La question des masculinités est abordée ici à travers les trois premiers romans de Mohamed Mbougar Sarr. À peu d’années près contemporaines, les intrigues de ces fictions se situent approximativement entre 2008 (année de diffusion de la vidéo à la base de De purs hommes1) et 2015 (année en laquelle l’Europe a perçu l’apogée de la « crise migratoire » dépeinte dans Silence du chœur2), Terre ceinte3 se déroulant dans un pays d’imagination, démarqué du Nord Mali de 2012 sous la férule djihadiste. Un autre élément crucial les rapproche : la violence de masse ou de groupe, son surgissement, ses mécanismes de perpétuation. Dans des contextes différents, il s’agit du moteur narratif – en termes de tension narrative mais aussi de questionnement interprétatif – de ces trois romans : violence djihadiste de la « Fraternité » dans Terre ceinte ; violence xénophobe, communautariste et masculiniste, proprement fasciste – les chemises noires des voyous siciliens le rappellent – dans Silence du chœur ; violence homophobe dans De purs hommes. Ces violences sont perpétrées exclusivement par des hommes, sur des femmes et sur d’autres hommes, que ceux-ci soient perçus comme « autres » ou rivaux4 ou que leur comportement représente, aux yeux des détenteurs de la force, une transgression de la norme sexuelle5 ou hétérosexuelle6. L’exercice de la violence s’identifie ou se superpose donc à la norme dominante de la masculinité. Celle-ci fait cependant l’objet d’une mise en perspective au moins double. Considérée comme légitime par ceux qui en usent : Abdel Karim (Terre ceinte), Mangialepre et ses sbires (Silence du chœur), les déterreurs de dépouilles (De purs hommes), elle est estimée illégitime non seulement par celles et ceux qui la subissent : Ndey Joor Camara et son époux, les mères éplorées dans Terre ceinte, les ragazzi dans Silence du chœur, etc., mais aussi par celles et ceux qui l’observent et deviennent de potentielles victimes sous sa menace : Rama et Angela, puis Ndéné Gueye dans De purs hommes, les militantes et militants associatifs d’Altino dans Silence du chœur. L’axiologie constituée autour de la violence masculine forme ainsi l’une des principales variables déterminant la mobilité des voix et modes narratifs7, et conséquemment le positionnement moral du lecteur, amené à se moduler au fil de ces variations de perspective.
Or, à côté de personnages masculins en quête d’eux-mêmes ou en crise, pétris de paradoxes sous un masque social figé, les personnages féminins, aussi complexes et nuancés soient-ils, incarnent densité et cohérence : Rama par exemple dans De purs hommes, qui reproche à Ndéné Gueye ses atermoiements, est entière dans son intransigeance morale comme dans sa sexualité épanouie. La masculinité, en revanche, procède d’une confusion initiale et d’une problématique que la fiction s’attache à explorer, de concert avec la relation que chaque personnage entretient avec sa propre obscurité, liée à sa performance de genre. C’est le cas même pour Abdel Karim, le chef de la « Fraternité » dans Terre ceinte, qui, conjuguant physique impressionnant et intellect raffiné, n’a rien d’une brute épaisse.
Ces trois romans envisagent la masculinité comme une identité politique, un dispositif de savoir-pouvoir recouvrant des manières d’être et d’agir associées à la domination. Qu’il s’agisse d’une occupation djihadiste au Sahel, de violences racistes en Sicile ou d’exactions homophobes en une société sénégalaise naguère moins répressive, la normativité du genre constitue l’une des principales sources de violence. Cette dimension politique s’adosse à un plan psychique plus intime. Interrogeant, dans la lignée de travaux psychanalytiques, la genèse du processus meurtrier chez les jeunes hommes, Klaus Theweleit8 estime que la violence fasciste découle des fantasmes du corps morcelé et de l’angoisse associée au corps féminin. La vision patriarcale de la société promue par un « Al Quayyum » dans De purs hommes ou un Abdel Karim obsédé par Ndey Joor dans Terre ceinte reposerait ainsi avant tout sur une hantise du féminin qui se traduit par une forclusion chez l’un, une fascination cachant mal le désir chez l’autre. Cette hantise s’inscrit d’ailleurs, polysémie comprise, dans les titres Terre ceinte et De purs hommes.
1 Masculinité hégémonique et masculinités plurielles
La masculinité conventionnelle recouvre des normes et des pratiques hégémoniques présentées comme stables et immuables. Raewyn Connell la définit comme un ensemble de pratiques rendant possible la domination masculine, auxquelles s’opposeraient, ou à côté desquelles existeraient des masculinités « alternatives »9. Critiquant ce modèle, Demetrakis Z. Demetriou propose, à travers la notion de « bloc hybride », de le complexifier en reconnaissant diverses formes de masculinités imbriquées, unifiées dans des pratiques qui finissent d’une manière ou d’une autre par assurer la reproduction du patriarcat10.
