Abstract
Resumé
L’Église kimbanguiste (EJCSK), les Églises de réveil, le Ministère du Combat Spirituel du couple Olangi, sont trois mouvements religieux d’origine congolaise affirmant un christianisme africain affranchi des assignations coloniales et néocoloniales. Bien que ces mouvements soient irréductibles les uns aux autres sur le plan historique, ils sont tous travaillés par la thématique du combat spirituel. Sur la base de recherches menées au sein de ces mondes religieux plurilocalisés, les auteurs examinent la redistribution temporelle et spatiale des territoires sorciers. Après avoir rappelé les métamorphoses de la sorcellerie dans la société congolaise depuis les années 1990, les pratiques et les discours relatifs à la sorcellerie sont examinés pour chacun des mouvements. Les recompositions religieuses qu’engage la migration en Europe sont ensuite mises en perspective en posant la question de savoir dans quelle mesure ces pratiques et discours en situation migratoire activent le référent postcolonial. Si le projet migratoire est avant tout un projet de réalisation de soi et d’affranchissement pour les adeptes du combat spirituel, il est en même temps associé à une entreprise de rédemption d’une Europe jugée en perdition, et même, selon les kimbanguistes, en proie à la sorcellerie. Ce fond commun supporte toutefois aussi des divergences. Tandis que la migration est associée à une reformulation des discours sur la famille pour les olangistes et à une forte transformation des discours et des pratiques de délivrance au sein des Églises de réveil, le déplacement en Europe correspond au contraire pour la diaspora kimbanguiste, à une confrontation accrue avec un territoire considéré comme éminemment sorcier.
Introduction
Au fondement des réveils prophétiques et pentecôtistes en terre kongo puis congolaise, l’idée selon laquelle la vérité biblique, libératrice et salvatrice, aurait été cachée par les missionnaires coloniaux préside à la recherche d’une authenticité biblique qui relocalise « l’expression africaine » au centre du discours chrétien, et la notion de combat spirituel au centre des dispositifs de délivrance. L’Église kimbanguiste (EJCSK1), les Églises de réveil (affiliées ou non à une plateforme) et le Ministère du Combat Spirituel du couple Olangi2 sont les expressions majeures de cette dynamique. La délivrance, au sens d’un affranchissement de tout ce qui empêche l’individu d’accéder au bonheur et à la prospérité, est au cœur de ces théologies du salut, de leurs discours et de leurs pratiques rituelles, malgré des discours et des régimes d’historicité différenciés. L’Église kimbanguiste succède au prophétisme de Simon Kimbangu – un Mukongo formé chez les baptistes anglais qui s’éleva contre l’ordre colonial dès 1921 (Asch 1983 ; Balandier 1955 ; Mélice 2010 & 2011). Les Églises de réveil (Demart 2010) et le ministère Olangi (Ndaya-Tshiteku 2012; Meiers 2013) se déploient après l’Indépendance, à la faveur du transnationalisme pentecôtiste (Corten 2001)3, de la politique de l’authenticité4 et d’une situation socioéconomique de plus en plus critique à partir de la fin des années 1970 (Ndaywel 1998).
Nous nous intéresserons ici à la place de la sorcellerie dans ces géographies religieuses, qui se situent dans le prolongement d’une négativité croissante de l’imaginaire collectif au sujet de la sorcellerie (witchcraft) durant la période coloniale (MacGaffey 1977). Nous l’aborderons en examinant les déclinaisons temporelles et spatiales de ces religiosités. Si les recompositions dans le temps éclairent les différenciations interreligieuses (entre ces trois Églises) et intrareligieuses (au sein même de l’institution religieuse), les déclinaisons spatiales, quant à elles, renvoient à la migration. En RDC, les années 1990 sont, en effet, marquées par une explosion des affaires de sorcellerie qui, comme on va le voir, ont significativement renouvelé les discours sur la « délivrance » portés par les Églises. Ces années sont également marquées par l’exil et la sédentarisation des Congolais à l’étranger. Cette popularisation de l’accès à un ailleurs, l’Europe, jusque-là réservé aux élites (politiques, économiques puis artistiques et religieuses), traduit un processus significatif de différenciation des Congolais installés à l’étranger, notamment en Belgique (Mayoyo 1995), où trois générations sont aujourd’hui repérables (Demart 2013a).
La dimension transnationale de ces religiosités postcoloniales ne sera pas abordée sous l’angle classique des processus par lesquels les acteurs maintiennent des liens entre leurs sociétés d’origine et d’implantation (Basch, Glick and Blanc-Szanton 1994 : 7). Elle sera examinée du point de vue du sens que les acteurs accordent à la migration au regard de leurs répertoires religieux, inscrits dans une historicité, et des transformations religieuses, et donc sociales, qu’engage le déplacement dans l’espace. Dans cette perspective, et dans la continuité des travaux de Tarrius (1993), nous considérons que le discours religieux fait territoire au sens où la référence du migrant est le territoire qu’il construit, parcourt, traverse ou conquiert. Ce territoire suppose une imbrication complexe des durées et des étages territoriaux. Par « durée », nous entendons les différents niveaux de temporalité des catégories religieuses, des institutions ou encore des rituels ; et par « étages territoriaux », les territoires spirituels constitutifs de ces discours religieux, la mémoire associée aux lieux (mythiques ou réels) et la façon dont les espaces géographiques et sociaux traversés par ces collectifs sont repris dans les discours religieux (Van Dijk 1997 ; Knibbe 2009 ; Garbin 2010)5. Par « postcolonial », nous ne nous référons donc pas à un ordre chronologique, mais à des processus et à des logiques empreints d’une historicité que traduit la volonté de ces collectifs de dépassement, de subversion ou d’inversion des impositions héritées des hiérarchisations coloniales (Comaroff et Comaroff 1993).
Du fait de l’historicité coloniale de la société d’« accueil » (Bancel et al. 2010 ; Mbembe 2010), et de celle de la société d’origine que l’on peut qualifier de postcolonie (Mbembe 2000), le caractère heuristique de la situation migratoire sera considéré sous l’angle des recompositions religieuses. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la répartition des territoires sorciers dans ces géographies religieuses en mouvement, et aux schémas de délivrance que le déplacement dans l’espace peut susciter. La Belgique, ancienne métropole coloniale du Congo, fut, avec la France, la première destination européenne à voir, sur son territoire, l’émergence de ces Églises « africaines » : dès le début des années 1980 pour les pentecôtistes et les kimbanguistes, et dans les années 1990, pour les olangistes. Qu’en est-il trois décennies plus tard? La migration en Europe et en particulier, en Belgique – lieux des pouvoirs coloniaux –, génère-t-elle une recomposition religieuse singulière ? La situation migratoire actualise-t-elle une mémoire coloniale ? Dans un contexte où les Congolais, présents en Belgique depuis les années 1960, sont finalement peu et mal connus, nous pensons que l’espace religieux, et plus particulièrement l’usage des catégories religieuses (délivrance, sorcellerie) peut informer la situation de certaines franges de la diaspora. Même si les chiffres sont incertains, on évalue à environ 200 le nombre d’Églises d’obédience pentecôtiste (de réveil) en Belgique fondées par des Congolais (allant d’une vingtaine de membres à plusieurs centaines, voire quelques milliers), à 700 personnes le nombre de kimbanguistes (répartis sur trois paroisses) relevant de l’Église officielle et à un bon millier d’olangistes pour une population totale d’un peu plus de 55.000 Congolais, tous statuts confondus, résidant en Belgique (Schoonvaere 2010). Trois générations constituent aujourd’hui ce groupe dont l’hétérogénéité a déjà été abordée par plusieurs auteurs (Etambala 1993, Kagné 2001, Schoonvaere 2010, Mazzocchetti 2011).
