de l’ordre public économique qu’il s’est assignés et proportionnée à cette fin ; que par suite le grief tiré de l’atteinte à la liberté d’entreprendre doit être écarté.

L’accent est désormais mis sur des notions nouvelles : le bon fonctionnement concurrentiel du marché, donc la protection du marché, comme un élément de la préservation de l’ordre public économique. La préservation de l’ordre public économique est un motif d’intérêt général permettant de limiter, par des dispositions législatives, les libertés économiques, en particulier la liberté d’entreprendre ou la concurrence.

Il apparaît depuis lors que le contrôle des atteintes à la concurrence réalisée au regard du respect du principe d’égalité est maintenant davantage appréhendé par l’appréciation de la proportionnalité de l’atteinte à la liberté d’entreprendre en elle-même ou au regard du bon fonctionnement concurrentiel du marché. À cet égard, plusieurs lois établissant des monopoles, donc supprimant la concurrence, ont été validées par le Conseil au motif que l’atteinte à la liberté d’entreprendre était justifiée par des motifs d’intérêt général ou de sauvegarde de l’ordre public. Par exemple, le monopole d’importation des viandes en Nouvelle-Calédonie visant à protéger la production de viande locale et à assurer le bon approvisionnement de la population du territoire est validé : « eu égard aux particularités de la Nouvelle-Calédonie et aux besoins d’approvisionnement du marché local, l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre par le monopole confié à l’établissement public Office de commercialisation et d’entreposage frigorifique (ocef) en complément de sa mission de service public […] ne revêt pas un caractère disproportionné »127. Un autre exemple est donné par la décision du 27 septembre 2013128 concernant la garantie de l’État accordée à la seule caisse centrale de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles par l’article L. 431–9 du code des assurances. Le Conseil a considéré qu’eu égard à la nature particulière des risques assurés, le législateur, en choisissant d’accorder la garantie de l’État à la seule caisse centrale de réassurance, n’a pas méconnu la liberté d’entreprendre. L’atteinte à la concurrence n’est pas autonome, mais est intégrée à la liberté d’entreprendre. Dans d’autres décisions, par exemple l’importante décision du 22 mai 2015 Sté. uber France sas & autres129, relative à la concurrence entre les taxis et les vtc, le Conseil examine la question de concurrence entre les taxis et les vtc au regard des atteintes à la liberté d’entreprendre et au principe d’égalité.

Il en va de même dans les décisions postérieures, celle du 18 mai 2016130, et en particulier la décision du 7 novembre 2019 Loi relative à l’énergie et au climat131. Cette décision concernait les dispositions fixant le volume d’électricité nucléaire qu’edf, qui en a le monopole de production, peut être tenu de céder aux autres fournisseurs d’électricité et le prix de cession. Le Conseil a validé les dispositions législatives critiquées, considérant que « le législateur, qui a entendu assurer un fonctionnement concurrentiel du marché de l’électricité et garantir une stabilité des prix sur ce marché, a poursuivi un objectif d’intérêt général ». Il a aussi émis une réserve en estimant que l’absence de « modalité de détermination du prix ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, autoriser les ministres chargés de l’énergie et de l’économie à arrêter un prix sans suffisamment tenir compte des conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires ». Enfin, il a examiné l’absence d’atteinte au principe d’égalité. Ainsi, si la libre concurrence n’a pas de valeur constitutionnelle en elle-même, le Conseil constitutionnel contrôle les restrictions de concurrence dans le cadre du respect de la liberté d’entreprendre, du principe d’égalité ainsi que de l’objectif de la préservation de l’ordre public économique.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi, pour le Conseil constitutionnel, la liberté de concurrence n’est pas dotée de valeur constitutionnelle. En premier lieu, la concurrence et le droit de la concurrence ont, en l’état actuel du droit français, valeur législative, puisque le droit de la concurrence voit ses règles fixées dans les articles L. 410 et suivants du code de commerce qui a codifié l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et la concurrence. De plus, la concurrence, règle de droit européen applicable (d’ailleurs à l’origine d’inspiration ordolibérale132) édictée dans le traité sur l’Union européenne (tue) et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (tfue), est dotée d’une valeur supra-législative.

En deuxième lieu, reconnaître la concurrence comme règle ou principe de valeur constitutionnelle consisterait à fixer le choix économique déterminé de la concurrence au législateur, système incompatible avec la neutralité de la Constitution et par conséquent avec la liberté de choix de régime économique appartenant au législateur133. La reconnaissance de la valeur constitutionnelle de la concurrence évoquerait par trop une inspiration constitutionnelle ordolibérale et pencherait vers un type de constitution économique de conception substantielle et ordonnatrice.

En troisième lieu, les principes, libertés et droits fondamentaux constitutionnels sont des libertés individuelles. Or d’une part, la concurrence n’est pas une liberté individuelle comme les autres, mais une liberté qui ne peut jouer que sur un marché existant et entre les acteurs sur le marché, comme le constatent la plupart des auteurs. Il existe une horizontalité des effets des mesures. Elle se fond dans la liberté d’entreprendre qui est la liberté d’accéder à une activité, et garantit l’accès au marché de tout opérateur. Elle implique l’égalité, donc le respect du principe d’égalité entre les acteurs. D’autre part, la concurrence nécessite l’organisation et l’encadrement de la concurrence134 par des règles pour que soit assuré le bon fonctionnement concurrentiel du marché dans l’intérêt général. Il n’y a pas de concurrence sans une structuration par le droit public de la concurrence pour la préservation d’un ordre public économique. La réglementation de la concurrence assure la préservation du marché mais non celle des libertés constitutionnelles.

