Chapitre 7 Comme-Mort-Rien, Homo Sacer et Géopoét(h)ique archipélique de la Fraternité

In: 'Entré en tant que cousin, sorti en tant que gendarme'
Author:
Rémi Armand Tchokothe
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Dans les périodes de fascisme, les écrivains ne doivent pas rester silencieux, sinon ils seraient complices. La Littérature permet de prendre position contre l’oppression, de manière directe ou indirecte : elle doit insuffler courage et espoir, sans concession, en résistance, sinon ce n’est pas de la littérature. Oui, l’oppression devient de plus en plus terrible, mais la résistance de ceux qui s’y opposent augmente aussi de jour en jour. Je continue d’écrire. J’espère que nous nous rencontrerons un jour.

DEMIRTAŞ SELAHATTIN, ET TOURNERA LA ROUE, TRANS. EMMANUELLE COLLAS. PARIS: ÉDITIONS EMMANUELLE COLLAS 2019

1 « L’homo migratus » chez Glissant/Chamoiseau & Sambaouma/Djailani

Glissant définissait ainsi la pensée archipélique:

une pensée non systématique, intuitive, explorant l’imprévu de la totalité-monde. Une autre forme de pensée plus intuitive, plus fragile, menacée mais accordée au chaos du monde et à ses imprévus, ses développements, arc boutée peut être aux conquêtes des sciences humaines et sociales mais dérivée dans une vision poétique et de l’imaginaire du monde.1

L’intuition ici n’est pas à prendre au sens dénoté. Elle n’est pas réductrice, mais libératrice et génératrice d’énergie vivante et relationnelle. Elle est une réponse au tout-relationnel, au chaos-monde, une forme d’intelligence sociale et relationnelle, une méthode ouverte sur le monde. Dans le volume récent, dense et interdisciplinaire sur la pensée archipélique, les éditeurs Stephens et Martinez-San Miguel (2020) amènent la pensée archipélique sur des champs plus ouverts :

Contemporary Archipelagic Thinking takes as its point of departure a more flexible definition of the archipelago, exploring it as a lens that may allow us to engage in interdisciplinary conversations about the ways in which space and time are resignified. These resignifications occur and recur in a complex set of human, object, and (natural or built) surface relations that congeal into a particular meaning, which then also becomes permanent or remain ephemeral. In our understanding, the archipelago calls for a meaning-making and rearticulation that responds to human experiences traversing space and time. Archipelagoes happen, congeal, take place. They are not immanent or natural categories existing independently of interpretation. Yet they can also become an episteme, an imaginary, a way of thinking, a poetic, a hermeneutic, a method of inquiry, a system of relations. They are painful and generative, implicated in native cosmologies or cosmo-visions, or assembled as part of imperial/colonial undertakings.2

La pensée archipélique devient un site de (re)construction des expériences humaines, un site pour générer de nouveaux sens, des resignifications, un lieu pour une éthique poétique ancrée dans l’espace. Les archipels sont des espaces souvent ‘douloureux’, généralement sous l’emprise d’un empire, mais peuvent générer des conversations, un épistémè, une méthode, une herméneutique, un système de relations qui rappelle leur place aussi bien dans leur microcosme régional que dans le tout-monde relationnel.

C’est ainsi que j’envisage la géopoét(h)ique de la fraternité, une association de la poétique partant d’un espace géographique donné et suggère une éthique humaine, une « éthique décoloniale globale, une fraternité ». Osons la Fraternité ! Les écrivains aux côtés des migrants (sous la direction de Patrick Chamoiseau et Michel Le Bris, 2018) et Frères Migrants (Chamoiseau, 2017) sont d’importantes publications récentes d’écrivains, d’intellectuels et d’artistes autour de l’autre face de l’humain, peut-être l’essence même de l’humain: l’homo migratus car se détacher de la première maison, du corps de la mère, n’est-ce pas la première étape de notre longue aventure migrante ?

Les soucis de fraternité, d’hospitalité et de partage sont manifestes dans ces deux recueils qui réprouvent les écueils de l’inhospitalité. Osons la Fraternité ! regroupe des textes et des œuvres d’auteur.es. d’Afrique, d’Europe et des Amériques dans un « recueil dont le produit des ventes sera entièrement reversé à SOS Méditerranée ».3 Les trente auteur.e.s et artistes d’Osons la Fraternité ! Les écrivains aux côtés des migrants ont embrayé dans le même sillage:

En acceptant que la totalité de leurs droits soit reversée au Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés), ces auteurs accomplissent un acte artistique d’engagement, affirmant leur volonté de contribuer à un monde plus altruiste, animé par une éthique active de la relation.4

La migration comme champ relationnel est chantée et transformée en une poét(h)ique d’in(ter)vention, une poét(h)ique active et proactive qui humanise de nouveau, libère la parole, et qui la donne aux « demandeurs de tout ce qui peut manquer aux vertus de ce monde, demandeurs d’une autre cartographie de nos humanités. »5

La cartographie des humanités pousse à se demander si les œuvres étudiées sont juste des actes de résistance au schème du pouvoir ou si elles peuvent aussi faire office d’invitation à un dialogue interculturel/intercontinental visant une meilleure « politique de l’humanité », voire une meilleure éthique de l’humanité6?

Au-delà de la réécriture de l’histoire et de constituer des contre-archives éducatives qui impliquent l’idée de « s’amarrer dans l’histoire et non pas à l’histoire »,7 l’idée de communier et d’inviter à une prise de conscience pouvant mener à une meilleure politique de l’humanité et de la relationnalité aux Comores et au-delà, traverse beaucoup de textes du corpus. Comme l’on peut s’y attendre, c’est dans les poèmes autour desquels l’une de mes hypothèses est articulée que la géopoét(h)ique archipélique de la fraternité trouve le mieux son expression, voire ses expressions.