Notre contribution repose sur des enquêtes ethnographiques plurilocalisées, menées indépendamment les unes des autres au sein des milieux kimbanguistes, pentecôtistes et olangistes. Dans le cas de l’Église kimbanguiste, l’enquête a été réalisée entre 1996 et 2011, en Europe – principalement en Belgique –, à Kinshasa, et dans l’actuelle province du Kongo Central (ex-province du Bas-Congo). Dans le cas des Églises de réveil, les investigations ont été menées en France, en Belgique, à Kinshasa et à Montréal, entre 2003 et 2012, dans plus d’une cinquantaine d’églises. Enfin, l’enquête au sein du mouvement olangiste s’est déroulée entre 2006 et 2012, selon une approche translocale séquencée en différents séjours intensifs à Bruxelles et à Kinshasa.
Si les kimbanguistes, et les olangistes dans une certaine mesure, appartiennent à des institutions extrêmement hiérarchisées et centralisées, il n’en va pas de même des membres des Églises de réveil dont la multiplication depuis les années 1970 donne lieu à un champ religieux très fragmenté. En outre, le prosélytisme plus ou moins affiché de ces Églises favorise un climat extrêmement concurrentiel qui, malgré l’existence très circonstanciée d’affinités pastorales, et le « butinage religieux » de certains croyants (Soares 2009), n’autorise pas les appartenances multiples. Après une brève contextualisation des conditions d’émergence de nouveaux schémas de délivrance au Zaïre dans les années 1990, nous interrogerons ces géographies religieuses sous l’angle de leurs territoires sorciers et de leur recomposition dans le temps. Puis nous examinerons les transformations engendrées par la migration et le déplacement en Europe, dans l’ancienne métropole.
Transition et explosion de la sorcellerie : les années 1990 au Zaïre de Mobutu
Depuis les années 1990, on assiste dans plusieurs pays africains à une explosion des accusations de sorcellerie dans la vie quotidienne (Geschiere 2000 ; White 2000 ; Henry et Tall 2008 ; Bernault et Tonda 2000 ; Ashforth 2000). Mais si la modernité de la sorcellerie est aujourd’hui globalement admise dans la littérature, ses logiques de transformation au cours des derniers siècles demeurent très largement sous-explorées, de même que la recomposition historique des croyances magiques (Bernault 2005).
En revanche, une partie des travaux existants appréhende l’explosion des affaires de sorcellerie depuis plus de deux décennies sous l’angle des économies occultes que la globalisation néolibérale engendre ou suggère dans des sociétés par ailleurs marquées par le désengagement de l’État (Comaroff et Comaroff 1993, 1999, 2000, 2001). Dans cette perspective, les anxiétés que les rumeurs ou accusations de sorcellerie suggèrent sont étroitement liées à l’aliénation de l’individu dans une économie capitaliste dont les règles sont fondamentalement ambivalentes.
Le Congo n’échappe pas à ces dynamiques macrosociales. Les années 1990 sont celles d’une transition politique et sociale à la faveur de la chute du mur de Berlin et des bouleversements géostratégiques qui en découlent, qui favorisent la réouverture du pays au multipartisme (1990) et très partiellement, aux médias. Tandis que les programmes d’ajustement structurel n’en finissent plus d’accentuer la crise socio-économique engendrée par la gouvernance mobutiste, les Églises de réveil et leurs mentors évangélistes occidentaux enchantent l’espace public. Ils annoncent que Jésus est vivant et que les miracles opérés hier, « il peut les faire aujourd’hui ». En 1991 et 1992, la Conférence Nationale Souveraine (CNS) invite, de son côté, à un grand déballage politique relatif à la politique de l’authenticité et du parti unique institué depuis deux décennies6. Comme dans d’autres pays africains (Eboussi Boulaga 2009), la CNS fait, en effet, le bilan sans appel de la politique post-Indépendance et des années de dictature. L’inversion du rapport de force entre l’État et le peuple qui s’y donne à voir est accentuée par le caractère public (retransmis en direct à la télévision nationale) de conclusions aux accents accusateurs. Népotisme, « tribalisme » et corruption sont dénoncés et généralisés aux anti-valeurs, une notion forgée par l’Église catholique qui sera reprise par les Églises protestantes et de réveil. Cherchant à se dédouaner, les acteurs du régime accuseront à leur tour les locaux comme les partenaires étrangers, reportant ainsi la responsabilité du déclin sur ceux qui ont « vendu le pays ».
À Kinshasa, la Conférence Nationale n’est pas une « libération religieuse » comme au Congo-Brazzaville (Gruénais et al. 1995), ni une « grande liturgie politique » comme au Bénin (Mayrargue 2002). Elle a pu donner lieu à une traduction religieuse des pratiques et des forces politiques rappelant que le pouvoir de Mobutu fut concomitant de l’émergence d’une théocratie autoritaire, et d’une réinvention des traditions ayant établi le chef de l’État comme un messie censé mener la renaissance de la nation après la colonisation (M’Boukou 2007). Invariablement, les témoignages produits lors de la CNS identifient Mobutu, l’instigateur de cette grande « mystification », comme la cause du mal. Celui auquel la population avait dû rendre un culte quotidien est désormais au centre des accusations, comme dans cette phrase prononcée par un participant : « nous avons été dirigés par un dieu qui nous a menés en enfer »7.
C’est dans ce contexte que politiciens et militaires commencent à fréquenter les Églises de réveil (Ngandu Nkashama 1995 ; Ndaywel 1998 ; Demart 2010) qui, en dehors de quelques exceptions, n’ont pas de reconnaissance juridique et sont perçues comme des ‘sectes’ par les Églises historiques. Cependant les dispositifs de repentance et de nouvelle naissance qu’offrent ces Églises vont permettre la traduction en termes spirituels des modes de gouvernance et des forces politiques, offrant ainsi aux élites la possibilité de se soustraire à la vindicte populaire. Le mea culpa, parfois la demande de pardon, deviennent le leitmotiv de ces discours politico-religieux. Ils sont accompagnés de témoignages sur les pratiques occultes ayant régi le pouvoir dictatorial: utilisation continue des fétiches, « dons de sang » et toutes pratiques ayant conduit à livrer le pays aux puissances de Satan (envoûtement de l’eau, du drapeau, de la monnaie, etc.). Tout en favorisant la reconversion sociale et parfois politique des élites mobutistes, le dispositif de repentance des Églises alimenta des conditions extrêmement favorables à la transformation de l’imaginaire pentecôtiste en matière de sorcellerie, créant ainsi des conditions favorables à l’émergence de nouveaux schèmes religieux de délivrance.
Territoires sorciers : localisation et recompositions temporelles
L’imaginaire populaire contemporain en matière de sorcellerie semble rompre avec le soupçon qui pesait sur les missionnaires catholiques durant la période coloniale, et par extension sur les Blancs, et surtout les Belges. On se souvient de la rumeur du Mundele ya Ngulu (littéralement « Blanc de porc ») qui évoquait, dès 1910, l’opération par laquelle les Blancs métamorphosaient, par des moyens occultes, des Congolais en porcs afin de les manger (Zola Mululendo 1983-1984: 368-374 ; Ndaywel op.cit. : 408; Mélice 2011: 87-88). La critique des missionnaires, supposés cacher la vérité libératrice de la Bible, n’a pas pour autant disparu. Malgré d’importantes nuances en ce qui concerne les missionnaires protestants, elle est au fondement du Réveil congolais comme de l’Église kimbanguiste et du Ministère Olangi. Cependant, les soupçons de sorcellerie sont aujourd’hui bien plus repérables dans l’espace de la parenté ou du voisinage, et, plus largement, dans l’espace public. Certes cela n’empêche pas le soupçon à l’endroit des grands hommes, ni les schémas de délivrance à l’échelle de la Nation (Demart et Tonda, à paraître) ou comme nous allons le voir, à l’échelle de la « race noire ». Mais on assiste à une recomposition des schèmes sorciers sous l’effet des Églises d’obédience chrétienne, faisant du croyant et de son entourage l’espace privilégié de la délivrance et donc de la sorcellerie. La littérature prolifique qui s’est constituée autour des affaires de sorcellerie dans les espaces publics africains interroge peu le rapport de causalité avec le phénomène pentecôtiste des années 1970, malgré le caractère hautement suggestif des schèmes narratifs produits par ces Églises et la réversibilité des catégories religieuses (Marshall 2009 ; Tonda 2005 ; Comaroff et Comaroff 1999, 2000 ; Van Dijk 2010). Dans le contexte congolais pourtant, ce rapport est très explicite et préside non seulement à des transformations des pratiques rituelles et de discours (Églises kimbanguiste et pentecôtistes), mais aussi à l’émergence de nouvelles institutions religieuses (Ministère Olangi).