Enfin, dans le cadre de sa jurisprudence économique, le Conseil constitutionnel a énoncé des principes concernant la commande publique. La concurrence concerne également la commande publique, mais à un titre très différent, en ce sens que c’est à la personne adjudicatrice de mettre en concurrence les candidats à un marché. Il convient de présenter rapidement la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la commande publique.

2.2.5 La commande publique

Dans la décision du 26 juin 2003135, le Conseil constitutionnel a énoncé que « les dispositions relatives à la commande publique devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l’article 1er du nouveau code des marchés publics aux termes duquel […] les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ». Ces principes de la commande publique qui découlent de principes à valeur constitutionnelle de liberté et d’égalité n’ont pas valeur constitutionnelle, mais ils s’appliquent non seulement aux contrats de la commande publique (marchés et concessions de service) mais aussi à d’autres types de contrats publics. Ces principes impliquent le respect de la publicité des contrats et de la mise en concurrence, la limitation de la durée des concessions de service et délégations de service public, la garantie de l’égal accès à la commande publique. Ceux de ces principes qui sont repris dans le code de la commande publique de 2019 ou d’autres textes législatifs ont valeur législative.

Ils trouvent également leur origine dans le droit de l’Union européenne et en particulier dans la jurisprudence de la Cour de justice Telaustria du 7 décembre 2000136. De son côté, le Conseil d’État a considéré dans la décision du 23 décembre 2009137 Établissement public du musée et du domaine national de Versailles que ces principes constituent des principes généraux du droit : « les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, [...] sont des principes généraux du droit de la commande publique ». Désormais principes généraux du droit, ils ont donc une valeur supra-réglementaire et infra législative et s’imposent à tous les actes des autorités administratives. Au demeurant, ils peuvent être complétés ou modifiés par la loi.

En principe, le Conseil constitutionnel n’est pas appelé à faire application de ces principes. Toutefois il pourrait être amené à contrôler une loi portant sur le droit de la commande publique ou sur des contrats publics au regard des principes constitutionnels, notamment ceux énoncés par les articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789, soit a priori, sur saisine, soit a posteriori, sur requête qpc.

Conclusion

En reconnaissant la valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 ainsi que des principes et libertés proclamés, le Conseil constitutionnel n’a pas construit une Constitution économique française de type substantiel ou ordonnatrice comportant des choix de système économique imposés au législateur et aux autorités de l’État. Il a opté pour une conception matérielle et neutre de la Constitution, comme la plupart des auteurs l’ont constaté, laissant les grands choix économiques à la décision du législateur. La Constitution confère au Parlement toute liberté aussi bien pour l’adoption de mesures empreintes de libéralisme économique que de mesures de nature interventionniste.

Ce que l’on peut appeler Constitution économique de la France, ce sont donc les principes et les règles de portée économique de valeur constitutionnelle placés au sommet de la hiérarchie des normes faisant partie du bloc de constitutionnalité. Cette construction est le résultat ou le constat du processus, toujours en gestation, de la constitutionnalisation de toutes les branches du droit français138. Cette édification est l’œuvre constructive du Conseil constitutionnel à travers sa jurisprudence. Sa fonction de contrôle du respect par la loi des droits et libertés constitutionnels le conduit à dégager des principes constitutionnels et à en assurer la bonne application. À partir des principes généraux, il a dégagé des principes et libertés constitutionnels propres à la matière économique dont il a construit le contenu et la portée. L’intérêt de cette intégration de l’économie dans le droit constitutionnel doit être particulièrement souligné compte tenu de l’importance essentielle, certes jugée par certains excessive, de l’économie dans l’ensemble de la vie sociale contemporaine.

Au demeurant, le Conseil constitutionnel est-il toujours pleinement le protecteur et le gardien des libertés et singulièrement des libertés économiques ? Malgré les critiques souvent fondées, on peut considérer qu’il l’est dans une large mesure. Il rend aussi des décisions qui emportent l’adhésion et la satisfaction. Toutefois il n’est guère contestable qu’il lui faudrait améliorer ses méthodes de contrôle et les rendre plus rigoureuses. Par ailleurs, en raison de sa composition singulière, les juristes chevronnés y sont en nombre insuffisant. En outre, par pure hypothèse, on peut s’interroger sur ce que serait la garantie des droits et libertés s’il n’existait pas ou s’il était encore dans la situation qui était la sienne avant les années 1980. Face à un système majoritaire dans lequel l’exécutif et le législatif vont de pair, il est, ainsi que tous les juges, un contre-pouvoir juridictionnel et juridique indispensable en démocratie.

L’existence d’un juge constitutionnel faisant respecter les droits et les libertés garantis par la Constitution est une exigence incontournable dans un régime démocratique.

1

L-J. Constantinesco, « La Constitution économique de la République fédérale d’Allemagne », Revue économique, 1960, vol. 11, n°2, p. 266‑290 ; L-J. Constantinesco, « La Constitution économique de la C.E.E. », Revue trimestrielle de droit européen, 1977, pp. 244‑281.

2

N.d.E. : sur la notion ordolibérale de Constitution économique, voy. supra dans ce volume les contributions de la Partie 1 sur la Généalogie du concept, et notamment celles de P.C. Caldwell, « The Concept and Politics of the Economic Constitution », et de T. Biebricher, « An Economic Constitution – Neoliberal Lineages ».

