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Mélissande Tomcik
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ἦμος δἠριγένεια φάνη ῥοδοδάκτυλος Ἠώς

Lorsque parut l’Aurore matinale aux doigts de roses

Hom. Il. 1, 477 ; 24, 788

Les aurores sont des éléments caractéristiques de l’épopée ; combinées à leur pendant vespéral, les crépuscules, ces indications temporelles constituent un motif littéraire incontournable du genre épique au sein duquel elles remplissent de nombreuses fonctions. D’une part, elles ont un rôle ornemental, car elles donnent souvent lieu à des descriptions imagées, telles que l’Aurore aux doigts de roses ou le char du Soleil qui s’enfonce dans l’Océan. D’autre part, le motif a un rôle structurant dans le récit, parce que ces descriptions ponctuent la narration en marquant le début ou la fin d’un épisode. En outre, les aurores et les crépuscules participent au traitement de la luminosité et du temps dans l’épopée, puisqu’ils décrivent une phase de transition entre la nuit et le jour. Il s’agit donc d’un motif complexe indispensable à toute épopée.

Aussi traditionnel soit-il, ce motif n’est pas figé ; au contraire, il a connu une évolution remarquable dans la poésie grecque et latine. En effet, il s’agissait à l’origine de formules récurrentes nécessaires pour marquer le passage du temps. Par la suite, ces indications temporelles sont devenues moins systématiques et les expressions se sont diversifiées, focalisant l’attention du lecteur sur les événements qu’elles introduisent ou qu’elles closent. De surcroît, les aurores et les crépuscules ont progressivement acquis une portée symbolique qui va au-delà de leur signification lumineuse et temporelle.

L’évolution de ce motif est parfaitement illustrée dans la Thébaïde de Stace, car cette épopée présente des indications temporelles exceptionnelles par leur ampleur, leur complexité, la façon dont elles sont employées ou les perturbations qui les affectent. On trouve par exemple des périphrases temporelles excessivement longues et détaillées, des crépuscules placés à des endroits inhabituels ou des levers de soleil dont le déroulement est troublé. Ces anomalies invitent à s’interroger sur le développement des aurores et des crépuscules dans la tradition épique jusqu’à Stace et à questionner les rapports entre la Thébaïde et les textes antérieurs. Décrire, expliquer et interpréter les différences entre la norme épique et la façon dont Stace emploie les aurores et les crépuscules, voilà précisément l’objectif de cet ouvrage : en analysant les différents aspects des aurores et des crépuscules il sera possible de mieux apprécier l’originalité de Stace dans son emploi du motif et ainsi de montrer que les aurores et les crépuscules ne sont pas un simple topos épique, mais que ces éléments traditionnels sont variés et recontextualisés à chacun de leurs emplois.

1 Un motif épique

Le motif littéraire des aurores et des crépuscules a attiré l’attention des critiques dès l’Antiquité. Ainsi, Sénèque se plaint que les auteurs font parfois un usage excessif de cet élément, en rapportant les plaisanteries faites à l’occasion d’une récitation du poète Montanus (Sen. epist. 122, 11) :

Recitabat Montanus Iulius carmen, tolerabilis poeta et amicitia Tiberi notus et frigore. Ortus et occasus libentissime inserebat ; itaque cum indignaretur quidam illum toto die recitasse et negaret accedendum ad recitationes eius, Natta Pinarius ait : numquid possum liberalius agere ? paratus sum illum audire ab ortu ad occasum.1

Julius Montanus, poète passable et réputé à la fois pour son amitié avec Tibère et pour sa froideur, récitait un poème : il y insérait des levers et des couchers de soleil à foison. C’est pourquoi, comme quelqu’un s’indignait qu’il ait récité durant toute une journée et affirmait qu’il ne fallait pas se rendre à ses récitations, Natta Pinarius dit : « Jamais je ne saurais faire plus : je suis prêt à l’écouter du lever au coucher du soleil. »

