Paradiso, XIX, 85-90Oh terreni animali ! oh menti grosse !La prima volontà, ch’ è da sé buona,da sé, ch’ è sommo ben, mai non si mosse.Cotanto è giusto quanto a lei consuona :nullo creato bene a sé la tira,ma essa, radïando, lui cagiona.
1 En général
Les groupes de textes que l’ on nomme Plotiniana et Procliana arabica sont à l’ origine même de la philosophie de langue arabe : avec les autres textes traduits ou réélaborés à partir du grec ou du syriaque – et le rôle du « cercle de al-Kindī » (sinon d’ al-Kindī lui même) a été établi par les études – ils ont orienté la façon de penser des premiers falāsifa et leur terminologie, tout en étant eux-mêmes le produit d’ une orientation philosophique et théologique précise1. Plusieurs éléments ont été soulignés par les chercheurs, notamment l’ importance de quelques idées fondamentales pour la métaphysique – et de la terminologie qui les véhicule – telles que les idées de l’ être, de la causalité, de l’ intelligence et de l’ immatérialité, c’ est-à-dire de la spiritualité2. Un terme de grande importance est en ce sens fayḍ – ‘flux’, ‘effluence’ ou ‘écoulement’, ‘émanation’ – et les entrées verbales (notamment fāḍa ‘effluer’ et afāḍa ‘faire effluer’) qui souvent l’ accompagnent : avec les termes qui lui sont reliés, fayḍ représente la clé de voûte de la terminologie utilisée dans les textes du néoplatonisme gréco-arabe ; il est également un terme crucial pour la métaphysique émanatiste (dans les textes d’ al-Fārābī et d’ Avicenne notamment)3. Dans cette contribution on se limitera aux relations possibles entre Le livre du Bien pur (Kitāb al-ḫayr al-maḥḍ) – plus précisément le Discours sur le Bien pur (Kalām fī maḥḍ al-ḫayr) ou Le livre d’ Aristote où on expose le Bien pur (Kitāb al-īḍāḥ li-Arisṭūṭālīs fī al-ḫayr al-maḥḍ) – la source arabe du Liber de causis4, – et la Métaphysique (al-Ilāhiyyāt du Kitāb al-Šifāʾ)5 d’ Avicenne. Dans ce but, on présentera les similitudes majeures entre les deux textes, mais on insistera également sur des différences fondamentales qui – on le verra – sont illustrées par le concept de puissance ; les idées de dynamique et de pouvoir permettent de souligner une différence de perspective fondamentale entre la métaphysique du Livre et la métaphysique avicennienne. Présenter les similitudes ne permet d’ ailleurs pas toujours de retracer des influences du Livre sur Avicenne. Le Livre, réélaboration de l’ Elementatio theologica de Proclus, contient ou en partie reproduit – on le sait – des lieux plotiniens aussi6 ; on ne peut donc exclure que le šayḫ ait dérivé les mêmes thèmes à partir du Plotin arabe7. En outre, Avicenne aurait pu connaître le texte indirectement, grâce à une médiation ; par exemple, grâce à l’ œuvre d’ al-Kindī (mort autour de l’ an 873) ou à celle de Abū l-Ḥasan Muḥammad Ibn Yūsuf al-ʿĀmirī (mort en 992)8. Plutôt que conclure en faveur des influences, il faut donc se limiter à distinguer des similitudes – sans filiation ou sans filiation nécessaire – entre le Livre et le texte avicennien.
Quelles sont donc ces similitudes ? On nommera en premier lieu les notions cruciales de l’ un, de l’ être et du bien qui indiquent la Première cause dans le Livre du Bien pur et qui semblent avoir un écho chez Avicenne, qui se réfère au Premier avec tous ces épithètes (et à ces termes on pourrait ajouter la même locution de Cause Première)9. Encore, parmi les rapprochements possibles, il faut mentionner cette notion de flux à laquelle on a déjà fait référence ainsi que sa première connotation, celle de l’ unicité : le flux, en effet, qui dépend de l’ être (anniyya)10 de la Cause, ne peut être qu’ ‘un’ ou ‘unique’. Dans la proposition XIXème (la XXème selon la tradition latine du Liber de causis la plus connue), la connexion entre la cause « stable et subsistante » (t̲ābita qāʾima) et son action, qui est immédiatement liée à son être même, à son existence (anniyya, huwiyya), fait que la Cause ne peut avoir qu’ un seul flux (fayḍan wāḥidan). L’ analogie avec le texte d’ Avicenne est forte : l’ idée de la nécessité d’ un seul effet pour la cause domine tout le système du šayḫ (et devient un véritable adagium pour le Moyen Age latin : ex uno non fit nisi unum)11.
À la notion de flux unique correspond en outre celle de la réception de ce même flux, une réception qui définit le causé en tant que tel et qui oblige à attribuer au causé, qui en soi ‘reçoit’ l’ action de la cause, une responsabilité pour la détermination de la réalité. Il s’ agit d’ un thème qui est évident dans le Livre – voir par exemple la XXème proposition12 – et que l’ on peut très bien reconnaître également chez Avicenne, quand il soulève le problème théorique de la prédétermination des formes13 :
[Kitāb al-ḫayr, 95-96] La Première Cause régit toutes les choses instaurées (al-ašyāʾ al-mubtada’ a) sans se mélanger avec elles […] et cela parce que la Première Cause est stable, subsistante en vertu de sa propre unité, pure, continue ; elle régit toutes les choses instaurées et fait effluer (tufīḍ) sur elles la puissance de la vie et les biens (quwwat al-ḥayāt wa-l-ḫayrāt), dans la mesure de leur puissance et de leur capacité14. Le Premier Bien fait effluer (yufīḍ) les biens sur toutes les choses selon un seul [même] flux (fayḍan wāḥidan). Chacune des choses, cependant, reçoit de ce flux (yaqbal min ḏālika al-fayāḍān) selon sa propre puissance15 et selon son propre être (anniyya). Le Bien premier fait effluer les biens (ṣāra yufīḍ) sur les choses d’ une seule et même manière (bi-nawʿ wāḥid), parce qu’ il est bien par son existence (anniyya), son être (huwiyya) et sa propre puissance (quwwa), parce qu’ il est bien, et que le bien et l’ être (huwiyya) sont une même chose ; ainsi, le premier est être et bien d’ une seule [et même] manière, et il fait donc effluer (ṣārat tufīḍ) le bien sur les choses selon un [même] flux [qui] n’ efflue pas (lā yafîḍ) moins sur certaines [choses] et plus sur les autres. Les biens (al-ḫayrāt) et les faveurs (al-faḍāʾil)16 ne diffèrent donc qu’ à partir de ce qui les reçoit. En fait, les [choses] qui reçoivent les biens ne les reçoivent pas de la même manière, mais plutôt certains reçoivent plus que d’ autres […]17.
Le thème de la réception est proposé également dans la XXIIIème proposition (XXIVème) où, encore une fois, il est dit – de façon aporétique – que la différence existe seulement de la part du récepteur auquel on attribue – on vient de le voir – une sorte de responsabilité en ce qui concerne la dynamique de l’ émanation : « les choses [elles-mêmes] sont la cause de la différence du flux du bien sur elles ». La réception coïncide avec l’ existence des choses – les effets – et donc avec leur existence dans la Cause alors que la donation est identique à l’ existence de la Cause et donc à l’ existence de la cause dans les choses :
[Kitāb al-ḫayr, 102-103] […] la différence de réception ne viendra pas de la cause, mais seulement du récepteur. C’ est parce que le récepteur diffère, et donc la réception sera également différente. Ce qui fait effluer (al-mufīḍ), en fait, est un et indifférent [et] il fait effluer toutes les choses de la même manière. En fait, le bien efflue de la même manière sur toutes les choses à partir de la Cause première. Ainsi, les choses [elles-mêmes] sont la cause de la différence dans le flux du bien sur elles (iḏan hiya ʿilla iḫtilāf fayāḍān al-ḫayr ‘alā al-ašyā’), et donc certainement dans la Cause première toutes les choses n’ existent pas de la même manière (bi-nawʿin wāḥidin). Il est devenu évident que la Cause Première existe dans toutes les choses d’ une seule [même] manière, alors que les choses n’ existent pas en elle d’ une seule [même] manière […]18.
Chez Avicenne également – et de façon aporétique – l’ élément récepteur se voit attribuer la responsabilité des différences, et – en termes négatives – la responsabilité de toutes les propriétés négatives qui ne peuvent pas provenir du flux (qui est ‘être’ et donc ‘bien’), mais que le système doit nécessairement expliquer19.
À partir de ce même aspect il faut alors signaler un autre rapprochement possible, celui du motif axiologique qui, dans le Livre, soutient et en même temps détermine la réception. L’ axiologie établit une hiérarchie parce qu’ elle module la puissance. Dans la IXème proposition du Livre on lit que chaque chose dérive ou ‘acquiert’ de la cause qui lui est supérieure selon ce qu’ elle peut20. Dans le contexte d’ un discours qui présente la relation entre la Cause première et le causé – littéralement l’ agent (al-fāʿil) et ce qui est fait (al-mafʿūl) – la XIXème (XXème) proposition, à laquelle on a déjà fait référence, rappelle que l’ action (fiʿl) et le gouvernement (tadbīr) de la cause ne diffèrent que par rapport au ‘droit’ ou au ‘mérite’ (ḥaqq) de ce qui reçoit :
[Kitāb al-ḫayr, 96-97] A partir des causes premières les actions et le gouvernement (al-tadbīr) ne diffèrent que selon le droit de ce qui les reçoivent (‘alā naḥw ḥaqqi al-qābil)21.
On peut alors reconnaître au moins deux éléments chez Avicenne. Premièrement, la relation entre la cause et son (premier) effet ; cette relation est conçue en tant qu’ essentielle parce qu’ elle n’ a besoin d’ aucun élément qui ajouterait, de l’ extérieur, une continuité (waṣla) entre les deux éléments dont elle est constituée (ce n’ est pas le cas, par exemple, quand on utilise un instrument). Deuxièmement, la notion même de droit ou de mérite ; tout en étant absorbée, pour ainsi dire, par le « bien absolu », elle finit par assumer la dignité d’ une directrice spécifique du système avicennien, comme si elle pouvait concourir à l’ explication des choses du monde ainsi que la dynamique de l’ émanation22.
Mais au moins deux autres exemples de contiguïté doivent être mentionnés (ils ont déjà été remarqués il y a longtemps). Il s’ agit de deux thèmes interdépendants et déjà reconnaissables dans la ps.-Théologie : celui de la richesse et celui de la sur-perfection qui définissent la Cause première23.