3

Notamment : H. Rabault, « La constitution économique de la France », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2000, pp. 707‑745 ; H. Rabault, « La notion de constitution économique : éléments d’introduction », Politeia, Revue semestrielle de droit constitutionnel comparé, 2018, n° 34, pp. 207‑235 ; H. Rabault, « La Constitution économique : une perspective pour repenser le droit public économique », Politeia, Revue semestrielle de droit constitutionnel comparé, 2018, n° 34, pp. 416‑420 ; F. Martucci et C. Mougouachon (dir.), La Constitution économique. En hommage au professeur Guy Carcassonne, Paris, La mémoire du droit, 2015 ; J-Y. Chérot, Droit public économique, 2e éd., Paris, Economica, 2007 ; J.-Y. Chérot, « Constitution et économie », in M. Troper et D. Chagnollaud (dir.), Traité international de droit constitutionnel, Tome iii, Paris, Dalloz, 2012, pp. 529–561 ; M.-L. Dussart, Constitution et économie, Paris, Dalloz, 2015 ; F. Martucci, « Constitution économique et concurrence : en quête d’une matrice constitutionnelle du droit de la concurrence », Concurrences, Revue des droits de la concurrence, 2015, n°1, pp. 13‑22 ; F. Martucci, « La Constitution économique dans le discours doctrinal français », Politeia, Revue semestrielle de droit constitutionnel comparé, 2018, n° 34, pp. 238‑250 ; L. Zevounou, « Le concept de “constitution économique” : Une analyse critique », Jus Politicum, n° 20–21, 2018, pp. 445‑482.

4

F. Martucci, « La Constitution économique dans le discours doctrinal français », op. cit., p. 238.

5

P. Commun (dir.), L’ordolibéralisme allemand. Aux sources de l’économie sociale de marché, Paris, cirac/cicc, 2003 ; H. Rabault, (dir.), L’ordolibéralisme aux origines de l’École de Fribourg-en-Brisgau, Paris, L’Harmattan, 2016.

6

N.d.E. : voy. supra dans ce volume, G. Grégoire, « The Economic Constitution under Weimar. Doctrinal Debates and Ideological Struggles ».

7

J. Walther, « Prométhée enchaîné ou la puissance maîtrisée. Le “lien génétique” entre droit privé et concurrence dans l’œuvre de Franz Böhm (1895–1977) », in H. Rabault (dir.), L’ordolibéralisme aux origines de l’École de Fribourg-en-Brisgau, op. cit., pp. 95‑126. N.d.E. : voy. aussi supra dans ce volume F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE : de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale ? », et C. Mongouachon, « Les difficultés d’une interprétation ordolibérale de la constitution micro-économique de l’Union européenne ».

8

Ibid., pp. 121 et s.

9

L-J. Constantinesco, « La Constitution économique de la C.E.E. », op. cit.

10

Voy. F. Martucci, « La Constitution économique dans le discours doctrinal français », op. cit., pp. 239 et s.

11

Institut d’Études Juridiques Européennes (dir.), La Constitution économique européenne : Actes du 5e colloque sur la fusion des Communautés européennes, organisé à Liège les 16,17 et 18 décembre 1970, Liège/La Haye, Martinus Nijhoff, 1971 ; M-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 107 ; A. Gaillet, « La notion de “Constitution économique” : approche historique, théorique et comparative », in G. Kalflèche, T. Perroud et M. Ruffer (dir.), L’avenir de l’UEM : une perspective franco-allemande, Paris, lgdj 2018, pp. 29–51, spéc. p. 29. L. Zevounou, « Le concept de “constitution économique” : Une analyse critique », op. cit., p. 473.

12

Voy. O. Beaud « Constitution et droit constitutionnel », in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de culture juridique, Paris, Presses Universitaires de France, 2003.

13

F. Martucci, « La Constitution économique dans le discours doctrinal français », op. cit., pp. 244 et s.

14

H. Rabault, « La constitution économique de la France », op. cit., p. 707.

15

F. Martucci, « La Constitution économique dans le discours doctrinal français », op. cit., p.244.

16

G. Vedel, « Le droit économique existe-t-il ? » in Mélanges offerts à Pierre Vigreux, Toulouse, ipa-iae, 1981, pp. 767–783 ; P. Idoux, « Droit économique et exorbitance du droit public », in X. Bioy (dir.), L’identité de droit public, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2011, pp. 215‑227.

17

J.-L. Mestre, « Le Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre et le droit de propriété », Recueil Dalloz, 1984, Chron. 1, pp. 1‑8.

18

Conclusions Corneille sous ce, 10 août 1917, Baldy, Req. n° 59855, Rec. 638.

19

J. Rivero et G. Vedel, « Les principes économiques et sociaux dans la Constitution : le Préambule », Droit social, 1947, vol. 31, pp. 13‑35 ; G. Koubi (dir.), Le préambule de la Constitution de 1946. Antinomies juridiques et contradictions politiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1996 ; G. Conac, X. Prétot et G. Teboul (dir.), Le Préambule de la Constitution de 1946, Paris, Dalloz, 2001 ; Y. Gaudemet (dir.), Le Préambule de la Constitution de 1946, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2008.

20

Cons. Const., 16 juillet 1971, Liberté d’association, n° 71–44 dc, Rec. 29 (Les Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel, 19e éd., Paris, Dalloz, 1998, n° 29).

21

Cons. Const., 16 janvier 1982, Nationalisations, n° 81–182 dc, Rec. 18 (Les Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel, op. cit., n° 32) ; J. Rivero, « Ni lu, ni compris », Actualités juridiques. Droit administratif, 1982, pp. 209‑214.

22

Cons. Const., 16 janvier 1982, Nationalisations, préc., cons.15 et 16.

23

Cons. Const., 19 juin 2008, Loi sur les ogm, n°2008–564 dc, Rec. 313 (Les Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel, op. cit., n°51). Voy. aussi, ce, Ass., 3 oct. 2008, Commune d’Annecy, Rec. 322, gaja, 23e éd. 2021, n° 106 ; ce, 26 fév. 2014, Ban Asbestos France, req. n° 351514.