2 Alternative, imbrication et fraternités
Cette imbrication est sensible chez certains personnages, pourtant les moins suspects de déroger à la norme patriarcale. Abdel Karim Konaté dans Terre ceinte, chef despotique de la « Fraternité », semble un parangon de masculinité hégémonique : « colosse », « géant », « crâne chauve offert à l’ardeur du soleil », « voix puissante » qui « domine la foule ». Sa force virile, anaphore aidant, s’identifie à la puissance des éléments :
C’était un homme du désert, un homme du soleil tyrannique, un homme des tempêtes de sable, un homme des visages brûlés et des étendues arides, un homme des nuits froides et silencieuses11.
Parangon de puritanisme aussi, s’estimant investi d’une mission, d’un sacerdoce, il est persuadé d’incarner « l’idée du Devoir » et la Loi-même12. Mais sa nature est en réalité plus complexe, sa pensée plus ambiguë, comme en témoigne un portrait fouillé qui peint moins un fanatique que « l’incarnation du fanatisme dans ce qu’il [a] de plus dangereux »13. Alors que la voix narrative établit ici l’axiologie ferme du roman, le personnage figure plutôt le mystère moral sur lequel achoppe la compréhension du phénomène djihadiste. Ses spéculations intellectuelles sur un islam radical ou modéré sont retracées, de même que le trouble considérable qu’il ressent en présence de Ndey Joor, à qui il vient présenter ses excuses après qu’elle a été violentée par ses miliciens. Cette femme, mariée à un homme qu’elle aime, possède sur le chef de milice un véritable ascendant, alors même que les « compères » de celui-ci ont failli la tuer. On rencontre une ambivalence similaire chez Maurizio Mangialepre dans Silence du chœur, qui, bien que meneur d’hommes apparemment tout-puissant, apparaît en fin de compte mené par sa passion pour la ‘femme puissante’ qu’il n’a cessé d’aimer. Dans De purs hommes en revanche, les incarnations du patriarcat, si elles peuvent subir des revers, comme l’imam ou le père du narrateur, ne se trouvent pas en butte à la puissance des femmes. Seul Ndéné Gueye subit l’ascendant de Rama et d’Angela. Quant au tragique retournement final touchant le jotalikat, il n’a pour source que l’intolérance à l’égard de sa sexualité et de sa vie amoureuse, jusqu’alors soigneusement masquées par ses virulentes diatribes homophobes en chaire.
D’un côté, l’univers social dépeint dans De purs hommes demeure régi par des normes de genre que peu se hasardent à transgresser ouvertement. De l’autre, le personnel romanesque oscille entre incarnations de la norme et subtiles compositions de genre. C’est dans Terre ceinte que se déploient les éthopées et descriptions physiques les plus chargées de signification à cet égard : deux jeunes hommes par exemple, Idrissa, dix-sept ans, « grand, mince – fin, se plaisait-il à dire – et dont les traits étaient harmonieux », doté d’« yeux très clairs », dont « le contraste […] avec la noirceur de sa peau conférait à son regard une intensité étrange, déterminée et mélancolique à la fois »14, resté auprès de ses parents, et Ismaïla son aîné, disparu dans la tourmente djihadiste, représentent deux faces de la difficulté à devenir homme. Déthié, ami de jeunesse de Malamine, possède un physique plutôt discret, voire ingrat, mais c’est un grand orateur et un ardent meneur d’hommes, tout comme le Père Badji, vieux renégat septuagénaire à la stricte hygiène de vie. Les personnages féminins ne sont pas en reste, notamment Codou, épouse de Déthié, un « ange dans un corps de femme » qui, sous des dehors de douceur et de timidité, cache un caractère « calme et égal », une « pensée profonde » et la « justesse des idées », « parl[ant] peu mais bien », « pens[ant] toujours et toujours juste »15. Aux yeux du protagoniste Malamine dont les pensées sont relayées, ses « six amis » résistants, hommes et femmes, incarnent égalitairement et de concert, à rebours de certains stéréotypes genrés, « une part de l’Homme » et de ses valeurs :
Déthié était la Liberté. Codou était la Justice. Madjigueen Ngoné était l’Égalité. Vieux était le Refus. Alioune était la Beauté. Le Père Badji était le Mystère. Tout cela constituait l’Homme16.
Dans Silence du chœur, la bipartition genrée, plutôt spectaculaire et très normée, s’accompagne de sa subversion par le jeu des clichés culturels et références parodiques17 : « vraies femmes de Sicile »18, « mamas aux complexions de caryatide, hommes au verbe haut » qu’on voit « au café »19, etc. Dans la bouche du bien nommé Matteo Falconi20 s’exprime une virilité parodique rappelant la dérision comique du western spaghetti :
Fallait voir mes hommes, fallait ! […] tous tendus, raides, le doigt crispé sur la gâchette, la caressant dangereusement, mes hommes. De vraies bonnes érections matinales. Un pet de travers d’un des ragazzi et je suis sûr que mes gars déchargeaient et le trouaient comme un bon gruyère francese21.