Le thème de la richesse ou autosuffisance (ġanāʾ) de la Première cause constitue l’ un des motifs principaux de la définition du flux (fayḍ) chez Avicenne ; la notion d’ autosuffisance assume un rôle presque corrélatif à celui de la nécessité de l’ existence et de l’ antériorité causale24. Dans le Livre la question est définie précisément. Dans la XXème proposition25 – à laquelle on a déjà fait référence (il s’ agit de la XXIème pour les Latins) – la Cause Première, « la plus grande richesse » (al-ġanāʾ al-akbar), est définie en tant que « riche en soi ». Ailleurs, le thème de la richesse est immédiatement lié à celui de l’ effusion et de l’ unité de la Cause première. Celle-ci est en fait riche en tant qu’ absolument une, à savoir, absolument simple, et donc absolument non réceptrice (la Cause donne et ne reçoit donc pas le flux). On l’ a déjà précisé : on doit se limiter à la similitude26. Une similitude que l’ on retrouve aussi dans d’ autres termes : l’ idée de la réception des biens est transformée dans le Livre (XXème [XXIème]) en celle de ‘besoin’ (al-ḥāǧa), la même notion qui, chez Avicenne, est complémentaire à celle de richesse et qui – avec celle-ci – constitue – tout comme nécessité et possibilité, d’ un côté, et antériorité et postériorité, de l’ autre – l’ un des modes ou statuts de l’ existence (dans la définition des statuts de l’ existence on reconnaît antériorité, nécessité et richesse : la postériorité des essences causées est leur possibilité, qui correspond à leur ‘pauvreté’ ou ‘indigence’)27 :
[Kitāb al-ḫayr 98-99] l’ Un qui est bien, en fait, est un, et son unité est un bien, et le bien est une chose une ; ainsi telle chose est la plus grande richesse, [richesse] qui fait effluer et sur laquelle [rien] est fait effluer, d’ aucune façon ; toutes les autres choses, soient-elles intellectuelles ou sensibles, ne sont pas riches en elles-mêmes et elles ont plutôt besoin de l’ Un Réel qui fait effluer sur elles les faveurs et tous les biens28.
A côté du thème de la richesse (et du besoin ou de l’ indigence) – qui, comme Richard Taylor a déjà remarqué il y a longtemps, n’ appartient pas seulement au Livre29 – on doit mentionner – on l’ a dit – celui de la sur-complétude (fawqa al-tamām)30. Cette locution est utilisée également dans la Théologie pseudo-aristotélicienne31. Pourtant, le thème est important et il faut le souligner. Dans le Livre c’ est sur l’ idée de sur-complétude ou sur-perfection qui se tiennent à la fois la richesse de la Première Cause et sa capacité de causer par instauration ou création et flux32. Le lieu le plus révélateur en ce sens est peut-être la XXIème [XXIIème] proposition du Livre où la capacité d’ instauration correspond à la sur-complétude de la cause, qui est donc au-delà de toute nomination possible33. Quant à Avicenne, il se réfère à la sur-complétude du Principe dans deux lieux de sa Métaphysique. Le premier se lit dans le quatrième livre des Ilāhiyyāt où se conclut l’ analyse dédiée à deux autres couples de notions qui sont fondamentales pour le néoplatonisme : antériorité et postériorité, d’ un côté, puissance et actualité, de l’ autre. Dans Ilāhiyyāt IV, 3 Avicenne étudie les déterminations de ce qui est parfait ou complet (tāmm) avec celles de ce qui est suffisant (muktāfī) et celles de ce qui est imparfait ou manquant (nāqiṣ) ; les deux dernières formes d’ être (suffisance et imperfection) sont au dessous de la complétude34. Le deuxième passage où on reconnaît une référence à la sur-complétude se trouve dans le VIIIe livre (Ilāhiyyāt VIII, 6), où le thème est appliqué directement au Premier qui est défini, entre autre, en tant que complet (tāmm) ou même plus que complet (fawqa al-tāmm)35.
Encore – et on évoque ici une distinction très célèbre – on trouve dans le Livre la notion et le terme d’ instauration (ibdāʿ) qui déterminent la causalité de l’ existence ; cette causalité est exclusive de la Cause première, et se distingue qualitativement de la causalité par information (bi-nawʿi ṣūratin) des Causes intermédiaires36. Le premier causé qui est instauré dans l’ être (awwal al-ašyāʾ l-mubtadaʿa) est appelé « être » (anniyya) et est défini lui-même « au-dessus (fawqa) du sens, de l’ âme et de l’ intellect »37. Or, les enjeux doctrinaires de la notion de ibdāʿ dans le Livre ont été analysés surtout par C. D’ Ancona et R. Taylor38. Je me limiterai à rappeler le fait que pour Avicenne aussi l’ instauration ou causalité de l’ être est le signe exclusif de la causalité de la Première Cause (mais al-Kindī ou encore une fois la ps.-Théologie pourraient en être la source) et que cependant, la définition univoque de la causalité qu’Avicenne donne en discutant du flux ne permet pas de superposer sa doctrine à celle du Livre mais seulement de la rapprocher de celle-ci. L’ argument principal chez Avicenne est la distinction (d’ ailleurs déjà aristotélicienne) entre causalité médiate et causalité immédiate (un thème que l’ on trouve clairement exploité déjà chez al-Kindī)39.
On pourrait encore mentionner les thèmes du temps et de l’ éternité. Dans la Métaphysique d’ Avicenne on ne trouve que des références épisodiques à cette distinction et le discours n’ est jamais vraiment développé, mais l’ idée de l’ éternité (dahr) en tant que distinguée du temps (al-zamān) est bien présente chez le šayh̲ qui l’ utilise même à propos de la création : la création fait être dans l’ éternité – et l’ éternité donc la soutient ; elle doit donc être distinguée de la production ou de l’ innovation qui ne soutient l’ être des choses que dans le temps40. Mais encore une fois, ce rapprochement ne peut être que la trace d’ une ressemblance : le thème se retrouve aussi dans la ps.-Théologie41.
Enfin, à coté des analogies, des absences ou des différences sont à détecter : le Premier est pour Avicenne nécessaire – là où aucune notation modale est reconnaissable dans le Livre42 ; e converso, la triade d’ être, vie et pensée n’ intéresse pas Avicenne dans ses termes explicites (ce qui ne veut pas dire par ailleurs qu’ une triade ne soit pas à repérer chez Avicenne, qui voit l’ émanation se réaliser à travers la triade d’ intelligences, âmes et corps43) ; et encore, le grand thème de l’ unité absolue et pure du Principe – tel qu’ on le trouve, par exemple, dans la VIIIème proposition du Livre – a un sens différent (et problématique) chez Avicenne. L’ unité pure du Principe – qui est un thème fondamental, pour le néoplatonisme et, différemment, pour l’ islam – apparaît chez Avicenne comme un conséquent : le Principe est sûrement un et indivisible et non multipliable, mais son unité est chez Avicenne inséparable de sa nécessité, dont il semble en être la conséquence, alors que dans le Livre l’ élément théorique fondamental est exactement celui de l’ unité44.
2 Avicenne et le Livre : les passages
On l’ a rappelé et on le souligne souvent : aucune preuve externe ne nous indique avec certitude que le Livre du Bien pur ait été connu et utilisé par Avicenne (Alain de Libera a nié par exemple toute utilisation)45. Pourtant, comme on vient de le voir en partant d’ un simple rapprochement terminologique, et même si la position des chercheurs à ce propos n’ est pas unanime46, différents éléments permettent de raccrocher l’ ouvrage à la Métaphysique d’ Avicenne. Des éléments avaient déjà été indiqués par A. Badawi et par H.A. Davidson ; plus récemment Cristina D’Ancona47, Robert Wisnovsky et Amos Bertolacci48 ont insisté sur d’ autres éléments aussi.
Voyons donc plus précisément les thèmes du Livre que l’ on a rapprochés d’ Avicenne.
Cristina D’Ancona a souligné en particulier certains passages du Livre VIIIe de la Métaphysique (Ilāhiyyāt VIII : 4, p. 347, 10 ; p. 348, 5-6 ; 6, p. 355, 9-12, à comparer avec IV, 3, p. 188, 5-189, 11 ; et puis VIII, 7, p. 365, 4-7). Il ne s’ agit pas ici de reprendre ses arguments dans le détail : il suffira d’ en rappeler l’ essentiel. Selon l’ analyse de C. D’Ancona, Avicenne aurait trouvé (ou pu trouver) inspiration dans le texte du Livre pour exprimer l’ idée de l’ absence de quiddité dans le Premier49. Avicenne utilise – on le sait – le terme māhiyya ; dans le Livre on lit ḥilya50, mais le sens ultime de la doctrine –, à savoir la négation de toute détermination essentielle et donc formelle dans l’ être du Premier, serait la même (cf. la fin de la VIIIème (IXème) – proposition et Ilāhiyyāt VIII, 4, 347, 10-13) :
[347, 10] « Le Premier donc n’ a pas de quiddité et de lui efflue l’ existence sur les [êtres] douées de quiddité. [Le Premier] est, en fait, purement existant [ou existence pure] à condition de nier de lui l’ inexistence et toutes les autres descriptions. De plus, toutes les choses qui ont des quiddités sont possibles et existent en vertu du [Premier…] »51.
Cette négation est d’ ailleurs dans le Livre – comme ensuite chez Avicenne – à l’ origine d’ une autre négation, celle de tout discours positif sur la cause52 : le Livre (voilà un deuxième passage indiqué par C. D’Ancona) nie pour la Première cause toute qualification ou « narration » (c’ est la Vème (VIème) – proposition du Livre ; pour l’ arabe ṣifa qualification ou ‘attribut’, le latin a enarratio). Avicenne nie que l’ on puisse donner une définition et une démonstration de l’ être du Premier53. Pourtant, les conclusions auxquelles Avicenne et l’ auteur du Livre arrivent sont – et C. D’Ancona elle-même l’ admettait – tout à fait différentes : la négation absolue de toute possibilité de connaissance et de narration ou de qualification (ṣifa) de la Cause Première telle qu’ elle est théorisée dans le Livre n’ est pas reconnaissable chez Avicenne qui développe une véritable doctrine des attributs divins à partir de la notion de relation54.
Dans un troisième passage (on l’ a déjà évoqué : Ilāhiyyāt IX, 3, p. 394, 4)55 on trouve deux indices. Le premier est celui suggéré par l’ expression al-ḫayr al-maḥḍ – ‘le bien pur’ et – comme on l’ a remarqué – Avicenne utilise la même expression dans sa Logique (Burhān, II)56 ; la présence de cette expression, qui avait déjà été soulignée par H.A. Davidson (même si dans un différent contexte)57 – semblerait offrir un signe évident de la transmission des termes et des thèmes doctrinaux du Livre à la philosophie d’ Avicenne ; pourtant, encore une fois, ce n’ est qu’ à la similitude qu’ il faut prêter attention : la ps.-Théologie également utilise la formule. Le deuxième indice est donné par le thème – tout à fait néoplatonicien – de la sur-perfection ou sur-complétude du Principe nécessaire, un thème que l’ on a déjà souligné et auquel se rattachent celui de la beauté extrême et celui même de la dérivation de l’ être. Pour Avicenne – comme pour le rédacteur du Livre, le Principe est au-dessus de la complétude ; sa sur-éminence est le signe même (sinon la raison) du flux de l’ existence dont Il est la cause sans que – il faut le rappeler – cela indique un panthéisme ; au moins, pour ainsi dire, dans les intentions d’ Avicenne : le flux est “distinct” du Principe (comme Avicenne le dit dans le IXe livre de sa Métaphysique)58.
Enfin un passage dans lequel Avicenne examine l’ émanation intellectuelle du Premier serait à rapprocher de la quatrième proposition du Livre ((Liber de causis IV et IV[V] ); mais ici aussi on peut regarder la Theologia Aristotelis)59. Il s’ agit d’ un passage de Ilāhiyyāt VIII,760, où Avicenne établit que les intelligibles émanent à partir du Premier Principe sans intermédiation, alors que les intelligibles suivants émanent à travers une médiation61.