24

J. Carbonnier, « Le code civil », in P. Nora (dir.), Les lieux de mémoire T I, Paris, Quarto Gallimard, 1997, pp. 1331‑1351 ; Y. Gaudemet, « Le code civil, Constitution civile de la France », in L. Leveneur et Y. Lequette (dir.), 1804–2004: Le code civil, un passé, un présent, un avenir, Paris, Dalloz, 2004, pp. 296‑308 ; R. Cabrillac « Le code civil est-il la véritable constitution de la France », Revue Juridique Thémis, 2005, vol. 39, n°2, pp. 250‑259 ; H. Mazeaud, « Le code civil et la conscience collective française », Pouvoirs, 2004, vol. 110, n°3, pp. 152‑159.

25

Voy. P. Delvolvé, Droit public de l’économie, 2e éd. Paris, Dalloz, 2021, §76 ; S. Braconnier, Droit public de l’économie, 3e éd., Paris, Presses Universitaires de France, 2021, § 50 ; S. Nicinski, Droit public des affaires, Paris, lgdj, 8e éd. 2021.

26

F. Martucci, « Constitution économique et concurrence : en quête d’une matrice constitutionnelle du droit de la concurrence », op. cit., § 21 et s.

27

Ph. Terneyre, « La constitutionnalisation du droit économique » in B. Mathieu (dir.), Cinquantième anniversaire de la Constitution française (1958–2008), Paris, Dalloz, 2008, pp. 425‑434 ; O. Beaud, Ph. Comte, et P. Wachsmann (dir.), Le Conseil constitutionnel et les différentes branches du droit : regards critiques, Jus Politicum, vol. X, Paris, Dalloz, 2019 ; V. Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés économiques », in S. Torcol (dir.), Le contentieux des droits et libertés fondamentaux à l’épreuve de l’économie de marché, Colloque afdc, La Revue des Droits de l’Homme, 2017, n° 11, pp. 33–41, disponible à l’adresse: https://journals.openedition.org/revdh/2957 (dernière consultation le 12 février 2022).

28

O. Beaud, « L’histoire du concept de Constitution en France. De la Constitution politique à la Constitution comme statut juridique de l’Etat », Jus Politicum, 2010, n°3, pp. 31‑59 ; O. Beaud, « Nationalisation et souveraineté. La nationalisation comme acte de souveraineté », Les Petites Affiches, 24 nov. 1995, n° 5. pp. 1251‑1284.

29

R. Savy, « La Constitution des juges », Recueil Dalloz, 1983, pp. 105‑110 ; F. Luchaire, « Socialisme, propriété et Constitution », in Mélanges en hommage à Maurice Duverger, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, pp. 127‑135.

30

M.-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit. ; Les Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel, op. cit., n° 32 ; L. Favoreu (dir.), Nationalisations et Constitution, Aix-en-Provence, puam, 1982.

31

Voy. M.-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 214 ; Archiv. Cons. Const. Séance 21 déc 1981 (Déc. n° 81–132 dc, Nationalisations), p. 15.

32

M.-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 214 ; Archiv. Cons. const. Séance 12déc. 1981 (déc. n° 81–132 dc, Nationalisations).

33

Voy. H. Rabault, « La constitution économique de la France », op. cit., p. 711.

34

J-J. Israël, « Alinéa 9 », in G. Conac, X. Prétot et G. Teboul (dir.), Le Préambule de la Constitution de 1946. Histoire, analyse et commentaire, op. cit., p. 221 ; G. Quiot, « Service public national et liberté d’entreprendre », in G. Koubi (dir.), Le Préambule de la Constitution de 1946. Antinomies juridiques et contradictions politiques, op. cit., pp. 187‑208 ; M.-L. Dussart, Constitution et économie, op.cit. § 187 et s. et § 194 et s ; Ph. Cossalter, « L’alinéa 9 », in Y. Gaudemet (dir.) Le Préambule de la Constitution de 1946, op. cit., pp. 171–196 ; F. Colly, « La Constitution contre l’économie, sens et contresens », in Vers un ordre juridique humanitaire ? Mélanges en l’honneur de Patricia Buirette, Paris, lgdj, 2016, pp. 277‑299.

35

M.-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 196.

36

À cet égard, plusieurs auteurs suggèrent que le Conseil constitutionnel aurait pu s’appuyer sur cet alinéa 9, qui condamne les monopoles et les concentrations économiques excessives, pour fonder constitutionnellement le droit de la concurrence et le contrôle de son respect : G. Clamour, « La concurrence dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », communication au Colloque Association Française de Droit Constitutionnel, 2005 ; J-Y. Chérot, Droit public économique, Paris, Economica, 2007, p. 34 et p. 63. A. Cartier-Bresson, « Marché, concurrence, Etat actionnaire. Dits, non-dits et clairs obscurs », in La Constitution économique, Colloque Univ. René Descartes 2008, Les Petites Affiches, 22 janv. 2009 ; M.-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 198 ; P. Hubert et A. Castan, « Droit constitutionnel et liberté de la concurrence », Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2015, n° 49, pp. 15‑27, spéc. p. 25.

37

Formulation de l’article 34 de la Constitution de 1958 fixant le domaine de la loi.

38

J. Rivero et G. Vedel « Les principes économiques et sociaux de la constitution : le Préambule », op. cit.

39

Cons. Const., 25–26 juin 1986, Privatisations, n° 86–207, rec .61 ; Les Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel, op. cit., n° 18.