Mangialepre et ses sbires, décrits en termes stéréotypés, incarnent deux formes de masculinité traditionnelle : l’intellectuel au physique chétif mais au verbe « viril » qui maintient son ascendant sur des hommes frustes. Quant à ces derniers, notamment les deux colosses jumeaux très cinématographiques, « habillés en noir de la tête aux pieds » avec des chemises qui semblent « sur le point de craquer »22, ce sont des montagnes de muscles avec un petit pois dans la tête. Le recours au discours indirect libre met ironiquement à distance la diatribe xénophobe de Mangialepre, pris au piège de sa propre rhétorique, imaginant l’invasion de la cité par les « étrangers » et jurant « qu’il les combattrait jusqu’à sa mort » parce qu’« il ne laisserait pas Sabrina et son association l’emporter »23.
La question de la réunification d’un monde binarisé est au centre du roman. En sus de la séparation entre arrivants et autochtones ou supposés tels et de la différence des genres au sein d’une société de part en part hétérosexuelle, un autre axe assure la répartition binaire d’un personnel romanesque en grand nombre (tout un village et même une petite ville, où il y a donc « de tout »), à savoir l’âge : d’une part les ragazzi (garçons) et assimilés (le médecin passionné de foot, qui reste ainsi un garçon), d’autre part les patriarches, poreux à l’altérité (Padre Bonniano, Giuseppe Fantini le Poète). Cela donne lieu à des performances viriles différenciées selon leurs terrains : de la confrontation physique au bar, dans la rue ou à l’occasion de matches de foot à la réalisation du Poème. Camaraderie des ragazzi, de l’équipe de foot, de la bande de Mangialepre… autant de sociabilités masculines très présentes dans le texte, sans qu’une éventuelle dimension homosexuelle latente n’apparaisse. On observera d’ailleurs que la sexualité, en l’occurrence hétéronormée, fait l’objet dans le roman d’un traitement plutôt humoristique (l’œuvre du couple d’artistes, l’initiation de Matteo Falconi par une splendide rousse), tandis que sont mis en avant sentiment amoureux platonique et amitié.
Quant aux ragazzi, d’abord perçus comme des envahisseurs pénétrant la ville, ils courent le risque d’une dévirilisation par l’attente et la dépendance. À force de « bay[er] aux corneilles », ils se sont en effet mués, à la fin du roman, en « modernes et masculins Pénélope » que « même les femmes siciliennes semblent avoir abandonnés » :
Peu d’entre elles s’approchaient désormais de leurs conciles d’oisifs ; et la réaction toute mâle de faire quelque commentaire grivois au passage d’une jolie femme en riant grassement, ce plaisir-là même, leur était ôté, refusé. Ils attendaient24.
Tandis que le monde humain est ainsi fortement clivé par la provenance, l’âge et le genre, les entités non-humaines oscillent. Pour les Siciliens, le volcan est une figure féminine, sa colère engendrera le cataclysme final sauvant les ragazzi et l’association qui les appuie d’un massacre annoncé. L’allégorie du fleuve destructeur dont Catane a été préservée est un éphèbe à la chevelure bouclée, l’amène Amenano. La statue de la déesse Athéna est parée de valeurs viriles. La Trinacria, « tête de Gorgone à la fourmillante chevelure de serpents, auréolée d’épis de blé et de trois jambes humaines »25, happe Jogoy dans un puits de sommeil après un assaut chimérique et monstrueux : des vipères qui menacent de jaillir de l’affiche représentant Méduse, des « jambes arrachées » qui tournoient « comme une hélice de chair détraquée »26. Or Méduse, une immortelle, figure une féminité hostile et destructrice, « en lutte inévitable » avec une virilité « obligatoire, envahissante, colonisatrice »27. Il existe « deux irreprésentables », écrit encore Cixous : « la mort et le sexe féminin »28.
De purs hommes instaure un trouble dans le genre dont Samba Awa Niang, porteur d’un prénom double, offre l’exemple paradigmatique, tandis que la masculinité agressive du jotalikat va se révéler parade29 et couverture. L’ensemble du roman constitue une terrible démonstration de la réduction de la polysémie complexe du góor-jigéen à une pratique sexuelle violemment condamnée et réprimée30. Or, comme l’illustrent les deux premiers romans, le dépassement de la binarité passe par l’assomption, par-delà les sexes et le genre, de la condition humaine.
Dans Terre ceinte se confrontent deux principes de légitimité : celui des djihadistes qui se prétendent investis par la Loi, réunis dans une « Fraternité » masculine auto-dénommée et excluante, « régime autoritaire » reposant sur « l’extinction de la parole et du langage » ; celui des sept camarades (cinq hommes et deux femmes) qui forment une fraternité authentique fondée sur la confiance réciproque, démarquée de la représentation de la Résistance31. Le départ est établi entre le virilisme brutal de la « Fraternité » et les valeurs d’humanité, soit entre vir (qui renvoie au masculin) et homo (qui concerne la gens humaine), les deux mots latins que le français a réduits à un seul, avec les confusions que l’on sait32. Le texte souligne cette ambivalence : « Ils étaient là… Cela suffisait à refroidir un cœur d’homme, à apeurer une âme d’homme, à séparer un peuple d’hommes »33. Dans Silence du chœur, Jogoy écrit qu’il a trouvé une forme de paix au marché aux poissons de Catane, là où s’unissent, en un langage universel sans plus de mots, les rives de la Méditerranée et les significations des « vir » et « homo » latins :
Dans l’extraordinaire criée matinale, les harangues en sicilien se mêlent à des onomatopées inspirées. Ce grand chœur populaire et fraternel fait écho à la rumeur proche d’Amenano. J’ai passé de nombreuses heures là, avec le grand Thialky34. Il me disait que cela lui rappelait l’époque où il avait été poissonnier. Pendant ces instants, s’effaçait la solitude de l’exil. J’étais avec des hommes35.
