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Pratiques spirituelles et prière incarnée chez Michel de Certeau

La théologie en dialogue avec les sciences culturelles

Spiritual practices and incarnated prayer in the work of Michel de Certeau

Theology in dialogue with cultural sciences
In: Interdisciplinary Journal for Religion and Transformation in Contemporary Society
Author:
Margit Eckholt Professur für Dogmatik mit Fundamentaltheologie, Institut für Katholische Theologie, Universität Osnabrück Osnabrück Germany

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https://orcid.org/0000-0003-1813-718X
Open Access

Abstract

In recent years, numerous studies of prayer practices have been presented in the field of cultural and religious sciences. In his article on “L’homme en prière, cet ‘arbre de gestes’”, Michel de Certeau makes the gestures of prayer and the space inhabited by prayer the starting point for a fundamental approach to human existence. The following article builds on these reflections and, in the context of the ‘spacial turn’ in the cultural sciences, attempts to work out with Michel de Certeau the paths to an ‘intellectus fidei’ in these times of broken links with the ecclesial institution, when spirituality is gaining new importance, even in secular circles.

1 Pratiques spirituelles et espaces du croire – une nouvelle dynamique de l’« analysis fidei »1

1.1 Prier comme nouveau « locus theologicus »

Prier est une pratique humaine originelle centrale, dans laquelle l’homme place son existence dans l’espace d’un « Autre », dans laquelle il tire son existence d’une reconnaissance qui dépasse les limites de son intériorité. L’existence humaine n’est pas fondée sur l’autosuffisance, mais sur une origine qui la dépasse et sur un but qui la dépasse également. La prière s’exprime aussi bien par la parole que par le silence, elle est liée dans toutes les religions à différentes pratiques rituelles, à des gestes et des attitudes qui orientent l’homme vers cette origine qui le dépasse, qui lui témoignent reconnaissance et respect, comme dans les prosternations, les agenouillements, les ablutions rituelles. La prière est souvent pratiquée dans des lieux aménagés pour la prière, dans les églises, les synagogues, les mosquées et autres temples, mais les espaces privés et publics peuvent également être orientés vers cet « Autre » par la prière.

Dans les sciences culturelles et religieuses, de nombreuses études ont été présentées ces dernières années sur ces multiples pratiques de prière, y compris dans le cadre d’une comparaison interculturelle et interreligieuse et en lien avec l’étude d’autres formes d’expressions religieuses populaires comme les pèlerinages2. Dans la tradition chrétienne, cela n’est pas nouveau, les formes de prière avaient leur place dans les traités classiques de « piété » et d’« ascèse ». Dans le Dictionnaire de spiritualité, publié entre 1932 et 1995 par la Province jésuite de France, plusieurs articles sont dédiés à la « prière »3. Dans les sciences missionnaires, l’approche des religions étrangères passe justement par la présentation de pratiques et de coutumes religieuses. En 1948, le missionnaire Thomas Ohm, de Münster, a présenté une étude comparative sur les pratiques de prière dans le christianisme, le judaïsme, l’islam et les religions orientales4. Dans toutes les religions, la prière est la forme fondamentale du service de Dieu, qui oriente l’homme vers une transcendance, vers Dieu, et ces études comparatives des religions n’ont certainement pas été négligeables pour la formation d’une nouvelle attitude envers les autres religions, étrangères, et ont certainement préparé dans ce sens le nouveau dialogue de l’Église catholique avec les autres religions, initié par le Concile Vatican II.