Il s’ agit – on l’ a déjà signalé – de retracer une source d’ inspiration probable : les différents éléments doctrinaux du Livre qui apparaissent dans la Métaphysique d’ Avicenne sont très souvent appuyés par des passages de la ps.-Théologie. C’ est le cas des attributions de ‘parfait’, ‘déficient’ et ‘surabondant’ qu’ on a déjà évoquées : Avicenne en parle en Ilāhiyyāt IV, 3 et on peut les retrouver dans le Xe mīmār de la ps.-Théologie (C. D’Ancona l’ a remarqué, et Robert Wisnovsky a insisté sur ces qualifications)62. C’ est également le cas des suggestions discutées par A. Bertolacci (qui a également proposé de rapprocher les procédures axiomatiques typiques de l’ Elementatio theologica de Proclus de la méthode apodictique d’ Avicenne : le Liber de causis en aurait pu être l’ arrière-plan)63. A. Bertolacci a repris en fait les passages que l’ on vient de mentionner, en ajoutant quelques références dont, premièrement, l’ idée de l’ être en tant qu’ absolument universel64, qui devrait être rapproché de la doctrine du Livre selon laquelle l’ « être » ou l’ « existence » est le premier créé, étant le « plus ample » (à savoir le plus universel) des effets du Premier65. La notion d’ être ou existence (anniyya, huwiyya) du Livre présenterait en fait la même universalité qui englobe tout ce qui caractérise la notion avicennienne d’ « existant » (al-mawǧūd)66. En outre (en reprenant en partie les suggestions des chercheurs que l’ on a jusqu’ ici mentionnées), A. Bertolacci a soutenu la présence des citations du Livre, implicites, dans les passages de la Métaphysique d’ Avicenne que l’ on vient de rappeler67.
3 La doctrine de la puissance dans le Liber
Or, à la lumière de ces prémisses, mon but est ici celui de signaler que, si l’ on peut trouver les traces d’ une forte similitude entre le Livre et la Métaphysique d’ Avicenne, on doit néanmoins souligner une différence de perspective fondamentale entre la métaphysique du Livre et la métaphysique avicennienne, une différence qui se révèle tout à fait essentielle pour mesurer à la fois le néoplatonisme et l’ aristotélisme d’ Avicenne. Il s’ agit de l’ un des thèmes fondamentaux du Livre et du Néoplatonisme en général : celui de la puissance.
La notion de puissance est en fait une notion clé de la doctrine du flux exprimée dans le Livre. Les termes et les idées du flux – fayḍ et afāḍa – qui sont parmi les éléments les plus caractéristiques de la terminologie du Livre (dans la version latine ils véhiculent l’ idée de l’ influx : influxio, influere), servent à régler la transmission de la causalité et de la puissance de la causalité, le pivot sur lequel se joue la conception de la relation entre la Cause première et les causes successives68. La célèbre première proposition du Livre (qui est basée sur plusieurs lieux procliens : Éléments de théologie 70 ; 66, 18-29 ; 56-57 ; 59 ; 56, 34-35 ; 70 ; 66, 22-24 ; 71 ; 68, 6-16 ; pour la causalité plus puissante de la cause première, voir 25 ; 30, 1-4 ; 60 ; 58, 6-9), présente immédiatement le flux dans les termes de la puissance. C’ est dans ces termes que la proposition insiste sur le concept de flux pour fonder la hiérarchie descendante des causes : la cause primaire (al-ʿilla al-awwaliyya) a sur son propre causé (maʿlūl) un flux majeur (fayḍ) par rapport à la cause secondaire universelle (al-ʿilla al-kulliyya al-ṯāniya)69. On doit donc le souligner : le sens ultime du flux70 est la communication de la puissance de la causalité. Le texte utilise souvent et clairement le terme quwwa – puissance – qui traduit normalement le grec dynamis (en latin on a potentia).
Rappelons en les étapes fondamentales.
Dès la première proposition il est dit que la cause secondaire exerce un peu de sa puissance sur une chose (littéralement : « cette chose ») parce que « […] la cause première, elle, fait effluer un peu de sa puissance sur cette [même] chose » ; encore, l’ effet (c’ est à dire le causé : al-maʿlūl), de la cause qui est secondaire ne subsiste qu’ en vertu de la puissance de la première cause ; et cela, précisément parce que la communication de la puissance de la causalité explique le fait que la causalité de la cause primaire est plus intense par rapport à celle de la cause secondaire.
L’ idée de la puissance, et implicitement celle de sa communication, revient dans la IIIème proposition à propos des actions des âmes.
Le texte distingue pour chaque âme noble (« âme noble » est une expression que l’ on retrouve dans la ps.-Théologie et la noblesse fait également partie de la terminologie avicennienne)71 trois genres d’ actions ou d’ activités, ou d’ actes : l’ action (ou activité) divine (al-fiʿl al-ilāhī, c’ est-à-dire, aussi bien, l’ acte divin) ; l’ action ou activité intellectuelle (al-fiʿl al-ʿaqlī) ; et l’ action ou activité psychique (al-fiʿl al-nafsānī). La première est l’ action qui permet d’ organiser et de gouverner la nature en vertu de la puissance qui vient de la Cause première (tudabbiru al-ṭabīʿa bi-l-quwwa allatī fī-hā min al-ʿillati al-ūlā) ; même l’ action intellectuelle – par laquelle l’ âme comprend et donc intellige les choses du monde – est expliquée en vertu de la communication de la puissance qui vient de l’ intellect (la puissance de l’ intellect qui est en elle : bi-quwwati al-ʿaql allatī fī-hā) ; ce n’ est que l’ action psychique – celle grâce à laquelle l’ âme meut le corps – qui s’ explique en vertu de l’ âme elle-même (qui est la cause du mouvement des corps et de l’ action de la nature des corps). Cependant, même la causalité du mouvement doit s’ expliquer à partir de la puissance là où – encore une fois – c’ est la notion de flux (avec sa terminologie) qui apparaît : l’ âme meut les corps parce qu’ elle fait effluer (ou en tant qu’ elle fait effluer) sa puissance sur les corps. Ainsi, si au début l’ âme noble avait été définie à partir de ses actions ou actes, la fin de la proposition nous dit qu’ elle se définit en vertu de ses puissances : la puissance divine (quwwa ilāhiyya), la puissance intellectuelle (quwwa ʿaqliyya) et la puissance qui est essentielle à l’ âme (quwwa d̲ātiyya), à savoir – comme le texte laisse entendre, la puissance psychique.
L’ âme n’ est d’ ailleurs que la représentation ou l’ image (mit̲āl) – ainsi précise le texte – de la puissance supérieure qui la régit72.
C’ est encore avec la IVème proposition (en suivant le texte arabe ; c’ est ici qui s’ insère dans le texte latin la division des propositions IV et V) que la notion de puissance apparaît. La puissance apparaît premièrement pour expliquer la hiérarchie : ce qui est au sommet de la chaine des causés, et en est donc supérieur, est au sommet de la puissance (il s’ agit d’ une intelligence parfaite fī-ġāyat al-quwwa : ʿaql tāmm fī-ġāyat al-quwwa)73. Il s’ agit de l’ intelligence qui constitue le premier être causé par ibdāʿ (l’ être, premier causé, est intelligence toute entière74) et qui se distingue de l’ être qui est pur et un et véritable parce qu’ il contient finitude et infinitude.
L’ intelligence suivante, qui dérive de cette première, en est inférieure en complétude, en puissance et en biens ou faveurs et excellences (wa-l-asfal min-hu fa-huwa ʿaql ayḍan illā anna-hu dūna d̲ālika al-ʿaql fī l-tamām wa-l-quwwa wa-l-faḍāʾil).
Si jusqu’ à ce point du Livre la causalité est communication de puissance, dans la Vème proposition (VIème pour les Latins) le pouvoir de causer est exprimé dans les termes bien connus de la lumière (al-nūr). La lumière de la Cause première est une lumière qui éblouit ou rend pour ainsi dire aveugle parce qu’ elle ne dérive d’ aucune lumière autre de laquelle elle pourrait être observée voire déduite. Pour cette même raison, la Cause première est au dessus de la description : on reconnaît ici l’ impossibilité de toute narration ou qualification (ṣifa) de la Première Cause (le même élément déjà souligné par C. D’Ancona). Plus précisément, d’ un côté, – n’ ayant pas de cause, la Cause première ne peut pas être vraiment connue ; de l’ autre, c’ est la même hiérarchie des puissances que l’ on a reconnue jusqu’ à maintenant qui ne permet pas de description ou de qualification : pour décrire ou qualifier la Première Cause il faudrait – soutient le Livre – le langage ou discours (manṭiq), que l’ on a grâce à l’ intelligence (ʿaql) seulement ; mais l’ intelligence ne s’ exprime que grâce à la pensée (fikr) qui, à son tour, a besoin de l’ estimation (wahm : en latin on a meditatio) et donc finalement des sens, alors que la Première Cause est au-dessus de tout cela. La Première Cause est supérieure non seulement aux réalités soumises à la corruption, mais aussi aux intelligences. Par contre, si on considère le texte d’ Avicenne, on reconnaît – comme on l’ a remarqué – non seulement l’ absence de cause pour le Premier, mais aussi la possibilité de qualifications à partir des relations75.
La puissance revient dans la proposition suivante, la VII ème (VIII ème pour la tradition des Latins), qui dépend strictement de la proposition 173 de la Elementatio theologica76. Le texte présente la puissance intellectuelle (quwwa ʿaqliyya). Cette puissance est la cause ou la modalité par laquelle l’ intelligence connaît tout ce qu’ elle connaît en vertu et en mesure de sa propre substance : ce qui en est inférieur et dont elle est elle-même une cause et ce qui en est supérieur et à partir duquel l’ intelligence obtient ou peut obtenir (yastafīdu) tous les biens (ou les faveurs, les excellences, les grâces : al-faḍāʾil). La puissance intellectuelle grâce à laquelle l’ intelligence connaît tout ce qu’ elle connaît de façon intellectuelle explique le motif de la réception (le récepteur détermine ce qu’ il reçoit) ; la puissance a ici plus la connotation d’ une faculté que celle du pouvoir causal qui avait été présenté jusqu’ à maintenant par le texte. Le lien avec la causalité est présent, mais la puissance intellectuelle signifie ici la donation ou production ou causalité dans les mêmes termes de la réception :
[…] les réalités supérieures à l’ intelligence et celles qui en sont subordonnées se trouvent [en elle] en vertu de sa puissance intellective. Et de façon analogue, même les choses corporelles, quand elles sont dans l’ intelligence, sont intelligibles […]77.
Une autre proposition encore, la VIIIème78, est fondamentale : tout y est clairement réduit à la puissance elle-même. Le discours a son début dans la question de la stabilité (t̲ibāt) et de la subsistance (qiwām) de l’ intelligence qui dépendent toujours de la Cause première, le Bien (ou la Bonté) pur(e) qui donne le titre au Livre. Mais à partir de la cause de la stabilité, le discours devient graduellement un discours sur le sens de la hiérarchie qui inclut, intègre ou embrasse tout. Ainsi, ce qui avait été présenté sous le terme général d’ action se spécifie en gouvernement (d-b-r), compréhension (ḥ-y-ṭ) et intelligence (ʿ-q-l), tout en renvoyant en même temps à l’ idée de la puissance. Tout ce qui gouverne ou intellige ce qui est inférieur le fait, en effet, en vertu de la puissance (quwwa), et donc du gouvernement et de la science qui lui est supérieure. L’ intelligence gouverne ainsi toutes les choses qui sont au-dessous d’ elle en vertu de la puissance divine (al-quwwa al-ilāhiyya), la nature (on s’ était attendu à ce qu’ il s’ agisse de l’ âme) gouverne en vertu de la puissance de l’ intelligence. L’ intelligence est ainsi « puissance des puissances substantielles » (quwwat al-quwā al-ǧawhāriyya) : la nature contient les choses de la génération, comme l’ âme contient la nature et comme l’ intelligence contient l’ âme79.
