La perspective de Denys sur l’ être (aussi bien que sur la vie et l’ intellect) porte une incontestable influence proclusienne1. Et pourtant, cette influence ne se résume pas à une simple continuation doctrinale ; Denys reprend certains thèmes de Proclus, mais il les interprète à sa manière. Le premier nom divin discuté par Denys est celui du bien, avec les noms subséquents de lumière, beauté et amour. Bien que son analyse présente déjà des distinctions remarquables par rapport à Proclus, une vraie faille doctrinale s’ installe lors du deuxième nom expliqué par Denys, à savoir celui de l’ être. Denys reprend la triade qui, dans le néoplatonisme, décrit le niveau intelligible : être, vie, pensée. Cependant, tandis que, chez Proclus, l’ être est un niveau distinct de la réalité, qui ne se confond jamais avec le principe premier, pour Denys, au contraire, l’ être apparaît en identité avec le bien premier, comme un nom divin appliqué directement au principe. Dans ce qui suit, je discute quelques raisons philosophiques possibles de ce changement doctrinal. J’ essaye de montrer que le modèle de participation utilisé par Proclus – qui explique le passage de l’ Un absolu à l’ être premier – amène à certaines difficultés. Quant à Denys, il renonce au schéma proclusien, qu’ il semble connaître très bien. En revanche, il propose un modèle différent. Son but est aussi différent : il ne cherche pas à expliquer le passage de l’ Un absolu à la pluralité des êtres, par l’ intermédiaire de divers niveaux d’ unité, mais, au contraire, il utilise la participation comme méthode pour connaître et louer le principe divin ou la théarchie (θεαρχία) en tant que cause de toutes choses.
1 Proclus
Dans les Éléments de théologie, l’ être premier apparaît dans une certaine tension par rapport à l’ Un absolu. Le but de Proclus est celui de montrer le caractère unitaire de l’ être premier. Et pourtant, il met aussi l’ être à l’ écart de l’ Un. Il distingue entre l’ Un et l’ être qui participe à l’ Un, mais qui en soi est non-un. En outre, il fait intervenir les hénades, pour réaliser le passage de l’ Un à l’ être premier2. Cette relation comporte quelques aspects problématiques.
Voyons premièrement quels sont les traits qui caractérisent l’ être dans la perspective de Proclus. L’ être premier est une monade3, à savoir un principe qui « engendre la multiplicité qui lui est appropriée »4, mais qui est unique et précède la multiplicité5. Il est le premier terme de la série des êtres, et, en tant que tel, il est un et unique6. L’ être premier est aussi imparticipable (ἀμέθεκτον)7. Bien que l’ être se retrouve dans toute la pluralité des êtres, il remplit et illumine tout, sans s’ identifier à telle ou telle chose, mais restant en soi, avant toutes les choses8. Plus précisément, l’ être premier est une unité avant la pluralité (ἓν πρὸ τῶν πολλῶν)9. En tant qu’ imparticipable, il engendre (ἀπογεννᾷ) la pluralité des termes participés10, qui se trouvent en chaque individu en tant que propriété de tel ou tel participant, mais non pas de tous les participants à la fois11. À la manière des imparticipables, l’ être premier est inengendré (ἀγένητος)12. Dans sa propre série, il n’ existe pas à partir d’ une autre cause, mais il est la cause des participés13. Cette cause productrice se suffit à soi-même (αὔταρκες), se produit soi-même (ἑαυτὸ παράγον) et elle est auto-constituée (αὐθυπόστατον)14, ce qui implique qu’ il existe en soi (ἐν ἑαυτῷ ὂν)15, sans origine temporelle16, impérissable17 et prééternel18. En outre, l’ être premier est simple et sans parties ; il n’ est pas composé (σύνθετον) d’ autres éléments19 et n’ a pas de grandeur, mais il est décrit comme étant très unitaire (ἑνοειδέστατον)20.
L’ être véritable et premier – cette monade unique, auto-constituée, inengendrée, simple, unitaire et sans parties – est décrit à la fois comme étant constitué de limite et d’ infinité21. Il n’ est donc pas absolument unitaire, mais, malgré son caractère « très unitaire », il reste une pluralité unitaire22. Il n’ est pas le principe premier de toutes les choses, mais il s’ auto-constitue après le principe premier23. Il est très proche de l’ Un absolu, mais sans s’ identifier à celui-ci. Cet être, qui se suffit à lui-même, n’ est pas pour autant l’ Un-Bien lui-même, mais il participe de lui (τῷ μετέχειν τοῦ ἀγαθοῦ)24.
Il y a deux types de difficultés qui transparaissent dans la relation entre l’ Un et l’ être premier. D’ un côté, l’ être premier n’ est pas une pluralité proprement dite, pour qu’ il puisse participer à l’ Un à la manière des autres choses plurielles. D’ un autre côté, la participation de l’ être premier à l’ Un par l’ intermédiaire des hénades peut soulever quelques apories.
2 Comment l’ être participe à l’ Un
Un premier problème qui se pose concerne l’ argument de la participation de toutes les choses à l’ Un, qui ouvre les Éléments de théologie. Comment cet argument peut-il s’ appliquer à l’ être premier ? Selon la première proposition des Éléments, toute pluralité participe à l’ Un (Πᾶν πλῆθος μετέχει πῃ τοῦ ἑνός)25. En effet, si une pluralité était complétement dépourvue d’ unité, chaque partie qui la compose sera ou bien rien, ou bien plusieurs. Or, de rien, rien ne peut se constituer. Si, par contre, chaque partie était à son tour une pluralité, cela nous entraînerait dans une régression à l’ infinie, car chaque partie serait une infinité d’ infinités. Or, dit Proclus, aucun être ne peut se constituer d’ une infinité d’ infinis, car l’ infini ne peut pas être excédé, tandis que chaque partie d’ une pluralité est excédée par le tout. En conclusion, aucune pluralité ne peut être complètement dépourvue d’ unité, mais participera nécessairement à l’ Un.
Pourtant, comment appliquer cet argument au cas de l’ être premier, véritable et unitaire ? En effet, pour montrer que l’ infinité d’ infinis ne peut pas exister, on doit imaginer chaque partie de la pluralité (τῶν […] πολλῶν ἕκαστον), on doit admettre qu’ il y a des parties qui composent l’ être, dont chacune – dans l’ absence de l’ unité – risquerait d’ être plurielle, à savoir composée de nouveau d’ autres parties, dans une régression infinie. Pourtant, l’ être véritable n’ a pas vraiment des parties, mais il est décrit comme étant « indivisible et simple »26, en tant qu’ il est auto-constitué. Il est vrai que Proclus décrit l’ être premier comme une pluralité unitaire (πλῆθος ἑνιαῖον), en tant qu’ il est constitué de limite et d’ infinité27. Mais il ne s’ agit pas d’ une pluralité proprement dite. La limite et l’ infinité ne fonctionnent pas comme des parties distinctes dans le cadre de l’ être premier28. Il n’ y a pas vraiment une opposition, ni une distinction entre la limite et l’ infinité, mais plutôt une identité, car les deux expriment le même caractère indivisible de l’ être premier. Ainsi, l’ être véritable est infini seulement en puissance, mais cette infinité n’ implique pas une grandeur, un nombre et donc, une pluralité proprement dite29. Au contraire, l’ être premier est infini en tant qu’ indivisible30. En outre, l’ être véritable est limité, toujours en tant qu’ il est indivisible (ἀμερές)31. Alors, la limite et l’ infinité ne composent pas une vraie dualité, qui risquerait de se décomposer infiniment en d’ autres pluralités et qui ait ainsi besoin d’ une unité encore plus simple, avant lui. L’ être premier ne semble pas être une pluralité proprement-dite, constituée de parties, pour qu’ il ait besoin de participer à l’ Un.
En tant que monade, l’ être est seulement un (ἕν ἐστι μόνον)32. Il est vrai que Proclus dira que l’ être est un unifié, parce que l’ être, la vie et l’ intellect sont « tous en tous »33. Pourtant, dans la proposition 161, il montre que, avant l’ être coordonné à l’ intellect, il faut y avoir un être qui existe en soi, au-delà de la participation. L’ être véritable rend l’ intellect parfait, mais sans quitter son statut transcendant et unitaire34.
Cependant, un deuxième argument proclusien – concernant la nécessité de participer à l’ Un – vient rejoindre le premier. En effet, l’ être n’ est pas la même chose que l’ Un35. Il est un unifié, qui devient unitaire seulement par participation à l’ Un36. Mais alors, en quoi est-il différent ? Quoi d’ autre est l’ être, en dehors de cette participation ? Proclus semble distinguer radicalement l’ être et l’ Un, lorsqu’ il montre que participer à l’ un c’ est être à la fois un et non-un. Celui qui participe n’ est pas l’ Un lui-même, mais il devient un (ἓν γενέσθαι), par l’ unité qui lui advient37. Afin de pouvoir participer à l’ Un et de devenir un, le participant doit avoir un caractère distinct de l’ Un38, car autrement, il est déjà un et il ne peut pas devenir ce qu’ il est déjà. Le participant devient un, mais, en lui-même, il est non-un39. Il est quelque chose d’ autre, différent de l’ Un40. Il devient un, à partir d’ un état où il n’ était pas un41.
Participer à l’ Un c’ est subir la condition de l’ unité (ᾧ δὲ πέπονθεν, ἕν), tandis que, pour pouvoir subir cette condition, il faut être quelque chose d’ autre que l’ un (παρὰ τὸ ἓν ἄλλο τι ὄν). Paradoxalement, il faut être plus que l’ un (ᾧ μὲν ἐπλεόνασεν, οὐχ ἕν)42, pour pouvoir devenir un. En effet, Proclus dit que ce non-un est aussi un un (καὶ οὐχ ἕν ἐστι καὶ ἕν), sauf qu’ il n’ est pas l’ Un absolu, l’ Un en soi, mais il est un « un qui est » (οὐχ ὅπερ ἓν ἀλλ’ ἓν ὄν)43. Il n’ y a donc pas un « non-un » radical, en tant que manque total de l’ unité, mais le participant à l’ un est un un déterminé, un un qui est.