40

R. de Bellescize, Les services publics constitutionnels, Paris, lgdj, 2005 ; L. Favoreu, « Services publics et Constitution », Actualités Juridiques. Droit Administratif, 1997, n° spécial « Services publics », p. 16 ; S. Nicinski, Droit public des affaires, op. cit., § 659 et s ; P. Delvolvé, Droit public de l’économie, op. cit., § 358 et s. ; S. Braconnier, Droit public de l’économie, op. cit., § 481 et s.

41

Loi n° 2003–1365 du 31 décembre 2003 modifiant la loi n°90–568 du 2 juillet 1990 ; G. Quiot, « L’inconstitutionnalité de la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France-Télécom », Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2005, p. 813.

42

Loi n° 2010–123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

43

Cons. Const, 30 novembre 2006, n° 2006–543 dc. Voy. aussi pour les autoroutes, ce, Sect., 27 sept 2006, Bayrou & a, n° 290716, Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2006, p. 2056. Chron. Landais & Lenica ; Revue Française de Droit Administratif, 2006, p. 1147. Concl. E. Glaser.

44

Cons. Const., 16 mai 2019, Loi pacte, n° 2019–781 dc. Voy. aussi ce, ag., avis 14 juin 2018, n° 394 599 et 395 021, pp. 26–30. A. Cartier-Bresson « La réforme aéroportuaire » Revue Française de Droit Administratif, 2019, p. 595 ; M.-C. de Monteclair, « Loi PACTE : feu vert du Conseil constitutionnel aux privatisations », Actualités Juridiques. Droit Administratif 2019, p. 1077 ; S. Nicinski, « Les privatisations dans la loi PACTE », Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2019, p. 1261.

45

M. Lombard, « Les limites constitutionnelles à la privatisation des entreprises dont l’activité a le caractère d’un monopole », in Mouvement du droit public. Mélanges en l’honneur de Franck Moderne, Paris, Dalloz 2004, pp. 673‑690 ; Ph. Cossalter, « L’alinéa 9 », op. cit. ; S. Braconnier, Droit public de l’économie, op. cit., § 494 ; P. Delvolvé, Droit public de l’économie, op. cit., § 397. ; S. Nicinski, Droit public des affaires, op. cit., § 625 ; J.-Ph. Colson et P. Idoux, Droit public économique, 8e éd., Paris, lgdj, 2016, § 458 et s.

46

Cons. Const., 25–26 juin 1986, Privatisations, n° 86–207 dc., préc.

47

ce, avis 25 et 29 août 2005, n° 372 147, in Rapport public edce 2006, p. 202 ; Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2006, p. 1603, note Quiot.

48

Avis n° 05-A-22, Rapp. Activ. 2005 p. 40. Revue Juridique de l’Économie Public, 2006, 150, observ. Moulis.

49

ce, Sect., 27 sept 2006, Bayrou & a, n° 290716, préc.

50

Préc. note 36. B. Deffains et T. Perroud, « La privatisation d’ADP et l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 : ADP est un monopole de fait », Blog Jus Politicum, 28 janvier 2019, disponible à l’adresse : https://blog.juspoliticum.com/2019/01/28/la-privatisation-daeroport-de-paris-et-lalinea-9-du-preambule-de-la-constitution-de-1946-aeroport-de-paris-est-un-monopole-de-fait-par-bruno-deffains-et-thomas-perroud/ (dernière consultation le 12 février 2022) ; T. Perroud, « La privatisation d’ADP-entretien », Revue du Master de droit public approfondi, Univ Paris 2, Hal-03119542 ; J.-F. Calmette, « L’analyse économique dans les contentieux publics, un usage relatif et finalisé », Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2020, p. 925 ; A. Sée, « Le Conseil constitutionnel gardien des libertés économiques ? », in S. Benzina (dir.), Le Conseil constitutionnel est-il le gardien des libertés ?, Poitiers, Presses Universitaires Juridiques de Poitiers, 2021, pp. 165‑177, esp. p. 176.

51

Cons. Const., 16 mai 2019, Loi pacte, n° 2019–781 dc, préc. : A. Cartier-Bresson, « La réforme aéroportuaire », op. cit. ; M.-C. de Monteclair, « Loi PACTE: feu vert du Conseil constitutionnel aux privatisations », op. cit. ; S. Nicinski, « Les privatisations dans la loi Pacte », op. cit. ; M. Carpentier, « Aéroport de Paris, illusoire invocation du service national », Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2019, p. 1560 ; D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, 12e éd., Paris, lgdj, 2020, §1204.

52

Voy. M-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 142 s. Trad. in E. Zoller, Les grands arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis (GACS), Paris, Dalloz, 2010, n° 8.

53

BVerfG, 20 juillet 1954, Investitionhilfe, BVerfGE 4, 7. M-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 178s. N.d.E.: voy. infra dans ce volume, P.-C. Müller-Graff, « The Idea of an Economic constitution (Wirtschaftsverfassung) in German law ».

54

Voy. supra dans ce volume, G. Grégoire et X. Miny, « Introduction – La Constitution économique : Approche contextuelle et perspectives interdisciplinaires ».

55

A. Roblot-Troizier, « Le Conseil constitutionnel et les sources du droit constitutionnel », in O. Beaud, Ph. Comte et P. Wachsmann (dir.), Le Conseil constitutionnel et les différentes branches du droit : regards et critiques, op. cit., pp.159‑173 ; D. Baranger, « Comprendre le “bloc de constitutionnalité” », in ibid., pp. 125‑157 ; O. Beaud, « Constitution et droit constitutionnel », op. cit.

56

F. Martucci, « La Constitution économique dans le discours doctrinal français », op. cit.

57

M-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit.