Mais ce même « chœur populaire et fraternel » fera silence lors de la tuerie d’Altino.
3 Figures patriarcales et contrôle des affects
Le « bloc hybride » assurant la reproduction du patriarcat procède notamment d’une répartition hiérarchisée du pouvoir parmi les hommes, décrite dans les trois romans. Dans leur introduction à un volume consacré aux masculinités en Afrique, Christophe Broqua et Anne Doquet36 insistent sur l’autocontrôle des affects, la régulation du corps, la réserve et la maîtrise émotionnelle, dont on peut toutefois remarquer qu’elles ne sont pas l’apanage des hommes, dans la mesure où il s’agit plus généralement de valeurs cardinales dans l’éthique sénégalaise. Cette égalité dans le contrôle entre hommes et femmes, allant à l’encontre de l’idéologie de la « Fraternité », est manifeste dans Terre ceinte, où s’affirme le courage tranquille des femmes. Dans De purs hommes, le père du narrateur, soutenu par sa discrète épouse, supporte sa disgrâce avec stoïcisme. En revanche dans Silence du chœur règne un trop-plein émotionnel qui s’épanche tant chez Mangialepre, régi par ses passions funestes, que chez Fousseyni Traoré, un très jeune homme rongé par le deuil de l’un de ses compagnons de route. Et si Lucia admire Fousseyni comme un « héros », ce n’est pas parce qu’elle verrait en lui « un surhomme », mais parce qu’il « a été forcé de supporter ce qu’il y avait de plus noir en lui »37. La catharsis théâtrale permet à Fousseyni de s’affranchir, dans le temps du jeu, du poids d’une virilité bridant les émotions. « Tu as le droit de pleurer »38, lui dit Lucia quand s’achève l’intermède.
Les ragazzi oscillent ainsi entre deux modèles de masculinité : vulnérables en tant que réfugiés, ils « entrent de plain-pied dans le cercle de méfiance »39 créé par la compétition viriliste qu’imposent les Calcagno, et « subissent » une violence auto-entretenue en même temps qu’ils en viennent à l’« exercer »40. Hampâté, le « géant splendide et fort, dont le physique avantageux et puissant contrast[e] vivement avec sa nature d’une grande douceur », caractérisé par « une volonté de s’effacer en toute circonstance, alors même que son physique comme son caractère le distinguent naturellement »41, incarne cette ambivalence, qui se traduira tragiquement par sa mort dans l’ambulance après la rixe fatale. Une autre forme d’ambivalence marque les djihadistes de Terre ceinte, dépeints en êtres de liminalité, se protégeant sans doute de l’angoisse de la fragmentation en adhérant à des projections idéologiques et fantasmatiques d’eux-mêmes.
4 La masculinité comme problème(s)
En épigraphe à son ouvrage consacré à la « crise de la masculinité » comme « mythe tenace », Francis Dupuis-Déri cite un propos d’Abigail Solomon- Godeau : « [L]a masculinité, de quelque manière qu’elle soit définie, est toujours en crise »42. Plus loin, et plus spécifiquement à propos des jeunes hommes musulmans aux yeux des sociétés occidentales et des gouvernements autoritaires, il note que « le discours de la ‘crise de la masculinité’ peut servir à justifier la répression contre l’homme considéré comme étant en crise et de ce fait perçu comme une menace »43. Or, observe de son côté Norman Ajari, le présupposé d’un privilège associé à la masculinité par-delà les frontières de classe et de race ne permet ni de penser ni d’énoncer une condition masculine noire marquée par l’indignité, la violence subie et une vulnérabilité que Silence du chœur, s’agissant des ragazzi, donne à saisir :
On les exclut, ou plus précisément on les violente et les caricature, en leur assignant une place dans une société vouée à demeurer inchangée. Leur souffrance est le prix à payer pour la perpétuation de la banalité du quotidien44.