Dans Mayotte Suicide, William Souny commence en annonçant ainsi ce qui se présente déjà comme la fin de la fraternité à laquelle il faut réagir dans ce quatrin:

Il pleut des pierres
Il pleut des braises
Sur cet éden empoisonné
Du
DÉPAR
TE
MENT8

La métaphore du jardin d’Éden biblique pour parler de Mayotte rappelle ce qui est présenté comme le moment de rupture entre ‘Dieu’ et sa créature, le moment de la trahison, voire de la déliaison car la coupure et le décalage typographiques en trois vers/séquences/mouvements du mot dépar te ment donnent un autre rythme au poème et pourraient aussi se lire comme le départ qui te/nous ment, raison pour la laquelle le mot doit être bien visible, voire audible, tel un poème-chant.

C’est d’un mensonge qu’il est question, d’un jardin dans lequel ne poussent pas des fleurs mais où tombent en grande quantité des pierres et où on ne peut que se brûler. Mayotte prend donc la forme de la pomme de la discorde entre ‘Dieu’ et sa créature. Ici, Mayotte est, comme la coupure du mot dépar te ment, le point de rupture/séparation entre les Comores. C’est aussi le départ qui peut mentir en donnant de faux espoirs. La France devient la tentation tricolore qui a éloigné certain.e.s ressortissant.e.s des Comores de la vérité historique. William Souny poursuivra ainsi:

Une île passe à son cou
Une corde d’écume
tricolore
L’Histoire sous elle
chaise renversée9

À travers le suicide de Mayotte comme l’indique le titre, c’est en général du suicide de l’humain qu’il s’agit, de l’humain qui est broyé par la version de l’histoire de « l’oppresseur ». Ce dernier a « la main qui broie » mais qu’on se doit de « baiser humblement »10 et il a des complices dans la maison des « pantins » que la déchirante réalité, souvent le matin, rattrape.

Que dire
de l’aube
qui rend
aux plages
son quota
de poitrines perdues
dans la dernière traversée du désastre11
Ces lignes de gradation ascendante du malheur évoquent les arrivées régulières, surtout au petit matin, des Kwassa Kwassa qui débarquent des hommes, des personnes malades, des enfants et des femmes dont certaines enceintes sur les côtes de Mayotte.12 Le sujet des femmes enceintes occupe une bonne place dans l’imaginaire naïf et stéréotypé de Danièle qui arrive juste sur l’île mais s’imagine déjà être une sauveuse de vies. Les chiffres de refoulement rivalisent avec ceux des femmes enceintes. Aussi bien dans le cas des discours politiques sur l’immigration que dans le cas du discours de Danièle ci-dessous, les arrivants sont décrits comme une masse, qui semble énorme, déferlante et un peu incontrôlable :

Et puis ça fourmille de monde, c’est plein de mômes ! Ça fait une éternité que je n’en ai pas vu autant. Ho ! Et puis c’est magique, elles sont toutes enceintes. Je vais pas manquer de boulot, c’est sûr ! Huit mille accouchements par an, c’est énorme. Il faut que je m’organise pour introduire la péridurale sur cette île. J’y arriverai.13

Dans la logique de compter l’humain, des chiffres vérifiables ou non, l’idée du quota est très intéressante. On pourrait la lire comme une réponse poétique, humaine et fraternelle aux discours officiels qui exigent de temps en temps, pour calmer les colères, un quota de refoulement. Il est utile de mentionner à ce sujet les visites d’Emmanuel Macron et celle d’Annick Girardin à Mayotte en 2019 et en 2018. Pour démontrer la force des nouveaux équipements mis en place par la France pour éradiquer les traversées ‘irrégulières’, c’est à bord d’un intercepteur de la police aux frontières que Macron est parti le 22 octobre 2019 de Petite-Terre où se trouvent l’aéroport et les installations stratégiques comme la base militaire pour Grande-Terre. Quand on ajoute les nombreuses embarcations, les vedettes de la gendarmerie maritime et l’hélicoptère qui l’accompagnaient, on comprend qu’il s’agit d’une démonstration du pouvoir de neutralisation et de dissuasion.

Dans le même ordre d’idées, le 12 mars 2018, la ministre des Outre-Mers, Annick Girardin, a essayé, lors d’une visite pour faire baisser les tensions sociales liées à ‘l’insécurité’ (maladroitement associée à l’immigration dite clandestine), de calmer les populations en faisant des promesses d’un meilleur contrôle de la ‘migration’.

Elle a invité à « faire mieux » c’est-à-dire à refouler plus, à contenir davantage, comme un oiseau en cage, « l’humain » au centre de rétention, et, sans remords aucun, à (ma) traquer tels des criminels les ‘clandestins’ dans des quartiers, comme l’a souligné une étudiante dans la section 4.8 : des camps bien connus de tous à Mayotte, des champs où les ils/elles travaillent, et contribuent de manière significative au bien-vivre à Mayotte. Seulement, voici une fois de plus oubliée une réalité que Chamoiseau (2017) se charge de nous rappeler :

Ceux qui devraient être au loin mais qui pourtant sont là rejoignent ceux qui se trouvaient si près mais qui n’étaient pas là. Ensemble, dans les mêmes lieux, la même crasse, la même misère, ils révèlent l’inhumain d’un système dont ils partagent la filiation. Quand surgissent les camps, c’est que des milliers de camps invisibles fermentaient déjà dans les placards de ces Nations, de ces villes, de ces quiétudes et de ces bonnes consciences. Les camps ne sont que le spectaculaire d’un inhumain déjà ancien.14

Vouloir contenir l’humain déjà doublement confiné dans son histoire et son espace relève de la désespérance que les auteur.e.s décrient avec toute leur énergie créative. William Souny parlera dans son deuxième poème intitulé Le Principe Archipel de « l’égalité dans le naufrage »15 dont il a déjà précisé les contours dans l’entretien qui précède les poèmes en ces termes:

Ironiquement, je veux dire que la seule égalité qui semble pour l’instant permise à ceux qui transgressent les frontières physiques, mentales et pour ainsi dire mythologiques, qui séparent les hommes, c’est dans la mort qu’ils la rencontrent. Je vise de même les structures inégalitaires d’une société, dissimulées sous les apparences de la communauté par ceux qui s’en autoproclament les représentants organiques – alors qu’ils exploitent leur semblable au nom fallacieux d’une appartenance commune. Tel est le naufrage.16

On pourrait lire dans cet extrait un naufrage collectif, pas seulement à l’échelle des Comores, mais à l’échelle humaine. Néanmoins, dans le cas de Mayotte, on peut d’ailleurs extrapoler avec Abdallah Mgueni (2014) dont le propos qui semble fataliste sied bien au contexte d’étude : « les vrais morts sont les survivants ».17

Son antithèse rejoint celle tout aussi forte de Scholastique Mukasonga qui a entre autres personnes dédié son premier roman-témoignage de 40 années de douleur au Rwanda, Inyenzi ou les Cafards (2006) : « à tous ceux de Nyamata qui sont nommés dans ce livre et à tous ceux, plus nombreux, qui ne le sont pas, aux rares rescapés qui ont la douleur de survivre. »18

Comment survivre dans cet enfer dans lequel les libertés et les imaginaires sont pris en otage? Saïndoune Ben Ali y répond en poétisant l’éthique de la transhumance existentielle et de la survivance mémorielle. Dans Malmémoires Saïndoune Ben Ali dira

C’est ma comédie à moi:
Les acteurs ignorent l’affiche
Ils jouent, jouent à En-jouant…
Merveilles pour merveilles!19

Saïndoune Ben Ali nous replonge dans l’histoire de l’archipel et le vécu depuis 1995, comme une farce. Il faut relever le jeu homophonique En-jouant /Anjouan, (mi)lieu de vie du poète et épicentre des départs vers Mayotte. Tous les protagonistes sont impliqués dans une comédie sans connaître exactement leur rôle et l’intrigue. Tout se construit en se déconstruisant et en se reconstruisant. L’intrigue est une surprise pour tous. Elle est inattendue, imprévisible, comme la mondialité glissantienne. Saïndoune Ben Ali poursuivra :

Caravansérail
Où un peuple d’épileptiques
Se noient dans ses prières
Entre éternité et poubelle
Prières que guident les chacals20

Saïndoune associe la mémoire qu’il définit comme un ‘espace’ de sauvegarde de faits sociaux et de données historiques à l’épilepsie. Par extension, c’est un peuple malade, une humanité en souffrance, une humanité à la mémoire épileptique, à ‘la mémoire trouée’, comme le titre du beau récit de Combres (2007) sur le Rwanda, récit axé sur l’histoire de la reconstruction du génocide par la petite Emma.

Est-ce que le corps d’un.e épileptique enregistre les souffrances? Peut-on véritablement soigner l’épilepsie? Que faire de la religion qui est un ‘gouffre’ au sens de Glissant? Le peuple comorien, l’humain ici, serait-il atteint de l’incurable maladie qu’est « la malméroire épileptique »? L’épilepsie est aussi au cœur de la nouvelle Lambeaux d’anarchipel d’Anssoufouddine Mohamed.

Mchébwé, l’ami d’enfance et le frère souffre d’épilepsie, comme Hilarion le personnage principal de Compère général soleil de Jacques Stephen Alexis (1982), un roman sur l’exploitation des Hommes, la résistance à la dictature assassine qui se joue en Haïti et en République Dominicaine. Dans Lambeaux d’anarchipel, Mchébwé est à l’image de « cette nation fendillée qu’un puissamment esprit invisible manipule ».21 Tout le « cadavre » de pays souffre d’épilepsie avec des crises répétées de la maladie qui poussent à rêver de se faire soigner ailleurs, à Mayotte, « la quatrième patte de la vache comorienne » pour reprendre l’expression courante.

Une flotte s’organise. À coup de petites pirogues. À coup de résine. À coup d’esquifs. À coup de canoë. À dos de radeau. À dos de nacelle. À dos de périssoire. À la nage. En balançant et en dansant. En tanguant et en dansant. En se noyant et en dansant. Une danse nôtre. Une danse des origines. Une danse épileptique. Le kwassa-kwassa. Kwassa-kwassa des parents qui forcent les murs pour se revoir, s’embrasser, s’amouracher. Se faire l’amour. Perpétuer l’espèce et la race. S’il en a une. Elle est unique en son genre. Kwassa-kwassa géniteurs d’orphelins. Géniteurs de veuves et de veufs. Géniteurs de villages désertés. Géniteurs des écoles qui lâchent. Des hôpitaux qui effraient. Des hôpitaux qui inquiètent et apeurent. Mayotte le trou noir qui avale ses îles sœurs juste avant la fin des temps. Mayotte la faucheuse du quartier de mes enfances.22

On notera le glissement sémantique du Kwassa-Kwassa, à l’origine une danse congolaise qui, personnifiée, devient une danse maladive, épileptique, destructrice et réductrice. Cette nouvelle a des traces autobiographiques car l’auteur est médecin (cardiologue), vit et est très sollicité à Anjouan. C’est un médecin qui est pessimiste dans son écriture de la relationalité entre les îles mais heureusement optimiste dans sa fonction d’humanitaire, lui qui refuse un ailleurs ‘meilleur’ pour sauver ce qui est encore à sauver à Anjouan.

C’est d’ailleurs ce qui explique l’étonnement de Mchébwé qui ne comprend pas l’obstination, ‘la folie’ de son ami d’enfance, médecin revenu travailler et vivre sur l’île de la désespérance, l’île épileptique. C’est ce genre d’écriture et d’acte que je qualifie de géopoét(h)ique archipélique de la fraternité dans un contexte dominé par les malmémoriens, souvent comoriens d’origine, qui pour rien tendent à piétiner des siècles d’histoire, entre mensonges, corruptions, prières, éternité et poubelle.