La plaisanterie repose sur le fait que les descriptions d’aurores et de crépuscules désignent à la fois des moments de la journée et des éléments littéraires qui agrémentent le poème et ponctuent la narration : ces descriptions sont si fréquentes dans le texte de Montanus que l’écouter du matin au soir signifie en réalité l’écouter très peu de temps. Les exemples que Sénèque cite par la suite illustrent à quel point ces descriptions temporelles peuvent être ridicules lorsqu’elles sont exagérément développées à mauvais escient (122, 12-13). Ce procédé est également raillé dans l’Apocoloquintose (apocol. 2, 3) :

⟨adeo non⟩ adquiescunt omnes poetae, non contenti ortus et occasus describere, ut etiam medium diem inquietent : tu sic transibis horam tam bonam ?2

Non contents de décrire des levers et des couchers de soleil, tous les poètes ne se complaisent-ils pas dans ces descriptions au point d’inquiéter même le milieu du jour : et toi, tu laisseras passer une si belle heure ?

Dans cette remarque, le narrateur critique la propension des poètes à indiquer l’heure ou le moment de l’année par des périphrases ampoulées au détriment de la clarté.

À l’inverse, Asinius Pollion aurait loué le talent poétique de Virgile en affirmant que ses descriptions temporelles étaient adaptées au contexte dans lequel elles étaient placées (Serv. Aen. 11, 183) :

Asinius Pollio dicit, ubique Vergilium in diei descriptione sermonem aliquem ponere aptum praesentibus rebus.

Asinius Pollion dit que partout où Virgile place une expression pour décrire le jour il l’adapte aux circonstances.

Servius entreprend ensuite d’expliciter le lien entre les expressions employées dans certaines aurores de l’Énéide et le contexte narratif où elles se trouvent.3

À l’instar des anciens, les critiques modernes n’ont pas manqué de s’intéresser eux aussi à ces descriptions poétiques. Certains ont effectué un survol, parfois rapide et sommaire, du motif dans la littérature grecque ou latine pour en souligner le rôle à la fois ornemental et structurant ;4 d’autres, comme Asinius Pollion et Servius, ont cherché à mettre en évidence les liens entre les descriptions temporelles et le contexte narratif d’un texte spécifique, afin de montrer que les aurores et les crépuscules reflètent l’ambiance du récit et préfigurent les événements à venir.5 Dans ce contexte, il est remarquable qu’en dépit de leur particularité les aurores et les crépuscules de la Thébaïde n’aient pas encore fait l’objet d’une étude ; le présent ouvrage a donc la double fonction de synthèse et de complément.

2 Une analyse intertextuelle

Les aurores et les crépuscules sont un motif indisociable de l’épopée. Confronté à la contrainte d’en introduire dans son texte, il reste au poète épique la liberté de choisir la forme qu’il leur donne et l’endroit où il les place. La présence de cet élément étant imposée par la tradition, c’est également en regard des textes antérieurs que le poète opère ses choix. La Thébaïde se positionne donc par rapport à la très longue tradition épique qui la précède et dont une grande partie est perdue. S’il est compliqué de se représenter dans quelle mesure Stace a pu être influencé par les textes qui ne nous sont pas parvenus,6 il est en revanche certain qu’il avait une bonne connaissance des huit épopées qui nous ont été conservées.7 En effet, on trouve dans la Thébaïde des références tant aux épopées grecques d’Homère et d’Apollonios de Rhodes qu’à l’Énéide de Virgile, aux Métamorphoses d’Ovide et à la Guerre civile de Lucain. Pour ce qui est des liens entre la Thébaïde, les Argonautiques de Valérius Flaccus et les Guerres puniques de Silius Italicus, la question est plus délicate, car les trois poètes sont contemporains et les périodes de rédaction des trois épopées empiètent les unes sur les autres. Si la Thébaïde a bien été composée entre 80 et 92,8 elle est donc probablement en grande partie postérieure aux Argonautiques.9 En revanche, on suppose généralement que Stace et Silius Italicus travaillaient simultanément sur les douze premiers livres de leurs épopées respectives et avaient chacun connaissance de l’œuvre de l’autre, par le biais de récitations publiques ou d’échanges privés.10 Par conséquent, il est souvent difficile de déterminer le sens de l’influence et les interactions entre ces deux textes doivent être examinées au cas par cas.