La prière et les pratiques religieuses n’avaient aucune importance pour l´approche de la vérité des traditions religieuses, pour l’« intellectus fidei » classique; les contenus de la foi chrétienne ont été définis à partir de la Révélation attestée dans les Saintes Écritures et de la vérité de la foi définie dans la tradition ecclésiale lors des conciles, par le magistère des évêques et des papes et par le travail théologique. Les formes d’appropriation de cette vérité religieuse, dont font également partie les pratiques de prière, ne jouaient aucun rôle dans le travail théologique classique, qui déterminait le point de référence de la théologie, la question de Dieu, d’un point de vue méthodologique dans le dialogue avec la métaphysique. Ce n’est qu’avec l’éclatement des références métaphysiques dans la philosophie de l’époque moderne et le recours à des méthodologies historiques, herméneutiques et philosophiques du langage que la prière en tant qu’« événement linguistique » a pris de l’importance pour la méthodologie théologique. Le néo-kantien Hermann Cohen (1842–1918) définit l’invocation du nom dans la prière, selon l’interprétation de Richard Schaeffler dans sa « Petite théorie linguistique de la prière », comme un « acte de langage » par lequel « rien n’est communiqué à personne, rien n’est demandé ou exigé de personne », mais « le sens de l’invocation du nom consiste plutôt en ce que le locuteur entre dans une relation réciproque avec celui qu’il appelle par son nom […] et qu’il se comprend lui-même et son monde d’expérience à partir de cette relation »5. Les philosophes des religions Richard Schaeffler (1926–2019) et Bernhard Casper (né en 1931) ont construit sur cette base un pont pour l’ « intellectus fidei », qui permet d’aborder la question de la vérité de la foi chrétienne par le biais de la prière6. L’approche de la qualité de la parole de Dieu dans la prière est devenue toujours plus importante; pour la détermination du rapport entre le langage et la Révélation, la prière gagne en pertinence et ouvre ainsi la voie à de nouvelles approches de la théologie de la Révélation. Dans ces approches, la prière est définie comme un « acte de langage », alors que la théologie n’avait et n’a toujours pas pris en compte les multiples pratiques corporelles liées à la prière, les gestes et les attitudes, ou ou la manière dont ces pratiques créent des réseaux de relations dans l’espace et des espaces de prière dans et à partir les formes de vie des hommes et des femmes. La liturgie et les pratiques rituelles dans un sens large deviennent ainsi un nouveau « locus theologicus » – non seulement dans le sens des pratiques liturgiques traditionnelles, mais aussi dans le sens d’une « liturgie du monde », de la transparence des pratiques humaines quotidiennes vers la transcendance.

1.2 Ouvrir des espaces du croire dans les pratiques de prière – nouvelles pistes d’analyse de la foi avec Michel de Certeau

Dans plusieurs de ses textes, comme l’impressionnant essai sur l’homme en prière comme « arbre de gestes »7, Michel de Certeau parle, par analogie avec les « cartes du tendre » de Madeleine de Scudéry (1607–1701) – paysages d’amour qu’elle, l’une des grand.es écrivain.es courtois du XVIIe siècle, a décrit dans son livre « Clélie » –, de « cartes de foi ». Il s’agit d’une « géographie mystique » et, en ce sens, de cartes de foi qui interprètent les textes de la mystique en se référant à des pratiques de prière et en les guidant vers celles-ci8. Michel de Certeau a ouvert la voie à la nouvelle pensée de l’espace pour l’interprétation des textes mystiques; il s’est inspiré de la Poétique de l’espace de Gaston Bachelard (1957) et de La production de l’espace d’Henri Lefebvre (1974), qui a influencé aussi le fondateur du récent « spatial turn », le géographe américain Edward W. Soja, et son ouvrage Postmodern Geographies ou Third Space9. En opposition à une conception « sédentaire » de l’espace, comme le philosophe Stephan Günzel10 qualifie la philosophie de l’espace d’Otto Bollnow (Mensch und Raum, 1983), qui pense les espaces à partir des lieux en s’appuyant sur Martin Heidegger11, Certeau développe une « philosophie nomade de l’espace », telle qu’elle a également été présentée par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Mille Plateaux 1980; elle part « de la ligne ou plutôt d’un mouvement » qui conduit ensuite, selon Günzel, « à la primauté de l’espace comme possibilité de déploiement »12. Le lieu et l’espace sont mis en relation par les pratiques de l’homme ; les pratiques sont des moments dynamiques qui s’inscrivent dans les lieux, elles marquent un mouvement d’un lieu à l’autre. L’espace se construit « dans une dynamique continue de rupture, il est une donnée changeante et reste toujours soumis au changement »13.