Les kimbanguistes : la malédiction ancestrale
L’accent fut mis très tôt sur le caractère « anti-sorcellerie » des prophétismes africains (Richards 1935 et Marwick 1950 in Sarró 2009 : 3). Surgi en 1921 à la faveur de l’émergence du prophète Simon Kimbangu (catéchiste baptiste), en plein contexte colonial, le kimbanguisme trouve une part de son explication dans le combat spirituel qu’il entend mener contre la magie, le fétichisme et la sorcellerie. Selon Wyatt MacGaffey, les échecs du régime colonial, et plus précisément des missionnaires, « à contrer la sorcellerie et les afflictions qu’elle apportait » auraient favorisé l’émergence du kimbanguisme (1986 : 215). À cela s’ajoute le soupçon à l’égard des Blancs de pratiquer la sorcellerie, dont témoigne la rumeur du Mundele ya Ngulu. C’est, on le sait, que « la sorcellerie a toujours été [. . .] un discours global et très ambivalent sur les fondements politiques du pouvoir et de la richesse » (Corten et Mary 2000 : 9). Contre la sorcellerie, Kimbangu en appelle au pouvoir du Mpeve, l’Esprit assimilé à l’Esprit Saint, interdit le fétichisme et, selon Van Wing, institue un baptême par immersion, en vue d’écarter les sorciers (Van Wing 1958 : 572, 575). Ainsi « les prophètes ont articulé, dans l’idiome de la sorcellerie et de la guérison, une théorie relative à la condition contemporaine et un programme pour la transformer » (MacGaffey 1992: 338). Comme ailleurs en Afrique centrale, l’imaginaire kimbanguiste convertit « en capital sorcier, le capital économique (argent et marchandises), le capital scolaire (diplômes et instruction, voire la Bible), le capital politique (le pouvoir politique symbolisé par l’État), le capital religieux et chrétien (les diplômes ou l’instruction religieuse) ». La sorcellerie est ainsi constituée en « composante de la mission civilisatrice » et de la modernité (Tonda 2002 : 25, 54).
Dans le même temps, la sorcellerie est foncièrement, mais non exclusivement, associée à l’homme noir. Ainsi, quand en 1989, le chef spirituel de l’Église kimbanguiste Joseph Diangienda (1958-1992) proclame qu’Adam était « noir », il entend dévoiler non seulement que l’homme « noir » eut le privilège de l’élection et fut béni le premier, mais, aussi, qu’avec le péché originel – qui aurait consisté en un acte de sorcellerie, fondamentalement anthropophagique (la pomme mangée par Adam aurait été de la chair humaine) –, cette élection se retourna en malédiction. Cette révélation s’inscrit dans le sillage de l’herméneutique kimbanguiste qui consiste à rendre le grand récit théologico-politique chrétien à son sens authentique voilé, révélé par la vérité contenue dans la Bible, volontairement dissimulée par les missionnaires à l’époque coloniale. Cette révélation semble néanmoins se faire l’écho de la malédiction qui, selon d’autres exégèses chrétiennes, aurait touché l’homme « noir » dans le sillage de Cham (Mélice 2002). Mais l’imaginaire kimbanguiste ne se ramène pas à cette identité constituée du point de vue de l’Autre. Le renversement opère stratégiquement : il mêle les hiérarchies et conteste les origines. Ainsi, par la cérémonie kimbanguiste du pardon pour le péché d’Adam et Éve, qui, en 1992, vise à conjurer les effets du péché originel, l’Église entend « réhabiliter l’homme noir » et le « remettre à sa place » primordiale auprès de Dieu (Mélice 2001, 2002). On est davantage ici en présence de ce que Mbembe appelle une « revanche » vis-à-vis de la « théodicée de la domination » (Mbembe 1988 : 183-184, 189, 193) caractéristique de l’époque coloniale. On peut aussi parler d’un processus de subversion des oppositions logiques héritées d’un certain discours occidental relatif aux prétendues hiérarchies entre les différentes « races ».
Depuis les années 1990, si les kimbanguistes désignent comme territoires sorciers non seulement la parenté au sens large (y compris le proto-ancêtre Adam), mais aussi la sphère publique et, on le verra, singulièrement l’Europe, à leurs yeux, la famille demeure néanmoins le foyer majeur de la sorcellerie. Comme l’a remarqué Fancello, « si le champ de l’imaginaire sorcellaire s’amplifie en milieu urbain, la famille et les proches demeurent traditionnellement considérés comme la source principale du pouvoir sorcier » (2008 : 161). Or, au quotidien, contrairement – comme on va le voir – aux Églises issues du Réveil, l’Église échoue à offrir des solutions aux accusations de sorcellerie intrafamiliales. Ces dernières sont interdites dans le cadre de l’Église et les pratiques de délivrance demeurent obligatoirement confinées à la sphère privée. Aussi, alors qu’au début des années 1990, on assiste à la prolifération des Églises de réveil et des affaires de sorcellerie, surgissent parmi les kimbanguistes de nouvelles figures prophétiques, les milimo (les « Esprits », car investis de l’« Esprit » de Kimbangu ou de membres sacrés de sa famille). Ces figures se situent en marge de l’Église kimbanguiste, dans des parcelles privées, au Congo comme à Londres (pour Londres, voir Garbin 2010a et 2010b). Ces milimo possèdent plusieurs dons, notamment ceux de déceler les sorciers et de « délivrer » (exorciser) de la sorcellerie. Interdits en droit, mais tolérés en fait, les milimo ont un statut ambigu dans l’Église. On les interdit parce que leurs pouvoirs charismatiques sont conflictuels avec ceux réservés par principe au seul chef spirituel, aux pasteurs ou aux deux sacrificateurs (bansadisi). Mais on les tolère aussi parce que leurs pratiques d’accusations de sorcellerie et de délivrance apportent à l’Église, de manière et publique, une manière d’équivalent des services de délivrance et de guérison qu’offrent spectaculairement les Églises concurrentes, d’obédience pentecôtiste.
La délivrance pentecôtiste : rompre avec le monde dit païen
Depuis les années 1970 et surtout les années 1980 et 1990, les logiques des pouvoirs occultes se sont dévoilées à travers la masse des témoignages de conversion produits dans les Églises de réveil. L’accumulation de ces récits de conversion, venant de toutes les couches sociales, a non seulement alimenté l’imaginaire pentecôtiste en matière de sorcellerie, mais aussi « perfectionné » la lutte contre la sorcellerie sur la base des révélations faites par les repentis.
Le territoire sorcier est ainsi décrit comme une institution dans et contre la parenté, régie par une proximité forte avec le règne animal, et par une transgression absolue des tabous fondateurs de l’ordre social (anthropophagie, inceste, individualisme, misanthropie). La potentialité destructrice des sorciers est dans cette perspective pentecôtiste liée à leur invisibilité, au fait qu’ils agissent dans le monde de la nuit. Elle est également liée à leur proximité, puisque c’est le plus souvent dans la parenté que les attaques opèrent et par les liens de sang que la sorcellerie se transmet (Meyer 1998a, 1999).