Les modèles pertinents pour l’analyse de la Thébaïde sont non seulement épiques mais également tragiques en raison du sujet thébain. En effet, bien que le conflit qui oppose les fils d’Œdipe pour le trône de Thèbes ait fait l’objet de plusieurs épopées, aucune ne nous est parvenue.11 En revanche, les déboires d’Œdipe et de sa famille nous sont mieux connus par l’intermédiaire de tragédies dont on retrouve la trace dans la Thébaïde, à commencer par la pièce des Sept contre Thèbes d’Eschyle qui raconte la fin de la guerre fratricide.12 Sophocle écrit également trois tragédies qui ont trait au mythe thébain : Antigone, Œdipe Roi et Œdipe à Colone.13 Euripide, dans son Hypsipyle, qui ne nous est que partiellement conservée, raconte la rencontre de l’armée argienne avec la nourrice lemnienne. Il aborde également le duel entre Étéocle et Polynice ainsi que l’interdiction de sépulture dans les Phéniciennes et les Suppliantes.14 Concernant les pièces latines, s’il ne reste que des fragments des Phéniciennes et de l’Antigone d’Accius,15 on a toutefois conservé deux tragédies de Sénèque qui traitent de ce sujet : l’Œdipe et les Phéniciennes.16

La Thébaïde se place donc dans la succession d’une longue tradition littéraire tant au niveau du genre épique que du sujet thébain. Pour se distinguer de ses prédécesseurs, Stace doit se différencier par le choix des épisodes qu’il raconte, la manière dont il les agence et la façon dont il transforme la matière poétique préexistante.17 C’est précisément parce que Stace construit son épopée en regard de la tradition antérieure qu’il convient de la lire dans une perspective intertextuelle pour mieux appréhender l’originalité de son œuvre.18 Bien que nous ne possédions pas tous les modèles dont disposait Stace, les textes conservés constituent un échantillon suffisamment important pour évaluer la façon dont il exploite la tradition antérieure et détourne les motifs tels que les aurores et les crépuscules.

3 Définitions, chiffres et structure

Sous les noms « aurores » et « crépuscules » sont regroupés toutes les descriptions temporelles qui indiquent le passage du jour à la nuit ou inversement. Bien qu’il s’agisse de deux moments distincts de la journée, il convient d’étudier ces catégories d’indications temporelles ensemble, car les deux types de descriptions se répondent et connaissent une évolution parallèle dans la tradition littéraire. Pour les besoins de cette étude, j’ai sélectionné uniquement les passages d’au moins un vers contenant un verbe d’action qui indique le début ou la fin du jour ou de la nuit.19 Par conséquent, sont exclues de cette définition les expressions comme nox erat qui ne décrivent pas une transition, mais un état. Je n’ai retenu que les indications temporelles effectives dans le récit, écartant de ce fait les mentions d’aurores et de crépuscules dans des comparaisons ainsi que celles employées à des fins géographiques.20 En outre, j’ai laissé de côté les variations de luminosité sans implication temporelle.21 Dans la Thébaïde, vingt-sept aurores et crépuscules correspondent à ces critères, soit une de moins que l’Énéide et bien moins que l’Odyssée qui en compte quarante-six (voir tableau 1).22 Ainsi, Stace n’est certes pas le poète qui a composé le plus d’aurores et de crépuscules, mais il a consacré nettement plus de vers à ce motif que ses prédécesseurs : au total, quatre-vingt-cinq vers sont dévolus aux aurores et aux crépuscules dans la Thébaïde, contre seulement trente-quatre dans l’Iliade et quarante-cinq dans l’Énéide. C’est également dans la Thébaïde que se trouve la plus longue description temporelle (Stat. Theb. 3, 407-419) ;23 avec ce crépuscule qui s’étend sur onze vers et demi, la Thébaide surpasse de peu la Guerre civile de Lucain et sa description de dix vers et se place loin devant les trois vers occupés par la plus longue description de l’Énéide.