58

Voy. V. Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés économiques », in S. Torcol (dir.), Le contentieux des droits et libertés fondamentaux à l’épreuve de l’économie de marché, op. cit. ; Ph. Terneyre, « La constitutionnalisation du droit économique », op. cit. ; R. Jurion, La jurisprudence économique du Conseil constitutionnel, Thèse, Université de Lorraine, 2017 ; J. Martinez, Conseil constitutionnel et économie, Paris, L’Harmattan, 2022.

59

Voy. E. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux », Actualités Juridiques. Droit Administratif, n° spécial, 1998, pp. 2‑42 ; E. Picard, « Droits fondamentaux » in D. Alland & S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit. ; Ph. Blachèr, « Droits fondamentaux (classification) », in D. Chagnollaud et G. Drago (dir.), Dictionnaire des droits fondamentaux, Paris, Dalloz, 2010, pp. 275‑286 ; A. Viala, « Droits fondamentaux, (notion) (garanties procédurales) », in ibid., pp. 287‑319 ; V. Champeil-Desplats, « Les droits et libertés fondamentaux en France : genèse d’une classification » Revista opinâo juridica, 2008, n° 10, pp. 232‑260 ; V. Champeil-Desplats, « L’affirmation des droits fondamentaux : quelles significations ? quelles conséquences ? », Les cahiers français, 2010, n°354, pp. 19‑23.

60

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63

A titre d’illustration, voy. P. Wachsmann, « Misère du contrôle de constitutionnalité des lois en France : la décision relative à l’incrimination des prostituées », Blog Jus Politicum, 21 février 2019, disponible à l’adresse : https://blog.juspoliticum.com/2019/02/21/misere-du-controle-de-constitutionnalite-des-lois-en-france-la-decision-relative-a-lincrimination-des-clients-des-prostitues-par-patrick-wachsmann/ (dernière consultation le 12 février 2022) ; Cons. Const., 1er février 2019, n° 2018–761 qpc.

64

D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., § 295.

65

D. de Béchillon, « Réflexion sur le statut des “portes étroites” devant le Conseil constitutionnel », Le Club des juristes, janvier 2017, disponible à l’adresse : https://www.leclubdesjuristes.com/communique-de-presse/reflexions-statut-portes-etroites-devant-conseil-constitutionnel-notes-club-juristes-denys-de-bechillon/ (dernière consultation le 12 février 2022) ; T. Perroud, « Le Conseil constitutionnel et la publicité des portes étroites », Blog Jus Politicum, 31 mai 2019, disponible à l’adresse : https://blog.juspoliticum.com/2019/05/31/le-conseil-constitutionnel-et-la-publicite-des-portes-etroites-par-thomas-perroud/ (dernière consultation le 12 février 2022) ; D. Rousseau, P.-Y Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., § 174 et s. X. Magnon, « La représentation d’intérêts devant le Conseil constitutionnel », 4 décembre 2020, disponible à l’adresse: https:///Halarchivesouvertes.fr/Hal-02940900 (dernière consultation le 28 mars 2022).

66

S. Benzina (dir.), Le Conseil constitutionnel est-il le gardien des libertés ?, op. cit. ; A. Sée, « Le Conseil constitutionnel gardien des libertés économiques ? », in ibid., pp. 165‑177. Voy. aussi, P. Wachsmann (dir.), dossier spécial « Le Conseil constitutionnel, gardien des libertés publiques ? », Jus Politicum, 2012, n°7.

67

D. Rousseau, « propos introductifs », in S. Benzina (dir.), Le Conseil constitutionnel est-il le gardien des libertés ?, op. cit.

68

J.-L. Mestre, « La propriété, liberté fondamentale pour les constituants de 1789 », Revue Française de Droit Administratif, 2004, n°1, p. 1.

69

G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris, lgdj, 1951, p. 268.

70

Cons. Const., 25–26 juin 1986, Privatisations, n° 86–207 dc, préc.

71

Cons. Const, 17 décembre 2010, afpa, n° 2010–67/86 qpc, Rec. 403. jcp Admin. 2011, 24, note J.-C. Videlin et Ph. Yolka.

72

Cons. Const., 9 avril 1996, n° 96–373 dc, Rec. 43. O. Schrameck, Chron. Actualités Juridiques. Droit Administratif, 1996, p. 371.

73

Cons. Const., 28 février 2013, n° 2013–370 qpc.

74

Cons. Const., 8 janvier 1991, Limitation de publicité de marques de fabricants de tabac, n° 90–283 dc, Rec. 11.

75

Cons. Const., 27 juillet 2006, n° 2006–540 dc, Rec. 88 ; Cons. Const., 10 juin 2009, Noms de domaines internet, n°2009–580 dc ; Cons. Const., 21 janvier 2016, Emballages de tabac « neutres », n° 2015–727 dc.

76

Cons. Const., 10 juin 2010, n° 2010–607 dc, Rec. 134.

77

Cons. Const., 7 déc. 2000, Loi sru, n° 2000–436 dc, Rec. 88 (autorisation administrative en cas de changement de destination de locaux). Cons. Const., 13 janvier 2012, n° 2012–208 qpc ; Cons. Const., 17 janv.2012, 2011–209 qpc ; Cons. Const., 13 août 2015, n° 2015–718 dc ; Cons. Const., 19 octobre 2018, n° 2018–740 qpc.

78

Cons. Const., 7 mai 2014, Sté Casuca, n° 2014–394 qpc.

79

Cons. Const. 13 août 2015, Loi 17 sept 2015, relative à la transition énergétique et à la croissance verte, n° 2015–718 dc.

80

Cons. Const., 14 novembre 2014, n° 2014–426 qpc (privation de propriété inconstitutionnelle en raison de l’insuffisance de définition des critères de la nécessité publique).