5 Vulnérabilités masculines et agentivité
On pourrait dès lors lire ces trois romans (et le suivant) comme la poursuite d’un effort pour mettre fin à ce que le même Norman Ajari, à la suite de Sylvia Wynter, nomme « la condamnation narrative des hommes noirs »45. Le paradigme racial et/ou de l’autochtonie est structurant dans Silence du chœur, surtout s’agissant des hommes, car les femmes européennes peuvent aller et venir de part et d’autre de cette césure. La vulnérabilité des racisés, désignés comme « ragazzi » selon une forme d’antiphrase (ce sont des gars, mais pas du coin), est renforcée par leur jeunesse. Les dépeindre, au terme d’une interminable attente d’inclusion, comme de « modernes Pénélope », c’est insister sur l’enjeu que représente pour ces jeunes gens pleins de vigueur, mais hantés par les traumas de l’exil, la récupération d’une agentivité propre. Salomon et ses compagnons, mués en chœur tragique, y accèdent lorsqu’ils exposent les corps des victimes de la rixe sur la place de la ville. Quant à Jogoy, il n’est plus un ragazzo, mais il illustre la condition tragique accompagnant le sort de l’homme noir. Objet de méfiance pour les migrants récemment arrivés car ceux-ci estiment qu’il a franchi la frontière entre « nous » et « eux », souffrant, comme le jeune Fousseyni, de la honte du survivant, il contredit la trajectoire de réussite factice assignée au migrant qui « s’en sort » en « s’intégrant », ne trouvant d’autre échappatoire que celles de la tragédie ou du retour à la case d’initiation sereer.
6 Cristallisation polémique et violence homophobe
Paru en 2018, De purs hommes, basé sur la circulation réelle, en 2008, d’une vidéo montrant l’exhumation du corps d’un homme au motif de son homosexualité supposée, met en évidence l’historicité récente et la dimension politique des exactions homophobes au Sénégal, ce qui, en 2021, a valu à l’auteur une virulente campagne de dénigrement et de haine46 dans son pays. Broqua et Doquet47 ont de leur côté insisté sur la complexité de la répartition des rôles genrés en Afrique de l’Ouest, à travers les masculinités féminines et les statuts sociaux liés aux comportements homosexuels ou aux parcours transgenres. À cette complexité et cette fluidité inscrites dans la tradition, le djihadisme dépeint dans Terre ceinte oppose une réaction puritaine exacerbée qui contrevient à la plus élémentaire humanité : alors que celle-ci vient de faire un malaise, Ismaïla, en voie de radicalisation, hésite ainsi à toucher sa mère pour lui venir en aide48. Patrick Awondo insiste pour sa part sur le glissement sémantique qui s’est produit d’une catégorie ambiguë du genre (góor-jigéen) à « homosexuel » ou « gay »49. C’est sur ce glissement sémantique porteur de normativité discriminante et de violence que s’édifie l’intrigue de De purs hommes.
Comme l’ont documenté Awondo et Human Rights Watch, la radicalisation de l’homophobie au Sénégal est récente (elle remonte à une quinzaine d’années), ce qui contredit bien sûr les discours de la tradition assénés par certaines autorités ou groupes de pression. Avant 200850, le Sénégal était en effet connu comme l’un des pays les plus tolérants en Afrique à l’égard de l’homosexualité. Il était certes risqué de « s’afficher », comme M. Coly, dans le roman, le reproche à certains. On s’exposait à des jets de pierre, écrit Awondo, mais non au déferlement de violences décrit par le roman. Mohamed Mbougar Sarr a relaté à plusieurs reprises avoir été particulièrement marqué, alors qu’il était lycéen, par la vidéo dont le visionnement par Ndéné Gueye entraîne une crise chez le narrateur-protagoniste de De purs hommes. Awondo rappelle encore que des vidéos d’exhumation « sauvage » de corps de personnes supposées homosexuelles par des foules en colère, il en existe plusieurs, à la même époque51, lorsque l’homosexualité au Sénégal est criminalisée, tandis que parallèlement en Occident s’affirment visibilité et fierté gay et que le mariage pour tou·te·s prend son essor (en 2013 en France). Cette radicalisation progressive est décrite dans le roman, nourri de faits réels : outre la vidéo d’exhumation, l’affaire dite « du sac à main »52. La condamnation véhémente et implacable de l’homosexualité procède d’un enjeu politique. L’homosexualité serait « un péché que les Blancs ont apporté »53, comme le traduit dans le roman la circulaire anti-Verlaine à l’université. Amplifiant le phénomène, les médias et réseaux sociaux fracturent la frontière entre sphères privée et publique.
Le roman base sa dynamique sur le récit de la transformation d’un personnage masculin initialement hétéronormé, puis progressivement « hanté » par des sexualités considérées comme déviantes. Pas plus que son amante Rama, qu’Angela la militante, que le mort anonyme lui-même, ou encore que son mentor M. Coly ou Samba Awa Niang, Ndéné Gueye, dont la quête de savoir est retracée, n’est véritablement assignable. C’est probablement la grande leçon de ce roman, qui met en tension le point de vue hétérosexiste d’une société cherchant à expulser tout élément perçu comme corrupteur (jusqu’au ridicule de l’empoignade publique sur un sac à main), à côté du récit alternatif révélé par Samba Awa Niang, un pur produit de la tradition. Dès le troisième chapitre, le sabar au quartier pose les termes de l’interrogation critique à laquelle Ndéné Gueye, jusqu’alors fermé à ces questionnements, doit se confronter. Quant à Samba Awa Niang, c’est un personnage aussi apollinien que dionysiaque (maître des cérémonies et des dépenses), et surtout tragique, car il sait que sa condition assumée de góor-jigéen peut d’un moment à l’autre le conduire à la mort. Tandis que M. Coly a pu passer la plus grande partie de sa vie et de sa carrière comme homosexuel caché avant d’être violemment ‘démasqué’, Samba Awa Niang est la personne par qui le trouble dans le genre arrive :
Le travestissement est subversif dans la mesure où il met en lumière la structure imitative par laquelle le genre hégémonique est lui-même produit et conteste par là la prétention de l’hétérosexualité à la naturalité et au statut d’origine54.