Tableau 1

Aurores et crépuscules dans la poésie épique

Nombre d’aurores et de crépuscules

Nombre de vers consacrés aux aurores et aux crépuscules

Nombre de vers maximal consacrés à une aurore ou à un crépuscule

Nombre moyen de vers par aurore ou par crépuscule

Homère, Iliade

23

34

4

1,5

Homère, Odyssée

46

55,5

3,5

1,2

Apollonios de Rhodes, Argonautiques

17

42

7

2,5

Virgile, Énéide

28

45

3

1,6

Ovide, Métamorphoses

29

55,5

9,5

1,9

Lucain, Guerre civile

22

58

10

2,6

Valérius Flaccus, Argonautiques

19

48

8

2,5

Stace, Thébaïde

27

85

11,5

3,1

Stace, Achilléide

3

9

4

3

Silius Italicus, Guerres puniques

36

78

5

2,2

Chacune des descriptions temporelles de la Thébaïde est étudiée dans l’un des quatre chapitres, en fonction de ses particularités. Dans les deux premiers chapitres, il s’agit d’analyser la façon dont les aurores et les crépuscules sont utilisés dans la Thébaïde en comparaison avec l’emploi de ce motif dans la tradition littéraire antérieure. Le chapitre 1 est consacré à l’aspect formulaire des descriptions temporelles, afin de montrer comment Stace transforme les tournures traditionnelles pour les adapter au contexte de la Thébaïde. La fonction structurante des aurores et des crépuscules dans l’économie du récit fait l’objet du chapitre 2. En effet, la manière dont Stace manipule le placement de ses descriptions temporelles et leur effet d’ouverture ou de clôture met en évidence certains éléments de son épopée.

Les deux chapitres suivants sont davantage centrés sur le rôle des aurores et des crépuscules au sein de la Thébaïde. La double fonction d’indication temporelle et lumineuse des aurores et des crépuscules est examinée dans le chapitre 3. La façon dont le déroulement normal de ces descriptions est perturbé en réaction ou en anticipation à l’action épique met en évidence l’horreur des événements racontés dans l’épopée. Enfin, le chapitre 4 est consacré à la valeur métaphorique que peuvent avoir les aurores et les crépuscules. En effet, ces descriptions temporelles peuvent être interprétées comme le reflet de l’intrigue de la Thébaïde, une réflexion sur le contexte historique ou un commentaire sur le texte lui-même.

Bien que chaque chapitre porte sur un aspect différent des aurores et des crépuscules, la méthode d’analyse est similaire. Il s’agit d’abord d’observer comment les aurores et les crépuscules ont évolué depuis Homère, avant de comparer cet usage avec la façon dont ils sont employés dans la Thébaïde. Les écarts de la norme épique sont ensuite interprétés par rapport au contexte narratif, littéraire ou historique. L’objectif de cet ouvrage n’est pas de proposer un système absolu qui explique toutes les descriptions d’aurores et de crépuscules dans le moindre détail, mais de montrer quels sont les mécanismes qui sous-tendent l’emploi de ce motif, à partir des particularités des descriptions qui figurent dans la Thébaïde. Enfin, il convient de préciser que les aurores et les crépuscules sont abordés d’un point de vue exclusivement littéraire, laissant de côté leurs dimensions religieuses ou iconographiques.24

1

Pour le commentaire de ce passage, voir Russo 19655, 54-55, Eden 1984, 71 et Lund 1994, 68.

2

Pour le commentaire de ce passage, voir Inwood 2007, 352.

3

Sur la corrélation entre description et action épique, voir Pease 1927, Duckworth 1933, Reckford 1961, Stanley 1965, Moulton 1977, 126-134, Pöschl 19773, 171-191 et Morzadec 2009.

4

Pour l’épopée grecque, voir James 1978, qui liste et compare les occurrences d’aurores et de crépuscules d’Homère à Quintus de Smyrne, Van Sickle 1984, qui montre le rôle d’ouverture et de clôture des effets de lumière dans les poèmes d’Homère, Apollonios de Rhodes, Théocrite et Virgile, et De Jong 1996, qui met en évidence la fonction structurante des aurores et des crépuscules dans les épopées d’Homère et d’Apollonios de Rhodes ; pour la poésie latine, voir Hæfliger 1903, qui répertorie sommairement les diverses formules qui servent à exprimer les moments du jour ou de la nuit, avec leurs qualificatifs et leurs attributs, Bardon 1946, qui passe en revue les descriptions d’aurores et de crépuscules dans les épopées latines, et Jensen 1961, qui classe les aurores et les crépuscules de l’Énéide de Virgile et de la Guerre civile de Lucain selon leur fonction d’ouverture et de clôture, en soulignant pour chaque exemple les liens entre la description et l’action ; pour une synthèse récente du motif dans la poésie épique grecque et latine, voir Wenskus 2019 et Wolkenhauer 2019.