Dans les années 1990, c’est le donc un nouveau courant qui apparaît, allant bien au-delà de l’objectif de transparence de l’espace public (Corten et Mary ibid.) et des rapports sociaux et se donnant à voir sous forme de chasse aux sorciers/sorcières. La compétence des pasteurs ne réside alors plus seulement dans le fait de créer un climat spirituel poussant le démon à se manifester – dans le cadre de séances de délivrance spectaculaires (croisades et campagnes d’évangélisation) ou ritualisées et faisant l’objet d’un long processus (la « cure d’âme » pouvant s’étendre sur une durée de plusieurs semaines ou mois). Elle relève dès lors de l’interprétation des signes de la puissance maléfique lorsque l’accusation vient d’ailleurs de la parenté ou du voisinage (Yengo 2008). Il est ainsi devenu fréquent à Kinshasa, mais aussi à Paris ou à Bruxelles, de voir une personne accusée de sorcellerie par une Église dans laquelle elle n’a jamais mis les pieds. C’est le plus souvent un membre de la parenté du converti, avec lequel un conflit a lieu. Il peut également s’agir du simple fait que ce dernier n’adhère pas aux convictions de l’Église, qui motive le procès de diabolisation.
Ainsi, en 2007, Élizabeth rend visite à sa nièce vivant à Paris. Elle assiste à plusieurs scènes de ménage qui la choquent : le mari ne participe pas aux frais, la nièce assume toutes les charges financières et lorsqu’un conflit éclate, le mari quitte la maison. Et « lorsqu’il n’a plus rien », il revient. Élizabeth finit par prendre position. Le mari s’énerve, l’insulte, à son tour elle l’insulte et le traite d’incapable, selon une expression en lingala fort dévirilisante « oza mobali ya zero » (« tu es un homme qui ne vaut rien »). Quelque temps après, sa nièce lui annonce qu’à l’Église, « on a découvert qu’elle était sorcière » et que c’est à cause d’Élizabeth qu’elle connaît tous ces problèmes. Étre accusée de sorcellerie « est très grave » et relève d’une insulte inacceptable. Le ton monte entre la nièce et la tante, qui la prévient des malheurs qui l’attendent avec cet homme et finit par annoncer qu’elle coupe définitivement les ponts. Élizabeth est à ce moment enceinte d’environ six mois. Dans la colère, sa nièce la « maudit » à travers l’enfant qu’elle porte et lui prédit, au nom de Jésus, qu’elle mettra au monde un être difforme.
Cette tendance du Réveil à produire des accusations de sorcellerie s’appuie en partie sur l’idée de la malédiction « ancestrale » selon laquelle « le démon œuvre à travers les liens de sang : le Dieu chrétien les rompt » (Meyer 1998b: 75) – qui situe la sorcellerie dans les origines et traditions africaines. Ces accusations de sorcellerie, ou plus exactement les usages du pouvoir que confère le nom de Jésus, brouillent significativement la frontière de démarcation entre le courant pentecôtiste et la sorcellerie telle que représentée dans la lecture pentecôtiste. Elles traduisent aussi, ou engendrent, une crise dans l’institution de la parenté, voire une déparentélisation (Tonda 2008). En effet, lorsque les Églises de réveil affirment que « Jésus est plus fort que tous les féticheurs et magiciens » et que « rien n’est impossible à celui qui croit », c’est à condition de rompre avec le monde dit païen, les traditions et les coutumes des ancêtres, génératrices de « blocages », c’est-à-dire d’attaques ou d’envoûtements sorciers. Il en résulte une grille de lecture opposant puissances chrétiennes et puissances occultes sous forme de synthèse entre des mondes religieux jusqu’ici « compartimentés » (Bastide 1955). Le monde des fétiches et des esprits s’intègre dans la cosmogonie chrétienne en tant que composante du royaume de Satan (Meyer, op.cit.), tandis que les péchés sont désignés comme « porte d’entrée », favorisant la venue des esprits maléfiques, générateurs de « blocages » dans le corps et la vie du croyant.
Aussi les Églises de réveil exhortent-elles à l’abandon des coutumes médiatisées par les ancêtres, telles que l’usage du totem familial ou ethnique, du « gri-gri », des amulettes, la mise en terre du cordon ombilical, l’usage de plantes ayant trait à la magie, etc. Le recours aux services d’un nganga, médecin-féticheur, est définitivement proscrit car assimilé au ndoki, sorcier. Et toute « adoration » de ce qui n’est pas Dieu est réduite à une forme d’idolâtrie et d’obscurantisme. L’insistance sur la morale8, décriant la nudité et la polygamie (Devisch 1996), et plus généralement toute forme d’attachement aux traditions d’origine (voire au règne animal), sont emblématiques dans nombre de témoignages de sorcellerie du continuum entre village, ancêtres, coutumes, parenté et sorcellerie (Laurent 2003). L’affirmation d’une seule et unique frontière entre monde chrétien et monde sorcier s’inscrit dans un projet de subversion de toute autre frontière (de sexe, de classe, d’âge, de race, etc.) qui serait susceptible de maintenir le converti dans l’ordre de l’échec ou du malheur.
Les olangistes : « la famille c’est l’enterrement »
Initié par une femme socialisée dans les milieux universitaires catholiques (belges et congolais) et ensuite dans les milieux du Réveil9, le puissant mouvement de Maman Olangi10 se définit explicitement comme un « ministère chrétien de combat spirituel ». Sa « révélation », relative aux « coutumes africaines » comme « frein au développement et au progrès », est articulée à l’étiologie sorcellaire (ré)activée dans le but d’opérer des ruptures intrafamiliales radicales : « Quitter veut dire ‘C’est fini !’ Quitter = Séparation. Si tu quittes, tu ne reçois plus chez toi. Tu gaspilles tes unités à appeler [. . .] La famille est la source de ton problème. Déchire l’ordonnance des ténèbres, le papier où est écrit que tu dois être l’esclave de ta famille » (prédicateur missionnaire, veillée dite « agressive », Bruxelles 2007).
Les fidèles sont invités à cesser tout transfert d’argent aux membres de la famille restés au Congo : « la famille, c’est l’enterrement ». Est considéré comme « païen », suspect de pratiques occultes, tout individu qui ne pratique pas le combat spirituel contre les forces des ténèbres, quand bien même il serait apprécié comme « chrétien » dans une Église pentecôtiste ou de réveil. Le combat entre la vie (les forces du bien) et la mort (les forces du mal) est à son paroxysme et Satan est érigé en grand commandeur de l’ordre des sorciers étendu à l’échelle planétaire. Les témoignages de délivrance mettent en lumière, jusqu’à saturation, une sphère familiale transformée en arène spirituelle. Les adeptes, invités à faire leur anamnèse spirituelle (identifier les dons et les rites qui ont été autant de vecteurs inconscients de sorcellerie au sein de la sphère familiale), se découvrent pieds et poings liés par des « liens de servitude » et des « esprits de limitation » qui les empêchent de déployer, dans l’espace et dans le temps, leurs ambitions de mobilité sociale ascendante. L’origine de leurs échecs et blocages est localisée dans des alliances totémiques locales – tel le pacte avec le crocodile censé assurer la prospérité familiale. Ces alliances inscrivent les adeptes, malgré eux, dans la continuité du procès pentecôtiste à l’égard du monde rural (Laurent 2003), bien qu’ils aient quitté ce monde depuis deux voire trois générations. Ce schéma est largement entretenu par la littérature évangélique internationale. Le converti doit ainsi lutter avec la part des « esprits territoriaux » liés au fait arbitraire de la naissance dans un milieu donné, une approche théorisée par l’évangéliste et prédicateur international Peter Wagner (président de Global Harvest Ministries).