L’ensemble de ces performances et pratiques liminaires, tolérées voire intégrées jusque dans les années 2000, est brutalement condamné par le regain d’intolérance aux motifs variés, mais contagieux, que personnifient les figures patriarcales du roman.
7 Un précédent d’exhumation polémique
Or, la scène d’exhumation atroce qui obsède le narrateur de De purs hommes possède un précédent romanesque et cinématographique. L’enjeu n’est pas lié à l’homosexualité et l’homophobie, mais le fort conflit, qui s’affiche confessionnel, est lui aussi très politique. Dans Guelwaar, film puis roman de Sembène Ousmane55, un certain Pierre Henri Thioune, appelé tantôt « yefer » (mécréant, infidèle), tantôt « kérétiane » (chrétien), a été enterré par erreur, à la suite d’une confusion survenue à la morgue de l’hôpital, dans un cimetière musulman. Les chrétiens veulent récupérer la dépouille de leur parent et donc la faire exhumer ; les musulmans du village où elle a été enterrée par erreur refusent ce qu’ils considèrent comme un sacrilège. La situation, compliquée par un contexte politique inflammable, se détériore jusqu’au bord de l’affrontement décisif qui, contrairement à ce qui survient dans Silence du chœur, ne se produit pas, grâce à l’entregent et à l’intégrité d’un policier. Le conflit est d’autant plus vif que le décès de Pierre n’est pas « naturel », mais consécutif à des coups reçus ayant entraîné une hémorragie interne. Bien que les contextes et les enjeux diffèrent largement, l’obsession de la pureté est déjà soulignée par Sembène. La situation est inversée par rapport à celle de De purs hommes, car dans Guelwaar les musulmans refusent par principe qu’on déterre le corps, ce qui révèlerait le sacrilège constitué par la présence d’un non-musulman en terre consacrée. Finalement, l’exhumation a lieu et, le mort n’étant pas reconnu par les musulmans, les kérétianes ont gain de cause et peuvent emmener la dépouille de leur parent. La problématique du genre est par ailleurs loin d’être absente du récit de Sembène mais ne sera pas envisagée ici.
Les deux romans relatent l’exhumation en termes crus, mais avec une différence : Guelwaar (d’abord un film, rappelons-le) met l’accent sur l’odeur insoutenable, De purs hommes se focalise sur le regard. Ndéné Gueye est en effet obnubilé par le visage et le sexe de l’homme déterré56. La « pure image mentale qui coll[e] aux neurones » du narrateur-protagoniste57 donne lieu à une compulsion de répétition. Surgi à travers l’écran, le fantasme renforce sa puissance58. Rapportons ce mécanisme au propos sur l’abject de Kristeva, « ce ‘quelque chose’ qui n’est ni sujet, ni objet, mais qui, sans cesse, revient, révulse, repousse, fascine », en raison même de l’effondrement de la frontière entre dedans et dehors59. L’exhumation du cadavre et l’assaut des sens qui s’ensuit, c’est l’abjection qui tient lieu d’« autre » au sujet, « au point de lui procurer une jouissance », car ainsi est franchie, par l’immersion dans les flux intérieurs des corps, l’horreur des entrailles maternelles. Selon Kristeva, c’est le propos de toute littérature :
À y regarder de près, toute littérature est probablement une version de cette apocalypse qui me paraît s’enraciner, quelles qu’en soient les conditions socio-historiques, dans la frontière fragile (‘borderline’) où les identités (sujet/objet, etc.) ne sont pas ou ne sont qu’à peine – doubles, floues, hétérogènes, animales, métamorphosées, altérées, abjectes60.
Enfin, et c’est un point important, le roman de Sembène se déroule en milieu sérère : tandis que Barthélémy, le « Français » immigré en perte de valeurs, ne comprend pas ce qui relève pour lui d’une ségrégation entre les morts, ce sont finalement les conciliabules entre frères de case, circoncis et initiés ensemble, qui vont résoudre le conflit en évitant un massacre intercommunautaire. Cette résolution passe aussi par une hybridité rappelée dès le début. L’invocation double « O !… Roog Ndew Seen ! O !… Roog Ngoor Seen ! » souligne que le divin (Roog Seen) se tient au-dessus des genres (trop humains). Une note de bas de page de Sembène précise : « Roog : Dieu chez les Sereer. Il est homme et femme, d’où l’appellation de Ngoor et de Ndew »61. Mais aucune de ces médiations n’aura subsisté dans le roman de Sarr.