5

Sur les aurores et les crépuscules dans les poèmes homériques, voir Vivante 1979, qui montre que les diverses expressions qui décrivent l’arrivée du jour dans l’Iliade et l’Odyssée correspondent au point de vue des personnages ; sur les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes, voir Fantuzzi 1988a, 121-154, qui compare les descriptions temporelles du poète hellénistique avec celles d’Homère et des autres poètes alexandrins, Williams 1991, 25-51, qui insiste sur la connotation positive de l’aurore et les associations négatives de la nuit, et Wolff 2018, 126-135, qui souligne qu’Apollonios de Rhodes prend parfois le contre-pied des épopées homériques dans ses descriptions de levers et de couchers de soleil ; spécifiquement sur l’Énéide, voir Keith 1925, Osmun 1962, Heinze 1965, 366-368, Pöschl 19773, 171-172 et Moskalew 1982, 66-72, qui montrent comment Virgile a adapté ses descriptions d’aurores au contexte dans lesquels elles sont placées, Nethercut 1986, qui justifie la formulation inhabituelle d’une aurore du livre 5, et Fratantuono 2013, qui montre comment l’emploi des couleurs dans les occurrences nominales de l’Aurore illustre la progression d’Énée de Troie vers l’Italie ; pour Ovide, voir Montuschi 1998a, Montuschi 1998b et Montuschi 2005, qui examinent en détail les périphrases temporelles afin de déterminer leur rapport avec le contexte narratif ; pour Valérius Flaccus, voir Gärtner 1998, qui compare les descriptions temporelles dans les Argonautiques de Valérius Flaccus avec celles d’Apollonios de Rhodes pour mettre en évidence leur rôle focalisant ; sur l’Achilléide de Stace, voir Kozák 2007, qui examine les trois occurrences de l’aurore dans l’Achilléide de Stace et les met en lien avec le début du chant 19 de l’Iliade ; pour Silius Italicus, voir Telg genannt Kortmann 2017, qui propose une synthèse de l’emploi des aurores et des crépuscules dans les Guerres puniques.

6

Sur les épopées grecques archaïques et classiques perdues, voir Huxley 1969 ; sur les épopées hellénistiques perdues, voir Fantuzzi 1988b ; sur les épopées latines de l’époque républicaine qui subsistent à l’état de fragments, voir Goldberg 1995 ; pour une liste des épopées latines attestées, voir Marks 2010, 200-205.

7

Stace est conscient de la tradition dans laquelle il s’inscrit et se réfère ouvertement aux textes qui l’ont précédé, e.g. Stat. Theb. 10, 445-448, où il compare explicitement Hoplée et Dymas à Nisus et Euryale dans l’Énéide, et Theb. 12, 816-817, où il souhaite que sa Thébaïde suive les traces de l’Énéide ; sur la conscience littéraire de Stace, voir Feeney 1991, 340-344, Hardie 1993, 110-111, Hinds 1998, 91-98 et Micozzi 2015. En outre, Stace affirme lui-même qu’il a une bonne connaissance des textes grecs et latins grâce à l’éducation littéraire qui lui a été dispensée par son père poète et professeur de rhétorique (Stat. silu. 5, 3, 146-148 ; 233-237).

8

Dans l’épilogue de la Thébaïde, le poète indique qu’il lui a fallu douze ans pour achever son épopée (Stat. Theb. 12, 811 : o mihi bissenos multum uigilata per annos) ; toutefois il faut considérer cette information avec précaution en raison de sa correspondance exacte avec le nombre de livres qui composent l’épopée ; pour la date de publication de la Thébaïde, voir Coleman 1988, xvii qui estime qu’elle a été publiée dans son intégralité avant janvier 93, car Stace ne mentionne pas la victoire de Domitien sur les Sarmates dans le proème.

