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Cet article se penche sur le recours des femmes aux tribunaux de cadis dans l’archipel oasien du Grand Touat, situé dans l’extrême sud de l’Algérie, aux XVIIIe et XIXe siècles. L’enjeu est de remettre en question l’image des sociétés rurales maghrébines comme peu judiciarisées au sein desquelles la justice islamique n’a constitué qu’un phénomène marginal. Notre enquête se fonde sur l’examen d’une série de recueils de jurisprudence inédits (nawāzil) compilés par des jurisconsultes oasiens entre 1750 et 1850. Les matériaux conservés dans ces collections laissent entrevoir une profonde ambiguïté caractérisant la présence des femmes dans l’espace judiciaire. D’un côté, les femmes sont des usagères assidues des auditoires des différents jurisconsultes et juges qui, à leur tour, examinent avec diligence les plaintes déposées. De l’autre, l’accès à la magistrature n’infléchit que jusqu’à un certain degré les rapports de subordination, dans la mesure où l’institution judiciaire représente aussi un instrument puissant pour perpétuer les structures sociales patriarcales.