La Cause première, qui est cause de toutes les choses, embrasse toutes les choses. Elle leur est supérieure et elles les instaure (mubdiʿ) toutes. La Cause première – il s’ agit d’ un point crucial et bien connu de la doctrine du Livre – instaure l’ intelligence sans médiation (bi-lā tawassuṭ), alors que toutes les autres choses sont instaurées en vertu de la médiation de l’ intelligence (bi-tawassuṭi al-ʿaql)80. Si la science divine est supérieure à celle qui est intellectuelle (et en vertu de la même hiérarchie intégrante, elle est aussi supérieure à la science psychique), c’ est parce qu’ elle crée toute science et que sa puissance est supérieure à chaque puissance : elle est la cause de toute puissance. Cette supériorité devient à la fin de la proposition une supériorité de simplicité (et donc d’ unité : waḥdāniyya).
On retrouve ici ce qu’ on lisait déjà au début de la proposition à propos de l’ intelligence : la puissance de l’ intelligence a une unité plus forte que les réalités successives. Tout ce qui est instauré a en effet ḥiliya (la version latine conservait un obscur yliatim que Saint Thomas et la tradition latine ont compris comme hule : matière)81, alors que la Cause première n’ a pas de ḥiliya, de forme, de détermination formelle. Et c’ est un point auquel on a fait référence82.
La centralité de la notion de puissance se reconnaît encore dans la proposition suivante. Le lien entre puissance et unité (ou simplicité) devient dans la suite du discours – la IXème proposition (la Xème pour les Latins : cf. 177 Elementatio ; mais aussi 98 et 173) – un lien entre puissance et universalité : la puissance suprême (quwwa ʿaẓīma) des causes supérieures signifie universalité (les formes sont intelligées de manière universelle ou plus qu’ universelle), alors que les puissances (multiples et) faibles des causes inférieures – le pluriel lui-même indique une idée de dispersion – signifient particularité, séparation, parcellisation et donc quantité (kammiya) : une réalité qui ne peut plus être reçue dans les termes de l’ unité83.
C’ est également à la puissance – et de façon explicite – qu’ est consacrée la XVème proposition (XVIème pour les Latins), où la causalité et la transmission de la causalité se retrouvent expliquées à partir de la finitude ou de l’ infinité partielles des effets auxquels l’ infinité de la puissance primaire est communiquée. La première infinité – et donc la première cause ou puissance (qui sera définie au-dessus de l’ infini dans le texte) est puissance des puissances – quwwa al-quwā – alors que tout le reste a une puissance : le premier créé n’ est pas puissance, il a une certaine puissance (laysa al-huwiyya al-mubtadaʿa quwwa bal la-hā quwwatun mā) ; la première puissance absolue est, par contre, puissance pure (tout son être est puissance : elle n’ est puissance que parce qu’ elle est puissance) ([…] al-quwwa al-maḥḍa allatī innamā hiya quwwa bi-anna-hā quwwa). Cette différence insurmontable – le Premier absolu infini n’ est que puissance – à l’ origine on a la puissance de toutes choses de Plotin, δύναμις τῶν πάντων : Ennéade, III, 8 (30), 10, 1-2 – alors que tout le reste a ou reçoit une puissance (ainsi, même ce qui est défini ‘infini’ ne l’ est que du coté inférieur), explique un autre thème (directement dérivé de Proclus), celui de la mesure : le Premier infini est aussi la mesure (miqdār) des autres entités et instaure les entités en leur donnant une mesure (cf. qudra)84.
Enfin, la XIXème proposition (XXème) est cruciale ; l’ idée de la puissance y est encore une fois liée à celle de la causalité mais surtout à l’ idée de la réception : c’ est la puissance de la vie à être communiquée. La puissance de chaque être est ce qui permet, chaque fois de manière différente, la réception de la vie et des biens. Le Bien premier – ou la première bonté – a une effusion unique – (un flux unique), alors que la réception de ce flux est différent à partir de la puissance de ce qui reçoit. Dans les plis d’ un discours sur la beauté divine, un discours que l’ on pourrait reconnaître chez Avicenne85, et qui affirme de la Cause une beauté au delà de laquelle il n’ y a pas de beauté – le Livre établit ainsi l’ agir divin comme identique à l’ être même de Dieu (huwiyatuhu) et coïncidant avec son gouvernement ; en même temps, on retrouve ici le thème déjà rencontré : la modalité de la réception du flux unique dépend de la puissance du récepteur86. Le flux est donc connecté au Bien et c’ est exactement sa connexion au Principe qui détermine l’ univocité (selon un thème classique du Néoplatonisme)87.
Cette unité devient « sur-perfection » dans la proposition successive (la XXIème et XXIIème pour les Latins88) : le Principe est fawqa al-tamām, au-dessus de la perfection ou complétude89.
On le voit encore dans la XXIIIème (XXIVème) proposition qui reprend les thèmes de la causalité et du gouvernement dans les termes de la présence (la Cause première est « présente » dans toutes les choses). Les termes et les modalités de cette présence changent par rapport à la réception : la Cause première une est reçue chaque fois différemment selon la puissance réceptrice des causés. La racine à laquelle le terme quwwa – puissance – renvoie sert ici à exprimer la puissance, celle de qudra exprime la mesure de cette puissance90.
On peut alors indiquer au moins deux sens majeurs pour la puissance telle qu’ elle est présentée dans le Livre : un sens qui correspond à la puissance en tant que pouvoir causal (une puissance active dans les termes aristotéliciens), et un sens qui correspond à la puissance en tant que réception (la puissance réceptive qui, dans les termes aristotéliciens, se dirait passive)91.
4 La doctrine de la puissance chez Avicenne ?
On peut alors se demander si l’ idée du flux et du don qui définit la causalité du Principe chez Avicenne peut être rapprochée de cette idée néoplatonicienne fondamentale de la puissance : la puissance en tant qu’ énergie de production (ou émanation au sens large), idée à laquelle il faut joindre, parce qu’ elle lui est complémentaire, celle de la puissance de réception. Quant à la première idée (la puissance en tant qu’ énergie de production), la réponse semble devoir être négative. Certes, c’ est au pouvoir du flux qu’Avicenne se réfère quand il présente le sens de l’ acte et de l’ activité du Principe, mais la terminologie et le sens ultime – on le verra – sont autres. Si le Livre dit que la Cause première est une puissance alors que tout le reste a une puissance (c’ est la XVème proposition), dans l’ univers d’ Avicenne le Premier principe – qui, comme on l’ a vu, prend aussi le nom de Première Cause et de Bien pur, n’ est pas une puissance et n’ a absolument pas de puissance. La puissance exprimée dans les termes de quwwa est pour Avicenne – comme dans le deuxième des sens que l’ on retrouve dans le Livre – une puissance de réception (ce qui, pour Avicenne est soit expliqué dans les termes de la possibilité, soit lié éminemment au monde de la génération et de la corruption)92.
En présentant le sens de l’ acte et de l’ activité du Principe, Avicenne se réfère donc au sens de puissance de la production créatrice et du flux du Premier, mais il le fait dans les termes du pouvoir. Ce qui permet de définir le sujet qui est un agent en acte est aussi son pouvoir d’ agir : (« […] s’ il est vrai que, s’ il veut, il agit, il est aussi vrai que, s’ il agit, il veut [il a voulu] ; c’ est à dire, s’ il agit, il agit en tant qu’ il a le pouvoir d’ agir (qādir) »93). L’ être agent du Principe coïncide en ce sens avec le pouvoir du Principe (ce qui s’ explique d’ ailleurs aussi avec Aristote pour lequel l’ activité est impensable sans la puissance au sens du pouvoir agir)94.
En d’ autres termes, Avicenne attribue le pouvoir au Premier principe précisément en relation à son action créatrice. Cependant, le terme auquel il se réfère est – on l’ a précisé – non pas quwwa (non donc la traduction habituelle du grec dynamis et non le terme que l’ on lit dans le Livre avec les deux sens fondamentaux de la causalité et de la réception), mais qudra, qui est plutôt présent dans les discussions théologiques et indique l’ un des attributs fondamentaux de Dieu95.
Or, Avicenne discute les notions de puissance et d’ acte, qu’ il dérive clairement d’ Aristote (éminemment Métaphysique Δ et Θ) en Ilāhiyyāt IV, 296.
Après une présentation générale de la puissance et des concepts qui y sont liés, et donc après une discussion générale de la doctrine aristotélicienne de la puissance et de l’ acte (une discussion que l’ on ne pourra pas examiner ici dans les détails), Avicenne analyse la signification du terme pouvoir – qudra – un terme qu’ il définit comme dépendant de la volonté97. Cette analyse du terme apparaît nécessaire parce que l’ examen de la potentialité laisse entrevoir – comme Avicenne lui-même le reconnaît – un problème fondamental en ce qui concerne le Premier : si on se réfère au sens aristotélicien de la puissance, on voit bien que la puissance ne peut pas être attribuée au Principe. En tant que puissance irrationnelle, elle est une catégorie du monde sublunaire : la puissance irrationnelle est la puissance mono-orientée de la nature et de la nécessité naturelle et ne peut donc pas convenir au Principe, qui est intelligence. Refuser l’ attribution de la puissance irrationnelle au Premier signifie alors pour Avicenne rejeter également le sens néoplatonicien de la puissance que l’ on trouve dans le Livre (et dans la ps.-Théologie). Ce qui agit en soi semble devoir être défini par ce qu’Aristote appelle la puissance irrationnelle (la chaleur qui réchauffe nécessairement, la lumière qui illumine), mais Avicenne l’ exclut : cette idée ferait du Principe une cause naturelle. Ainsi l’ image typique de l’ émanation (la lumière qui illumine et qui se retrouve dans les termes de la chaleur qui réchauffe nécessairement) est explicitement rejetée, la même image de la lumière que l’ on trouve dans la Vème proposition du Livre et que l’ on repère aussi – c’ est encore l’ un des traits communs aux deux textes néoplatoniciens – dans la Théologie du Pseudo-Aristote98.
Quant au deuxième sens de la puissance distingué par Aristote dans sa Métaphysique (Theta) – la puissance d’ agir meta logon – il s’ agit du sens prédicable seulement de ce à quoi agir et ne pas agir appartiennent également99. Ce sens aussi semble devoir être refusé : cette idée de puissance semblerait renvoyer à un agent qui – selon les catégories du système avicennien – est dans le domaine du possible et non dans celui de la nécessité, comme le Premier. En effet, comme Avicenne lui-même le déclare, ce qui a « pouvoir ou puissance » est ce qui peut agir dans la mesure où il peut aussi ne pas agir ; par conséquent, attribuer le « pouvoir » à ce qui agit toujours (et nécessairement) – serait immédiatement contradictoire. Le pouvoir (créateur), qui semble coïncider avec ce qu’Aristote appelle la puissance rationnelle (qui implique le logos et encore orexis et prohairesis, et donc la puissance ‘de’ et ‘de non’ ; cf. Métaphysique Θ, 5) ne pourrait donc pas être attribué au Principe.
En d’ autres mots : la puissance naturelle est nécessaire, mais elle agit en un sens seulement, sans conscience et seulement lorsque certaines conditions sont données, alors qu’ un agent rationnel (qui peut agir ou également ne pas agir) et qui module (si on parle d’ un agent doué de rationalité) son action par rapport à sa volonté est un agent possible ; le Premier serait donc « impuissant ».