Que faire donc pour éviter de tomber/rester dans la poubelle de l’histoire ? Soeuf Elbadawi y répondra dans la préface de Malmémoires intitulée l’Ironie des Enfants de Lune

Celui qui ne raconte pas son monde, s’en laisse forcément conter, et souvent par le truchement du regard biaisé du conquérant. Saïndoune Ben Ali se refuse à l’absence et ne laisse à personne, vainqueur ou non, le soin de parler en son nom. […] Néanmoins, l’on sait que le poète fait corps avec son monde. Pour le meilleur et pour le pire, il s’autorise à incarner le récit mouvementé d’une terre que l’archéologie future des tshapalodromes désigne comme tributaire de ‘tant de vies égarées entre vide et plein’.23

On revient au tshapalodrome relationnel dont j’ai parlé dans le chapitre 4. C’est un (mi)lieu de socialisation, un (mi)lieu ressource, un espace de fraternité quotidienne, de complicité, d’une éthique du partage, de traitement de la colère collective, de blessures et de meurtrissures, sans complexe et sans contrainte. C’est aussi un milieu dans lequel chacun peut affronter, comme dit le personnage de Cahier d’un retour au Pays Natal (1983), « [sa] lâchété retrouvée ! »24 et un milieu dans lequel les participants n’ont, comme les auteurs comoriens, ni peur des mots, ni « peur de reconnaître que chacun de nous est le traître… »25 pour reprendre Saïndoune dans la préface de Hadith pour une République à naître de Nassuf Djailani26

Pour moi, c’est la tâche même de l’écrivain : trouver les mots pour dire le monde. Si l’on en est incapable, on n’est pas écrivain. Ce qui distingue l’écrivain authentique, c’est la précision de son regard, sa capacité à appréhender les choses directement, et non à travers le prisme des fantasmes et des idées d’autrui.27

Ces mots sont du prix Nobel de Littérature en 2001, l’écrivain anglais Sir Vidiadhar Surajprasad Naipaul, né à Trinidad, pays qu’il a renié jusque dans son discours de lauréat du prix Nobel.

Il n’est plus question de vivre essentiellement dans le regard de l’usurpateur, d’accepter sa version de l’histoire. Les auteurs comoriens prennent les choses en main et placent leurs textes comme de nouvelles archives. Tous les écrivains du corpus sont acteurs et témoins de l’injustice sociale aux Comores, tous sont des observateurs lucides de la situation duelle (comorienne et française; continentale et insulaire), et en fins observateurs, tous mettent l’accent sur une écriture en contexte et maintiennent vivante une dialectique du désespoir et de la confiance en un avenir meilleur. Cette dialectique leur permet de trouver les mots justes pour dire la douleur dans l’archipel et exprimer le désarroi des Comoriens depuis la manipulation linguistique orchestrée en décembre 1974.

Après la description « des empereurs de pacotille », de leur « névrose » et surtout de « la grandeur de leur âme »,28 à l’image de la loi du 23 février 2003 sur la Grandeur de la France, Djailani reviendra sur la puissance des mots pour décrier les maux de la « malmémoire épileptique » :

Dans la grouillante obscurité du dire,
des mots ferraillent les contours d’une fraternité
à venir !
Un tintamarre de mots fragmentés
De désirs refoulés
et alors, vinrent les murmures du tam-tam !
Les tam-tams du shenge qui enjoignent une parole frappée d’insurrection
Et les mots chargés de rêve ouvrent la marche vers la transe !29

Comme je l’ai souligné dans l’introduction, cet ouvrage est dans une large mesure porté sur les mots dont les auteurs se servent pour parler des maux, des blessures et des stratégies pour guérir les blessures dans l’archipel des Comores et annoncer les couleurs du futur. L’avenir se trouve aussi dans les mots, dans la poésie, « le langage de l’à-venir, de ce qui toujours se situera au-devant de nous »30 et dans l’éthique que portera la poésie à travers la danse qui est un moment de transe.

Le shenge, aussi écrit shengué, est aux Comores une cérémonie religieuse, une danse exutoire qui libère, qui, tout en maintenant l’esprit communautaire, ouvre l’esprit sur de nouvelles avenues, mais c’est avant tout une danse-transe qui ramène à la source, aux pratiques culturelles du pays. Les hommes et les femmes y participent, chaque groupe de son côté. On y chante des poèmes religieux, des chants-poèmes, on y joue des instruments, on se libère des émotions qui pèsent sur l’âme et le corps et on danse donc la décharge émotionnelle en revenant sur soi.31 L’idée de retour est exploitée par Sambaouma dans Poème d’un retour au pays natal.

Dans cette allusion à Césaire, il est question du mal et du manque du pays, du chagrin qui pousse au retour et de la grande désillusion car le pays n’a plus que son ombre à offrir. Il croule sous les ordres des empires du dehors et de l’intérieur. Le pays n’a plus de dignité, de liberté. Il est tout le temps courbé, dépossédé de ses enfants, dont on ne sait pas s’ils reviendront. « Le pays » serait pris d’un délire, comme le fou.

mais je suis le plus fou
des esclaves des temps modernes
retenus prisonnier
sur mon propre territoire
emmuré [que je suis] sur le territoire de mes ancêtres
seize mille personnes ayant voulu escalader la muraille entre
Anjouan et Mayotte reposent, inconnues, au fond d’un grand cimetière marin
et ça continue…32

C’est la figure de l’esclave après l’esclavage dont parle Torabully (1999). Le lien entre le silence derrière les murs et la folie est évident. La folie devient collective, absence de mémoire et résignation face à la violence (in)compréhensible de la réalité. Le fou, en filigrane, miroir de l’humain, revient dans Un Dhikri pour nos morts La rage entre les dents de Soeuf Elbadawi (2013).