Et pourtant, en quoi consiste cette différence de l’ être premier par rapport à l’ Un, et qu’ est-ce que l’ être en soi, avant de devenir un ? Commençons par remarquer qu’ il y a une certaine ambiguïté concernant le statut même des hénades. Car Proclus dit que « tout ce qui participe à l’ Un est à la fois un et non-un »44. Or, les hénades constituent le premier participant et le premier unifié45. Ensuite, les êtres participent des hénades. On pourrait alors déduire que les hénades elles-aussi ont déjà ce statut d’ un et de non-un à la fois, puisqu’ en tant que pluralité, elles ne sont plus l’ Un premier, mais elles sont après l’ Un, tout comme les intellects sont après l’ intellect premier46. En conséquence, il semblerait que l’ être reçoit son caractère unitaire à partir de quelque chose qui est déjà un, mais aussi non-un (à savoir non pas l’ Un absolu), bien que la série des hénades soit ensuite décrite comme « assimilée à l’ Un et au Bien »47.
Voyons comment se produit ce passage, ce processus par lequel l’ être premier et indivisible participe aux hénades et comment il est engendré. En effet, l’ être est le premier participant aux hénades48. Proclus décrit ce processus non pas comme si « un autre » et un « non-un » recevait l’ unité, mais plutôt dans le sens où les hénades engendrent les êtres en multipliant leur caractère propre (à savoir l’ unité et la bonté particulière de chacune). La puissance unitaire des dieux (donc, des hénades divines) détient en elle-même les puissances de tous les êtres. Par cette puissance unitaire, les dieux remplissent toute chose d’ eux-mêmes49. Les hénades s’ épanchent dans tous les ordres subordonnés, en multipliant leurs transmissions, bien qu’ ils gardent leur caractère unitaire à travers cette procession50. Chaque hénade est une unité déterminée et une bonté déterminée51. Elle transmet ce caractère de bonté et d’ unité, dont elle est remplie. Mais alors, à quoi transmet-elle ce caractère ? Y a-t-il quelque chose de « non-un » qui reçoit le caractère unitaire ?
On pourrait comprendre qu’ il y a déjà quelque chose qui reçoit cette bonté, parce que Proclus dit que l’ Un « fait tout subsister »52 et que de lui, les êtres reçoivent leur simple fait d’ être, tandis que l’ hénade impose son caractère propre sur tel ou tel être participant, de sorte que le caractère suressentiel de l’ hénade apparaît dans le participant sous le mode de l’ être (οὐσιωδῶς)53. Mais, plus loin, Proclus dit que les hénades produisent les êtres tout en se produisant elles-mêmes, et que rien ne peut exister sans les dieux, ni hors des dieux54. De la sorte, si les hénades transmettent leur caractère propre, ce n’ est pas vers un « non-un » qui serait en soi dépourvu d’ unité avant de participer aux hénades. Il s’ agit plutôt d’ une transmission dans le cadre de l’ hénade même, de cette puissance infinie mais unitaire de l’ hénade qui se communique, menant à l’ existence ce qu’ elle « est » déjà en quelque sorte, sous le mode de la puissance et de manière unitaire55.
Ainsi, il y a un paradoxe qui subsiste dans la pensée de Proclus. L’ Être peut et doit participer à l’ Un parce que l’ Être est autre que l’ Un, car ce n’ est pas la même chose que d’ être et d’ être un. Pour pouvoir participer à l’ Un, l’ Être doit avoir le caractère du non-un et d’ un « autre » par rapport à l’ Un. Pourtant, ce non-un de l’ Être qui, logiquement devrait précéder la participation à l’ Un, ne peut pas être expliqué comme consistant en « quelque chose », comme étant un caractère spécifique proprement dit. Le seul sens qu’ on peut lui donner est celui de la différence entre l’ imparticipable et le participant. En ce sens, le non-un ne précède pas la participation et n’ explique donc pas sa nécessité, mais intervient seulement après la participation, comme son effet logique. L’ Être est (ou se montre comme) non-un, seulement en tant qu’ il participe à l’ Un, donc, en tant que participant ; mais il n’ est pas un non-un en soi, pour qu’ il ait besoin de participer à l’ Un, faute de quoi il risquerait de se dissiper dans le rien ou dans l’ infini. On se retrouve alors avec la question évoquée plus haut : pourquoi l’ Être premier, unitaire, simple et sans parties, a-t-il besoin de participer à l’ Un, puisqu’ il n’ est pas une pluralité de parties qui, dépourvu d’ un, risquerait de tomber dans une régression à l’ infini, et puisqu’ il est impossible de le concevoir en tant que non-un qui aurait besoin de recevoir l’ unité ?
Lorsque Denys reprend le problème de l’ être, il ne le conçoit plus dans un rapport d’ opposition à l’ Un, en tant que l’ être (et toute autre chose) serait en lui-même un non-un, tandis que l’ Un absolu transcende l’ être à la façon d’ un non-être par excellence. Au contraire, il va essayer d’ argumenter que l’ Un en lui-même est l’ être par excellence56. Il n’ admet plus l’ être premier comme un niveau de la réalité distinct de l’ Un ; par contre, il introduit un sens de l’ être qui n’ existait pas dans la perspective néoplatonicienne : l’ être au-delà de l’ être. Dieu sera « celui qui est de façon suressentielle » (ὤν ἐστιν ὁ θεὸς ὑπερουσίως)57.
3 La participation par l’ intermédiaire des hénades
La participation à l’ Un devient encore plus compliquée lorsqu’ on se pose la question de la manière concrète dont celle-ci se réalise. En effet, Proclus commence les Éléments de théologie par dire que toute pluralité participe de l’ Un. Le principe de toute choses est précisément celui duquel toute chose participe58. Et pourtant, l’ Un lui-même ne peut pas vraiment être participé par aucune chose, mais il est imparticipable, car autrement, il risque de devenir l’ unité d’ un individu et cesse d’ être la cause de toutes les choses. La solution bien connue de ce paradoxe consiste à dire que l’ Un lui-même reste imparticipable, tandis que les choses participent à l’ Un non pas directement, mais par l’ intermédiaire des hénades. La participation proprement dite n’ apparaît qu’ au niveau des hénades, chaque hénade étant un « un » participable59.
3.1 L’ unifié des hénades en tant que premier participant
Et pourtant, pour montrer la nécessité des hénades, Proclus utilise ce qu’ il appelle un « participant primordial ». Après l’ Un, on a besoin d’ un premier participant, à savoir le premier unifié, qui doit être un unifié des hénades60. Ce premier participant – qui n’ est pas de l’ ordre des êtres, mais de l’ ordre des hénades – suggère la possibilité de participer directement à l’ Un. Si, dans le cas des êtres, le problème se résout – puisque les êtres ne participent pas directement à l’ Un, mais aux hénades participables, tandis que l’ Un reste imparticipable –, dans le cas des hénades, il n’ y a plus un autre terme moyen. L’ unifié des hénades, en tant que « participant primordial », participe directement à l’ Un61.
Mais quelle est la nature de cet unifié primordial, composé d’ hénades ? On pourrait croire qu’ il s’ agit de toutes les hénades, vues dans leur unité primordiale62. En effet, dans la proposition 21, l’ Un est envisagé comme une sorte de monade de toutes les hénades63. Proclus dit que, pour chaque monade, il y a une série unique qui « d’ un bout à l’ autre tient de sa monade sa descente vers la multiplicité »64, et chaque monade transmet à sa série un caractère identique (τὸ γὰρ ἐν παντὶ τῷ πλήθει ταὐτὸν)65. Appliqué aux hénades, cela impliquerait que toutes les hénades participent à l’ Un dans la mesure où toutes reçoivent leur caractère unitaire, car toutes les hénades sont des états d’ unité communiqués par l’ Un66.
Pourtant, plus tard, Proclus introduit une distinction entre les hénades, à partir de l’ analogie entre l’ Un (monade des hénades) et les monades dans le registre de l’ être. Il déduit que « les hénades se distribuent en deux sortes de nombres »67 : les parfaites – qui sont toujours participées et s’ assimilent à leur monade68 – et les non-parfaites. À cause de leur imperfection (τῷ ἀτελεῖ), les réalités non-parfaites sont éloignées de la monade69 et subsistent « dans des sujets extrinsèques »70. Mais alors, on ne peut pas admettre un unifié de toutes les hénades si, parmi ces hénades, les unes sont assimilées à l’ Un, tandis que d’ autres n’ existent même pas en elles-mêmes, mais seulement dans les choses qui en participent. La distinction entre les hénades s’ accentue dans la proposition 114, où les hénades parfaites sont identifiées aux dieux, tandis que les autres hénades ne sont pas des dieux. Dans la proposition 113, Proclus parle d’ un nombre divin (à savoir le nombre des hénades parfaites) qui est un nombre unitaire. Il semblerait donc que, en fin de compte, le « participant primordial » de l’ Un n’ est pas un unifié de toutes les hénades, mais seulement des hénades parfaites, qui constituent le nombre divin. Ce nombre divin, composé de toutes les hénades parfaites, est « apparenté et connaturel à l’ un et au bien » (συγγενὴς καὶ ὁμοφυὴς)71 et il est un nombre unitaire72.
3.2 L’ unifié des hénades et les unifiés d’ unifiés
L’ argument par lequel Proclus impose l’ existence des hénades peut soulever des problèmes. Celui-ci consiste à dire que le premier participant à l’ Un ne peut pas être un unifié constitué d’ autres unifiés, parce qu’ alors chaque unifié serait composé à son tour d’ autres unifiés, dans une régression à l’ infini73. Alors, l’ unifié primordial doit être composé de hénades, car le premier participant à l’ Un ne peut pas être une pluralité infinie. En effet, conformément à la première proposition, il ne peut y avoir quelque chose composé d’ une infinité de choses74. Proclus exclue donc l’ infinité de la proximité de l’ Un. Or, plus tard, Proclus dira que les hénades elles-aussi comportent la limite et l’ infinité75, de sorte que l’ infinité repoussée en tant que nombre infini, revient sous une autre forme (à savoir en tant que puissance infinie). Cependant, l’ Être premier lui-aussi est une infinité dans le sens de la puissance, et non pas du nombre76, de sorte qu’ il ne risque pas de se décomposer dans des unifiés infiniment composés d’ unifiés. Et pourtant, il ne peut pas participer à l’ Un directement, sans l’ intermédiaire des hénades.
