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Abstract
Islam in the USSR was long described as resistant to Sovietization, but also as reluctant to dissidence which is much better documented in the European regions of the Soviet Union. Since the turn of the 21st century, however, the publication in Central Asia of previously unknown manuscripts has brought to light the production, through the short 20th century, of a Muslim gnostic poetry of classical form and content, by authors from a small number of mutually linked sacred lineages, transmitters of the Sufi tradition (ritualised Islamic gnosticism). Among the issues that this production raises is the existence of a Muslim ‘underground’ steeped in ascetic tradition, and this underground’s relationship to Soviet culture, which it opposed in a radical way, playing the roles of a focus of resistance to the ‘idolatries’ of the era and of the harbinger of an apocalypse in the present. The present study of two Persian-language Sufi poets, a master and his disciple, active in the Tajik SSR between the 1920s and the 1980s, questions the supposed absence of dissidence in predominantly rural Central Asian societies, which were latecomers to samizdat. It leads us, too, to question the notion of historical change, through a phenomenon of apparent continuity of literary forms and practices, against the peculiar backdrops of Soviet modernisation and post-Soviet nation-building.
Résumé
Décrit comme isolat de conservatisme, l’islam centrasiatique de l’ère soviétique témoigne, jusque dans ses traits d’archaïsme, de mutations profondes. Parmi elles : la valorisation, par une poésie gnostique persane ou türke de forme classique produite pendant le court XX e siècle, des Voies soufies comme lieu de résistance aux “idolâtries” du moment. Après la disparition des khānqāh (loges) dès la collectivisation, cette invocation est destinée à une audience réduite d’initiés. Elle rappelle l’utilité, en contexte répressif, du dhikr intérieur cher à la Naqshbandiyya. Réinterprétant le principe naqshbandī d’“ascèse en société”, elle insiste également, dans un esprit mujaddidī, sur l’importance de la figure du Guide pour l’approfondissement de l’engagement mystique. Son véhicule est une poésie de forme et de mètre classiques, conjuguant hermétisme et souci d’oralité. Demeurée manuscrite jusqu’au tournant du XXI e siècle, cette littérature est devenue vectrice de processus hagiographiques portés par des lignées sacrées et réseaux de disciples étroitement apparentés, présents sur de vastes territoires. Elle est illustrée ici par un choix de ghazals persans de Shaykh ʿAbd al-Raḥīm Dawlat Īlākī (1881-1947), maître mujaddidī formé à Boukhara sous les derniers émirs. Actif jusqu’à sa mort dans la haute vallée du Qarategin, son enseignement s’est diffusé sur le territoire de la RSS des Tadjiks à la faveur des déplacements de population d’après la Seconde Guerre mondiale vers les plaines cotonnières du centre et du sud de la république, posant les bases d’une célébration de Shaykh ʿAbd al-Raḥīm comme saint national.