La situation illogique aux Comores explique la présence des personnages comme Iɓuka. Iɓuka ne croit plus à l’humain qui ne lui rappelle que la décadence morale, affective, structurelle et l’incapacité de pousser le seul ‘cri’ qui vaille la peine : le cri de la vie et la dignité retrouvées ! La figure d’Iɓuka et son rôle dans l’imaginaire de l’archipel des Comores font inéluctablement penser à ce passage du Cahier d’un retour au Pays Natal de Césaire (1983) :

Et dans cette ville inerte, cette foule criarde si étonnament passée à côté de son cri comme cette ville à côté de son mouvement, de son sens, sans inquiétude, à côté de son vrai cri, le seul qu’on eût voulu l’entendre crier parce qu’on le sent sien lui seul ; parce qu’on le sent habiter en elle dans quelque refuge profond d’ombre et d’orgueil, dans cette ville inerte, cette foule à côté de son cri de faim, de misère, de révolte, de haine, cette foule si étrangement bavarde et muette.33

Et si le fou était l’autre face cachée de tous,34 tous ceux qui sont vides de vraie vie, ceux qui sont accrochés au pouvoir et sacrifient des vies pour assouvir leur soif de domination ? C’est dans la logique comparative que Sambaouma sort du cadre comorien pour parler d’un « Poème palestinien… »,35 la Palestine étant liée à Mayotte dans la fraternité en souffrance instiguée et infligée par celui qui se prend pour le vainqueur, comme l’a une fois de plus attesté l’actualité en mai 2021.

Comme le remarquent Djailani et Sambaouma, la portée de la poésie n’est pas à négliger. Dans le roman Comorian Vertigo, Djailani fait dire au personnage Ahmed qui, aux yeux de son interlocutrice Sakina, est un déconnecté social et un rêveur :

J’ai la faiblesse de croire en la perfectibilité de l’homme. C’est pour cela que j’ambitionne de vouloir le changer. Et crois-moi, si j’arrive à secouer un homme avec un poème, j’ai le profond espoir que ce même homme en contaminera d’autres.36

Dans le même ordre d’idées, Sambaouma défend la thèse suivante :

Si le poème que voici ne peut pas ressusciter
les morts palestiniens
ni protéger ceux qui sont pourchassés de chez
eux par milliers
il peut par contre décrire les gestes des tueurs
et leurs instruments de morts,
l’apparence des victimes désarmées ou armées
des pierres
des cris vains
ou de vaines imprécations –
ce dont il sait quelque chose !
Oui le poème peut tout cela.
Le poème qui sonde la sensibilité des hommes est capable de cela.37

Grâce au poème l’écrivain.e dont le travail n’est pas vain dit, crie, décrit et creuse les misères humaines, où qu’elles se déroulent, depuis les Comores jusqu’au Moyen Orient. Partout où l’humain crie, le poème retentit pour rappeler l’écologie de la fraternité et de l’hospitalité, dont la migration et l’accueil qui doit suivre sont des composantes essentielles, comme le souligne une fois de plus Chamoiseau, non sans dresser de manière succinte la nature migrante même des colonisations

Mais, alors que bien des pays pauvres recueillent tant bien que mal des migrations massives, les États-nations d’Europe préfèrent dire à la vie qu’elle ne saurait passer. Eux qui ont tant migré, tant brisé de frontières, tant conquis, dominé, et qui dominent encore, veulent enchouker à résidence misères terreurs et pauvretés humaines. Ils prétendent que le monde d’au-delà de leurs seules frontières n’a rien à voir avec leur monde. Qu’il n’est pas de leurs œuvres et pas de leur devoir. Ils lui opposent les dissuasions d’une mort autorisée, filmée à angles choisis, médiatisée chaque jour. Ils élèvent l’attestation d’un impossible sur des monceaux de cadavres et consentent à l’abandon de tout un océan aux vocations de cimetières.38

Pourquoi donc empêcher les hommes de vivre leur désir d’exister et de humer l’écosystème relationnel? Pourquoi continuer de sacrifier des vies pour rien quand nous sommes tous fondamentalement liés en tant que des homo migratus?

2 Agamben et Saïndoune : Homo sacer - Comme-Mort-Rien

Chez le philosophe politique italien Giorgio Agamben,39 qui développe la notion de biopouvoir de Foucault et de régimes totalitaires d’Arendt, l’homo sacer et la théorie du ‘bare life’ [la vie sacrifiée/le corps sacrifié] renvoient dans la Rome Antique, au citoyen qui ne pouvait pas être sacrifié de manière rituelle mais dont la mort n’était pas considérée comme un homicide ; un citoyen qui n’avait pas le statut d’homme sacré. C’était une mort qui ne comptait pas, comme celle de milliers de « migrant.e.s », mort.e.s lors de la traversée d’Anjouan à Mayotte. La vie de l’homo sacer est une vie en permanence entre la vie et la mort, une vie semi-autorisée et semi-interdite dans « l’état d’exception » (Agamben).

Cette espèce de vie partagée entre exclusion et inclusion, l’ensemble (les quatre îles des Comores) et l’exception (Mayotte tricolore), résulte en des milliers de morts lors de la traversée entre Anjouan et Mayotte depuis 1995. De fait, la mer devient synonyme de ‘camp’ qu’Agamben identifie comme le paradigme clé du biopouvoir et de la biopolitique dits modernes que les corps des noyés essayent sans cesse de transgresser. Les noyés dans cette mer, ce camp, sont à peine des chiffres. C’est pour remédier à ce double silence que Soeuf Elbadawi prévient à la deuxième page que

la nouvelle est rude Quatre-vingt-dix-huit noms passés par-dessus bord Ils ont péri dans les flots Quatre-vingt-dix-huit noms qui s’épellent comme autant de lames traversant ce corps d’insularité qui est nôtre Les uns sur les autres ils étaient tassés comme de la chair en esclavage Corps à corps de destins suspendus sur deux frêles embarcations de bric et broc en provenance de Domoni ils se sont éteints au terme d’une course effrénée entre les radars surexcités de la pointe nord et la flottille agitée des Soroda40

Dans ce poème funéraire, Elbadawi fait le deuil, offre un rituel d’adieu aux naufragés dans l’archipel-mouroir où vivre c’est aussi déjà être un peu mort. Il fait des naufragés des cadavres-debout dont l’esprit doit nous hanter afin que l’humanité prenne finalement conscience de la déshumanisation exaspérante causée par la traversée entre des îles sœurs, depuis un quart de siècle.