En outre, si une infinité infiniment composée de choses est impossible, il faudrait déduire qu’ elle est impossible non seulement dans le cas du premier unifié, mais aussi après celui-ci. Un unifié infiniment composé d’ unifié devrait être tout simplement inacceptable. Or, dans la proposition 6, Proclus semble admettre tacitement que les autres unifiés (qui ne sont pas composés de hénades), sont des unifiés infiniment composés d’ unifiés (en effet, c’ est là la raison pour laquelle ces unifiés ne peuvent pas jouer le rôle de premier participant). De la sorte, l’ infinité d’ infinis supprimée dans la première proposition est réadmise tacitement dans la sixième proposition. Il est vrai que Proclus nie la possibilité d’ admettre un infini en acte, démontrant qu’ un être infiniment composé d’ infinis est absurde, puisque l’ infini ne peut être excédé, tandis que chaque être est excédé par le tout77. Pour éviter l’ infini dans les êtres, Proclus impose la participation de toute pluralité à l’ Un. Mais ensuite, dans la proposition 6, il semble que tout être reste infiniment infini, bien qu’ il s’ agisse d’ un infini caché à chaque pas sous le cadre d’ un certain unifié.
4 Les êtres et les caractères suressentiels des êtres
La relation entre l’ être et les niveaux précédents est encore plus compliquée, lorsque Proclus distingue entre ce que l’ être reçoit de l’ Un et ce qu’ il reçoit des hénades. L’ Un donne aux êtres le simple fait d’ être78, tandis que l’ hénade « détermine (ἀφορίζουσα) par elle-même l’ être favorisé de sa participation et qui exprime en lui sous le mode essentiel son caractère (τὴν ἰδιότητα) suressentiel »79. Mais comment appliquer cela à l’ Être premier ? Si l’ on suit l’ explication de la proposition 137, il semblerait que l’ Être premier aussi a un caractère déterminé, une propriété (ἰδιότητα), qui se trouve sur-essentiellement (ou sous un mode qui dépasse l’ être) dans les hénades et qui, ensuite, se manifeste essentiellement (ou sous le mode de l’ être) dans l’ Être premier.
Il y a, donc, au niveau des hénades, un être suressentiel (ou un être sous un mode au-delà de l’ être) qui se communique à l’ Être premier sous le mode de l’ être. On pourrait déduire que l’ hénade a déjà le caractère (ἰδιότητα) de l’ être (bien que sur un mode suressentiel). C’ est précisément cette idée d’ un être suressentiel que Denys va reprendre et développer, bien qu’ il aille le situer non pas au niveau des hénades, mais au niveau du principe premier.
Dans le contexte des Éléments de théologie, l’ Un donne le simple fait d’ être (ἁπλῶς μὲν εἶναι)80. Donc, à partir de l’ Un, l’ Être premier reçoit déjà ce simple fait d’ être. Mais on peut se demander si ce n’ est précisément ce fait d’ être (ἁπλῶς εἶναι) qui est ce caractère unique (τὸ ταὐτὸν)81 que la monade de l’ Être transmet ensuite dans toute la série des êtres et si, dans ce sens, ce « fait d’ être » n’ est précisément l’ Être premier tout court. Or, après la proposition 137, il semble qu’ après ce caractère d’ être, l’ Être premier a encore besoin d’ autre chose : à savoir de la propriété d’ être (ἰδιότητα) reçue à partir des hénades. En outre, il semblerait que l’ Être premier est seulement à titre secondaire, tandis que, premièrement, c’ est l’ hénade qui est. Si chaque hénade donne à l’ être qui en participe la propriété qu’ elle détient de façon suressentielle, cela implique que les hénades ont toutes les caractères des êtres, mais seulement de façon suressentielle. Les hénades deviennent ainsi des êtres suressentiels. C’ est comme si les choses (ou les caractéristiques de toutes les choses) existaient déjà suressentiellement, avant d’ exister en tant que tel.
On a donc l’ Un (la source du fait d’ être), ensuite l’ hénade (qui a la propriété de l’ être, mais de façon suressentielle), ensuite l’ Être premier, qui participe à l’ hénade, mais qui n’ est pas participé par les autres êtres, ensuite les êtres participés, engendrés par l’ Être premier, et ensuite les êtres proprement dits, à savoir les êtres participants. Mais si le caractère de l’ être (qui est présent suressentiellement dans l’ hénade) est participé (et reçu) par l’ Être premier, ce même caractère, une fois dans l’ Être premier (et donc, non plus suressentiel) devient imparticipable. Évidemment, il est imparticipable par rapport aux êtres subordonnés, multiples, que l’ Être premier transcende. Et pourtant, l’ hénade elle-aussi transcende tous les êtres, non seulement les êtres inférieurs et pluriels, mais aussi l’ Être premier, monadique, parce que les hénades sont au-delà de l’ être. Mais alors, il semblerait que les hénades sont participables parce que l’ Un a besoin d’ une pluralité de participables après lui (qui garantissent qu’ il reste imparticipable), bien que, par rapport aux êtres, elles devraient rester imparticipables, puisqu’ elles transcendent tout être, étant, suressentiellement, ce que les êtres seront essentiellement.
En outre, Proclus dit que les hénades (les dieux) sont au-delà de l’ être, tout comme l’ Un, le premier dieu, est au-delà de l’ être82. Or, d’ après la proposition 137, les hénades ont un statut ambigu : elles ne sont pas des êtres, et pourtant, elles ont les propriétés des êtres, bien que sous un mode suressentiel. Mais, si elles ont déjà les propriétés des êtres, en quoi sont-elles suressentielles ? Elles sont suressentielles parce qu’ elles sont semblables à leur cause, à savoir à l’ Un83. Pourtant, par elles-mêmes, à savoir par leur caractère propre (qui les distingue entre elles), elles semblent déjà de l’ ordre de l’ être, elles reproduisent les caractères des êtres, mais à un niveau divin, en tant que dieux.
Les hénades sont introduites dans les Éléments de théologie comme la pluralité spécifique à l’ Un84. Ce que donne l’ Un aux hénades – en tant que monade de cette pluralité – c’ est le caractère de l’ unité. Mais d’ où reçoivent-elles leurs caractères spécifiques, qu’ elles vont ensuite transmettre aux êtres déterminés ? Proclus parle des différentes natures des hénades85. Ensuite, il montre que les hénades sont inconnaissables par elles-mêmes, et que les propriétés des dieux sont connues seulement à partir des participants86. Proclus sauvegarde ainsi le caractère essentiellement inconnaissable des hénades divines. Mais le vrai problème est différent : pour que les hénades puissent transmettre ces propriétés aux êtres87, elles doivent les posséder elles-mêmes. Si les hénades ont des propriétés spécifiques (ἰδιότητας) et différentes, comment telle ou telle propriété spécifique à un tel être est en même temps spécifique à telle ou telle hénade, bien que l’ hénade devrait transcender toute propriété de l’ être ? La réponse de Proclus – ou la précaution qu’ il prend – consiste à dire que les hénades sont déterminées en tant que telle ou telle, non pas comme les êtres, mais « à titre de cause » (ὡς κατ’ αἰτίαν)88. Mais cela explique seulement le passage des hénades aux êtres (à savoir le fait que les êtres sont, en tant qu’ effets, ce que les hénades sont en tant que causes) ; pourtant, cela n’ explique pas comment les hénades elles-mêmes arrivent à posséder déjà les caractères des êtres, bien que, originairement, elles sont censées être des unités simples, qui expliquent comment les êtres participent à l’ Un, sans affecter le caractère imparticipable du principe premier.
Comme l’ explique G. MacIsaac, chaque hénade est non seulement unitaire, mais aussi bonne ; leur caractère distinct vient du fait que chacune est une certaine bonté89. Cependant, si l’ Un accorde aux hénades d’ être une unité, mais aussi une bonté particulière et déterminée, les hénades ne sont pas différentes entre elles en tant qu’ unités, mais elles semblent différer en tant que bontés déterminées, si l’ on juge d’ après leurs effets, à savoir d’ après les séries auxquelles elles font passer essentiellement leur caractère suressentiel. Comment donc, l’ Un et le Bien indéterminé peut-il transmettre aux hénades l’ unité comme un caractère identique, tandis qu’ il transmet la bonté dans des manières distinctes ? La réponse, d’ après MacIsaac, consiste à dire que l’ hénade est une entité autosuffisante, ce qui veut dire qu’ elle se donne le bien (reçu de l’ Un) à elle-même, à sa propre manière90 (à savoir, dans une manière particulière, déterminée). Pourtant, il subsiste une certaine contradiction entre le fait que, d’ un côté, les hénades sont déterminées et chacune se détermine elle-même, dans sa propre autosuffisance, tandis que, d’ un autre côté, elles sont apparentées à l’ Un et de même nature que lui, bien que l’ Un ne soit pas déterminé en aucune façon91.
Denys reprendra l’ idée d’ une propriété suressentielle présente au-delà de l’ être déterminé. Pourtant, il ne situe plus cette propriété dans le registre des hénades, auxquelles il renonce, mais il la situe au niveau du principe premier : Dieu est toutes choses, sous un mode suressentiel et ce qui le caractérise c’ est « l’ identité au-delà de tout de l’ entière Propriété qui est au-delà de tout »92.
Les hénades restent coincées dans un paradoxe. En tant que pluralité spécifique de l’ Un absolu, elles ne peuvent même pas être distinguées de celui-ci, ni isolé comme un niveau particulier de la réalité93. Pourtant, d’ un autre côté, les hénades sont introduites dans les Éléments de théologie par analogie avec la série des êtres qui dépendent de l’ Être premier. C’ est pourquoi elles reprennent certains traits des êtres et risquent d’ être comprises d’ après le modèle des êtres.
5 Denys. Être-en-soi et au-delà de l’ être
Denys reprend la perspective proclusienne d’ un principe premier imparticipable94, qui est Un et Bien à la fois. Cependant, il essaye de sauvegarder la transcendance de l’ Un, sans le séparer de l’ Être premier, tout en soulignant leur identité originaire et essentielle. L’ Un, ou l’ « Existence théarchique »95, est appelé monade et hénade des hénades96, bien que l’ utilisation de ces concepts est très limitée97.