Est un lieu l´ordre (quel qu´il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence … Un lieu est donc une configuration instantanée de positions. Il implique une indication de stabilité. Il y a espace dès qu´on prend en considération des vecteurs de direction, des quantités de vitesse et la variable de temps. L´espace est un croisement de mobiles. Il est en quelque sorte animé par l´ensemble des mouvements qui s´y déploient. … A la différence du lieu, il n´a donc ni l´univocité ni la stabilité d´un ´propre. En somme, l´espace est un lieu pratiqué14.

Dans ce contexte, les lieux et les espaces ne sont pas seulement localisables géographiquement, mais sont également compris par de Certeau comme des lieux scientifiques, sociaux et culturels. Ce qui est décisif pour de Certeau, c’est que les lieux sont toujours les points de départ d’une pratique qui s’oriente vers d’autres lieux et forment ainsi des espaces. « Ce qui atteste d’un lieu », explique Melanie Spranger dans son étude sur Michel de Certeau,

c’est, outre les pratiques et les événements et rencontres qui se produisent dans un lieu, une attribution de signification personnelle et subjective par les “lieux” à l’intérieur de l’homme … Les dimensions visibles et invisibles du lieu, dans la complexité de leur imbrication, constituent la “géographie mystique”15.

Une telle géographie se montre dans l´essai sur les « Marches dans la ville »16, où Michel de Certeau donne des suggestions importantes pour l’élaboration de « cartes » de la foi dans les « espaces en mouvement » de la ville. Il fait la distinction entre la marche et la carte. La marche est une « pratique » ; les cartes la « traduisent » et, par le biais des points qu’elles marquent, elles invitent à leur tour à former de nouvelles pratiques et, ce faisant, à réaménager l’espace en marchant. Les piétons sont des « Wandersmänner », selon Certeau, « dont le corps obéit aux pleins et aux déliés d´un “texte” urbain qu´ils écrivent sans pouvoir le lire »17.

Quelque chose se crée dans leur marche ; cette pratique façonne l’espace et fait naître l’espace. Il en va de même pour les pratiques de la prière, que Michel de Certeau interprète de manière fascinante dans son essai sur Lhomme en prière, « cet arbre de gestes ». Il expose ainsi une conception anthropologique de l’espace qui précède la « géographie », au sens littéral de la marche, et qui donne naissance à une « géographie mystique ». Il interprète les pratiques de la prière à partir de cette conception anthropologique de l´espace.

Les « Wandersmänner » et les « Wandersfrauen » dans la ville moderne – et par là, il entend au fond ses contemporains – ne sont pas si éloignés des hommes et femmes religieux des débuts de la modernité, des missionnaires et des mystiques dont Michel de Certeau analyse les textes. Dans ses interprétations fascinantes et subtiles des textes mystiques, il met en évidence, à travers la structure de ces textes et les paradoxes de leurs formulations, leurs « vides », dans lesquels l’« irruption » d’un Autre – Dieu – a laissé une trace. C’est ici que se manifeste un langage qui ne se fonde plus sur la sécurité de l’institution ecclésiale, un langage qui thématise de manière tout à fait nouvelle la liberté, l’ouverture et la vulnérabilité du religieux, qui maintient ouvert le « vide » du discours sur Dieu et qui invite la théologie à trouver de nouvelles formes créatives du discours sur Dieu. Les textes mystiques sont considérés par Michel de Certeau comme des « partitions » qui conduisent à de nouvelles « interprétations », même au-delà de l’époque de leur rédaction. Ce procédé méthodologique se manifeste de manière très particulière dans l’interprétation des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola18. Ces textes sont un « itinéraire », ils envoient en voyage à la recherche de Celui « sans lequel » le marcheur ne peut être. Celui qui lit ce texte comme une telle « partition » découvre en lui – dans les « blancs » du texte – ce qui est à l’origine du texte : un désir plus fort que tout manque, même si le texte n’est rien d’autre que l’expression de ce « manque » : « ne pas sans toi », « pas sans toi », dans ce paradoxe, qui est un motif clé de sa pensée, Michel de Certeau saisit l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. Le texte mystique le révèle, comme le geste du priant, comme la démarche de prière qui naît du désir préparé à son tour par la démarche. Le tombeau est vide, Dieu est « enveloppé dans les ténèbres », mais nous pouvons l’attendre avec tout notre désir, et c’est Lui qui envoie toujours à nouveau sur le chemin19.