81

Cons. Const., 25 mai 2018, n° 2018–707 qpc.

82

Supra, Sous-chapitre 1. La question d’une constitution économique de la France.

83

Cons. Const., 14 novembre 2014, n° 2014–426 qpc, préc.

84

Cons. Const., 25 juillet 1989, n° 89–256 dc, Rec 53.

85

Voy. supra et notes 36 et 50.

86

Cons. Const., 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle, n° 82–141 dc.

87

Cons. Const., 10 juin 1998, Loi relative à la réduction du temps de travail, n° 98–401 dc.

88

Cons. Const., 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (Loi Macron), n° 2015–715 dc (Les Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel, op. cit., n°42).

89

Cons. Const., 30 novembre 2012, M. Christian S, n° 2012–285 qpc.

90

Cons. Const., 7 décembre 2000, Loi sru, n° 2000–436. dc.

91

ce, Ord., 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, Rec. 551, Dr. Admin., 2002, n° 41, note M. Lombard ; ce, 22 mai 2013, Assoc. Synd. Libre des résidences du port de Mandelieu-La Napoule, Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2013, 1976, note P. Chrestia ; Contrats-Marchés publics, 2013, §193, note G. Eckert.

92

Cons. Const., 21 janvier 2011, Chaud Colatine, n° 2010–89 qpc ; Cons. Const., 5 août 2011, Sté Somodia, n° 2011–157 qpc.

93

A. Sée, « La question prioritaire de constitutionnalité et les libertés économiques », Revue Juridique de l’Économie Publique, 2014, n°718, pp. 3–9 ; F. Colly, « La question prioritaire de constitutionnalité, la liberté d’entreprendre et la concurrence », in Mélanges Machelon, Paris, litec, 2015, pp. 215–234 ; R. Fraisse, « La question prioritaire de constitutionnalité et la liberté d’entreprendre », Revue Juridique de l’Économie Publique, 2011, n°689, p-3–9.

94

Entre le 1er mars 2010 et le 10 mai 2019 (décision n° 2019–781 qpc) le Conseil constitutionnel a rendu davantage de décisions en qpc que de décisions dc (Décision de Conformité) en plus de cinquante ans, voy. D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, op.cit. § 193.

95

T. Perroud, « Liberté d’entreprendre, lobbying et démocratie », Blog Jus Politicum, 25 octobre 2018, disponible à l’adresse : https://blog.juspoliticum.com/2018/10/25/liberte-dentreprendre-lobbying-et-democratie-par-thomas-perroud/ (dernière consultation le 12 février 2022). V. Champeil-Desplats, « La liberté d’entreprendre au pays des droits fondamentaux », Revue de Droit du Travail, 2007, pp. 19‑25 ; V. Champeil-Desplats, « De quelques usages récents de la liberté d’entreprendre », Revue de Droit du Travail, 2018, p. 666 ; A. Sée, « Le Conseil constitutionnel gardien des libertés économiques ? » op. cit. ; V. Audebert, « La liberté d’entreprendre et le Conseil constitutionnel : un principe réellement tout puissant ? », Revue des Droits de l’Homme, 2020, n°18, disponible à l’adresse : https://doi.org/10.4000/revdh.9921 (dernière consultation le 12 février 2022).

96

Cons. Const., 18 octobre 2010, M. Rachid M., n° 2010–55 qpc.

97

Cons. Const., 20 mai 2011, M. Ion C., n° 2011–132 qpc.

98

Cons. Const., 7 juin 2013, M. Mohamed T., n° 2013–318 qpc ; Cons. Const., 17 octobre 2014, Ch. Synd. Cochers & chauffeurs de taxis, n° 2014–422 qpc ; Cons. Const., 15 janvier 2016, M. Robert & a., n° 2015–516.

99

Cons. Const., 16 janvier 2001, n° 2001– 439 dc.

100

Cons. Const., 31 janvier 2014, Coopérative giphar-sogiphar & a, n° 2014–364 qpc.

101

Cons. Const., 24 mai 2013, Synd. Français de l’ind. cimentière & féd. de l’ind du béton, n°2013–317 qpc.

102

Cons. Const., 4 août 2016, n° 2016–737 dc.

103

Cons. Const., 25 octobre 2018, Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole, n° 2018–771 dc.

104

Cons. Const., 17 septembre 2015, n° 2015–480 qpc.

105

Cons. Const., 31 janvier 2020, Union des ind. de la protection des plantes, Actualités Juridiques, n° 2019–823 qpc. Droit Administratif, 2020 1126, note F. Savonitto. Voy. V. Champeil-Desplats, « La protection de l’environnement, objectif de valeur constitutionnelle : vers une invocabilité asymétrique de certaines normes constitutionnelles ? », Revue des Droits de l’Homme, 2020, disponible à l’adresse : https://doi.org/10.4000/revdh.8629 (dernière consultation le 12 février 2022).

106

Voy. P. Wachsmann, « Misère du contrôle de constitutionnalité des lois en France : la décision relative à l’incrimination des prostituées », op. cit., à propos de la décision du 1er fév. 2019 n° 2018–761 qpc, prévalence de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions sur la liberté individuelle et adéquation de la loi aux fins avancées.

107

Voy. supra à propos du contrôle de l’existence de monopoles de fait et note 50.

108

P-Y. Gahdoun, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 2008.

109

J. Carbonnier, « Le Code civil », op. cit.

110

Cons. Const., 3 août 1994, n° 94–348 dc, Rec. 117, jcp 1995, ii, 22404, note D. Broussolle, Revue Française de Droit Constitutionnel, 1994. 832, note P. Gaïa.

111

Cons. Const., 19 décembre 2000, n° 2000–437 dc, Rec. 190.