La rupture avec les origines diabolisées, que traduit la relégation des alliances villageoises et claniques du côté de l’animal et de l’impropre, introduit un renversement de perspective : le territoire sorcier n’est plus seulement à l’extérieur de soi (les instances parentales au village), il a été intériorisé et fait partie intégrante de soi. Il s’agit de combattre un Autre familier, installé en soi par la force des coutumes et pratiques de socialisation importées du village en contexte urbain, et de reprendre autorité spirituelle sur des « soi-autres » farouchement opposés à la volonté personnelle de devenir « soi-même » (Meiers 2008, 2013). Les frontières entre identité et altérité, entre familier et étranger, se recomposent par l’amplification d’un traitement agressif des origines en continuité avec les injonctions coloniales de brûler les fétiches. En écho à la doctrine de la « guérison de l’arbre généalogique »11, les fidèles sont invités à « couper les racines » et à « déraciner » pour éradiquer tout héritage négatif assimilé à « l’arbre de la mort ». La mise en œuvre de ces enseignements vient soutenir une opération quasi fondamentaliste de condamnation de l’ancestralité associée à la malédiction, selon l’imputation colonisatrice reprise à son compte propre. Cette reprise agonistique, particulièrement violente, reconduit bien sûr l’ambivalence du couple christianisme/sorcellerie (Augé 1981).
Les olangistes en appellent à l’« accomplissement final et intégral de l’évangélisation comme tremplin du salut individuel, social, économique et politique », et à la libération de « l’Afrique colonisée par la coutume », curieuse inversion par rapport au processus historique de colonisation. Par cette inversion, le combat spirituel contre « la » coutume désormais instituée en instance persécutrice lovée à l’intérieur de soi, vise à (se) laver les origines et à s’en laver les mains. Le verset de la création de l’homme à l’image de Dieu (Genèse 1 : 27), auquel les prédicateurs se réfèrent abondamment, fonde une « doctrine de la ressemblance » (Legendre 1994 : 127) dont l’enjeu, pour les olangistes, serait de passer d’une condition animale générée à leur insu par les alliances ancestrales (l’homme fait à l’image du crocodile ou du léopard ou de l’éléphant) à une condition humaine d’homme fait à l’image de Dieu, leitmotiv des conquêtes d’évangélisation depuis le XVIe siècle. Ce « passage » civilisationnel permettrait d’établir non seulement un droit de filiation avec l’Occident, mais aussi un droit de conquête de ses territoires et possessions, en vue de récupérer les bénédictions cachées dans le message d’évangélisation, mais dont ils ont été spoliés. Cette occultation fondamentale a permis, selon les olangistes, que les bénédictions soient subrepticement détournées au profit de l’Europe. D’où cette injonction à « récupérer l’héritage ». Concomitamment, mundele (le Blanc) est invité, lui aussi, à « vomir sa sorcellerie » car « mundele aussi peut vomir » (Cité de Triomphe, Kinshasa, décembre 2007). Il s’agit donc d’une belle mise à égalité en matière de sorcellerie.
La migration en Europe : redistribution des territoires sorciers
La littérature sur les Églises prophétiques et pentecôtistes fondées ou implantées par des migrants originaires de l’Afrique subsaharienne a récemment mis en exergue les interactions procédant de la circulation des esprits, des imaginaires religieux et des migrants (Hüwelmeier et Krause 2010). Si la capacité des acteurs à créer des modes d’appartenance translocaux ou transnationaux au travers des différents contextes sociaux et culturels peut déboucher sur des pratiques religieuses hybrides voire créoles (Fjelstad 2010), la mobilité spatiale ou sociale des croyants peut inversement être empêchée par les esprits (Drotbohm 2010 ; Daswani 2010).
Les différents canaux par lesquels les esprits voyagent (avec les migrants, via les médias, les photos, les dvd ou même les visas12), s’expriment (musique, chant, danse, ritualité, transgression du code moral, etc.) ou font obstruction, réitèrent et recomposent le paradigme du combat spirituel de ces Églises. Dans ce combat, l’universalisme ou l’utopie cosmopolite mise en avant contraste souvent avec l’économie de ces groupes, souvent marqués par l’entre-soi ethnique, national ou continental (Levitt 2007 ; Coleman 2000 ; Krause 2011). Il est dès lors difficile de savoir dans quelle mesure ce n’est pas plutôt l’expérience commune de migration, marquée par le stigmate de la race, travaillant les anciennes métropoles coloniales qui rassemble les croyants (Toulis 1997 ; Adogame 1998 ; Hunt et Lightly 2001 ; ter Haar op.cit. ; Harris 2006). Cette distinction est d’autant plus subtile que les expériences liées aux discriminations raciales sont rarement l’objet d’une mise en mots.
L’Europe : territoire de la délivrance ?
Dans la géographie pentecôtiste, l’Europe, aux antipodes du village, ouvre à un espace transnational dont la conquête est celle du Royaume de Dieu. Lieu de toutes les promesses (annoncées par les pasteurs de la prospérité, les musiciens, les sapeurs et la classe mobutiste), l’Europe permettrait de rompre une fois pour toutes avec les logiques du malheur et de l’échec localisées au « village » et par métonymie, au « pays » : lieux indifféremment désignés par le terme émique mboka. Espace de transmission des coutumes maléfiques et des traditions païennes, le village « étouffe » les velléités d’indépendance de l’individu. Cependant, l’expérience de la continuité et non de la rupture escomptée dans la migration, vient reconfigurer la pastorale chrétienne qui prévaut en amont de la migration. « Halfway to Paradise » (à mi-chemin du Paradis) (ter Haar 1998), l’Europe est associée à un puissant désenchantement qui aboutit à relocaliser non seulement la territorialité de la délivrance mais les lieux du « blocage » (Demart 2010).
La thématique de la migration, centrale dans les prédications, s’exprime par une identification au peuple d’Israël, persécuté et en exil (Demart 2008). Cette identification rend intelligibles deux phases de la migration : spatiale et juridique (depuis l’obtention du visa à Kinshasa jusqu’à la régularisation de la présence sur le sol européen) et sociale (insertion socio-professionnelle). La permanence de la référence au récit du peuple d’Israël signale une migration qui se prolonge dans la société d’installation et une mobilité qui n’est plus spatiale mais sociale. Cette mobilité n’a pas de lieu d’arrivée mais des étapes qui sont tout à la fois des épreuves et des défis, appréhendés sous l’angle de la traversée des systèmes de hiérarchies autochtones (sociales, culturelles, économiques et raciales). Il en résulte une recomposition du territoire religieux. Dès lors, où la délivrance progressive et partielle des droits, aboutissant à la légalité et à la dignité de l’existence sur le territoire européen, fait de l’attente une dimension incontournable de l’expérience migratoire. Cette expérience est explicitement associée aux forces occultes : « les gens de la commune sont diaboliques, ils immobilisent mon statut social, Satan, sors de mon corps ! » (pasteur, Bruxelles 2012).
Cette attente, qui commence souvent dans le pays d’origine, se traduit par la permanence des « blocages » naguère localisés dans les origines africaines , voire par leur accentuation durant le temps de conquête des droits, sur le territoire européen. Cela ne veut bien évidemment pas dire que les esprits ne voyagent pas (Hüwelmeier et Krause op.cit.), mais que dans une perspective toute messianique, une nouvelle catégorie d’esprits apparaît, liée à la migration. Elle renvoie au manque de qualités et de force des migrants chrétiens (foi, excellence, morale) mais aussi à des stéréotypes intériorisés sur les Noirs et les Africains (paresse, assistanat, jalousie) et aux préjugés des Européens (racisme), dont la « culture » est par ailleurs objet de fortes critiques (individualisme, athéisme). C’est en ce sens qu’il faut entendre le projet d’évangélisation des autochtones, dont l’énonciation est concomitante de la prise de conscience d’une installation durable en Europe. Incontournable stratégie d’intégration et reconquête de sa propre humanité dans le regard de l’Autre, Européen, Blanc, c’est aussi une continuité avec la dynamique d’inculturation catholique (réappropriation culturelle) après l’Indépendance. En effet, dès 1974, en pleine Authenticité, l’archevêque Malula (inspirateur de l’Authenticité en même temps qu’opposant farouche au mobutisme) annonçait, à une époque où l’émigration était encore modeste, la nécessité d’apporter « à notre tour » l’Évangile au Nord.