Il s’attaque aussi à la religion qu’il condamne d’abord en jouant sur l’homophonie car, face au saigneur (le conquérant), le seigneur est ‘inconscient’, endormi, aveugle, invisible, muet et silencieux. Dans Testaments de Transhumance, Saïndoune Ben Ali s’interroge aussi sur la présence ou plutôt l’absence devant cette tragédie :

Les noyés avaient-ils un Dieu ?
Et leur foi en la Nation !
cette nation gouvernée par la vilenie,
vieilles guenons, sangsues grasses, ventrues.
Cette nation où le chirurgien se plaint
de son appendicite, où le lycéen exhiba
un jour sous un soleil latéritique
son sexe pour corriger sa mère,
lisant des chants patriotiques41

En plus des comme-mort-rien de la traversée, c’est toute la société qui est malade du traumatisme néocolonialiste et d’amnésie.42 En conséquence, « le poète ressemble à son île, vue de loin, laissée à l’abandon du sel. Simplement vécue dans les rêves. Balayée hors des souvenirs par les vents et les temps », comme le dira l’auteur malgache Raharimanana (2003, 240)43 dans son commentaire poétique de Testaments de Transhumance. Quand le soignant est aussi un malade permanent, c’est l’image de l’apocalypse. Pendant ce temps, « Dieu est en réanimation » est-on tenté de dire avec le curé, tiré de « l’entretien clandestin » dans Ce que je crois.44 Les enfants de « Dieu » sur l’archipel deviennent « la racaille humaine »,45 tout comme les « bâtards, tortillons, noyés de la fratrie » dans la Marseillaise remaniée de Soeuf Elbadawi. Ces enfants sont des « non pas comme or mais comme morts »46 (Paris Mutsa en quête de récit) et surtout des « comme-morts-rien »47 pour Saïndoune Ben Ali (2013).

Ici me revient une pensée forte d’Aimé Césaire dont la poépolitique est présente chez les auteurs comoriens:

Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.48

C’est sur cette lignée que se positionne Soeuf Elbadawi qui, dans Un dhikri pour nos morts La rage entre les dents, défend la thèse de l’écriture-déconciation comme suit : « les écritures de la transhumance nous tiennent la jambe et Ces morts qui nous acculent au mur sans façon Exigent que l’on nomme l’horreur faite par la lointaine République de Paris en nos eaux. »49

C’est l’écriture pour sortir UN peuple des profondeurs dans lesquelles d’impitoyables pourfendeurs l’ont plongé.

Mayotte c’est partie des Comores. On parle la même langue, on a la même culture. C’est ridicule que les Corses et les Bretons forment le même pays et pas Mayotte et les Comores : il y a des liens familiaux entre ces îles. Tant pire pour qui à Mayotte pense d’être français !50

dira en français décontracté le Comorien Fahmi dans un entretien semi-directif avec Peccia et Meda (2017). Écrire équivaut à rappeler cette brisure et les conséquences qui en résultent depuis une génération. Dans leurs poèmes, tout en décrivant la situation aux Comores depuis un quart de siècle, mais une horreur méconnue de la scène dite ‘internationale/mondiale’, Soeuf Elbadawi, Nassuf Djailani, William Souny, Sambaouma, Saïndoune Ben Ali et les autres ravivent le désir de fraternité réelle dans l’archipel que je lis comme la métaphore du globe.

L’extension aux affaires du monde est bien mise en évidence dans le texte ‘commis à plusieurs mains’ dans lequel on peut lire:

Quand on demande ce qui s’est passé
le 11 septembre on croule sous les réponses
quand on demande ce qui se passe entre le 11 20’- 13 04’
de latitude Sud et 43 11’- 45 19’ de longitude Est depuis 1994
[et nous sommes en 2015]
Aucune réponse ne fuse
quelle nuance apporter entre la catastrophe du World Trade
Center et la tragédie du Visa Balladur aux Comores ?
n’est-il pas question d’innocence sacrifiée dans les deux cas ?
pour satisfaire à quelle logique mathématique ?
Ben Laden a été rayé de la carte
mais que fait-on du Mur Balladur ?
le terrorisme est traqué.
Mais comment appelle-t-on ce qui nous arrive
sur ces 2034 km2 ?
Maudit sois-tu satané coq…51

La comparaison avec les attentats du World Trade Center rappelle l’inégalité dans la médiatisation des naufragés et des vies sacrifiées dont parle Agamben. En évoquant à dessein cette tragédie en plein cœur de l’empire américain, les auteurs invitent, depuis les Comores, à une véritable fraternité-mondialité dans la joie et dans la douleur.