Tout comme Proclus admet une pluralité propre à l’ Un, Denys distingue une sorte de pluralité spécifique à Dieu, qui ne sort jamais de l’ unité divine. Il parle de la « procession […] de l’ Union divine »98, qui se multiplie elle-même de manière sur-unifiée99. Il s’ agit plus spécifiquement de la pluralité des dons divins. Ce sont des dons unifiés dans la distinction divine100, de sorte que chacun participe à la divinité toute entière. Il parle aussi de paradigmes (Παραδείγματα) ou « prédéterminations » (προορισμοὺς), qui sont des raisons préexistantes (προϋφεστῶτας λόγους) qui déterminent les êtres (τῶν ὄντων ἀφοριστικὰ)101, ce qui pourrait rappeler Proclus et les propriétés (ἰδιότητα) suressentielles que les hénades transmettent aux êtres, lorsque chaque hénade détermine (ἀφορίζουσα) l’ être qui en participe102.
Pourtant, Denys ne distingue plus les hénades, ni les monades, à la suite des hénades. Pourquoi ? Parce qu’ une telle distinction impliquerait des niveaux différents de causalité, tandis que son projet est celui de montrer que Dieu est la cause unique de tout ce qui existe. Denys commence son analyse de l’ être par une remarque qui semble une fine critique tournée contre Proclus, et qui consiste dans le fait que celui-ci admet plusieurs causes et principes, tandis que pour Denys, il n’ y a qu’ un seul principe et cause de toutes les choses, à savoir la théarchie ou le principe divin. Il dit que son discours :
n’ affirme pas qu’ autre soit le Bien, autre l’ Être, autre la Vie ou la Sagesse, ni qu’ il y ait de multiples causes et différentes divinités productrices de choses différentes, (les unes) supérieures et (les autres) inférieures103, mais qu’ à un seul Dieu appartiennent les processions totales et bonnes comme les dénominations divines célébrées par nous, et que l’ une manifeste la Providence universelle du Dieu unique, les autres les providences plus totales ou plus partielles du même (Dieu)104.
On se rappelle que, pour Proclus, il y a effectivement plusieurs niveaux de causalité : l’ Un absolu est la cause première des êtres105 et aussi la cause des hénades106. Les hénades sont aussi des causes de toutes les choses107. Ensuite, l’ Être premier, imparticipable, est décrit comme cause de soi-même108. En outre, il est aussi la cause et le principe premier de tous les participés109, de même que l’ Intellect et ensuite l’ Âme sont la cause de leurs effets. Or, Denys n’ accepte plus cette pluralité de causes. Lorsqu’ il parle de « multiples causes et différentes divinités […] (les unes) supérieures et (les autres) inférieures », on peut supposer qu’ il s’ agit d’ une allusion aux hénades de Proclus, car chacune d’ elle est décrite précisément comme une divinité (θεότης) qui imprime son caractère propre à l’ être qui y participe110. En outre, Proclus distingue les hénades comme des divinités qui procurent l’ être, ou la vie, dont l’ une est « plus universel et cause d’ un plus grand nombre d’ effets, et […] plus proche du principe »111, tandis que d’ autres sont plus loin et plus particulières112.
Les niveaux de réalité identifiés par Proclus (l’ Un, les hénades, la monade de l’ Être premier et les êtres) se compactent dans un seul concept d’ être, qui s’ applique à Dieu en tant que nom divin et qui, à partir de ce sens primordial, englobe toute manière déterminée et limitée d’ être. Comment ? Par le concept de don (δωρεά), qui désigne à la fois l’ acte de donner, mais aussi celui de recevoir, liant ainsi la cause première aux choses qui procèdent. Par les dons divins (à savoir l’ Être en soi, la Vie en soi, etc.), qui sont appelés aussi des « participations en soi »113, Dieu l’ imparticipable devient inséparable des choses qui participent.
Si, en tant que transcendent, Dieu est « au-dessus de l’ intelligence, de la vie, de l’ essence »114, en revanche, les dons divins indiquent Dieu en tant que cause de toute chose ; ils sont alors les noms unifiés de la divinité toute entière : bon, être, vie, sagesse, etc115. En conséquence, Dieu est à la fois « l’ Être en soi », « la Vie en soi », etc., mais aussi celui qui produit l’ « Être en soi » et « la Vie en soi ». Il est la source du don, mais aussi le don lui-même, tout en restant en même temps au-delà du don. Denys se demande lui-même : « comment j’ appelle Dieu, tantôt Vie en soi, tantôt Fondateur de la vie en soi »116. C’ est parce que :
il n’ y a pas de contradiction à appeler Dieu Puissance en soi ou Vie en soi et (à l’ appeler) Fondateur de la vie en soi ou de la paix ou de la puissance (en soi). D’ une part, on lui attribue certains termes à partir des étants et surtout des étants primordiaux comme à la Cause de tous les étants, d’ autre part, (on lui attribue) les autres en tant qu’ au-dessus de toutes choses et même au-dessus des étants primordiaux117.
En outre,
(ce que) nous appelons ‘Être en soi’, ‘Vie en soi’ et ‘Divinité en soi’, (c’ est) de façon principielle, divine et causale, l’ unique Principe et Cause au-delà du principe et de la cause de tous (les étants) et, de façon participée, les puissances providentielles émanées du Dieu imparticipable, ‘production d’ Être en soi’, ‘Vivification en soi’, ‘Divinisation en soi’118.
Il y a une sorte de circularité dans cette explication : Dieu est l’ Être en soi parce qu’ il est la cause de l’ être ; mais en tant qu’ il produit l’ Être en soi et le fait exister, il est au-delà de l’ Être en soi, ce qui finalement suggère qu’ il est au-delà de l’ Être parce qu’ il est l’ Être en soi. En outre, on pourrait se demander comment Dieu, qui est l’ Être en soi, fait exister l’ Être en soi ? Comment ne pas risquer de suggérer qu’ il se fait exister soi-même ?
Il y a deux manières de comprendre la relation entre Dieu et les choses qu’ il produit (à savoir les dons divins). D’ un côté, l’ Être en soi, la Vie en soi, et le reste des dons divins – appelés « des processions qui conviennent à la Bonté (ἀγαθοπρεπεῖς προόδους) » – n’ ont pas de sens de manière isolée, en dehors de Dieu, comme un niveau distinct de la réalité. Ils ne sont pas des dieux119. L’ Être en soi est le don de Dieu. Il n’ est pas distinct de Dieu, mais il est Dieu lui-même, dans son hypostase donatrice. Le don lui-même n’ existe pas sans son donateur et, de ce point de vue, il est le donateur lui-même. Dieu est tous ses dons, parce qu’ il est le donateur absolu. Ces dons sont de Dieu et donc, dans un sens causal et principiel, Dieu est ces dons. C’ est la raison pour laquelle Dieu peut recevoir tous les noms divins. D’ un autre côté, l’ Être en soi, la Vie en soi et le reste des dons, une fois produits et donnés par Dieu, ne deviennent jamais des êtres divins distincts, qui puissent causer à leur tour d’ autres niveaux de réalité. L’ Être en soi (de même que la Vie en soi) n’ a pas le sens d’ une hypostase distincte. Il n’ a que le sens actif, d’ un don qui fait être (tout comme la Vie en soi vivifie). Les choses qu’ il fait exister le reçoivent en tant que « production d’ être en soi » (αὐτοουσίωσιν). Les choses qui participent au don n’ ont pas d’ existence en dehors du don, elles ne reçoivent pas le don après avoir été déjà menées à l’ existence, mais le don consiste dans leur existence même et dans tout ce qu’ elles sont (vie, pensée, puissance, etc.). Tout ce qu’ elles sont est reçu, ce qui implique la transcendance de celui qui les a donné à être. Chaque don a un sens circulaire : le don n’ est finalement que Dieu en tant que cause, qui le fait exister, mais qui, de la sorte, transcende le don. Dieu qui transcende le don et Dieu en tant que le don lui-même ne sont que les deux côtés du même acte de donner. Il s’ agit finalement du même principe, vu de deux côtés : le principe donateur de tous les biens est celui qui donne et qui reste transcendant par rapport à ses dons et par rapport aux participations, étant ainsi imparticipable120, mais aussi celui qui se donne, à savoir ses dons, ses puissances providentielles, ses « participations en soi » : la bonté en soi, l’ Être en soi, la Vie en soi, etc.
Proclus fait intervenir la pluralité des hénades pour sauvegarder la transcendance et l’ unité du principe. L’ unité de l’ Un et son statut suressentiel se reversent sur les hénades aussi. Denys fait l’ inverse : il admet les processions de Dieu, qui sont ses puissances et ses dons et, à partir de là, il réinterprète la transcendance de Dieu, non pas comme celui qui n’ est pas l’ être, ni la vie, etc., mais en tant que celui qui est l’ être et la vie et tout le reste, mais dans un sens suressentiel, à savoir sans avoir les limitations internes aux choses participantes. Les puissances productives de Dieu révèlent ce qu’ est Dieu, en tant que cause de ces puissances. Dieu est – originairement et essentiellement – toute chose : il est l’ être, la vie, la sagesse, le mouvement, le temps, etc.
E. Perl suggère que les deux perspectives ne sont pas essentiellement distinctes entre elles121. Malgré le fait qu’ il voit chez Denys une « repudiation of Proclus’ polytheism », l’ auteur montre que les processions dont parle Denys, tout comme les hénades de Proclus, ne sont finalement que des modalités d’ unité122. Cependant, bien qu’ il y ait des rapprochements possibles, le message ultime des deux penseurs reste essentiellement différent. Pour Proclus, l’ Un engendre l’ être tout en restant au-delà, sans aucune relation à l’ être. Pour Denys, Dieu est au-delà de l’ être, non pas parce qu’ il est plus simple et donc, dépasse le régime de l’ être, mais plutôt parce qu’ il contient tous les êtres123 et les fait exister. De la sorte, il est autrement que l’ être, sans que l’ être lui-même soit hors de Dieu, mais en lui. Dieu est à la fois suressentiel, mais aussi toutes les choses, car toutes les choses coexistent en lui124.
Denys ne cherche pas à montrer comment le principe peut produire toute chose, tout en restant au-delà du tout ; au contraire, son but est de montrer comment le principe peut être toutes les choses, d’ une manière transcendante, essentielle, dans laquelle on peut à la fois discerner l’ inaccessibilité du principe indicible, mais aussi l’ intime présence du principe en toute chose.