Cependant, Avicenne ne peut certainement pas conclure que le Premier principe est impuissant c’ est-à-dire sans puissance mais également sans pouvoir. Il lui faut donc repérer une manière cohérente pour affirmer à la fois que le Premier, nécessaire, agit en vertu de sa propre puissance ou de son propre pouvoir et que son action dépend de Sa volonté.
L’ argument est en soi assez simple. Le Premier Principe agit en conformité avec Sa volonté (et Il est donc « puissant »), mais Sa volonté est éternelle et non-changeante. Compte tenu de l’ éternité de son action causale, Avicenne ne peut pas, en effet, attribuer une volonté muable au Premier principe (cela serait d’ ailleurs porter atteinte à son caractère unique et à son immutabilité) : la volonté du Principe est donc éternelle, ou, plus précisément, elle n’ est pas dans le temps. Pour Avicenne, il n’ y a aucune raison de soumettre la volonté (et la volonté divine) au temps : même si on ne peut pas spécifier un moment dans le temps où la cause aurait voulu quelque chose, c’ est-à-dire, même si la cause « a toujours voulu agir », il est toujours possible d’ affirmer l’ existence de sa volonté. Pour que nous soyons en mesure de dire qu’ une cause est « puissante », la cause doit (pouvoir) vouloir, mais elle n’ a pas besoin de n’ avoir pas voulu à un moment donné (ou d’ avoir voulu après n’ avoir pas voulu) à savoir d’ avoir voulu à un moment donné.
Avicenne applique donc à la question du pouvoir (ou de la puissance de l’ agent) une solution qui se retrouve à la source même de sa conception du Principe : la dimension temporelle est éliminée. En éliminant dans la causalité divine la dimension temporelle et en transférant la définition de la puissance du temps à la possibilité (la puissance est définie par la possibilité de ne pas vouloir agir), Avicenne modifie en effet le critère qui détermine la liberté et la volonté de la cause. La cause qui est agente dans le sens métaphysique, la cause de l’ être100, n’ est plus – contrairement à ce que on trouve (en général) dans la tradition aristotélicienne – antérieure dans le temps par rapport à son effet101 ; ou, plus précisément, elle n’ est plus évaluée dans les termes de la temporalité, même au niveau de la volonté. Pour Avicenne, au niveau de la volonté, ainsi qu’ au niveau de l’ action et de la création (ou instauration) absolue, la dimension temporelle doit être exclue de notre compréhension du Premier principe102.
C’ est en ce sens que pour Avicenne on peut dire que le Premier principe a pouvoir (ou le pouvoir : le terme utilisé est qudra)103, ce qui revient à dire que le Premier a le pouvoir d’ agir précisément parce qu’ il est un agent actif ; l’ énergie éternellement diffusante du Premier principe, qu’Avicenne de fait (et au-delà des termes) rapporte à la volonté de la causalité, est l’ acte ou l’ activité elle-même. La virtualité ou potentialité indéterminée qui définit le monde du possible et donc la possibilité sont en opposition par rapport à ce sens de pouvoir (si l’ on peut ici reconnaître l’ idée néoplatonicienne de la puissance). Selon Avicenne, l’ agent qui est dit être agent dans la mesure où il agit et n’ agit pas (où dans la mesure où il peut agir et ne pas agir) est dit être « agent » de façon équivoque ou impropre. Ce qui est agent au sens propre, et donc au sens propre en acte, est ce qui agit toujours et a toujours le pouvoir de toujours agir104 (cette conception du pouvoir est soutenue – on vient de le voir – par le fait que, s’ il est vrai que le Premier agit toujours, il est aussi vrai qu’ il pourrait encore ne pas vouloir agir)105.
Il est alors important de se demander de quelle manière Avicenne se réfère, en particulier en ce qui concerne le Premier principe, aux notions qui correspondent à celle de puissance, c’ est-à-dire aux notions d’ acte et d’ être un agent. En fait, si l’ on exclut certains passages du commentaire (fragmentaire) à Métaphysique Lambda (où, sur la base de la tradition aristotélicienne, le Premier principe est « acte pur »), le Premier principe est, pour Avicenne, « nécessaire » et « nécessairement existant » plus qu’ en « acte »106. Ou bien il est en acte exactement en tant que Nécessaire : Avicenne le dit dans un passage où sont exactement les thèmes du Livre qui semblent être commentés (il s’ agit de l’ un des passages auxquels on a déjà fait référence et que C. D’Ancona a déjà analysé). Le contexte est celui des attributs divins107 :
L’ existence est bonté (ḫayriyya) et la perfection de l’ existence est [356, 1] la bonté de l’ existence ; l’ existence qui n’ est pas accompagnée de non-existence – ni la non-existence de la substance, ni la non-existence de quelque chose qui appartient à la substance – mais qui par contre est constamment en acte, est Bien pur ; ce qui est par soi possiblement existant n’ est pas bien pur, parce que son essence en elle-même n’ exige pas nécessairement l’ existence de soi : son essence, en effet, supporte la non-existence, et ce qui, sous un certain respect, supporte la non-existence n’ est pas exempt de mal et de déficience à tous points de vue. Et donc il n’ y a rien à être ‘bien pur’ à part le nécessairement existant108.
Le Principe est donc « agent » et, dans la mesure où il est « agent », il est « puissant ». Le Principe n’ est jamais en puissance et il n’ est jamais une puissance mais il n’ est même pas dit premièrement acte : le Principe est nécessaire et il est, en tant que nécessairement existant, agent (en acte) et puissant. Le Principe est nécessaire parce que la nécessité est opposée à la possibilité, à savoir à la potentialité indéterminée qui explique l’ origine de l’ être. La possibilité ne peut pas appartenir au Premier principe, car elle est relative à l’ existence, alors que le Premier principe est existence établie ou nécessaire :
la nécessité d’ existence est établie dans l’ existence, et même plus, elle est le fait même de s’ établir dans l’ existence (taqarrur al-wuǧūd)109.
Quelles sont donc les conclusions que l’ on peut tirer de ce discours ?
On peut tenter de les énumérer : 1. que si Avicenne connaît le Livre et sa doctrine – comme les passages que l’ on a rappelés semblent le suggérer (ou ne pas l’ exclure) – un rôle essentiel semble être joué par la ps.-Théologie où Dieu est défini comme le Premier agent (al-fāʿil al-awwal) ou comme l’ être qui est véritablement en acte (al-kāʾin bi-l-fiʿli ḥaqqan) ou encore, plus littéralement, comme l’ acte ou l’ actualité pure (al-fiʿl al-maḥḍ) que l’ intellect essaie d’ imiter110 et où, en même temps, on repère l’ idée de transmission de pouvoir ou de puissance : Avicenne analyse ces concepts à la lumière de son aristotélisme réformé111. Certains passages de la Métaphysique avicennienne sont lisibles (presque) dans les termes du commentaire : les passages des Ilāhiyyāt VIII qui avaient été soulignés par C. D’Ancona, et parmi eux surtout VIII, 6 où le Premier est nommé le Bien pur (Ilāhiyyāt VIII, 6, p. 355, 11 et 14 ; 356, 2, 4) ; en ce sens, le Livre semble proposer une doctrine d’ autorité, mais Avicenne insérerait la référence au Livre dans un passage qui représente une sorte de commentaire à la notion clé du Livre même : le sens du Bien, comme Avicenne l’ explique, est non seulement celui de perfection, mais aussi justement celui de donation et de donation gratuite (Ilāhiyyāt VIII, 6, p. 356, 2, 4). Ainsi, si les attributs dont Avicenne parle sont exactement des ṣifāt que l’ on doit lire à la lumière de la doctrine théologique des attributs divins, il faut néanmoins noter aussi qu’ ils s’ opposent exactement à la doctrine exprimée dans le Livre. Tout en acceptant des motifs capitaux du Livre (et de la ps.-Théologie) – le flux et sa réception, la Cause première en tant que Bien pur et extrême beauté, la terminologie – Avicenne en refuse la doctrine fondamentale : le flux en tant que puissance et le Principe (et les principes) en tant que puissance.
Pour Avicenne le Premier principe n’ a pas de puissance et n’ est pas puissance ; toutefois, en même temps et à proprement parler, Il n’ est même pas premièrement ‘acte pur’. Les catégories de l’ acte et de la puissance (dont Avicenne discute en Ilāhiyyāt IV, 2) se rapportent pour Avicenne éminemment au monde physique et servent donc (comme chez Aristote) pour expliquer le mouvement et le changement, mais non l’ origine de l’ être que la métaphysique doit considérer.
Il y a bien sûr un sens métaphysique des termes qu’Avicenne reconnaît : le sens de la puissance qu’Aristote lui-même oppose au sens physique (dans Métaphysique Θ, 1, 6)112 est bien-sûr un sens métaphysique ; ce sens concerne toutefois – métaphysiquement – le monde du devenir. La relation entre puissance et acte est pour Avicenne dans et pour le mouvement : être en acte est un état qui correspond à l’ être qui est en puissance et qui exprime la réalité complète par rapport à ce qui a la puissance de devenir. En ce sens, la notion d’ acte doit soit être expliquée par celles de nécessité et de perfection (c’ est le cas du passage que l’ on vient de voir en Ilāhiyyāt VIII, p. 355)113 soit être limitée au monde du devenir, comme c’ est le cas pour la notion de puissance.
Ainsi, lorsque Avicenne traite des substances qui sont en acte dans le monde céleste114 et affirme que leur existence est le principe du monde des choses qui sont en puissance, l’ idée qu’ il veut défendre – en suivant Aristote (Θ, 8) – est que leur être est ce qui garantit le processus de devenir, sans qu’ elles fassent partie de ce processus. En Métaphysique Θ, 6 (1048b15-17) Aristote définit implicitement l’ acte comme quelque chose qui correspond à une réalité séparée (choristos), là où par ‘séparé’ on doit comprendre le fait d’ être indépendant de la puissance et de la matière115. La puissance et l’ acte appartiennent de façon éminente au devenir du monde et à son mouvement, mais l’ acte n’ est pas, à la différence de la puissance, inclus dans la dualité qui définit la puissance elle-même et son orientation vers l’ acte. La séparation est exactement la propriété qu’Aristote lui-même et les auteurs de la tradition qui suit – y compris Avicenne – attribuent aux choses célestes qui sont en acte (elles sont mufāriqa ou muǧarrada). Mais dans l’ univers d’ Avicenne – qui en ce sens n’ est pas un aristotélicien – le Principe est un principe d’ instauration (ibdāʾ) dans l’ être et non pas un principe de mouvement. Il n’ est donc pas (ou pas simplement) ‘acte’, mais nécessaire et « agent ». Son activité n’ est donc pas sans pouvoir, mais son pouvoir n’ est déterminé ni par la contingence temporelle ni par la nécessité irrationnelle. Le Premier principe est une cause agente (ʿilla fāʿiliyya) au sens propre et en ce sens il est aussi éternellement cause ; son pouvoir est éternel sans être la puissance des puissances que le Livre présente (l’ image de la lumière est – on l’ a dit – refusée)116. Dans le dessin d’ aristotélisme réformé qu’Avicenne expose, le seul sens de puissance présenté dans le Livre qui peut être accepté est celui de la réception et du causé qui, du flux, nécessaire, détermine (et de façon aporétique) les combinaisons.
Remerciements
Je tiens à remercier Jean-Baptiste Brenet et Luisa Valente qui ont relu mon texte.