Cette fraternité est au départ archipélique. Pour le père de Combo qui n’en peut plus de voir les filles et les fils d’un archipel vivre dans « le politiquement correct » au lieu du « correctement politique », il est grand temps que cesse la déshumanisation aux Comores. C’est l’heure de la réconciliation car il estime que :

Les Mahorais ont souffert. Les Mohéliens continuent à souffrir. Les Anjouanais l’ont douloureusement exprimé. Les Grand-Comoriens sont en train de le murmurer. Le temps n’est plus à la recherche de l’auteur du crime. Tous les Comoriens, y compris les Mahorais, en sont responsables. Dans ce cas, c’est l’État qui, en premier, devrait prendre ses responsabilités et les autres de lui emboîter le pas. Sinon, à cette allure, cet archipel risque de redevenir celui des sultans batailleurs.52

Reconnaître la responsabilité collective dans l’archipel est la première étape de la grande fraternité qui par la suite pourra prendre les contours d’une humanité même océanique53 bien qu’elle soit encore « irruée » comme dirait Glissant. Ainsi pourrions-nous peut-être nous éloigner de la prédiction de Soeuf Elbadawi dont le pessimisme est compréhensible lorsqu’il parlera au sujet du mur Balladur : « d’une politique de désespérance remontant aux premiers émois de la colonie Dans cinq siècles on en paiera encore la facture. »54

Convoquer de nouveau le réel rêvé avec par exemple le soutien de nombreuses associations de défense de la dignité humaine, comme le Collectif Migrants tenu par des personnes, dont des Français.e.s qui sont contre la logique néocoloniale du gouvernement, des personnes solidaires de la démarche et expressément opposé.e.s à l’irrué institutionalisé par l’empire, fait de ces textes des ‘dreamscapes’ au cœur des « seascapes »,55 des espaces d’in(ter)vention sociale, des espaces discursifs pour remettre en question et jouer avec les cartes du politiquement (in)correct, en espérant sortir UN peuple de la prison que constitue la géopolitique néocoloniale.

En plus d’interroger le ‘canon’ comme je l’ai montré dans le chapitre précédent, les textes étudiés invalident l’essence même de l’idée d’empire : le pouvoir sur les cartes et le discours sur la géographie qui fait de certains peuples des prisonniers. Par conséquent, ils épousent bien la pensée de Toni Morrison qui remettait en question l’idée de canon littéraire américain en ces termes :

I want to draw a map, so to speak, of a critical geography and use the map to open as much space for discovery, intellectual adventure, and close exploration as did the original charting of the new world - without the mandate for conquest.56

Pour Morrison, la carte est un lieu de pouvoir, mais aussi un espace ouvert sur lequel on peut appliquer de nouvelles lois, de nouveaux imaginaires, tracer de nouvelles lignes sans demander la permission du « maître des conquérants » (Elbadawi). Ce dernier sera surpris des nouvelles manières de tracer les cartes et d’y inscrire des itinéraires inattendus et souvent toniques, comme c’est le cas avec l’objet du dernier chapitre: l’écriture sur fond d’humour de la tragédie des Comores sur la carte des “migrations” dans le monde.

1

Glissant, Introduction à une poétique du divers, 43.

2

Michelle Stephens and Yolanda Martinez-San Miguel, Contemporary archipelagic thinking: towards new comparative methodologies and disciplinary formations (Lanham & London: Rowman & Littlefield, 2020), 3.

3

« Au Coeur de l’errance », consulté le 25 janvier 2021.

Au coeur de l’errance de Patrick Chamoiseau, Leïla Slimani, Loïc Barrière, Eric-Emmanuel Schmitt, Laurent Gaudé, Jean-Paul Mari, Abdellatif Laabi, Erri de Luca, Mahi Binebine, Maïssa Bey, Magyd Cherfi, Intagrist El Ansari, Idoumou, Yahia Belaskri, Laurence Vilaine, Bios Diallo, Ma () | l’autre LIVRE (lautrelivre.fr).

4

« Osons la fraternité », consulté le 12 novembre 2020, http://www.philippe-rey.fr/livre-Osons_la_fraternit%C3%A9_!-382-1-1-0-1.html

5

Chamoiseau, Frères Migrants, 2017, 59.

6

Achille Mbembe. « The society of enmity», trans. Giovanni Menegalle. Radical Philosophy 200 (Nov/Dec 2016).

7

Françoise Vergès et Carpanin Marimoutou, Amarres. Créolisations Indiaocéanes. (Paris: L’Harmattan, 2005), 23.

8

Souny, Mayotte Suicide suivi de Le Principe Archipel, 20.

9

Souny, Mayotte Suicide suivi de Le Principe Archipel, 22.

10

Souny, Mayotte Suicide suivi de Le Principe Archipel, 51.

11

Souny, Mayotte Suicide suivi de Le Principe Archipel, 33.

12

Dans Tropique de la Violence, l’une des voix principales, Marie qui est infirmière, voit dans les kwassa kwassa une œuvre humanitaire et sanitaire qu’elle décrit ainsi: « Les kwassas sanitaires transportent des malades, des vieux, des femmes enceintes, des enfants handicapés, des blessés graves, des fous, des brûlés. Ils font la traversée entre Anjouan et Mayotte pour se faire soigner. J’ai vu des femmes avec des cancers tellement avancés qu’ils n’existent plus, en métropole, que dans les livres de médecine. J’ai vu des grands brûlés à la peau toute pourrie, des bébés morts depuis plusieurs jours mais toujours dans les bras de leurs mères, des hommes aux jambes sectionnées par des requins. » Appanah, Tropique de la violence, 3.

13

Masson, Droit du Sol, 21.

14

Chamoiseau, Frères Migrants, 114.

15

Souny, Mayotte Suicide suivi de Le Principe Archipel, 48.

16

Souny, Mayotte Suicide suivi de Le Principe Archipel, 12.

17

Ahmed Abdallah Mgueni, « Traversée de Mayotte : les vrais morts sont les survivants », consulté le 7 octobre 2019, https://comoressentiel.wordpress.com/2014/08/31/traversee-de-mayotte-les-vrais-morts-sont-les-survivants/

18

Scholastique Mukasonga, Inyenzi ou les Cafards (Paris: Gallimard, 2006), 7.

19

Ben Ali Saïndoune, Malmémoires (Moroni: Komedit, 2013), 34.

20

Saïndoune, Malmémoires, 44.

21

Mohamed Anssoufouddine, « Lambeaux d’anarchipel, » in Petites Fictions Comoriennes (Moroni: Komedit, 2010), 98.