Si les frontières raciales et ethniques produites par la société d’installation sont au centre des prédications, on ne peut pas dire que le racisme et ses fondements coloniaux fassent partie du répertoire religieux (Demart 2013c). Profondément performatif et optimiste, le discours pentecôtiste déclare rompre une fois pour toutes avec les logiques du malheur et de l’échec. Pour cette raison, il se focalise de manière conquérante sur les modalités d’accès à la délivrance : « Tu es en Belgique, tous les gens de la commune sont tes ennemis que tu as à conquérir (. . .) Tu dois retourner à Dieu qui redonne le moral et conduit les peuples à la victoire » (extrait de prédications, 2006, Belgique). Il en résulte une injonction à la transformation (des convertis), sur le mode de l’excellence et de la « citoyenneté vertueuse » (Fumanti 2010) ou de l’exemplarité (Lorentzen et Rosalina 2005), mais aussi une « ré-évaluation » des traditions africaines sous l’angle de leur chrétienté. Les coutumes africaines ne sont plus seulement un canal de transmission des « blocages », mais également une ressource face à une Europe souvent hostile et déchristianisée. Cette posture engage une critique postcoloniale du modèle universaliste occidental, dont le thème de la décadence des mœurs occidentales est certainement l’expression la plus aboutie (Maskens 2011) même si bien souvent il déborde le cadre religieux. Toutefois, cette critique n’est pas spécifique aux milieux religieux, au contraire du thème de la reverse mission postulant que la conversion de l’Autre, culturelle bien plus que religieuse, est nécessaire à l’acceptation de ces « étrangers de l’intérieur » (Simmel 1903). Autrement dit, derrière ce prosélytisme évangélique se profile une implicite lutte contre les discriminations, que traduit l’intention de transformer les rapports sociaux entre Blancs et Noirs, Européens et Africains, mais aussi et peut-être surtout, l’image que les autochtones ont de ces étrangers.
Il demeure toutefois très difficile de faire parler les pasteurs sur la thématique du racisme, y compris lorsqu’il est vécu dans le champ protestant local (Demart 2013c). Cantonné au domaine du péché ou des « blocages », le racisme ne semble pouvoir faire l’objet de développement discursif. Non seulement il relève de l’échec, mais d’un malheur redevable des origines et des impositions coloniales. De fait, si la délivrance (spirituelle, physique ou matérielle) fait l’objet de considérations précises et de révélations multiples quant aux logiques internes susceptibles d’en favoriser l’accès, le racisme se doit d’être minimisé, au risque de susciter un esprit de révolte et de haine, en particulier chez les jeunes, ce que les pasteurs cherchent précisément à éviter. Sorte de catégorie générique, le racisme ou l’héritage colonial semble en définitive déconnecté de toute matérialité dans le discours religieux. La transformation de « soi » constitue l’essentiel de la mise en œuvre du changement social voulu (Marshall-Fratani et Péclard 2002) même si la « mission en retour » vise, à travers l’évangélisation des autochtones, un changement de position dans la hiérarchie locale. Elle vise aussi, par le don, un changement de regard de l’Autre sur soi (ter Haar, ibid.).
Le combat spirituel olangiste : « ici aussi il y a (eu) la sorcellerie »
S’agissant du couple Olangi, les rêves eurocentriques nourris au sein de l’école et au sein de l’Église catholique durant la dernière décennie de l’époque coloniale (années 1950) – des rêves qui les propulsent en Belgique pour faire des études supérieures (1965-1976) –, constituent un trope déterminant dans l’élaboration de ce qui est devenu le Ministère Chrétien du Combat Spirituel dans les années 1990. Leur séjour en Europe leur a permis d’éviter le mariage coutumier, et d’expérimenter la vie de couple à l’occidentale, sans interférence trop pressante des familles respectives. « Pourquoi ne peut-on pas vivre notre amour comme les Blancs ? », s’exclame significativement une fidèle qui formule ses aspirations à partir de témoignages de vie de couples africains en Europe.
Toutefois, le désir d’une vie à l’européenne se traduit ici par une double négation : ni la « concorde coutumière », ni la concorde civile à l’occidentale (Laurent, ibid.), mais ce que nous désignons comme une nouvelle concorde évangélique (Meiers 2008, 2013). Cette nouvelle concorde permet de se tenir à bonne distance autant des non-olangistes dans la société congolaise – y compris dans ses composantes transnationales – que des Européens dans les sociétés d’implantation. Car c’est aussi à cela que sert le rituel de purification par le combat spirituel : se tenir à part pour mieux s’appartenir en propre, reformuler les frontières socio-spatiales entre les uns et les autres, redéfinir les frontières d’un nouveau collectif de convertis à la doctrine olangiste.
Si le Ministère Olangi n’est pas le produit direct d’un processus migratoire (Meiers 2010), l’émigration a toutefois été favorable à sa transnationalisation. Et le projet migratoire est audible lors des grandes retraites qui ont lieu à la Cité de Triomphe à Limete/Kinshasa (concession de la fondation Olangi). Non sans lien avec le concept kimbanguiste de « sorcellerie perfectionnée », les fidèles olangistes rapportent des rêves dans lesquels Dieu leur donne la clé de messages chiffrés. Le monde occidental est associé à « la magie du Blanc » et l’imaginaire offre une lecture ésotérique de l’univers, comme si le monde visible – celui de la modernité contemporaine – n’était déchiffrable et accessible qu’à partir d’une codification établie dans le monde invisible : « . . . pour les cartes de crédits, il faut un code secret. Tous les accès sont codés avec des chiffres. Il y a des chiffres partout. Tu fais un dossier pour aller en Europe : des chiffres . . . » (un adepte lors d’une retraite de trois jours à la Cité de Triomphe). Les retraites sont un moment d’intense préparation au voyage ; il nécessite de lever un certain nombre d’obstacles dans l’invisible. Obtenir « le ticket pour l’Europe » ouvre une perspective pour entrer en possession des bénédictions promises, mais la dimension transgénérationnelle des malédictions affecte tout un chacun dans ses déplacements (« les malédictions n’ont pas besoin de visa », prévient un prédicateur à Bruxelles). Si la Cité de Triomphe à Kinshasa est comparable aux camps de prière décrits par Rijk Van Dijk (1997), le travail de « transsubjectivation » qui y est effectivement amorcé exige de s’inscrire dans un long processus de renoncements et de transformation des subjectivités qui passe par un cursus d’enseignement allant du niveau « bébé spirituel », dans les « classes d’affermissement », au niveau « plus que vainqueur », une première délivrance par rapport aux « liens de servitude ». Si la Cité de Triomphe est un « tremplin pour l’Europe », ou pour d’autres destinations, c’est dans le cadre d’un processus de « cure d’âme » qui doit souvent se parachever sur le lieu d’arrivée.
Ainsi, tout en s’inscrivant dans la géographie pentecôtiste, les olangistes ne considèrent pas le permis de séjour en Europe comme une délivrance. Un désenchantement et une prise de conscience progressive liée aux expériences de vie en Europe sont clairement formulés : « Bien aimé, l’Europe n’est pas le ciel [. . .] Beaucoup de gens croient qu’ils sont libres parce qu’ils sont ici en Europe, mais si quelqu’un t’a attaché, ce n’est pas physiquement, c’est spirituellement » (un prédicateur à Bruxelles). Et derrière l’Europe, « le pays des géants qui veulent t’empêcher d’entrer à Canaan », se cache la Belgique, pays de receleurs : « Dieu avait confié une mission aux premiers missionnaires [. . .] mais les missionnaires ont pris les masques et les fétiches et ils les ont mis à Tervuren. Ils avaient dans une main le fouet et dans l’autre la Bible. Mais ils ont laissé Dieu en Europe. Ils nous ont équipés avec le mensonge. Mais Dieu est fidèle, Dieu ne brise jamais l’alliance. L’Europe a été bénie par l’alliance et elle continue à être bénie même si ses enfants sont dans l’erreur et le péché [. . .] Nous, nous avons conclu une nouvelle alliance avec ce Dieu-là qui n’a pas changé mais dont on nous a volés. Nous voulons libérer notre mental, pour avoir accès aux bénédictions [. . .] » (Bombard, adepte, rencontré à la Cité de Triomphe et sur son lieu de travail, Kinshasa, 2007).