Cf. l’ hypothèse d’ un canon de textes suggérée par Zimmermann 1986, voir spécifiquement p. 183-184 ; cf. aussi D’Ancona 2000a, en particulier p. 99-100. Pour le Proclus arabe, voir en particulier Endress 1973 et Endress 2012 ; cf. Wakelnig 2006, p. 48-66. Pour al-Kindī, v. Endress 1997 ; D’Ancona 1995. p. 155-193.
D’Ancona 1995 ; D’Ancona 1999 ; D’Ancona 2000b ; D’Ancona 2011a ; Endress 2012b ; Wisnovsky (2003) ; Taylor 2012.
Cf. Hasnawi 1990, p. 966-972 ; Lizzini 2011, p. 27-49. ; D’Ancona 2016. Pour le Livre, voir par exemple la proposition XXIIème dans l’ édition Bardenhewer 1882, p. 100-101 : Dieu fait effluer le bien sur les choses (yufīḍu l-ḫayr ‘alā al-ašyā’), l’ intelligence fait effluer la science sur les choses qui sont au dessous d’ elle ; pour le texte latin, voir l’ édition Bardenhewer 1882, p. 183-184 ; l’ édition Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 72-73. Cf. l’ édition Pattin 1966 reprise en ligne :
Sur le titre latin de l’ ouvrage traduit à Tolède – Liber de causis –, voir D’Ancona 2011a ; pour sa lecture au Moyen Age latin, voir au moins Porro 2014 ; Calma 2019 ; sur le texte en général, voir D’Ancona, Taylor 2003 et cf. Taylor 1992 et D’Ancona 2014. Pour le texte lui-même, voir les éditions Bardenhewer 1882 ; Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990 ; cf. Pattin 1966. Pour le texte arabe, voir Taylor 1981 ; Bardenhewer 1882 ; Thillet, Oudaimah 2001-2002 ont édité un texte que l’ on appelle parfois le De causis II ; pour d’ autres témoignages, voir Taylor 1986 ; en particulier pour al-Amīrī (Kitāb al-Fuṣūl fī l-Maʿālim al-ilāhiyya), voir Wakelnig 2006 ; pour ʿAbd al-Laṭīf al-Baġdādī, voir Taylor 1984 et Martini Bonadeo 2017.
Pour le texte, voir Anawati, Zayed, Mousa, Dunya 1960.
Voir spécialement Al-Aflāṭūniyya al-muḥdaṯa ʿinda al-ʿArab, p. 21 ; la proposition XXIème de la traduction latine et cf. Taylor 1986, p. 45, note 25. Mais voir déjà Badawi 1968, p. 68-69. La proposition XXIème (ou XXème) provient des Plotiniana arabica et ne peut donc servir pour prouver l’ influence du Livre sur Avicenne ; voir encore Taylor 1986, p. 46 n. 34 et D’Ancona 2000, p. 100 n. 23. C. D’Ancona analyse néanmoins Ilāh., VIII, 6, p. 355, 9-12 pour conclure en faveur de l’ influence du Livre sur Avicenne (cf. D’Ancona 2000, p. 109-112 et infra).
Cf. le commentaire d’ Avicenne à la ps.-Théologie d’ Aristote : Gardet 1951 ; Vajda 1951 ; cf. Bertolacci 2006, p. 455-457.
Endress 2000 insiste sur l’ influence de Proclus sur al-Kindī et mentionne également al-ʿĀmirī. Sur cet auteur et sa relecture de Proclus, voir Wakelnig 2006.
Pour Avicenne le Premier est être ou existence (existence nécessaire : cf. surtout Ilāhiyyāt I, 6, VIII, 4) ; Il est un (cf. surtout Ilāhiyyāt I, 7 et VIII, 5) et il est Bien (et ‘plus que perfection’ : cf. surtout Ilāhiyyāt VIII, 6 et IV, 3). Encore, le Premier – qui est Cause première (ʿilla ūlā : Ilāhiyyāt VIII, 3) – est une intelligence (ʿaql : cf. surtout Ilāh. VIII, 6). En cela Avicenne suit la ligne déjà tracée par al-Fārābī et interprète, en les altérant, les principes des textes néoplatoniciens. Sur l’ utilisation de ‘Bien pur’, voir Davidson 1992, p. 164 et Bertolacci 2006, p. 460 et n. 95 ; à propos de Burhān II, 9, p. 178, 18 Bertolacci souligne : « Avicenna portrays metaphysics (‘first philosophy’) as the discipline deputed to explain certain natural facts by means of the separated efficient cause, named the ‘Pure Good’ (al-ḫayr al-maḥḍ) » (pour les relations entre logique et métaphysique voir aussi ivi, Chap. 7, § 2.2, p. 279-281 et n. 49). Bertolacci discute aussi la suggestion de Davidson 1992, p. 164 qui insiste sur la même expression ‘le Bien pur’ (al-ḫayr al-maḥḍ) en Ilāhiyyāt IX, 3, p. 394, 4 (cf. Liber de philosophia prima, p. 465), en remarquant qu’ ici Avicenne discute l’ opinion d’ un ‘groupe’ (qawm) de philosophes, une opinion qu’ il ne partagerait pas ; cf. Bertolacci 2006, Appendix B, I.3. Le bien pur est en outre mentionné par Avicenne dans son Épître sur la division des sciences intellectuelles (R. fī aqsām al-ʿulūm al-ʿaqliyya, p. 90, 23 ; cf. Hein 1985, p. 315-316).
A ce propos, voir D’Ancona 1992a, D’Ancona 1992b repris dans D’Ancona 1995.
Cf. infra, p. 238–239. Le même principe est utilisé par Avicenne en cosmologie : Ilāhiyyāt, IX, 4, p. 409, 14-15 ; cf. également le dictum « a stabile in quantum est stabile non est nisi stabile », qu’Avicenne propose (et utilise) pour expliquer le mouvement céleste (cf. Ilāhiyyāt IX, 2, p. 383-384 et 384, 2-3 en particulier) ; pour d’ autres occurrences possibles, voir Lizzini 2011, p. 431. Sur le thème, voir au moins D’Ancona 2007 ; Libera 1991.
Prop. XXème ; cf. Bardenhewer 1882, p. 95-96 ; cf. Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 351 (93a13) qui correspond à la proposition XXème. Il s’ agit d’ une proposition très importante : on trouve ici exprimé le fondement même de la causalité. Dans la traduction latine, qui rend l’ idée du flux dans les termes de l’ influx, on a « prima enim bonitas influit bonitates super res omnes influxione una » ; cf. les éditions Bardenhewer 1882, p. 182-183 ; Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 68-71. La causalité est ici liée à la richesse évoquée dans la proposition XXIème (cf. Proclus, Elementatio theologica, prop. CXXII).
Je renvoie à ce propos à Lizzini 2019 ; in extenso, v. Lizzini 2011, les chapitres IV et V.
In Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 350 istiṭāʿa devient ‘volonté’ et, comme le terme quwwa, il est attribué à la Cause elle-même : « La cause première […] fait émaner sur elles [scil. les choses] la puissance et la vie et les biens selon sa puissance et sa volonté ». Mais de la sorte tout le discours de la réception et du « flux un » décade.
quwwa* ; dans Bardenhewer on lit kawn : qui donnerait « selon son propre être, sa propre constitution ».
Pour la traduction de faḍl avec ‘faveur’, voir le sens du terme en théologie ; il faut le distinguer également de ḫayr ‘bien’ ; voir Gardet 1967, p. 102 qui définit ainsi le terme : « faḍl […] met l’ accent sur l’ idée de surcroît, de supériorité. C’ est une ‘grâce’ en tant que faveur gratuite, gratuitement octroyée ».
Bardenhewer 1882, p. 95-96. Cf. Proclus, Elementatio theologica, prop. 122.
Les éditions Bardenhewer 1882, p. 102-103 ; trad. lat. p. 184-185 ; Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 74-75 ; cf. Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 331 (83a13). On ne peut pas s’ occuper ici ni des racines grecques ni de la postérité latine de ce thème.
J’ ai proposé une analyse de ce thème dans Lizzini 2011, p. 300-315 ; 466-470.
Bardenhewer 1882, p. 81 et p. 174 : et similiter aliqua ex rebus non recipit quod est supra eam nisi per modum secundum quem potest recipere ipsum, non per modum secundum quem est res recepta. Cf. l’ édition Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 56-57. Sur la réception en tant que principe de la hiérarchisation de l’ être, cf. aussi la proposition XVIII : Bardenhewer 1882, p. 93-94, p. 180-181 ; Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 66-67.
Cf. Bardenhewer 1882, p. 96-97 ; pour la traduction latine, voir p. 182 : […] et non diversificantur operationes et regimen propter causas primas nisi secundum meritum recipientis. Cf. Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 70-71 ; Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 351 (et cf. la proposition qui conclut le texte de Thillet et Oudaimah, p. 351 et qui évoque l’ action des causes secondes). Le terme ḥaqq ‘droit’ – qui en Latin devient meritum – rend l'idée de mérite; cf. le grec axia ; cf. Sleeman, Pollet 1980, coll. 110-111 ; Afnan 1964, p. 104.
Je renvoie à Lizzini 2011, par exemple p. 131-131 ; 298-299.
Bertolacci 2006, n. 95, p. 460 : « […] The mention of the “perfect wealth” (al-ġināʾ al-tāmm) in Išārāt II, 6 (Avicenna [1957-1960], p. 548, 3 ; cf. the “perfect wealthy” (al-ġanī al-tāmm) according to a different vocalization, in Avicenna [1892], p. 158, 3) might resemble the “greatest wealth” (al-ġanā’ al-akbar) of De causis 20, p. 22, 1 (see Badawì [1968], p. 68-69, whose argument is rejected by Taylor [1986], p. 46, n. 34, on account of the presence of this and related expressions in the Theologia Aristotelis ; see D’Ancona [2000], p. 100, n. 23) ».
Cf. Avicenne, Ilāhiyyāt I, 1, p. 7, 16-19 ; VI, 3, p. 276, 13-277, 3. Le terme ġanī ‘riche’ ou plutôt ‘suffisant à soi-même, indépendant’, que l’ on trouve souvent avec ḥamīd ‘louable’, ‘digne d’ éloges’ est également coranique (cf. Cor. XXII, 64 ; XXIX, 6 ; XXXI, 26 ; XXXV, 15 ; XXXIX, 7 ; XLVII, 38 – où Dieu est Le Riche là où les hommes sont “les pauvres” – al-fuqarāʾ ; LVII, 24 ; LX, 6 ; LXIV, 6).
Cf. Proclus, Elementatio theologica, 127.
Badawi 1968, p. 68-69 avait indiqué dans cette terminologie de la richesse un signe de l’ influence du Liber sur Avicenne – mais – on l’ a déjà rappelé – le thème de la richesse a été jugé insuffisant par Taylor ; voir Taylor 1986 et cf. ici en note ; D’Ancona dans Tommaso d’ Aquino, Commento al Libro delle cause, p. 365.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VI, 3, 276,13-277, 3 ; cf. par exemple Lizzini 2011, p. 128-129.