112

Cons. Const., 7 août 2008, n° 2008–568 dc ; Cons. Const., 19 novembre 2009, Loi relative à la l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, n° 2009–592 dc.

113

Cons. Const., 21 mars 2018, Loi de ratification de diverses ordonnances pour le renforcement du dialogue social, n° 2018–761 dc.

114

Cons. Const., 13 juin 2013, n° 2013–672 dc. D’ailleurs, la nouvelle version modifiée du texte en cause a été aussi censurée par le Conseil dans sa décision du 19 décembre 2013, n° 2013–682 dc.

115

Cons. Const., 30 novembre 2006, n° 2006–543 dc.

116

Cons. Const., 16 juillet 2009, n° 2009–584 dc.

117

Cons. Const., 23 janvier 2014, n° 2013–687 dc.

118

M. Ubaud-Bergeron et P-Y Gahdoun, « Un code de la commande publique sans liberté contractuelle ? », Contrats et marchés publics, 2019 n° 12, p. 1.

119

F. Colly, « La question prioritaire de constitutionnalité, la liberté d’entreprendre et la concurrence », op. cit. ; A. Sée, « La question prioritaire de constitutionnalité et les libertés économiques », op. cit. ; C. Mongouachon, « Principe d’égalité et concurrence dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in S. Torcol (dir.), Le contentieux des droits et libertés fondamentaux à l’épreuve de l’économie de marché, op. cit., pp. 42‑60 ; P. Hubert et A. Castan, « Droit constitutionnel et liberté de la concurrence », Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2015, n° 49, pp. 15‑27 ; F. Martucci, « Constitution économique et concurrence : en quête d’une matrice constitutionnelle du droit de la concurrence » op. cit. ; P. Delvolvé, Droit public de l’économie, op. cit., § 79 et s. ; S. Nicinski, Droit public des affaires, op. cit., § 82 et s. et § 562 et s.

120

Cons. Const., 29 décembre 1998, Loi de finances pour 1999, n° 98–405 dc.

121

Cons. Const., 11 juillet 2001, Loi portant diverses dispositions d’ordre social, n° 2001–450 dc, Recueil Dalloz, 2002, 1949, obs. D. Ribes.

122

Cons. Const., 16 août 2007, Continuité du service public dans les transports terrestres n° 2007–556 dc, Revue Française de Droit constitutionnel, 2007, p. 1284, comm. P. Rambaud & A. Roblot-Troizier. Revue juridique de l’économie publique, 2007, p. 648, note Ph. Terneyre ; Cons. Const., 11 février 2011, n° 2010–102 qpc.

123

G. Clamour, Intérêt général et concurrence, Paris, Dalloz, 2006.

124

Cons. Const., Chaud Colatine, n° 2011–89 qpc, préc.

125

Cons. Const., 5 août 2011, Somodia, n° 2011–157 qpc, Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2011, p. 1880, note M. Lombard.

126

Cons. Const., 12 octobre 2012, Sté Groupe Canal plus & Sté Vivendi Universal, n° 2012–280 qpc, Revue de Droit Administratif, 2012, n° 12, § 94, note M. Bazex.

127

Cons. Const., 22 juin 2012, Ets. Barigbant sa, n° 2012–258 qpc.

128

Cons. Const., 27 septembre 2013, Sté scor. se, n° 2013–344 qpc.

129

Cons. Const., 22 mai 2015, n° 2015–468/469/472, note F. Martucci, Concurrences, 2015 n°4, Chron. pp. 214‑216. M ; Bazex et R. Lanneau « La régulation des transports individuels (Taxis et vtc) », Revue de Droit Administratif, 2015, n° 7, pp. 31‑34 ; D. Broussolle, « La décision du Conseil constitutionnel du 22 mai 2015 suffira-t-elle à sauver le monopole des taxis ? » La Semaine Juridique. Édition générale, juin 2015, n° 22, pp. 1034‑1036.

130

Cons. Const., 18 mai 2016, n° 2016–542 qpc. N. Catelan, « Personnalité de la responsabilité en droit de la concurrence », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2017, n° 105, pp. 231‑233.

131

Cons. Const., 7 novembre 2019, n° 2019–791 dc. T. Piazzon, « Chronique de droit privé », Titre vii (en ligne) avr. 2020, n°4, pp. 85‑106.

132

N.d.E. : voy. supra dans ce volume F. Marty, « Évolution des politiques de concurrence en droit de l’UE: de la Wettbewerbsordnung ordolibérale à la More Economic Approach néolibérale? ».

133

Voy. M.-L. Dussart, Constitution et économie, op. cit., § 282 et s. et § 294 et s.

134

Voy. L. Idot « La distinction droit public-droit privé a-t-elle une pertinence en droit de la concurrence ? », Concurrences, 2015, n°1, pp. 4‑12 ; F. Martucci, « Constitution économique et concurrence : en quête d’une matrice constitutionnelle du droit de la concurrence », op. cit.

135

Cons. Const., 26 juin 2003, n° 2003–473.

136

cjce, 7 décembre 2000, Telaustria verlags Gmbh & a., C-324/98. r.i.10770, concl. N. Fennelly, Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2001, p. 106, note L. Richer ; Bulletin Juridique des Contrats Publics, 2001, n° 15, p. 132, obs. Ch. Maugüe.

137

ce, 23 décembre 2009, Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, n° 328827, Actualités Juridiques. Droit Administratif, 2010, p. 500, note J-D. Dreyfus ; Contrats et marchés publics, fév. 2010 n° 83, note Ph. Reiss ; Revue de Droit Administratif, mars 2010, comm. n° 36, note G. Eckert.

138

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