8 Fluidifier les perspectives (male gaze, humour et commune humanité)
En guise de conclusion, on soulèvera d’abord brièvement la question du male gaze, aspect cinématographique ou littéraire de la masculinité hégémonique. Dans De purs hommes, ce male gaze hétérocentré est nettement identifié, soumis à la critique et déconstruit par Rama et Angela, puis par Samba Awa Niang et enfin par le narrateur lui-même, au fur et à mesure qu’il s’initie à des réalités moins binaires que celles que lui imposait sa vision du monde initiale. Dans Terre ceinte et malgré des changements de focale faisant accéder à l’intériorité de personnages idéologiquement opposés, une perspective omnisciente procédant d’un masculin (indûment) « générique » représente les femmes, aussi fortes et admirables soient-elles, comme des mères, des épouses, des amantes, voire des compagnes de lutte, mais non comme des sujets pleinement autonomes. À cet égard, peut-on observer une évolution dans Silence du chœur, un roman qui orchestre et exhibe sa polyphonie62 ? Au sein du groupe des soixante-douze ragazzi, on jase à propos des femmes. Fousseyni commente :
Je ne sais pas quel âge elle a, mais Bemba dit qu’elle est une ‘petite- sœur’. Ça veut dire qu’elle est plus jeune que lui. Mais comme j’ignore aussi l’âge de Bemba, c’est compliqué. Rosa est une femme très grande, très mince. La première fois qu’on l’a vue, Bemba a dit qu’elle ressemblait à la tige d’une plante de mil, qu’elle avait les fesses plates comme la surface du fleuve Mali en saison sèche, qu’elle avait des seins creux comme une grotte du Bandiagara et qu’il fallait lui faire manger des ignames et du manioc63.
Certes, ce passage montre le fossé culturel entre les Siciliennes et les ragazzi subsahariens. Mais le récit persiste à témoigner d’une certaine difficulté à embrasser la perspective des femmes (enjeu dont De purs hommes, puis le quatrième roman se sont emparés). La lectrice qui écrit ces lignes a ainsi dû s’y reprendre à plusieurs reprises, noter avec soin les qualifications pour distinguer les personnages féminins membres de l’association et leurs caractéristiques, confondus qu’ils sont dans l’appréciation globale des ragazzi. Quant à la présentation du père d’Amedeo Bonianno, elle pourrait n’être pas reniée par un Sylvain Tesson : « Trop occupé par son amour de l’esprit et des livres, Giorgio Bonianno n’avait pas trouvé le temps de se consacrer dignement à l’amour des femmes »64. Bien sûr, il s’agit d’un couple des années 1930, bien sûr, le narrateur n’est pas l’auteur et l’on a là un bel exemple de polyphonie au sens bakhtinien du terme. Enfin, l’on peut estimer qu’il y a là comme ailleurs une once de parodie taquine. Et si, en termes de perspective, l’ordre genré du monde n’est pas mis en question, il l’est cependant par la représentation des conséquences funestes de différentes formes de masculinité dite toxique.
Malgré la gravité du propos, l’humour, discret ou absent de Terre ceinte, initie dans Silence du chœur un déploiement qui se poursuivra dans les romans publiés par la suite. Caricatures (du couple de boomers artistes dans Silence du chœur, du jotalikat dans De purs hommes, etc.) et parodies pourraient renvoyer à la théâtralité factice de la performance de genre. Une puissance comique réside dans la double harangue, cruellement drôle, du vieil imam et de son « haut-parleur humain » de plus en plus lapidaire : « Il faut les tuer tous ! résuma le jotalikat »65. Cette comédie oratoire, émaillée de didascalies jouissivement peu charitables, subvertit de façon radicale l’argumentaire de l’imam, condensé de plus en plus succinctement par son jotalikat qui en rajoute dans la pureté vengeresse. Dans ces deux romans, les fauteurs de violence voient leurs positions ébranlées par l’humour de la narration. Or, un humour humainement salvateur repose sur la possibilité de rire ensemble, non en meute de personnes ostracisées, mais de travers universellement partagés.
Ainsi, chacun des trois romans soulève à l’échelle humaine la question de l’ensauvagement, pour reprendre un terme césairien66, en l’articulant à diverses assomptions de la condition masculine, qu’il s’agisse de la masculinité hégémonique et de son idéologie ou de masculinités en rupture marquées par la vulnérabilité. Passant de la fureur de L’Iliade à la fraîcheur initiatique d’un nouveau ndût, le destin de Jogoy, à l’issue de Silence du chœur, en livre un aporétique dernier mot.
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Sarr, Terre ceinte, 129.
Ibid., 89-91.
Ibid., 89.
Sarr, Terre ceinte, 20.
Ibid., 53.
Ibid., 58.
Celles-ci procèdent également du retournement critique de la vision ethnographique, appliquée ici à la Sicile et ses représentations.
Sarr, Silence du chœur, 74.
Ibid., 17.
Prosper Mérimée, « Mateo Falcone », dans idem, Colomba et dix autres nouvelles, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1964 [1829].
Sarr, Silence du chœur, 74.
Ibid., 63.
Ibid., 69.
Ibid., 247.
Ibid., 18.
Ibid., 18.
Hélène Cixous, Le Rire de la Méduse et autres ironies, Paris, Galilée, 2010, 40.
Ibid., 54.