9

La position de Syme 1929 et Getty 1936, qui considèrent que les Argonautiques ont été rédigées sous le règne de Domitien (respectivement entre 78 et 95 ap. J.-C. et entre 80 et 93 ap. J.-C.), a été revue par Ehlers 1985, 334-339 et Stover 2012, 7-26 qui plaident pour une date de composition plus ancienne entre 70 et 80 ap. J.-C. ; sur la datation relative de la Thébaïde de Stace et des Argonautiques de Valérius Flaccus, voir Ripoll 1998, 3-8, Parkes 2014, 779 et Lovatt 2015, 408-409.

10

On place généralement la composition des Guerres puniques entre 80 et 98 ap. J.-C. ; voir Augoustakis 2010a, 7-8 ; sur la datation relative de la Thébaïde de Stace et des Guerres puniques de Silius Italicus, voir Smolenaars 1994, xvii-xviii, Ripoll 1998, 3-8, Marks 2014, Ripoll 2015a, Ripoll 2015b, 427-436 et Agri 2020, 1-3. On sait que Stace participait à des récitations (Ivv. 7, 82-87) ; sur la pratique de la récitation, voir Markus 2000, 163-168 et Johnson 2010, 42-56.

11

Sur le cycle épique thébain (Œdipodie, Thébaïde, Épigones), voir Huxley 1969, 39-50 et Davies 2014 ; sur la Thébaïde d’Antimaque, voir Matthews 1996, 79-206 ; pour les liens entre cette dernière et la Thébaïde de Stace, voir Vessey 1970 et Venini 1972 ; sur les Thébaïdes hellénistiques, voir Fantuzzi 1988b, lxi ; lxxii-lxxiii ; l’existence d’une épopée thébaine composée par le poète latin Ponticus est uniquement attestée par l’intermédiaire de Properce (Prop. 1, 7, 1-2 ; 17-18).

12

Les récits liés à la maison d’Œdipe font également l’objet de poèmes lyriques ; voir Stesich. frg. 97 D./F. (= P. Lille 73 + 76 + 111c) avec Bremer/van Erp Taalman Kip/Slings 1987, 136-172 et Davies/Finglass 2014, 358-394 ; voir aussi Pi. N. 9, 8-30. Les mythes thébains ont également été répertoriés par les mythographes et les historiens, e.g. Apollod. 3, 6, 1-7, 1 ; D.S. 4, 64-65, 9 ; Hyg. fab. 67-70 ; 72-74 ; sur les rapports entre les Sept contre Thèbes d’Eschyle et la Thébaïde de Stace, voir Marinis 2015 ; pour les pièces perdues d’Eschyle traitant du mythe thébain, voir Wright 2019, s.vv. Aeschylus, Women (or Men) of Argos ; Aeschylus, Nemea ; Aeschylus, Oedipus ; pour les tragédies grecques perdues traitant du mythe des Sept contre Thèbes, voir Wright 2016, Index s.vv. Achaeus, Adrastus ; Astydamas the Younger, Parthenopaeus ; Carcinus the Younger, Amphiaraus ; Carcinus, Oedipus ; Diogenes of Sinope, Oedipus ; Meletus, Oedipodeia ; Philocles the Elder, Oedipus ; Theodectes, Oedipus ; Xenocles, Oedipus.

13

Sur l’impact des pièces de Sophocle sur la Thébaïde de Stace, voir Heslin 2008 et Hulls 2014, 202-205.

14

Sur les liens entre l’Hypsipyle d’Euripide et la Thébaïde de Stace, voir Soerink 2014a ; sur l’influence des Phéniciennes sur la Thébaïde, voir Reussner 1921 et Vessey 1971 ; sur l’impact des Suppliantes, voir Hulls 2014, 205-212 ; pour les pièces perdues d’Euripide traitant du mythe thébain, voir Wright 2019, s.vv. Euripides, Antigone ; Euripides, Oedipus ; Euripides, Hypsipyle.

15

Sur les pièces d’Accius, voir Dangel 1995, 218-223 ; 358-363 et Augoustakis 2021, 19-22.