La transcendance du principe n’ est plus garantie par l’ entremise des hénades et des monades, mais par la modalité particulière dont le principe est « être » et « vie », etc. Denys introduit une manière de transcendance à l’ envers. Dieu n’ est pas au-delà de l’ être à force d’ être un non-être par excellence et de n’ avoir aucun rapport avec l’ être proprement dit, déterminé, qui participe non pas à l’ Un absolu, mais à une hénade, à une manière de présence de l’ Un. Au contraire, il est au-delà de l’ être parce qu’ il est l’ Être par excellence, qui ne délègue rien de sa fonction productive, mais accepte toute manière d’ être, parce que toute manière d’ être est un don de lui et lui appartient en propre. Il reste pourtant transcendant, parce que les manières d’ être qui lui sont appliquées ne lui reviennent pas comme des déterminations, qui limiteraient sa nature, mais, au contraire, c’ est lui qui les donne, de sorte qu’ elles deviennent limitées seulement au niveau des effets, mais non pas en tant qu’ appliquées à Dieu.
Chez Proclus, l’ Un est au-delà de toute détermination, tandis que les hénades indiquent des manières distinctes et plus déterminées de bonté et d’ unité. Les propriétés des êtres apparaissent sous un mode suressentiel au niveau des hénades, pour apparaître ensuite essentiellement dans les êtres qui participent aux hénades. Chez Denys, on pourrait croire que nous retrouvons la même structure : Dieu imparticipable, suivi par les puissances providentielles, qui sont participées par les êtres. Pourtant, ce qui change c’ est la relation entre le principe imparticipable et les puissances multiples, participables. Si pour Proclus l’ enjeu est celui de montrer comment se constitue la pluralité de la réalité à partir du principe absolument unitaire et donc, après le principe, pour Denys, en revanche, l’ enjeu est de montrer comment fonctionne la pluralité en Dieu, dans son unité et par son unité qui tient tout. Pour Proclus, toute chose est une pluralité et un non-un, qui doit participer à l’ Un, ce qui introduit une opposition entre le principe absolument unitaire et la réalité plurielle, ce qui requiert ensuite une solution pour ce passage de l’ unité à la pluralité. Pour Denys, cette opposition n’ existe plus. Le principe – Un et Bien – est inaccessible en tant que tel ; cependant, le Bien n’ est pas incommunicable, mais au contraire, chaque être est une illumination de son rayon suressentiel125.
Ce n’ est plus une logique négative, dans laquelle on fait intervenir les propriétés des êtres pas à pas, mais c’ est une logique positive, qui commence avec la manière suressentielle dont Dieu est toute chose. Dans cette perspective, Dieu est imparticipable parce qu’ il est la source du don auquel toute chose participe. Participer c’ est recevoir ce don de Dieu, qui, en tant que donateur du don participé et reçu, reste au-delà de la participation et donc, imparticipable.
Denys garde l’ idée que les choses participent à l’ Un, bien que celui-ci soit en lui-même imparticipable. Pourtant, il ne sépare pas l’ imparticipable des participants, mais il voit les deux côté (les participations et l’ imparticipable) comme deux aspects du même processus de la procession divine. Ce qui, dans les participants, se transmet distinctement, reste unitaire et imparticipable dans la cause des choses. Tout ce que sont les choses sous le mode de la participation, tout cela leur cause unique l’ est aussi, sous le mode imparticipable. La participation est un don de la divinité : c’ est ce que celle-ci répand sur les choses. La participation n’ implique plus le modèle du non-un qui devient un. Elle n’ est pas un acte des participants qui risquerait de compromettre l’ unité de la cause imparticipabile et qui, de la sorte, requiert des intermédiaires (à savoir les hénades participables).
En ce sens, si Denys reprend l’ expression proclusienne de l’ Un comme hénade des hénades, c’ est pour lui donner une autre signification. Il parle de l’ Un comme « Hénade unifiante de toute hénade »126. Cela n’ indique pas une relation concrète entre l’ Un et les hénades dont parle Proclus, mais Denys se réfère plutôt à l’ aspect actif et productif de l’ Un, qui est une hénade (ou une unité) en tant que cause de toute unité possible, qui produit ou fait exister l’ unité de toute chose. Dieu est hénade, mais aussi monade, parce qu’ il détient en lui tout le fait d’ être et toute manière d’ être127. Denys reprend aussi la distinction proclusienne entre ce qui est plus universel et ce qui est plus particulier, mais il ne l’ applique plus à des hénades ou à des divinités distinctes. Il dira plutôt que toutes les processions appartiennent à Dieu, en tant que cause unique de tout, mais que ces processions révèlent des providences plus universelles ou plus particulières. Pour Denys, les choses ne sont que la procession de Dieu, qui se déploie sur plusieurs niveaux : la procession générale, manifestée en tant que bonté, et ensuite les processions plus particulières, manifestées en tant qu’ être, vie ou intelligence. En ce sens, on peut appliquer à Dieu chaque procession et appeler Dieu par le nom de telle ou telle procession. Ainsi, il doit être loué en tant qu’ être, mais aussi en tant que vie, intellect, etc., à partir de cette procession déjà plus particularisée128.
6 Le nom divin de l’ être
Mais alors, pourquoi nommer Dieu par le nom d’ une procession plus particulière ? Et pourquoi louer Dieu comme Être par excellence, contrairement à Proclus, qui distinguait strictement entre l’ être et le principe premier ? Qu’ est-ce que nomme le nom divin d’ Être et en quoi est-il divin ?
Il faut remarquer que, dès le début, Denys nous avertit que le but d’ un tel discours qui nomme Dieu Être n’ est pas celui de montrer ce qu’ est le Dieu indicible, mais plutôt celui de louer les processions du principe de l’ être129. Or, cette idée se retrouve chez Proclus : l’ Un absolu est complètement inconnaissable en tant qu’ imparticipable et même la pluralité unitaire des hénades divines est inconnaissable en tant que telle : pourtant, tout dieu (sauf l’ Un) peut être connu par les participants, donc, à partir précisément de la procession130. En appelant Dieu Être, Denys veut donc louer la procession divine dans tous les êtres et implicitement nommer et louer Dieu par cette procession, en tant que sa cause. En ce sens, il dit que « la dénomination divine d’ Être s’ étend à tout ce qui est »131. Il s’ agit donc d’ un nom divin qui, sous sa dénomination, comprend tout être, toute chose qui a reçu l’ être de Dieu. Le nom de l’ être révèle donc la « procession productrice d’ être à l’ égard de tous les étants » (τὴν οὐσιοποιὸν εἰς τὰ ὄντα)132.
Or, pour Denys, si l’ on appelle la procession « être », ce que l’ on indique véritablement par ce nom c’ est la cause de cette procession, celle qui donne l’ être à chaque chose133. Autrement dit, les choses ont l’ être et entrent dans cette dénomination de l’ être, parce qu’ elles sont produites en tant que telles et donc, elles sont en tant qu’ effet, ce que Dieu est en tant que cause. En ce sens, c’ est la cause qui est primordialement, avant toute autre chose. Le nom que l’ on applique à la procession « appartient réellement à Celui qui est réellement »134, donc à la cause de cette procession. En nommant cette procession de l’ être, ce que l’ on nomme c’ est la cause de cette procession, celui qui fait l’ être de chaque chose.
De la sorte, Denys ne décrit pas l’ Être comme un niveau distinct de la réalité, qui a sa structure propre et ses causes qui l’ illuminent, mais le nom de l’ Être indique plutôt une relation : il indique « la Providence bienfaisante qui s’ est manifestée […] comme Être, Vie et Sagesse, celle qui est Cause créatrice d’ être […] pour tous ceux qui ont part à l’ essence »135. Utilisant les termes de Proclus, on pourrait dire que, dans le nom divin de l’ Être on retrouve les participants, le participable (à savoir l’ être de ces choses) mais aussi l’ imparticipable, à savoir la cause de l’ être. L’ Être est à la fois l’ effet et la cause. On peut remarquer ici une certaine similarité avec Proclus qui montrait que chaque hénade est sur-essentiellement ce que les choses subordonnées sont de manière essentielle136. Pourtant, Denys applique cette idée au niveau du principe premier : celui-ci est, de manière enveloppée, ce que sont les choses de manière développée.
Et pourtant, il y a une nuance radicalement différente chez Denys, car pour lui il ne s’ agit pas tout simplement d’ une propriété commune entre la procession et sa cause. Appeler Dieu par le nom de sa procession (à savoir par l’ être) n’ implique pas une identité entre la cause et ses dérivés. Par un effet paradoxal, le sens de l’ être appliqué à Dieu se précise tout en renversant son sens habituel. Ce qui semble être une propriété commune (par exemple, l’ être) reçoit un sens contraire quand il s’ applique à la cause première. L’ être appliqué à Dieu ne signifie plus qu’ il entre dans une série d’ êtres, mais bien au contraire, qu’ il n’ est pas quelque chose de déterminé.
La source de l’ être est cet être qui, en tant que donateur de l’ être, n’ est plus déterminé, ni limité par son propre fait d’ être. En ce sens, « Dieu n’ est pas Celui qui est selon telle ou telle manière, mais d’ une façon simple et non circonscrite, comprenant et possédant d’ avance en lui-même l’ être tout entier »137. Dieu détient tout le fait d’ être, bien que lui-même il est, ce qui veut dire que le fait d’ être qu’ il détient ne s’ applique pas à lui et, donc, qu’ il n’ est pas inclus dans ce que Denys appelle « l’ être tout entier ». Le fait d’ être est en Dieu en tant qu’ il le pré-détient, et il est aussi autour de lui en tant qu’ il le donne aux choses. Et pourtant, Dieu lui-même n’ entre pas sous l’ incidence de ce fait d’ être qu’ il détient, ou qu’ il donne, et il n’ est pas limité par ce fait d’ être.
En ce sens, Dieu n’ était pas, il ne sera et il n’ est même pas, car toute manière d’ être vient de lui. Et pourtant, dit Denys, Dieu est loué dans les Écritures précisément comme celui qui était, qui est, et qui sera. C’ est parce que, en le louant ainsi, on montre qu’ il est au-delà de ces notions. On lui attribue toutes les manières d’ être, afin de montrer qu’ il n’ a aucune manière déterminée d’ être et qu’ il n’ est rien d’ entre les choses qui sont. « En effet, il n’ est pas ceci sans être cela […] mais il est tout comme Cause de tout »138. Ainsi, Dieu est en toute chose et il est toute chose, non pas dans le sens déterminé de chaque chose, mais plutôt dans le sens ou toutes les choses sont, avant d’ être telle ou telle. En effet, « il est lui-même l’ être pour les étants »139.