Ce témoignage représentatif introduit un trouble dans l’interprétation. Il désigne du doigt la Belgique/Europe comme territoire sorcier – elle a mangé les bénédictions, toute seule – et il signale une dette. Il s’agit bien d’une accusation sorcière. Et il s’agit donc aussi de récupérer ce qui est estimé « dû » et d’« obliger » l’Europe comme on oblige Dieu par la dîme. Une telle indexation n’est pas contradictoire avec l’idée exprimée ci-dessus selon laquelle la sorcellerie est endogène, elle permet d’entrer ouvertement en tension, spirituellement et socialement parlant, avec les valeurs chrétiennes dans un contexte de discriminations et de mœurs dont la libération est, comme dans les Églises pentecôtistes et kimbanguistes, jugée outrancière. La pédagogie olangiste prône un changement de position endogène : une prise d’autorité spirituelle sur l’entourage familial proche ou lointain. N’oublions pas que le terme noko (oncle maternel) apparaît dans le vocabulaire politique zaïrois de Kinshasa pour désigner « le Belge » dès la fin des années 1970 (Mukendi 1994 : 60). La prise d’autorité spirituelle sur les « proches parents », qui prend une dimension transnationale lorsque l’adepte se trouve sur le territoire européen, se fait en territoire sorcier, chez le lointain parent devenu voisin ; or, « ici aussi il y a eu la sorcellerie, ya kala [il y a longtemps] mais keba, fais attention », confie une adepte de Bruxelles. Le lieu de production de la sorcellerie est dévoilé et les messagers de l’Apocalypse signifient ce dévoilement à l’échelle planétaire.
Si la critique postcoloniale ne relève pas, ici non plus, du répertoire religieux, l’usage de la langue devient toutefois le lieu même d’une position subversive lovée dans le discours. Ainsi, la question de l’usage du français, qui reste la langue de l’autre, de l’administration, du rapport (post)colonial, du sentiment de supériorité, est révélatrice. Un missionnaire est fier de dire : « Aujourd’hui Dieu m’a distingué, aujourd’hui je peux dire à tous ces gens qui m’ont traîné dans la boue : ‘Moi je suis en Europe, je prêche en français à des intellectuels, seul le Dieu de maman Olangi peut réaliser cela’ ». Toutefois, le même missionnaire n’hésite pas à dire à l’assemblée des fidèles (et au chercheur auquel il s’adresse) : « Bien aimé, abandonne ton esprit de francophone ». Il s’agit d’une invitation à rompre avec les « esprits de négation » (dévalorisation, disqualification, manque d’estime de soi, etc.) qui condamnent à l’échec pour adopter une pensée positive. De manière transversale à l’ensemble du Réveil, parler l’anglais, sous l’influence des prédicateurs anglophones, relève du paradigme de l’émancipation et de la mobilité. Cette invitation, qui est aussi une allusion à la colonisation des esprits par la langue française, ouvre la perspective d’un redéploiement où les régions anglophones, voire anglo-saxonnes, représentent un nouvel espace pour la réalisation de soi.
Les kimbanguistes : « Satan habite en Europe »
Dans la géographie kimbanguiste, la migration en Occident prend une signification spécifique avec la prophétie que Kimbangu aurait faite le 10 septembre 1921, le jour de son arrestation, selon laquelle les kimbanguistes iraient « dans le pays des Blancs pour propager la parole de Dieu à travers le monde ». Ici aussi, la migration constitue un facteur de légitimation, au moins imaginaire, et qui plus est, d’ascension hiérarchique dans l’Église. Car si, comme on va le voir, dans la géographie kimbanguiste, l’Europe est un territoire sorcier, elle est aussi celui de la réussite sociale. Toutefois, on constate qu’en pratique, les kimbanguistes en Belgique sont le plus souvent absents de l’espace public belge.
De façon transnationale, mais avec plus d’acuité parmi les kimbanguistes de Belgique, les prédications font abondamment référence aux souffrances endurées par Kimbangu et par les kimbanguistes à l’époque coloniale. Les autorités belges – publiques, politiques et militaires – sont soupçonnées de taire volontairement les souffrances que la colonie infligea aux kimbanguistes, et qui plus est, d’être conscientes de la personnalité spirituelle et divine de Simon Kimbangu, qu’elles s’emploieraient à dissimuler. Les kimbanguistes sont d’ailleurs convaincus que les archives du Royaume de Belgique et de l’armée contiennent les preuves de la nature divine de Kimbangu, mais qu’elles en protègent jalousement l’accès. Dès lors, le principe de l’herméneutique kimbanguiste s’exprime en Belgique sous des modes inédits. D’abord dans la reproduction du combat contre les sorciers « blancs » à l’époque coloniale. Les kimbanguistes, y compris d’Europe, disent souvent que « Satan habite en Europe » (Europe : Poto, ou Mikili plus employé chez les jeunes) et que la sorcellerie s’y montre polele, c’est-à-dire en plein jour, dans la vie quotidienne, « sans se cacher », ou en se voilant à peine. En somme, en Europe, la sorcellerie se manifeste dans le monde visible – lequel constitue l’opposé de la nuit qui, au Congo à l’instar de la grille pentecôtiste, est identifiée au monde des sorciers, immanent au monde de la veille, mais invisible. Ensuite, depuis le règne de Diangienda au moins (1958-1992), s’est développée au féminin une perception de l’Europe comme dominée par l’athéisme (par les « non-croyants »), les « sciences occultes », les « sociétés secrètes » (franc-maçonnerie, rose-croix) et par les religions ou les sagesses orientales. Il y va là d’autant de signes démontrant que l’homme « Blanc » aurait cessé d’honorer sa dette à l’égard de ce que les kimbanguistes eux-mêmes désignent comme les « dons spirituels » émanant de Dieu, qu’il aurait accompli une rupture de l’échange avec Dieu. Ces pratiques sont associées à ce que Joseph Diangienda avait désigné comme de la « sorcellerie perfectionnée » ou encore comme de la « magie ». Selon les kimbanguistes, cette sorcellerie serait perfectionnée parce qu’elle constituerait un moyen d’innovation, de créativité et de production, tandis que la sorcellerie en Afrique ne constituerait qu’un moyen de consommation coïncidant avec la négativité d’actes réactifs, visant à amoindrir, voire à détruire celui qu’ils visent. Cependant, la sorcellerie perfectionnée des Blancs, aussi productive fût-elle, n’en est pas moins dangereuse. En effet, elle se fonde sur le vol et l’accaparement d’âmes, ce qui s’inscrit dans une certaine continuité par rapport au phénomène du Mundele ya Ngulu de l’époque coloniale.
Le sentiment, chez les kimbanguistes de Belgique du moins, que la « sorcellerie perfectionnée » ou la magie est à l’œuvre dans les institutions publiques et privées en Belgique, contribue à faire naître la méfiance et le retrait de ceux-ci. Nombre d’entre eux sont persuadés d’être victimes d’un complot, savamment organisé contre Simon Kimbangu avant même sa naissance et réitéré contre ses fidèles depuis 1921 au Congo belge, puis, plus tard, en Belgique. Ce que les kimbanguistes éprouvent en Belgique comme des « discriminations » quotidiennes, voire des « persécutions », administratives, scolaires, professionnelles, etc., ils l’interprètent comme la manifestation réelle du monde « occulte » : par leur appartenance à des « sociétés secrètes », les représentants des « pouvoirs publics » belges, conscients de la nature divine de Simon Kimbangu et de la menace qu’elle constituerait pour l’Occident, chrétien, judaïque ou athée, chercheraient à s’en prémunir en les combattant.