Les pratiques de la prière s’inscrivent dans le corps de l’homme qui est en mouvement et qui, avec ces mouvements, configure une « géographie mystique ». Cette « prière incarnée » devient pertinente pour le travail théologique et « l´intellectus fidei », alors la voie peut être préparée pour une nouvelle analyse de la foi qui commence par la « fides qua », la (co)foi des hommes et des femmes, liée à des réalisations corporelles et incarnées et intégrée dans des réalisations communautaires.

Et cela permet de comprendre la foi comme un mouvement de recherche, comme un nouveau départ, lié à la libération d’une nouvelle expérience, à l’éveil d’un désir, à la recherche aux formes nouvelles de parler de Dieu, à la nouvelle « mise en musique » des anciennes partitions du discours chrétien sur Dieu. Ici s´ouvre « l´intellectus fidei » aux formes de la religiosité populaire, aux formes nouvelles de réfléchir sur la foi dans les théologies de la libérations, indigènes, féministes etc.

Dans une chapelle latérale de l’abbaye de Burg Dinklage se trouve la statue en bois médiévale d’un « Christ dansant », c’est le Ressuscité qui fait le premier pas, encore marqué par les blessures, mais c’est un pas de danse vers la vie. La prière retrace ce pas de danse, elle est de la sorte l’expression corporelle – physique – d’un homme (ou d´une femme) qui vit en toute vigilance, qui est marqué par un « désir » de trouver ce pas de danse du Ressuscité, dans la « danse de la grâce », comme l’écrit Michel de Certeau dans son essai sur « l’homme en prière ».

2 L’homme en prière, « cet arbre de gestes » (Michel de Certeau) : la prière incarnée

Le recueil d’essais Faiblesse de croire, rassemblé par Luce Giard, collaboratrice de Michel de Certeau, et publié en 1987 aux éditions du Seuil20 n’est pas seulement un recueil d’essais divers, mais une introduction à la foi chrétienne, orientée vers la théologie fondamentale et issue d’un dialogue avec les sciences culturelles, écrite à une époque où les liens avec l’institution ecclésiale s’affaiblissent, et destinée aux lecteurs pour lesquels le témoignage de vie chrétienne – par exemple sous la forme de la vie religieuse – devient une « figure étrange », qui pose plutôt des « énigmes » et est un « vestige de sociétés disparues », selon Certeau dans l’introduction au volume21.

Mais pour cette raison les formes par lesquelles la foi s’est exprimée dans l’histoire – les textes de grands croyants comme les Pères du désert ainsi que les mystiques du début des temps modernes que Certeau étudie – ont de l´importance dans une époque où la connaissance de la foi chrétienne s’effrite. Ils sont pertinents pour réapprendre à « déchiffrer », même dans des contextes séculiers, ce qu’est la foi, ce qui l’a conduite à ces formes d’expression et ce que ces formes disent encore aujourd’hui de ce qu’est la foi.

L’article L’homme dans la prière, «cet arbre de gestes»22 ouvre la première partie de Faiblesse de croire, intitulée « Lire une tradition ». Il s’agit d’un texte dense, presque poétique, sur la prière en tant que « pratique » par laquelle « l’espace sacré » est créé, équipé et « meublé » et par laquelle l’homme est guidé vers son « centre », c’est-à-dire vers une « orientation ». Une « orientation » – c’est l’ancienne « ostation » (« orientation vers l’est » des lieux saints et des églises – :

La prière se crée un espace sacré : « cercle de l’oraison » (inclusio in circulo) des Moines de l’Antiquitée chrétienne, cercles (mandala) dans lesquels est introduit le néophyte indien, église destinée à rassembler les fidèles autour de l’autel, cellule où le moine recueille ses facultés au « centre ». La prière organise ces espaces avec les gestes qui donnent à un lieu ses dimensions et à l’homme une « orientation » religieuse. Elle meuble cet espace d’objets mis à part, bénis et consacrés, qui épèlent son silence et deviennent le langage de ses intentons. (13)