On remarque à nouveau une certaine circularité du discours qui veut décrire cet être qui est déjà, bien qu’ il donne le fait d’ être à toute chose : « Celui qui est est, selon sa puissance, la Cause fondatrice suressentielle de l’ être tout entier et le Créateur de ce qui est », il est « l’ être pour les étants de quelque façon qu’ ils soient »140. Denys distingue les choses qui ont l’ être en tant que reçu, le fait même d’ être en soi – que Dieu donne et auquel participe toute chose – et la source de ce fait d’ être, à savoir Dieu, qui précède le fait d’ être, parce qu’ il le donne. En ce sens, Dieu est mieux indiqué en tant que celui qui préexiste ou qui pré-est (ὁ προὼν)141. Chez Proclus, cette expression de pré-existant (προὼν) décrit les hénades qui sont avant l’ être, tandis que le principe Un est la cause des êtres et de ceux qui préexistent142. Par contre, pour Denys, celui qui préexiste est le principe et la cause de tout être ; il est toute chose, sans s’ identifier à telle ou telle chose.
Denys n’ a pas un terme ultime et déterminé pour décrire ce fait d’ être qui n’ est pas reçu, mais qui est la source de tout être. Son analyse de l’ être n’ avance pas comme une tentative de préciser en quoi consiste cet être véritable, mais au contraire, elle avance comme une tentative de dépasser toute manière déterminée dont on pourrait comprendre l’ être de Dieu. En ce sens, l’ Être véritable, qui est loué par toutes les choses, n’ est rien, mais plutôt il préexiste. Pourtant, ce fait de préexister ne le détermine pas non plus, en aucune sorte. Pour suggérer cela, Denys décrit Dieu comme « possédant d’ avance et éminemment la préexistence et la surexistence »143. Denys parle donc d’ un fait d’ être qui ne détermine et ne limite pas son possesseur. Il dit que « à Lui appartient l’ être et non pas Lui à l’ être, et en Lui est l’ être et non pas Lui en l’ être »144. Il s’ agit donc d’ un fait d’ être qui ne détermine plus rien.
Denys conçoit un concept bipolaire et paradoxal de l’ être. En tant que nom divin, l’ être indique à la fois les êtres et le principe de tous les êtres, qui, en tant que donateur de l’ être, est par excellence, ce qui implique qu’ il n’ est rien de déterminé et qu’ il n’ a pas l’ être, mais il préexiste, ou bien plutôt il n’ est même pas, mais il est « absolument détaché de tout et au-delà de tout »145. Tandis que chez Proclus l’ être est expliqué par participation à l’ Un, ce qui implique un double détachement par rapport à l’ être – en tant que celui-ci est non-un et en tant qu’ il est déjà dépassé par les hénades divines –, pour Denys, l’ être indique à la fois et sans opposition la procession divine de tous les êtres en tant que causés, mais aussi la source suressentielle de cette procession. Il s’ agit d’ un même nom, mais qui a un sens différent dans les deux cas. En effet, appliqué à la cause de la procession, l’ être indique celui qui dépasse tout être déterminé, il est alors un être au-delà de l’ être.
Remerciements
Ce travail fait partie du projet Self-Constitution and Discursive Mediation in Late Neoplatonism, PN-II-RU-TE-2014-4-0569.
L’ exégèse moderne montre clairement cette influence. Voir, par exemple, Rorem 1993, p. 164 : « There is a specific way in which the Neoplatonic tradition of interpreting Plato’s Parmenides may have influenced the Areopagite’s organisation of The Divine Names. In Neoplatonism, the triad of Being, Life, and Mind was a trio of individual principles standing, hierarchically, between the ineffable One and the lower individual beings, living things, and minds. The Areopagite considered the same three names in the same sequence […] This triad, coming directly after the first name, Good, is clearly reminiscent of Neoplatonism. But Dionysius ascribed all these names to the ‘first principle’ (God), which in the Neoplatonic exegesis of Plato could not receive any positive attributes, only negations ». Voir aussi Schäfer 2006, p. 85-86.
Comme le note Van Riel 2017, p. 90-91 : « The Henads do not occupy a separate level in reality […] They do not occupy a ‘horizontal’ plain between the First and Being, but they are, rather, coextensive with the different stages of being in the second hypothesis of the Parmenides ». Voir aussi Van Riel 2001, p. 423 : « les hénades ne constituent pas un niveau séparé, mais elles existent en parallèle avec les différents êtres ». Voir aussi Lloyd 1982, p. 35. Pourtant, si les hénades ne sont pas complètement distincts des êtres, elles ne peuvent pas non plus être complètement identifiés aux êtres, parce qu’ alors les classes des êtres constitueraient ce « participant primordial » de l’ Un. Or cela est impossible, puisque les êtres sont des unifiés, tandis que, d’ après Proclus, le premier participant ne peut pas être un unifié des unifiés. L’ hénade est « un des éléments à partir desquels est constituée originairement l’ unifié » (ἐξ ὧν τὸ πρώτως ἡνωμένον, ἑνάς) (Éléments de théologie, 6). Il y a une différence de niveau et de nature entre les êtres et les hénades.
Proclus, Éléments de théologie, 115.20-21 : οὐσίας […] τῆς πρώτης, ὡς μονάδος τῶν οὐσιῶν.
Proclus, Éléments de théologie, 21.4-5 : ἡ μὲν γὰρ μονάς, ἀρχῆς ἔχουσα λόγον, ἀπογεννᾷ τὸ οἰκεῖον ἑαυτῇ πλῆθος. Nous utilisons la traduction par J. Trouillard, Paris, Aubier, 1965.
Proclus, Éléments de théologie, 21.14 : μιᾶς ἀρχῆς. Voir aussi Proclus, Éléments de théologie, 21.15-16 : ἔστιν ἄρα μονὰς μία πρὸ τοῦ πλήθους.
Proclus, Éléments de théologie, 22.1-2 et 22.16-17.
Proclus, Éléments de théologie, 101.1-3.
Proclus, Éléments de théologie, 23.
Proclus, Éléments de théologie, 24.12.
Proclus, Éléments de théologie, 23.4-6 : τὸ μὲν γὰρ ἀμέθεκτον, μονάδος ἔχον λόγον ὡς ἑαυτοῦ ὂν καὶ οὐκ ἄλλου καὶ ὡς ἐξῃρημένον τῶν μετεχόντων, ἀπογεννᾷ τὰ μετέχεσθαι δυνάμενα.
Proclus, Éléments de théologie, 23.9-11 : τὸ δὲ μετεχόμενον πᾶν, τινὸς γενόμενον ὑφ’ οὗ μετέχεται, δεύτερόν ἐστι τοῦ πᾶσιν ὁμοίως παρόντος καὶ πάντα ἀφ’ ἑαυτοῦ πληρώσαντος. τὸ μὲν γὰρ ἐν ἑνὶ ὂν ἐν τοῖς ἄλλοις οὐκ ἔστιν
Proclus, Éléments de théologie, 45.1 : Πᾶν τὸ αὐθυπόστατον ἀγένητόν ἐστιν.
Proclus, Éléments de théologie, 99.1-4.
Proclus, Éléments de théologie, 40.
Proclus, Éléments de théologie, 41.8 : πᾶν δὲ τὸ ἐν ἑαυτῷ ὂν αὐθυπόστατόν ἐστι.
Proclus, Éléments de théologie, 45.
Proclus, Éléments de théologie, 46.
Proclus, Éléments de théologie, 109.
Proclus, Éléments de théologie, 47.
Proclus, Éléments de théologie, 86.8.
Proclus, Éléments de théologie, 89.1 : Πᾶν τὸ ὄντως ὂν ἐκ πέρατός ἐστι καὶ ἀπείρου ; voir aussi 89. 5-6 : ἐκ πέρατος ἄρα ἐστὶ καὶ ἀπείρου πᾶν τὸ ὄντως ὄν.
Proclus, Éléments de théologie, 138.7 : πλῆθος δὲ ἑνιαῖον τὸ ὄν, ὡς ἐκ πέρατος ὂν καὶ ἀπείρου.
Proclus, Éléments de théologie, 40.20 : ἀνάγκη ἄρα τὸ αὐθυπόστατον εἶναι μετὰ τὸ πρῶτον.
Proclus, Éléments de théologie, 9.10-14.
Denys reprend lui-aussi cette affirmation, en disant que rien de ce qui est n’ est dépouvu d’ unité (voir, par exemple, Les noms divins, XIII, 2). Voir Mueller-Jourdan 2013. Pourtant, comme nous alons le montrer, ce qui change dans le cas de Denys c’ est la relation entre l’ Un en tant que principe et cause de toutes les choses et l’ être premier.
Proclus, Éléments de théologie, 47.1 : ἀμερές ἐστι καὶ ἁπλοῦν.
Proclus, Éléments de théologie, 138.7-8 : πλῆθος δὲ ἑνιαῖον τὸ ὄν, ὡς ἐκ πέρατος ὂν καὶ ἀπείρου.
En effet, même avant l’ Être, les deux principes ne subsistent pas en dualité. Cf. Van Riel 2001, p. 418 : « l’ illimité (qui se présente primordialement comme puissance génératrice) n’ aura jamais une existence séparée, dissociée du limitant ».
Proclus, Éléments de théologie, 86.1-2 : Πᾶν τὸ ὄντως ὂν ἄπειρόν ἐστιν οὔτε κατὰ τὸ πλῆθος οὔτε κατὰ τὸ μέγεθος, ἀλλὰ κατὰ τὴν δύναμιν μόνην.
En effet, « c’ est selon la puissance que l’ être authentique est infini. […] Et plus il est un et plus il est indivisible, plus il est infini » (Éléments de théologie, 86.10-12).
Proclus, Éléments de théologie, 89.
Proclus, Éléments de théologie, 22.15.
Proclus, Éléments de théologie, 115.5 : πάντα δέ ἐστιν ἐν πᾶσιν.