Dès lors, pour les kimbanguistes en Europe, l’enjeu réside moins dans une tentative de conversion des Européens que dans une lutte du Bien contre le Mal. Comme le dit ce pasteur kimbanguiste en Belgique : « Ici la lumière et les ténèbres sont en perpétuelle dispute ». D’où le caractère proprement crucial, pour les kimbanguistes, de leur appartenance à l’Église de Simon Kimbangu et de leur foi en celui-ci, lequel, parce qu’il est l’incarnation de l’Esprit Saint, peut, seul, les protéger de la sorcellerie et de Satan. Au monde des sorciers, ils opposent et se replient sur leur appartenance, fondamentalement politico-religieuse (Godelier 2007), de « Bana (ya) Papa [Simon Kimbangu] » (« d’enfants de Papa [Simon Kimbangu] ») et tendent à s’abstraire de l’espace public belge, à la différence des kimbanguistes de Lisbonne (cf. Sarró et Mélice 2010, 2012). Ceci peut apparaître comme une reproduction, dans l’ancienne métropole, de la situation de domination de l’époque coloniale.
Conclusion
La dimension heuristique des trajectoires migratoires dont les fidèles (kimbanguistes, pentecôtistes ou olangistes) font état dans leurs témoignages, est de donner à voir en plein jour le lieu civilisationnel de production des territoires sorciers. Constitutive du christianisme (Tonda 2005), l’éradication de la sorcellerie revient en boomerang. En Belgique, l’étiologie sorcellaire éclaire, d’une lumière très crue, le processus historique de colonisation qui s’est traduit pour les Congolais « sujets de la colonie » par un processus de spoliation, de dépossession, et d’assujettissement dans les règles du droit international de l’époque. Au regard de ces trois Églises et des déclinaisons temporelles et spatiales différenciées que nous venons d’esquisser, l’espace prophétique et pentecôtiste congolais de RDC et des diasporas donne à voir une entreprise d’éradication des territoires sorciers significativement articulée au sentiment (croissant) de proximité de « l’ennemi », celui qui fait figure d’intrusif. Des agents coloniaux aux parents biologiques, la recomposition des frontières que l’on observe depuis les années 1990 entre étranger et familier, entre lointain et proche, ainsi qu’entre les différentes catégories du social (genre et génération), pourrait laisser à penser un démembrement mortifère du social. Toutefois, il ne s’agit pas tant d’une substitution des figures de l’altérité que d’une recomposition sur le mode du palimpseste, ajoutant de nouvelles formes aux anciennes comme en témoigne le soupçon pesant, ici et là-bas, sur les institutions belges renvoyant aux vols coloniaux, effectifs et symboliques.
Si la critique postcoloniale n’est pas érigée en argumentaire par les leaders religieux, si elle ne fait pas l’objet d’un corpus de doctrine, elle traverse cependant l’ensemble du champ religieux congolais. Elle s’articule à la critique fondamentale des missionnaires catholiques initialement formulée par les kimbanguistes et invariablement reprise par les pentecôtistes, par les charismatiques, et par les olangistes. Elle transpire dans les récits des fidèles, et est sublimée dans l’imaginaire biblique dont les fidèles s’abreuvent inlassablement. Dans une perspective attentive aux espaces et aux territoires traversés dans la migration, on peut dire que cette critique trouve à s’exprimer de proche en proche, au fur et à mesure du rapprochement avec l’Europe. Tout est comme si, pour aller dans le sens d’Halbwachs (1941), des souvenirs religieux fluctuants ne pouvaient se fixer qu’à partir du moment où ils trouvent un ancrage et deviennent significatifs d’une historicité et d’un territoire religieux. Cependant, si les « blocages » dont procède la critique religieuse s’inscrivent dans des logiques généalogiques mobilisées par les kimbanguistes et les olangistes, les dispositifs de « délivrance » pentecôtistes suggèrent au contraire la possibilité de leur dépassement.
L’étiologie sorcellaire est structurelle et amplifiée en situation migratoire du fait des performances matérielles et technologiques de l’Europe que n’épuise définitivement pas la critique religieuse des mœurs occidentales. Le concept kimbanguiste de « sorcellerie perfectionnée » traduit de façon emblématique la dissociation entre une sorcellerie productive et une sorcellerie destructrice, qui renvoie aux logiques d’équivalence de la conversion pentecôtiste, substituant la théologie de la prospérité, ou de la bénédiction, aux magies locales, contre-productives et maléfiques. Les olangistes vont jusqu’à se livrer à une opération de change : la vieille monnaie dévaluée des coutumes obsolètes et inadaptées aux situations contemporaines est échangée contre les bénédictions de la modernité, et l’ardoise du passé est effacée. Si le Christ reste l’opérateur de délivrance, ce n’est pas par miracle mais parce que « Dieu produit en vous le vouloir et le faire ». Cette perspective proactive et performative, que les kimbanguistes ne renieraient certainement pas indépendamment de leur divergence doctrinale, est très vraisemblablement une des marques fondamentales, si pas la marque fondatrice, des « réveils » congolais.
Si les kimbanguistes de Belgique, à la différence de leurs coreligionnaires du Portugal (Sarró et Mélice 2010, 2012), tendent à reproduire, malgré eux – et notamment en se soustrayant largement à l’espace public belge –, la situation de domination dans laquelle se trouvaient les kimbanguistes de l’époque coloniale, au contraire, les pentecôtistes et les olangistes affirment leur intention volontariste, quasi conquérante, et leur droit à la traversée des frontières juridiques, sociales, économiques et raciales de la société d’installation. Une « r-évolution », diront les pentecôtistes, dont le territoire chrétien, évangélique et diaboliquement anti-sorcier, qu’il soit blanc ou noir, est avant tout reformulé dans les termes de la globalisation et de l’instauration de réseaux internationaux qui sont autant d’avancées du « Royaume du Christ ».
2) Un ministère au sens paulinien du terme, un « bras armé de l’Église Corps de Christ » et non pas une Église au sens strict ; un ministère de couple – chaque siège local est sous la responsabilité d’un « couple berger » – et de laïcs.
3) Pour des raisons historiques, on parle au Congo d’Églises de réveil pour désigner les Églises d’obédience pentecôtiste.
4) L’authenticité décrétée fin 1971 par Mobutu institue le recours aux valeurs africaines « authentiques » comme projet politique devant conduire le pays à la décolonisation culturelle, sociale et spirituelle. Elle fut accompagnée de mesures économiques qui nationalisèrent nombre d’institutions, notamment le monde de l’entreprise.
6) La Conférence Nationale Souveraine (CNS) chargée de faire une relecture de l’histoire politique, économique, sociale, culturelle du pays, a duré 16 mois.
7) Interview Justin Mayimba, journaliste co-fondateur du quotidien la “Référence plus”, par Sarah Demart 2009.
9) Avant d’avoir sa « révélation » en 1989, Maman Olangi a notamment fréquenté la FEPACO (Fraternité évangélique de Pentecôte en Afrique et au Congo) Nzambe Malamu d’Adini Abala, reconnu comme un des pères du Réveil, Maman Ntumba (AIFA/Association internationale de la Foi en Action de Jean-Louis Jayet), la CWFI/Christian Women Fellowship International (créée au Nigeria par la femme de l’archevêque Idahosa) dont la présidente nationale au Zaïre était Maman Tshibambe. Elle a aussi fréquenté les milieux du Full Gospel introduit au Zaïre dès 1983.
10) Créé en 1991 sur les deux rives du fleuve Congo (Kinshasa et Brazzaville), le mouvement olangiste compte aujourd’hui près de 180 sièges répartis sur quatre continents.
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