Il faut entendre « parade » comme mise en scène d’une identité (ici de genre), déploiement d’un « dispositif de signes – mots, images, corps, ou vêtements – dans le processus de l’invention de l’identité ». Voir Lydie Moudileno, Parades postcoloniales. La fabrication des identités dans le roman congolais, Paris, Karthala, coll. « Lettres du Sud », 2006, 14.
Voir Christophe Broqua, « Góor-jigéen : la resignification négative d’une catégorie entre genre et sexualité (Sénégal) », Socio 9 (2017), 163-183.
En une dette assumée envers Joseph Kessel, voir Marie Lechapelays, « Mohamed Mbougar Sarr, l’écrivain qui colle à la peau de la littérature », Le Monde Afrique 31 mars 2017.
Éliane Viennot, En finir avec l’homme. Chronique d’une imposture, Paris, éditions iXe, 2021.
Sarr, Terre ceinte, 38.
Sobriquet du « guide » de Jogoy lors de sa première année passée comme marchand ambulant à Catane. « Thialky Boy Hawaï ! Voyez-le plutôt : quarante ans, petit, moins de cinquante kilos tout trempé, maigre, mais une de ces gouailles ! Cette faconde ! C’est un mélange de Wolof Njaay et de Kocc Barma, de Balla Fasséké et de Soundjata, de Diogène et de Démosthène, à la fois mendiant et orgueilleux, errant et magnifique, cynique et noble, grotesque et sublime, bonimenteur et orateur, bretteur et philosophe, bouffon et roi, griot et empereur, parrhésiaste et sage. Il me disait qu’il avait appris tout cela dans les rues de la banlieue dakaroise de Guédiawaye (transformé en Hawaï), où il avait grandi et exercé tous les métiers du monde », Sarr, Silence du chœur, 259.
Sarr, Silence du chœur, 264.
Christophe Broqua et Anne Doquet, « Penser les masculinités en Afrique et au-delà », dans idem (ed.), « Masculin pluriel », Cahiers d’études africaines 209-210 (2013), 9-41.
Sarr, Silence du chœur, 235.
Ibid., 235.
Ibid., 277.
Ibid., 277.
Ibid., 283.
Francis Dupuis-Déri, La Crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace, Paris, Éditions du remue-ménage, 2018, n. p.
Ibid., 139.
Norman Ajari, Noirceur. Race, genre, classe et pessimisme dans la pensée africaine-américaine au XXIe siècle, Paris, Divergences, 2022, 97.
Ibid., 97.
Felwine Sarr, « Écrire au milieu des cris », Sud Quotidien 22 novembre 2021.
Broqua et Doquet, « Penser les masculinités ».
Sarr, Terre ceinte, 204.
Voir Patrick Awondo, Peter Geschiere et al., « Une Afrique homophobe ? Sur quelques trajectoires de politisation de l’homosexualité : Cameroun, Ouganda, Sénégal et Afrique du Sud », Raisons politiques 49 (2013), 95-118.
Ibid., 97.
Et derechef en 2023, dans un contexte de grande tension politique à l’échelle nationale. Voir Mohamed Mbougar Sarr, « Qui a brûlé le cadavre de C. F. ? », Seneplus 2 novembre 2023.
Sur « l’affaire » réelle à l’origine de l’épisode et son traitement romanesque, voir Thomas Muzart, « Du fait divers à la fiction. Homosexualité spectrale chez Mohamed Mbougar Sarr », Revue critique de Fixxion française contemporaine 24 (2022).
Sarr, De purs hommes, 55.
Hourya Bentouhami, Judith Butler. Race, genre et mélancolie, Paris, Amsterdam, 2022, 133.
Ousmane Sembène, Guelwaar, Paris, Présence Africaine, 1996.
Sarr, De purs hommes, 67-68.
Ibid., 13.
Voir Jean-Luc Raharimanana, Rêves sous le linceul (Paris, Le Serpent à plumes, 1998), où le narrateur observe sur un écran de télévision l’accomplissement des tueries au Rwanda.
Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection, Paris, Seuil, coll. « Points », 1980, 65.
Ibid., 245.
Fatou Diome le soulignera à son tour : « Roog Sène, que nul n’assigne à demeure puisqu’il est présent partout et nulle part, à la fois mâle et femelle, ses filles valant ses fils. Roi ou reine, le même mot, o maad, d’un genre neutre. […] en pays guelwar, on reconnaît [aux femmes] la même dignité que les hommes […]. L’animisme donne ainsi une leçon de justice à certains ! Allez, une libation à Roog Sène, qu’il sauve l’âme des injustes phallocrates ! » Fatou Diome, Marianne porte plainte ! Paris, Flammarion, coll. « Café Voltaire », 2017, 51.
Voir, sur la dimension politique de cette polyphonie, Mahaut Rabaté, « Enjeux politiques des voix chez Assia Djebar et Mohamed Mbougar Sarr », Fabula / Les colloques, Livres de voix. Narrations pluralistes et démocratie.
Sarr, Silence du chœur, 123.
Ibid., 90.
Sarr, De purs hommes, 101.
Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Paris, Présence Africaine, 1955.