Liber de causis, Prop. XX(XXI), éd. Bardenhewer 1882, p. 98-99 ; pour la traduction latine, p. 182-183 ; Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 70-71 ; Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 351 ; cf. aussi Proclus, Elementatio theologica, la proposition 127 qui présente la simplicité, l’ autosuffisance et l’ unité de la cause. À ce propos, on peut renvoyer au rapport de causalité tel qu’ il est évoqué par Avicenne en Ilāhiyyāt, VI, 3, p. 276, 12. Et encore, cf. la proposition XXI(XXII), où la causalité du flux et celle qui donne lieu à l’ instauration diffèrent l’ une de l’ autre, tout en étant toutes les deux expliquées par l’ idée de la plénitude, de la complétude ou de la richesse de l’ être (cf. infra). Une autre analogie possible pourrait être reconnue dans l’ utilisation du terme dabbara ‘régir’, ‘gouverner’, un terme que le Discours ou Livre sur le Bien pur réfère aux Intelligences divines et à la Cause Première ; chez Avicenne les âmes ‘régissent’ ou ‘gouvernent’ les corps ; cf. également le titre du IXe traité des Ilāhiyyāt du Kitab al-Šifāʾ : « De l’ émanation (ṣudūr) des choses à partir du Gouvernement (tadbīr) premier et du Retour à Lui » ; le terme tadbīr communique également l’ idée de ‘providence’.
Taylor 1986.
Liber de causis, Prop. XXI(XXII), éd. Bardenhewer 1882, p. 99.
Pour les références, v. au moins Aflūṭīn ʿinda al-ʿArab, p. 7, 27, 51, 61, 67, 88-89, 93, 108-109, 136, 146 ; cf. Adamson 2002, p. 117-124 ; pour Avicenne, voir Wisnovsky 2003, p. 181-195 et 19-112.
Avicenne distingue le monde complet (tāmm) du monde manquant (nāqiṣ) et indique sur la base de cette distinction, et en pleine analogie avec ce qui se passe déjà dans la Théologie pseudo-aristotélicienne, le monde céleste et sublunaire (voir encore Wisnovsky 2003, p. 181-195 qui propose une corrélation avec le Livre, p. 191-192). Avicenne attribue parfois au Premier une sorte de théologie superlative ; c’ est le cas de la métaphysique du Kitāb al-Hidāya, Le Livre de la Guidance, où l’ on définit l’ intellection du Premier avec le terme super (fawqa : v. ed. ʿAbduh, p. 266,3-267, 1 ; cf. Badawi 1995, X, p. 135) à propos de l’ Un on y lit : « Ce qui indique que (al-dalīl ʿalā anna) l’ Un Pur est complet (tāmm) dans le sens qu’Il est au-dessus de la plénitude est qu’Il n’ a besoin de rien et qu’Il ne cherche aucun don (lā yaṭlubu ifādata šayʾin) » ; et on retrouve ici le thème de la richesse du Premier. Cf. Adamson 2002 ; Wisnovsky 2003, p. 188 et seqq. ; Bertolacci 2006, p. 459 : « VIII, 6, p. 355, 11 [p. 412, 62-70] : the Necessary Existent is above perfection : Liber de causis 22[23] ; see also Theologia Aristotelis 10, p. 134, 16-135, 2 » ; cf. n. 92 : « Wisnovsky [2002], p. 117 and n. 40, envisages Avicenna’s attribution of ontological meaning to the concepts of “superabundant”, “perfect” and “deficient” number in IV, 3 as depending on Elementatio Theologica Prop. 131, p. 116, 15-27. This dependence, however, cannot be direct, since Prop. 131 does not belong to the propositions of the Elementatio Theologica translated into Arabic ».
Liber de causis, Bardenhewer 1882, p. 99-100 ; pour le texte latin, voir p. 183 : […] tunc dicimus quod primum non est diminutum neque completum tantum, immo est supra completum, quoniam est creans res et influens bonitates supra eas influxione completa […]. Cf. l’ édition Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 72-73 ; cf. Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 353 (94b11).
Avicenne, Ilāhiyyāt IV, 3, p. 186-191.
Voir Avicenne, Ilāhiyyāt VIII, 6, p. 355, 6-14 et cf. les références données supra.
Cf. la prop. XVIIIe (XVIIe dans la version latine), édition Bardenhewer 1882, p. 92-93 ; cf. Thillet, Oudaimah 2001-2002, prop/ XIX, p. 341.
C’ est la IVème proposition ; cf. l’ édition Bardenhewer 1882, p. 65-66 ; cf. Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 332-333 (et 340-341). À propos de la compénétration entre être, émanation et intelligence, voir D’Ancona 1995, p. 53-73, 73-97, 121-155 ; pour l’ arrière-plan monothéiste, voir p. 14-15.
Pour la notion de ibdāʿ dans le Livre – une notion que l’ on trouve également dans la Théologie du ps.-Aristote : Al-Aflāṭūniyya al-muḥdaṯa ʿinda al-ʿArab, p. 31, 41, 70, 114 – voir D’Ancona 1995, p. 73-97 (sur les sources plotiniennes de la doctrine) ; D’Ancona 1999 ; D’Ancona 2000 ; Taylor 2012, et en particulier, p. 131 ; pour la notion en général et chez Avicenne, voir Lizzini 2009 ; Chase 2015, en particulier p. 253-254.
Pour les références essentielles, voir Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 1, 3 et al-Kindī, Epître sur l’ agent vrai (texte et traduction par Rashed, Jolivet 1998, p. 168-171).
Voir, par exemple, Avicenna, Ilāhiyāt, VIII, 3, p. 342-343 ; d’ autres usages sont réservés aux substances célestes qui sont éternelles ; Avicenne en discute par exemple à propos du plaisir en Ilāhiyyāt, IX, p. 426, 7. Pour la conception avicennienne du temps, voir au moins Lammer 2018, chap. 6, p. 429-524. Pour Proclus, cf. Endress 1973 ; Jolivet 1979 ; Zimmermann 1994.
Voir par. ex. Al-Aflāṭūniyya al-muḥdaṯa ʿinda al-ʿArab, p. 27.
À ce propos, voir également Bertolacci 2006, p. 359 qui à propos de la dernière partie de Ilāhiyyāt écrit : « […] the framework of this section of the Ilāhiyyāt is Aristotelian rather than Neoplatonic : God is, at the same time, One, Necessary Existent and First Intellect as in Λ, and there is no hierarchy of One (or Good), Being, and Intellect as in Plotinus or Proclus ».
Sous chaque intelligence on a, quant à l’ existence, trois choses : cf. Avicenna, Ilāhiyyāt, IX, 4, p. 406, 13-407, 4.
Voir, par exemple, Avicenne, Ilāhiyyāt, I, 6. Pour Avicenne l’ unité des choses en tant que telle est d’ ailleurs indivisibilité et elle est en ce sens un conséquent du fait d’ être « une chose » ; le Premier, cependant, n’ est pas une chose ; voir Lizzini 2015, 3.5. Mais la théorie est en effet compliquée dans le Livre aussi, cf. la notion d’ intensité d’ unité.
Voir Libera 1990, p. 59 ; cf. Libera 2005.
D’Ancona, Taylor 2003, p. 637-638 ; cf. également le bilan présenté dans D’Ancona 1992 repris en D’Ancona 1995 ; Libera 1990, p. 59, cf. Libera 2005 semble suggérer qu’Avicenne n’ ai pas connu le Livre ; plus prudent Taylor 1986, p. 40 et p. 43 : il ne l’ exclut pas mais il pense impossible indiquer un lieu précis pour l’ influence du texte sur Avicenne (et il insiste sur la grande importance de la ps.-Théologie). Par contre D’Ancona 2000 – mais on peut voir en partie déjà D’Ancona 1995, par ex. p. 118 – insiste surtout sur quatre lieux de la Métaphysique avicennienne : Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 4, p. 347, 10 ; p. 348, 5-6 ; 6, p. 355, 9-12 (et cf. IV, 3, p. 188, 5-189,11) ; 7, p. 365, 4-7. Enfin, Sebti 2000, p. 94 évoque le Livre en ce qui concerne le retour de l’ âme vers soi-même. Pour Wisnovsky 2003 et Bertolacci 2006, cf. infra.
D’Ancona 2000.
Cf. Wisnovsky 2002, p. 117-119 ; Wisnovsky 2003, p. 114 et p. 181-195. Pour Wisnovsky (p. 114) : « where Avicenna does appear to borrow directly from the Arabic Plotinus and Proclus is in his use of the phrase ‘above perfection’ (fawqa t-tamām) to describe God » ; cf. Bertolacci 2006, p. 143-144 et 458-460 : il inclut le Livre parmi les sources d’ Avicenne et il reprend les principales interprétations déjà données par les chercheurs.
D’Ancona 2000, p. 101-108.
On doit lire ḥilya comme suggéré par Rosenthal et Endress (dans les éditions de Badawi et de Bardenhewer ont lit kulliyya) ; pour toutes les références, voir D’Ancona 2000, p. 104, n. 45 et cf. D’Ancona 1990 ; D’Ancona 1992b ; D’Ancona 1995.
Avicenna, Ilāhiyyāt, VIII, 4, p. 347, 10-12 ; cf. p. 348, 5-6 ; pour le Liber de philosophia prima, p. 402, 48-56 ; 403, 69-73] ; Bertolacci 2006, p. 459-460 qui reprend ces argumentations.
D’Ancona 2000, p. 108-109.
En tant que cause première, le Premier principe ne peut pas avoir de ‘pourquoi’, voir Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 4, p. 348, 5-6 ; Liber de philosophia prima, p. 403, 69-73 ; mais cf. tout le passage VIII, 4, p. 348, 4-6 : « Et c’ est pourquoi le Premier n’ a pas de différence spécifique ; s’ il n’ a pas de genre ni de différence spécifique, il n’ a donc pas de définition, et il n’ y a pas de démonstration à son égard parce qu’ il n’ a pas de cause. De même il n’ a pas de pourquoi ; tu sauras qu’ il n’ y a pas de pourquoi (limaya) à son action » (trad. de Anawati II, p. 88 légèrement modifiée). Cela pourtant ne rend pas impossible donner une démonstration de l’ existence du Premier à partir du monde (voir Avicenne, Ilāhiyyāt, I, 4, p. 27, 9 et seq. ; I, 1, p. 5 et seq. ; I, 6-7 ; VIII, 1-3).
Voir Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 3, p. 343, 16-344, 5 ; quelques remarques à ce propos dans Lizzini 2013, p. 178-188.
Cf. Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 6, p. 355, 6-14 ; cf. IV, 3, p. 188, 5-189,11. Pour le rapprochement, cf. D’Ancona 2000, p. 109-112 et cf. Wisnovsky 2003.
Bertolacci 2006, p. 460, n. 95.
Davidson 1992, p. 164 à propos de Ilāhiyyāt IX, 3, p. 394, 4 (pour le Liber de philosophia prima, voir p. 465,00 ; cf. supra) ; mais voir aussi le passage VIII, 6 p. 355. 11-12 ; Liber de philosophia prima : p. 412.62-64 ; D’Ancona 2000, p. 112.
Avicenne, Ilāhiyyāt, IX, 4, p. 403, 13 ; VI, 1, p. 257, 10-14 ; IX, 3, p. 400-401.
D’Ancona 2000, p. 112-114.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 7, p. 365, 4-7 [Liber de philosophia prima, p. 426, 50-56]).
Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 7, p. 365, 4-7.
Wisnovsky 2002, p. 113-119 ; Wisnovsky 2003.
Bertolacci 2006, p. 256-257.
Cf. Avicenne, Ilāhiyyāt, I, 2, p. 13, 17-18 ; cf. p. 14, 6-8 : Avicenne soutient que l’ existant qua existant est antérieur à l’ existant qui est naturel, ou mathématique etc. en étant absolument universel. Cette position s’ explique cependant très bien à partir de la métaphysique d’ Aristote.
Voir pour Le livre du Bien pur (Liber de causis), la proposition IV[V] ; Bertolacci 2006, p. 459.