Pour la structure de la triade être-vie-intellect chez Proclus, voir D’Hoine 2017.
Proclus, Éléments de théologie, 115.9-10.
Proclus, Éléments de théologie, 3.
Proclus, Éléments de théologie, 2.3-4. Cf. Proclus, Éléments de théologie, 3.8 : ἕξει τὸ ἓν ἐγγενομένου τινὸς ἐν αὐτοῖς ἑνός. Voir aussi Proclus, Théologie platonicienne, III, 13.14, où l’ être est décrit comme « ce qui a besoin d’ une unité qui lui vient d’ ailleurs » (τὸ δεόμενον ἑνότητος ἀλλαχόθεν).
Proclus, Éléments de théologie, 3.3 : εἰ γὰρ γίνοιτο ἓν ἃ μὴ ἔστιν ἓν καθ’ αὑτά.
Proclus, Éléments de théologie, 2.9 : οὐχ ἓν καθ’ αὑτὸ ὑπάρχον ; ibid., 3.2 : αὐτὸ μὲν γὰρ οὐχ ἕν ἐστι.
Proclus, Éléments de théologie, 2.10 : παρὰ τὸ ἓν ἄλλο τι ὄν ; voir aussi 4.8 : τοῦ ἑνὸς ἕτερον.
Proclus, Éléments de théologie, 3.7-8 : γίνεται ἐκ τοῦ μὴ ἑνὸς πρότερον.
Proclus, Éléments de théologie, 2.10.
Proclus, Éléments de théologie, 2.7.
Proclus, Éléments de théologie, 2.1.
Proclus, Éléments de théologie, 6.6-7 (εἰ γὰρ ἔστι τὸ αὐτοέν, ἔστι τὸ πρώτως αὐτοῦ μετέχον καὶ πρώτως ἡνωμένον. τοῦτο δὲ ἐξ ἑνάδων) Il est vrai qu’ ailleurs, Proclus montre que les hénades ne participent en rien (voir ibid., 118, mais aussi Commentaire sur le Timée, 1903-1906). Voir aussi Guérard 1982, qui montre que les hénades procèdent de l’ Un, plutôt que de participer à lui (spécialement p. 76). Et pourtant, dans ce contexte, Proclus parle de l’ unifié premier, constitué d’ hénades, comme d’ un premier participant à l’ Un.
Voir Éléments de théologie, 21.30-31 (μετὰ τὸ ἓν ἄρα τὸ πρῶτον ἑνάδες). Butler 2005, p. 98 montre que le principe Un ne peut même pas être considéré séparément par rapport aux hénades : « There is no such thing as the One Itself, if we mean something different than the henads ; Godhood is nothing but the Gods themselves ». Une telle distinction impliquerait, selon Butler, que les hénades ont moins d’ unité, ce qui veut dire que l’ Un aussi perd sa perfection. Cette interprétation est critiquée par MacIsaac 2007, voir notamment p. 148, note 27. En revanche, Butler 2008, p. 94, insiste sur « the concrete individuality of the henads, not as logical counters, but as unique individuals and the real agents of the causality attributed to the One ».
Proclus, Éléments de théologie, 119.6-7 : ἑνοειδής τέ ἐστι καὶ ἀγαθοειδὴς.
Proclus, Éléments de théologie, 139.1-2 : Πάντα τὰ μετέχοντα τῶν θείων ἑνάδων, ἀρχόμενα ἀπὸ τοῦ ὄντος.
Proclus, Éléments de théologie, 121.6 : πάντα πεπληρώκασιν ἑαυτῶν.
Proclus, Éléments de théologie, 125.
Proclus, Éléments de théologie, 133.4.
Proclus, Éléments de théologie, 137.2.
Proclus, Éléments de théologie, 137.
Proclus, Éléments de théologie, 144.3. Voir aussi Proclus, Éléments de théologie, 144.12-13 : « si un être s’ écarte des dieux […] il se retire dans le néant » (ἀποστὰν δέ τι τῶν θεῶν, […] εἰς τὸ μὴ ὂν ὑπεξίσταται καὶ ἀφανίζεται).
Siorvanes 1996 remarque que « unity is the fundamental existence, which gives rise to reality. So the henads’ hyparxis is the institution of existence ; it may be called the root-being. » (p. 170).
Voir, par exemple, Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les noms divins, I, 11, p. 136.3, où le principe premier est décrit comme « Être-Un » (τὸ ἓν ὂν), expression qui, pour les néoplatoniciens, indique l’ intellect divin, à savoir de l’ être unitaire. Nous utilisons la traduction par Y. de Andia : Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les noms divins. La théologie mystique, col. « Sources chrétiennes », vol. 578-579, Cerf, Paris, 2016. Nous indiquons les pages du texte grec édité par Beate Regina Suchla : Pseudo-Dionysius Areopagita, De divinis nominibus, Corpus Dionysiacum I, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 1990.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les noms divins, II, 11, p. 136.1.
Proclus, Éléments de théologie, 100.13-14 : πάντων γὰρ ἀρχή ἐστιν ἧς πάντα μετείληφε· μετείληφε δὲ μόνου πάντα τοῦ πρώτου. On peut voir aussi la proposition 11, où il est dit que les êtres participent au Bien, qui est identique à l’ Un.
Proclus, Éléments de théologie, 116.1 : « Tout dieu est participable, sauf l’ un ». Sur l’ origine des hénades, voir Saffrey, Westerink 1978, qui montrent que « la théorie des hénades comme divinités intermédiaires entre l’ Un-Bien, premier dieu, et les dieux intelligibles, est due au maître de Proclus, le philosophe Syrianus » (p. IX). Dillon 1972, p. 102-106, fait remonter la théorie des hénades jusqu’ à Jamblique. Voir aussi Clark 2010.
Proclus, Éléments de théologie, 6.6 : « s’ il y a une unité pure (τὸ αὐτοέν), il y a un participant primordial (τὸ πρώτως αὐτοῦ μετέχον) ». Dans la Théologie platonicienne, III, 11.23-12.2, Proclus démontre la nécessité des hénades à partir du fait que l’ Un absolu est une hénade, ce qui implique qu’ il doit avoir une pluralité unitaire d’ hénades, que l’ Un produit à la façon dont chaque monade produit une pluralité apparentée.
Il est vrai que, plus tard Proclus (Éléments de théologie, 118.6) dit que dans les hénades il n’ y a rien par participation, mais sous le mode causal. Voir en ce sens Butler 2005, qui remarque : « In Proclus, participation as such tends to be superseded by a more general relationship, that between a manifold (plêthos) or class (taxis) and its principle or monad » (p. 88). Pourtant, lorsque Proclus introduit les hénades, son argument s’ appuie sur la nécessité d’ un premier participant.
Comme le remarque Chlup 2012, p. 114: « Though contained within the One, they never really stand out as multiple entities, ‘pre-subsisting’ in it in an unspeakable and entirely unitary manner. It is only from the perspective of the lower participating hypostases that they stand out as actually pluralistic. In themselves in their own mode of existence (kath’ hyparxin) they are unitary to an absolute degree ».
Proclus, Éléments de théologie, 21.30-31 : μετὰ τὸ ἓν ἄρα τὸ πρῶτον ἑνάδες.
Proclus, Éléments de théologie, 21.5-6 : διὸ καὶ μία σειρὰ καὶ μία τάξις, ἣ ὅλη παρὰ τῆς μονάδος ἔχει τὴν εἰς τὸ πλῆθος ὑπόβασιν. MacIsaac 2007 note : « The henads are really the first determinate principles in the universe. They are the result of the application to the One of the metaphysical rule that any monadic principle generates not only effects which stand as a lower taxis, but co-ordinate terms that hold a lower place in the same taxis » (p. 146).
Proclus, Éléments de théologie, 21.9.
Proclus, Éléments de théologie, 63.13-14.
Proclus, Éléments de théologie, 114.3 : εἰ γὰρ τῶν ἑνάδων διττὸς ὁ ἀριθμός.
Proclus, Éléments de théologie, 64.14 : ὁμοιοῦνταί πῃ πρὸς ἐκείνην.
Proclus, Éléments de théologie, 64.16 : τῆς πάντα τελειούσης ἀφεστήκασιν.
Proclus, Éléments de théologie, 64.2-3 : ἐν ἑτέροις τὴν ὑπόστασιν κεκτημένων. Sur la distinction entre les hénades parfaites et les hénades imparfaites, voir Meijer, 1992.
Proclus, Éléments de théologie, 114.5.
Proclus, Éléments de théologie, 113.1 : πᾶς ὁ θεῖος ἀριθμὸς ἑνιαῖός ἐστιν.
Proclus, Éléments de théologie, 6.1 : πᾶν πλῆθος ἢ ἐξ ἡνωμένων ἐστὶν ἢ ἐξ ἑνάδων.
Proclus, Éléments de théologie, 1.11 : οὔτε γὰρ ἐξ ἀπειράκις ἀπείρων ἐστί τι τῶν ὄντων.
Proclus, Éléments de théologie, 159.1 : Πᾶσα τάξις θεῶν ἐκ τῶν πρώτων ἐστὶν ἀρχῶν, πέρατος καὶ ἀπειρίας. Sur le sens de cette proposition, voir Van Riel 2001.
Proclus, Éléments de théologie, 86.1.
Proclus, Éléments de théologie, 1.11-12 : τοῦ γὰρ ἀπείρου πλέον οὐκ ἔστι, τὸ δὲ ἐκ πάντων ἑκάστου πλέον.
Proclus, Éléments de théologie, 137.4-5 : ἁπλῶς μὲν εἶναι τοῦ ἑνὸς ποιοῦντος.
Proclus, Éléments de théologie, 137.7-8 : αὕτη οὖν ἐστιν ἡ καθ’ ἑαυτὴν ἀφορίζουσα τὸ μετέχον αὐτῆς ὂν καὶ τὴν ἰδιότητα τὴν ὑπερούσιον ἐν αὐτῷ δεικνύουσα οὐσιωδῶς.
Proclus, Éléments de théologie, 137.4-5 : ἁπλῶς μὲν εἶναι τοῦ ἑνὸς ποιοῦντος.
Proclus, Éléments de théologie, 21.9.
Proclus, Éléments de théologie, 115. 20-21.