16

Sur l’influence des tragédies de Sénèque sur la Thébaïde de Stace, voir Frings 1992, Delarue 2000, 143-158, Boyle 2011, xc-xciii, Augoustakis 2015, Davis 2016, 66-72 et van der Schuur 2018.

17

Ce principe d’imitatio et d’aemulatio est fondamental dans la littérature classique ; voir Reiff 1959 ; pour une synthèse de la critique littéraire sur l’intertextualité, ce procédé littéraire qui consiste à mettre en relation deux ou plusieurs textes pour générer une interprétation liée de ces œuvres, voir Conte/Barchiesi 1989, Farrell 1991, 11-25 et Farrell 2005 ; sur la relation intertextuelle entre poètes latins et modèles grecs, voir Russell 1979, Hinds 1998 et Edmunds 2001.

18

L’intertextualité a été l’une des approches privilégiées par la recherche sur la poésie flavienne au cours des dernières décennies : bon nombre d’articles et d’ouvrages récents sont consacrés aux interactions entre Stace et ses prédécesseurs, e.g. Hardie 1989 ; Hardie 1993 ; Delarue 2000 ; Ganiban 2007 ; McNelis 2007 ; Manuwald/Voigt 2013 ; Augoustakis 2014 ; Dominik/Newlands/Gervais 2015, 325-461 ; Coffee/Forstall/Galli Milić/Nelis 2020. À cela s’ajoute Juhnke 1972, 51-162 qui répertorie les correspondances entre les épopées homériques et celles de Stace ; combiné à l’étude similaire de Knauer 19792 sur l’Énéide de Virgile et les poèmes homériques, cet ouvrage permet d’établir des correspondances entre l’Énéide et la Thébaïde.

19

En grec comme en latin, il existe des formules très synthétiques qui fournissent une indication temporelle de façon neutre : les expressions ἠῶθεν (e.g. Hom. Il. 7, 372 ; Od. 1, 372 ; A.R. 1, 594) et orta dies (e.g. Verg. Aen. 7, 149 ; Val. Fl. 3, 258) annoncent l’aurore ; ἠέλιος […] ἔδυ (e.g. Hom. Il. 18, 241 ; Od. 3, 329 ; A.R. 4, 1629) et nox ruit / subit (e.g. Verg. Aen. 6, 539 ; Ov. met. 7, 634 ; Lvcan. 3, 735 ; Val. Fl. 7, 3) indiquent le crépuscule. Dans cet ouvrage, il s’agit d’étudier les formules plus élaborées qui présentent des variations par rapport à ces expressions. Pour la liste des passages retenus dans la poésie épique d’Homère à Silius Italicus, voir index aurorarum crepusculorumque heroicorum. Néanmoins, toutes les indications temporelles, mêmes les plus implicites, sont prises en compte dans les réflexions globales sur la structure chronologique du récit ; pour le schéma du déroulement chronologique de la Thébaïde, voir figure 1.

20

Les mouvements astraux sont souvent utilisés comme comparants, e.g. Stat. Theb. 1, 105-106 ; 6, 578-582 ; 685-688 ; le lever et le coucher du Soleil sont parfois employés pour désigner l’Orient et l’Occident, e.g. Lvcan. 1, 15 ; Stat. Theb. 1, 157-158.

21

E.g. Stat. Theb. 1, 645-648 ; 664-665 ; 5, 421 ; 7, 45-46 ; 10, 915 ; 11, 6 ; 73-74 ; 119-121 ; 134-135. Néanmoins, certaines de ces variations d’éclairage sont intégrées à la section 3.2 sur la luminosité dans la Thébaïde.

22

Soit douze aurores, treize crépuscules et deux descriptions qui les combinent ; voir index aurorarum crepusculorumque heroicorum.

23

Sur cette description, voir section 1.3.

24

Sur les divinités cosmologiques et les cultes qui s’y rattachent, voir Roscher 1884-1937 s.vv. Eos, Helios, Hesperos, Luna, Nyx, Phosphoros, Selene et Sol ; sur leurs représentations iconographiques, voir LIMC s.vv. astra, Eos, Helios, Nyx, Selene et stellae.

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