Peut-être par le biais de al-Fārābī ; cf. Bertolacci 2006, p. 143-144 (qui souligne que l’ être est dans Le livre à la fois le concept le plus universel (et donc englobant la Cause première elle-même) et le premier causé.
On peut ici récapituler : Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 3, p. 188, 5-189, 11 [Liber de philosophia prima, p. 215, 17-216, 34] : où le Premier Principe est défini au-dessus de la perfection (cf. Liber de causis XXI[XXII] ; mais cf. aussi Theologia Aristotelis 10, p. 134, 16-135, 11) ; Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 4, p. 347, 10-13 [Liber de philosophia prima, p. 402, 48-56]), où le Premier est défini en tant que n’ ayant pas de quiddité (v. Liber de causis VIII[XIX]) ; Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 4, p. 348, 5-6 [Liber de philosophia prima, p. 403, 69-73], où Avicenne affirme que le Premier ne peut pas être connu au moyen d’ une définition ou d’ une démonstration, dans la mesure où il ne peut pas avoir de cause (Liber de causis V[VI] ; Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 6, p. 355, 11 [Liber de philosophia prima, p. 412, 62-70] où l’ Existant nécessaire est défini au-dessus de la perfection (Liber de causis, XXII [XXIII] ; voir aussi Theologia Aristotelis 10, p. 134, 16-135, 2) ; Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 7, p. 365, 4-7 [Liber de philosophia prima, p. 426, 50-56] où Avicenne établit que la première intelligence émane les intelligibles à partir du Premier Principe sans intermédiation, alors que les intelligibles suivants émanent à travers une médiation (cf. Liber de causis, IV et IV[V] ; voir aussi Theologia Aristotelis passim) ; mais cf. aussi Ilāhiyyāt VIII, 7, p. 368, 14-16 [Liber de philosophia prima, p. 431, 50-56] où le Premier est suprême en beauté et est le Principe même de la beauté de toutes choses (cf. Liber de causis XIX[XX]).
Le terme fayḍ a été traduit en Latin par influxio ; afāḍa par influere ; cf. les propositions I, XX, XXI, XXII, XXIII, XXIV ; le flux est lié à l’ action de l’ âme « qui fait effluer la vie sur les corps » à la prop. III ; aux intelligences qui font effluer les biens ou les faveurs sur les intelligences secondes (prop. IV).
Bardenhewer 1882, p. 58 kullu ʿilla awwaliyya fa-hiya akṯar fayḍan ʿalā maʿlūli-hā min al-ʿilla al-kulliyya al-ṯāniyya ; trad. lat. ; Magnard, Boulnois, Pinchard, Solère 1990, p. 39-40 : omnis causa primaria plus est influens super causatum suum quam causa universalis secunda) ; cf. Thillet, Oudaimah 2001-2002, p. 323. Pour la doctrine, v. D’Ancona 1999.
On pourrait d’ ailleurs noter que si le terme fayḍ – flux – n’ évoque que la cause, le terme ‘influx’ implique déjà l’ effet en tant que récepteur.
Cf. par ex. Avicenne, Ilāhiyyāt, IX, p. 406, 13-407, 4.
Cf. supra dans le texte, cette même proposition III ; la proposition dérive de la proposition 201 de l’ Elementatio theologica ; cf. les propositions 129 ; 182 ; 160, 10-12 ; 184 ; 160, 24 ; 111 ; 98, 19-21 ; 190 ; 166, 18-20 ; 176, 13-17.
Voir supra à propos de l’ élément axiologique.
Voir Tommaso d’ Aquino, Commento al Libro delle cause, p. 292-293 et p. 205 n. 3.
V. supra note 50.
Mais cf. aussi 174 et 152, 8-15.
Édition Bardenhewer 1882, p. 75.
Un élément sur lequel la recherche a déjà insisté : cette proposition dépend de plusieurs propositions de l’ Elementatio : la proposition 12 (où on lit l’ équation avec le Bien pur) ; mais aussi les propositions 129, 121, 166. Tout cela avait d’ ailleurs déjà été montré par Saint Thomas dans son commentaire. La proposition présente également des notions impossibles à lire chez Proclus : l’ instauration ou création et l’ idée exprimée par le terme ḥilya (l’ yliatim).
Édition Bardenhewer 1882, p. 77.
On y a fait reference, voir supra.
À ce propos, cf. encore Thomas d’ Aquin, Super Librum de causis expositio.
Édition Bardenhewer 1882, p. 78-79.
Édition Bardenhewer 1882, p. 79-81.
Cf. Proclus, Éléments de théologie, 117 ; 102, 28-33 ; 104, 3-4 ; Tommaso d’ Aquino, Commento al Libro delle cause, p. 326 ; p. 332. Chaque activité ou pouvoir causal – la puissance ou pouvoir est ce qui explique l’ action – est l’ image de la causalité et donc de la puissance supérieure. Aux passages mentionnés, on peut ajouter Proclus, Éléments de théologie, 173-174 ou 201.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 7, p. 368, 14-16.
Ici aussi, voir supra.
Édition Bardenhewer 1882, p. 95-97.
Cf. Éléments de théologie les propositions 131 et 115.
Édition Bardenhewer 1882, p. 99-100 ; cf. supra.
Édition Bardenhewer 1882, p. 102-103 ; cf. supra à propos de la mesure.
Pour la puissance aristotélicienne, voir au moins Anagnostopoulos 2011 ; Witt 2003 ; Aubry 2006 ; Crubellier, Jaulin, Levebvre, Morel 2008 ; Beere 2009-2010 ; Lefebre 2018 ; Marmodoro 2018.
Quelques suggestions en Lizzini 2011 et Lizzini 2019.
Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 2, p. 173 ; cf. VIII, 7, p. 368, 18 ; cf. Hidāya, p. 271,2-272, 2. On serait tenté de rapprocher cette idée à celle qu’Aristote repère dans le cas de la définition de l’ âme qui est un acte premier précisément parce qu’ elle permet les puissance (les facultés). Mais, cf. aussi Hadot 1978.
Pour ce sens de puissance chez Aristote, voir par exemple Métaphysique, V, 12 ; IX, 6, 1048b18-34. Cf. Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 2, p. 181, 12-182, 3 ; et cf. la discussion dans Ilāhiyyāt, VI, 1, p. 260, 16-263, 2.
Voir au moins Brunschwig 1964 ; Gimaret 1988 ; Schöck 2004.
Cf. Kukkonen 2018 ; Sebti (à paraître) a également étudié la question.
Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 2, p. 171, 1-3 (mais le contexte est ici la volonté de l’ animal).
Cf. supra et voir Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 7, p. 363, 9-13 ; cf. Taʿlīqāt, p. 125.
Pour la puissance en tant que possibilité, voir par exemple Avicenne, Ilāhiyyāt IV, 2, 171, 12-172, 5.
La cause agente au sens métaphysique n’ est pas celle que l’ on distingue au sens physique : la cause agente au sens métaphysique est cause de l’ être, non pas du mouvement : voir essentiellement Avicenne, Ilāhiyyāt, VI, 1, p. 257, 10-14 ; et cf. I, 1, 7.
On trouve pourtant déjà chez Aristote l’ idée de la contemporanéité entre la cause et son effet : cf. par exemple Aristote, Physique, III, 201a10-11, 28-29 ; 201a15-17 ; 201b5-15 ; 202a13-16.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 7, p. 366, 18-367, 1.
Voir aussi Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 7, p. 366, 18-367, 3.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VI, 1, p. 263, 3-13. Des remarques à ce propos dans Lizzini 2011 (chapitres 2 et 3) ; Marmura 1981.
Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 2, p. 172, 13-173, 12.
Pour le Commentaire à Lambda, voir les références dans Avicenne, Commentaire sur le Livre Lambda : p. 53 (7, 95-98) : le Premier est un être en acte ; p. 59 (14, 155) : le plaisir (al-lad̲d̲a) est le premier acte du Premier ; cf. p. 43 (I, 11 et sqq.) : le Principe agit continuellement sans puissance ou potentialité (quwwa) ; v. également p. 65 [18, 211 et sqq.] ; p. 67 [20, 222-224] ; mais cf. p. 71 (24, 269 : le Principe est le plus puissant – al-aqwā) ; p. 55, [9, 110] où on trouve qudra ; p. 57 [12, 132]. Dans le texte d’ Aristote le Premier moteur immobile n’ a pas de puissance mais il n’ est jamais défini en tant que ‘acte pure’. L’ idée de pure actualité – ou plus précisément – pure activité semble être une élaboration néoplatonicienne ; voir le Commentaire de Porphyre au Parménide et le Plotin Arabe (et cf. Hadot 1978 ; Taylor 1998). Une référence peut être reconnue aussi dans Taʿlīqāt, p. 175, 10-176.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII : 6, p. 355, 9-12, qui contient aussi des passages qui doivent être comparés avec IV, 3, p. 188,5-189,11 ; mais cf. aussi Avicenne, Ilāhiyyāt VIII, 4, p. 347, 10 ; p. 348, 5-6.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 6, p. 355, 15-356, 5.
Avicenne, Ilāhiyyāt, VIII, 5, p. 353, 3 ; mais cf. aussi I, 36, 4 : le nécessaire (al-wāǧib) indique la certification de l’ existence (ta’ akkud al-wuǧūd) ; cf. encore VIII, 7, p. 367, 14-15 ; VIII, 4, p. 343, 16-344 ; p. 346, 11-12. Le premier attribut du Principe est l’ existence et la définition du Principe est existence à la condition que non : Ilāhiyyāt, VIII, 4, p. 344, 3. Une prémisse logique permet ce mouvement conceptuel et la distinction entre l’ être du Principe et l’ être tout court : la négation par équipollence ou métathèse (esse exspoliatum non condicione affirmandi). Cette distinction explique aussi celle entre la métaphysique en tant que science de l’ être qua être et la métaphysique en tant que théologie.
Al-Aflāṭūniyya al-muḥdaṯa ʿinda al-ʿArab, p. 51, 11-52, 2. Cf. aussi les références à la Seigneurie divine.
V. Gutas 2014.
Voir Aristote, Métaphysique, Θ, 1, 6.
Cf. Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 3.
Avicenne, Ilāhiyyāt IV, 2, p. 184, 1-7 ; cf. IV, 3, 189, 1-3 (le passage est difficile : voir la description de la causalité efficiente du Premier ; l’ usage des termes n’ est pas toujours cohérent : p. 189, 9 : ce qui est suffisant n’ est pas séparé de ce qui est en puissance).
Voir aussi Métaphysique, Α, 1026a 16 et sqq. où Aristote pose la science de ce qui est séparé (choriston) et qui n’ est sujet à aucun changement ou procès – la theologike episteme – pour l’ opposer d’ un côté à la Physique (qui étudie ce qui n’ est pas séparé et qui est sujet au changement) et, de l’ autre, aux mathématiques (le savoir de ce qui n’ est pas séparé mais non sujet au changement).
Voir Avicenne, Ilāhiyyāt, VI, 1, p. 263, 3-13 et cf. Avicenne, Ilāhiyyāt, IV, 1, p. 165, 4-17. A ce propos, voir Wisnovsky 2002 ; Wisnovsky 2003b. La qualification de ‘agent’ est bien sûr essentielle en noétique : l’ intellect qui garantit la connaissance humaine est agent ou toujours un intellect agent (ʿaql faʿʿāl) ; ‘agent’ ou ‘toujours agent’ (faʿʿāl) sont les qualifications qu’Avicenne attribue à chaque intelligence séparée.
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