22

Mohamed Anssoufouddine, Lambeaux d’anarchipel, 101.

23

Soeuf Elbadawi « L’ironie des enfants de lune », préface de Malmémoires (Moroni: Komedit, 2013), 11.

24

Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, 41.

25

Ben Ali Saïndoune, « La hantise du mur de nos tragédies intérieures », préface de Hadith pour une République à naître (Moroni: Komedit, 2017), 8.

26

Les lecteurs remarqueront sans doute l’idée de fraternité d’écriture très présente dans le corpus en termes de préfaces des textes, de complicité co-rédactionnelle et de dédicaces. Ce sont de bons services fraternels que se rendent les auteurs qui se soutiennent ainsi.

27

V. S. Naipaul, “Être un rebelle est un idéal respectable”, consulté le 9 juillet 2021, https://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20100211.BIB2395/v-s-naipaul-etre-un-rebelle-est-un-ideal-respectable.html

28

Djailani, Hadith, 33.

29

Djailani, Hadith, 39.

30

Mbembe, Critique, 231.

31

Dans Droit du Sol, le métropolitain Jacques est invité au Patrosi/Patrousa qui est un rituel de transe qui agit tel un antidépresseur, un espace de défoulement, une manière de faire le vide, de se transgresser en participant à une psychologie de groupe tous les trois mois afin de reprendre son envol.

32

Recueil Collectif, Paris Mutsa en quête de récit, 17.

33

Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, 9.

34

Il n’est pas fortuit que Kanamagno, la folle édentée, soit la voix narrative principale du roman-conte Hamouro (2005) de Salim Hatubou. Ce roman-conte traite aussi de la ‘migration’ vers Mayotte et des difficultés pour les ‘kilandestins’ à s’installer dans un village qui sera plusieurs fois détruit pour marquer la séparation entre ‘les rochers frères’ : les quatre îles au sein desquelles la mobilité était naturelle jusqu’au ‘visa’ qui a tranformé la zone en ‘canal de la mort’. Les rescapés de la ‘traversée’ envisagent Hamouro comme un ‘havre de paix’ sur la terre de liberté et d’opportunités qu’est Mayotte, reconnaissable dans le roman-conte par le nom ‘rocher Hippocampe’, car Mayotte est aussi dans l’imaginaire touristique connue comme “l’île hippocampe”.

Par contre, pour les autorités, Hamouro devrait être un projet touristique pour (re)vendre le mythe exotique des villages ‘africains traditionnels’. On est forcé d’admirer la vision de Salim Hatubou qui fait, entre autres, d’un ‘enfant-rédempteur’ (Hamouro, 34), recueilli sur les plages d’Hamouro par la folle édentée et le ‘boîteux’ Mhadju, les porte-étendards d’un avenir au village. À se demander si la solution à la confusion dans l’archipel ne reposerait pas entre les mains des prototypes que la société n’écoute pas assez? Et si ce que nous considérons comme des ‘handicaps’ sont bien au contraire des forces à exploiter?

35

Sambaouma, Poëmes, 101–112.

36

Djailani, Comorian Vertigo, 121.

37

Sambaouma, Poëmes, 104.

38

Chamoiseau, Frères Migrants, 41–42.

39

Giorgio Agamben, Homo sacer: Sovereign power and bare life, trans. D. Heller-Roazen. (Stanford: Stanford University Press, 1998).

40

Elbadawi, Un dhikri pour nos morts La rage entre les dents, 8.

41

Saïndoune, Testaments de Transhumance, 99.

42

Il est intéresant de remarquer que dans son premier roman sur la recherche des traces identitaires, roman contre l’amnésie, Mouhtare (2018, 77) écrit que « ce pays est le temple de l’amnésie. Le déni est son dieu, que des milliers d’âmes vénèrent et honorent chaque jour. »

43

Jean-Luc Raharimanana, « Testaments de transhumance de Saïndoune Ben Ali. Rêves d’Archipel ou la Mémoire trouée », in Identités, langues et imaginaires dans l’Océan Indien, textes réunis et présentés par Jean-Luc Raharimanana, Interculturel Francophonies 4 (novembre-décembre 2003), 240.

44

Bernard Kouchner, Ce Que je Crois (Paris: Grasset & Fasquelle, 1995), 81.

45

Kouchner, Ce Que je Crois, 56.

46

Recueil Collectif, Paris Mutsa en quête de récit, 30.

47

Saïndoune, Malméroires, 64.

48

Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme (Paris: Présence Africaine, 1955), 20.

49

Elbadawi, Un dhikri pour nos morts La rage entre les dents, 30.

50

Tiziano Peccia & Rachele Meda, « Les Comores, le Visa Balladur et l’hécatombe au large de Mayotte: une analyse transdisciplinaire de la question complexe des migrations comoriennes », Confins 31 (juin 2017): non paginé.

51

Recueil Collectif, Paris Mutsa en quête de récit, 31.

52

Feyçal, Mayotte, un silence assourdissant, 106.

53

Au sujet des humanités océaniques, on doit mentionner le projet en cours à l’université de Witwatersrand, Johannesburg. L’équipe de recherche dirigée par Isabel Hoymeyr travaille sur un thème ambitieux intitulé Oceanic Humanities for the Global South, consulté le 30 janvier 2021, https://www.oceanichumanities.com

54

Elbadawi, Un dhikri pour nos morts La rage entre les dents, 22.

55

Vergès et Marimoutou, Amarres. Créolisations indiaocéanes, 25.

56

Toni Morrison, Playing in the Dark. Whiteness and the Literary Imagination (Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press, 1992), 3.

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'Entré en tant que cousin, sorti en tant que gendarme'

Visa Balladur, Kwassa Kwassa, (im)mobilité et géopoét(h)ique relationnelle aux Comores

Series:  Africa Multiple, Volume: 2