Proclus, Éléments de théologie, 115.19-21 : ταύτῃ γὰρ ὅμοιοι ἔσονται.
Proclus, Éléments de théologie, 113.8-11.
Proclus, Éléments de théologie, 162.5 : τὰς ὑποστάσεις αὐτῶν τὰς διαφόρους.
Proclus, Éléments de théologie, 162.7-9 et 123.
Proclus, Éléments de théologie, 137.
Proclus, Éléments de théologie, 163.7. Voir aussi Butler 2005, qui montre que les hénades ne sont pas distinctes à la manière des êtres.
MacIsaac 2007 : « because in Proclus one and good are convertible, each henad is not only a one, it is a good. So good, as much as one, is the determination which the monad of the taxis of henads, which is the One itself, confers on its taxis » (p. 158). Voir aussi Chlup 2012 : « the several henads and the excellences of the several gods are distinguished by their peculiar divine individuality (idiotes), so that each in respect of some especial individuation (idioma) of goodness renders all things good, perfecting or preserving in unity or shielding from harm. Each of these peculiar individualities is a particular good (ti agathon), but not the sum of good » (p. 113).
MacIsaac 2007, p. 158 : « If self-sufficiency is the principle that each taxis gives itself its good in its own manner ».
Proclus, Éléments de théologie, 114.5.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les noms divins, II, 4, p. 126.16-17.
En ce sens, Lankila 2010, p. 65 affirme : « the henads themselves and alone could not form a hypostasis just because they are the participated One. Calling the henads a hypostasis would be comparable to dividing the imparticipable Intellect and participated intellects into different hypostases ».
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, XII, 4, p. 225.18-20 : κατὰ τοσοῦτον ὑπερίδρυται πάντων τῶν ὄντων ὁ ὑπὲρ πάντα τὰ ὄντα καὶ πάντων τῶν μετεχόντων καὶ τῶν μετοχῶν ὁ ἀμέθεκτος αἴτιος.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, II, 1, p. 122.1 : Τὴν θεαρχικὴν ὅλην ὕπαρξιν.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, I, 4, p. 112.10-11. Voir aussi Hiérarchie ecclésiastique, VII, 4, p. 32.8-9. Denys garde le sens néoplatonicien de la monade en tant qu’ unité qui précède et pré-contient tout le nombre. Pour « hénade », voir Les noms divins, I, 1, p. 109.13 (ἑνὰς ἑνοποιὸς ἁπάσης ἑνάδος), cf. Proclus, Théologie platonicienne, II, p. 65.12 : ἑνὰς ἑνάδων. Le terme « hénade », appliqué à Dieu, suggère le fait que celui-ci est la source de toute unité (Les noms divins, I, 1, p. 109.13), le pouvoir qui réunit toute chose (ibid., I, 4, p. 112.12-13) et qu’ il est une triade indivisible, sur-unifié (τὴν ὑπερηνωμένην ἑνάδα) au-delà de toute chose (ibid., II, 1, p. 122.13).
Comme le remarque Sheldon-Williams 1972, p. 69 : « The word ‘henad’ is hardly ever used at all, and only once with reference to the angels. Elsewhere it always expresses the Divine Unity as distinguished, explicitly or implicitly, from the Trinity. Therefore, the word is never, with one exception, found in the plural ». L’ auteur suggère que Denys se rapproche plutôt de Syrianus que de Proclus. Lankila considère cette référence aux anges comme une indication du fait que Denys « finds a place for these [henads] in his own system in the domain of angelology » (Lankila 2014, p. 73).
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, II, 5, p. 128.15-16.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, II, 5, p. 128.16-17.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, II, 5, p. 128.17-129.1.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 8, p. 188. 6-10.
Proclus, Éléments de théologie, 137.7 : αὕτη οὖν ἐστιν ἡ καθ’ ἑαυτὴν ἀφορίζουσα τὸ μετέχον αὐτῆς ὂν.
Gersh (Gersh 1978) discute ce passage et suggère qu’ il y a une contradiction entre ce que dit Denys ici (l’ absence de divinités et de causes hiérarchisées) et le fait que, dans Les noms divins, V, 5, p. 183.19-20, Denys suggère une sorte d’ hiérarchisation, lorsqu’ il dit que « en soi-même et par soi-même, l’ être est plus ancien que la vie en soi, la sagesse en soi ». Pourtant, dans le passage concerné, Denys ne nie pas qu’ il y ait une subordination entre les participations, mais ce qu’ il nie c’ est que ces participations puissent être comprises comme des causes différentes et des divinités supérieures et inférieures. Autrement dit, pour Denys, les participations peuvent être supérieures ou inférieures, mais elles ne peuvent pas êtres des divinités distinctes de la cause première (à savoir distinctes de Dieu).
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 2, p. 181.16-21. La même critique à l’ adresse de Proclus sera formulée au XIIe siècle par Nicolas de Methone, dans son analyse des Éléments de théologie, cf. Robinson 2017, p. 250.
Proclus, Éléments de théologie, 11.
Proclus, Éléments de théologie, 137.2-3 : καὶ τῶν ἑνάδων […] αἴτιον.
Proclus, Éléments de théologie, 118.7 : ὡς αἴτιοι πάντων.
Proclus, Éléments de théologie, 46.
Proclus, Éléments de théologie, 99.
Proclus, Éléments de théologie, 137.10 : τὸ δὲ ἑκάστης ἐξημμένον ἡ ἑνὰς ἡ εἰς αὐτὸ ἐλλάμπουσα παράγει.
Proclus, Éléments de théologie, 155.9-10 : ὁλικωτέρα δὴ οὖν ἔσται καὶ πλειόνων αἰτία, καὶ διὰ τοῦτο ἐγγυτέρω τῆς ἀρχῆς.
Proclus, Éléments de théologie, 126.1-2 Πᾶς θεὸς ὁλικώτερος μέν ἐστιν ὁ τοῦ ἑνὸς ἐγγυτέρω, μερικώτερος δὲ ὁ πορρώτερον.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 5, p. 184.12 : τὰς αὐτομετοχὰς.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, II, 10, p. 134.17.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, II, 3. Gersh 1978, p. 165 montre que « the major doctrinal transformation which the Christian Neoplatonists bring about can therefore be summarized as the somewhat hesitant transference of the triad of Being, Life, and Wisdom to the First Principle itself ». Il faut ajouter seulement que, par ce transfert, il ne reste plus de triade, distinguée en tant que telle, comme un niveau de réalité à part.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, XI, 6, p. 221.15-16.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, XI, 6, p. 221.18-222.2.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, XI, 6, p. 222.13-17.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, XI, 6, p. 222.11-12.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, XII, 4, p. 225.17-20 : « Car, dans la mesure où les étants, les choses qui sont saintes, divines, seigneuriales ou royales dépassent celles qui ne le sont pas, et les participations en soi, les choses qui y participent, dans la même mesure Celui qui est au-dessus de tous les étants est établi au-dessus de tous les étants, et la Cause imparticipale, au-dessus de tous les participants et de toutes les participations ».
Perl 2007, p. 67 : « Dionysius, on the other hand, obviously with Proclus and his school in mind, expressly and repeatedly rejects this position, taking care to explain that the various divine processions are not “demiurgic substances or hypostases,” a multiplicity of divinities or quasi-divine entities in between God and his products (DN XI.6, 953D), but are nothing but the differentiated presence of God in different beings ».
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, p. 67 : « different modes in which unity is effectively present to beings ».
Voir, par exemple, Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, I, 5, p. 116.1-2 : πάντων μὲν οὖσα περιληπτικὴ καὶ συλληπτικὴ καὶ προληπτική.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, I, 5, p. 117.14-15 : τὰ πάντα ἐν αὐτῇ συνέστηκεν.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, I, 2, p. 110.12-13.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, I, 1, p. 109.13.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 6.
Lankila 2014 maintient que, chez Denys, les hénades apparaissent aussi sous d’ autres dénominations. Ainsi, par exemple, « participations-in-themselves are for the Pseudo-Dionysian system what the self-perfected henads are for Proclus » (p. 77). Il cite en ce sens le passage des Noms divins, XII, 4, p. 225.18-226.5. Cependant, il faut remarquer que le seul autre contexte dans lequel apparait le concept de « participations en soi » (αὐτομετοχαί) est celui du chapitre V, 5, p. 184.12-15, où Denys affirme que « ces participations en soi participent d’ abord elles-mêmes à l’ être et sont d’ abord par le fait d’ être, ensuite qu’ elles sont principes de ceci ou de cela et que c’ est par la participation à l’ être qu’ elles sont, et qu’ elles sont participées ». Or, une telle affirmation ne pourrait pas s’ appliquer aux hénades de Proclus, qui sont tout simplement au-delà de l’ être.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 1, p. 180.9-13.
Proclus, Éléments de théologie, 123 et 162.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 1, p. 181.3-4.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 1, p. 180.12.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 4, p. 182.17-18 : « célébrons le Bien comme étant réellement et produisant la substance de tous les étants ».
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V. 1, p. 180.8-9 : τὴν ὄντως οὖσαν τοῦ ὄντως ὄντος θεωνυμικὴν οὐσιωνυμίαν.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V. 2, p. 181.11-15.
Proclus, Éléments de théologie, 137.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 4, p. 183.4-5.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 8, p. 187.8-10.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 4, p. 183.8-10. On pourrait identifier ici une similitude avec l’ idée de Proclus (Éléments de théologie, 137.4-5), pour qui, l’ Un fait exister l’ être, en lui donnant « le fait d’ être » (ἁπλῶς μὲν εἶναι τοῦ ἑνὸς ποιοῦντος).
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 4, p. 182.18-183.1.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 5, p. 183.12-13 : πᾶσι τοῖς οὖσι καὶ τοῖς αἰῶσι τὸ εἶναι παρὰ τοῦ προόντος.
Proclus, Éléments de Théologie, 116.4 : πάντων ὁμοίως ᾖ τῶν τε προόντων καὶ τῶν ὄντων αἴτιον.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 5, p. 184.4-6 : Καὶ γὰρ τὸ προεῖναι καὶ ὑπερεῖναι προέχων καὶ ὑπερέχων τὸ εἶναι πᾶν.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Les Noms divins, V, 8, p. 186.15-16.
Pseudo-Denys l’ Aréopagite, Théologie mystique, V.
Bibliographie
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