Certeau suit le processus de « gestation » de la foi, les « pratiques de spiritualité » dans leur forme d’exécution, en retraçant la topographie de la prière de l’Eglise des premiers siècles – une tradition qui est encore entretenue aujourd’hui dans les monastères (contemplatifs), mais aussi dans les pratiques de prière quotidiennes et bien au-delà du christianisme. Par étapes subtiles, il montre comment, à travers les gestes et les pratiques de l’orant, s’ouvre un espace de prière dans lequel est « inscrit », comme une « trace », ce qui constitue la prière : une vie déterminée par l’Esprit (de Dieu). Ce qu’est la « spiritualité » se déploie ici à partir des pratiques quotidiennes; aucune notion prédéfinie de « spiritualité », mais « en chemin », en marchant sur le chemin de la prière, une figure se forme qui peut alors indiquer « plus », qui le « montre » et « l’indique » et qui est ainsi un signe sensible et sensuel de la « présence » de Dieu23. Certeau parle d’une « géographie mystique », d’une « carte » de la prière (13) qui se forme à travers des gestes, des attitudes, des mouvements et des orientations dans l’espace – ici, c’est surtout l’ « orientation vers l’Est » qui est importante. En même temps, ces gestes, attitudes, mouvements et orientations dans l’espace peuvent se former sur le fond de « cartes géographiques » existantes – ce sont des livres de prière, des traités sur la prière dans des textes mystiques, etc. Ce que la théologie « classique » de la spiritualité appelle « esprit » est exprimé par Michel de Certeau à travers les réalisations corporelles, les gestes et les attitudes, la « mise en scène » dans l’espace, le traçage et l’équipement d’un espace. L’espace de rencontre entre Dieu et l’homme, dont la prière est le symbole, est « embodied » (incorporé), est lié au corps de l’homme et s’exprime par des gestes ; par là même, ce qui en fait « ne peut être qu’universel dans son intention » (13) prend une « forme particulière ». « De ce point de vue, la prière est paradoxe : le geste est esprit. Si la prière aspire à rencontrer Dieu, le rendez-vous se situe toujours sur les terres de l’homme, au croisement de son corps et de son âme. » (13/14). C’est ce corps très concret, qui devient dans la prière « l’axe du monde » (14), que Michel de Certeau a en vue lorsque, dans ce texte comme dans d’autres, il se réfère à la posture orante des Pères du désert – qui, dans une perspective d’histoire des religions, relie les différentes religions – et aux textes de prière du monachisme primitif. Le moine Arsène, écrit-il, « tendait les mains vers le ciel, priait jusqu’à ce que le soleil se lève devant lui. Alors seulement il s’asseyait » (14). « Littéralement, il (c’est-à-dire l’orant, M.E.) “rejette” dans son dos le soleil qui choit et, luttant contre la nuit, droit sur ses pieds, il lève les mains vers le point d’horizon d’où la lumière, comme une réponse, viendra saisir ses paumes ouvertes. » (14) « Entre le soir et le matin, entre le haut et le bas, entre ce qui meurt et ce qui naît, il n’est qu’un geste d’attente et un corps fatigué par le désir. C’est un homme en prière, tel un arbre entre ciel et terre » (14). Et cet homme en prière n’est rien d’autre que du désir ; il attend dans la nuit celui sans qui son attente, toute son attitude et sa pratique sont dépourvues de sens. Dans la tradition biblique de la prière, cette orientation de l’attitude de prière est liée à l’appel de l’« Autre » : Dieu, l’étranger, l’« Autre » que la personne qui prie attend, l’appelle, comme le dit le texte du prophète Ezekiel (Ez 2,1) cité par Michel de Certeau: « Fils d’homme, tiens-toi sur tes pieds: je vais te parler. » (14) Le priant se redresse, « […] le stylite, ascète de l’attention, fait ainsi de son corps, qui prolonge l’élan de la colonne, le cri sans voix qu’attire jusqu’à soi le Dieu qui descend. » (14) Dans cette prière, le corps est orienté « vers le ciel » (14).

C’est la forme fondamentale de la prière chrétienne, et elle s’inscrit dans le point d’ancrage de la foi chrétienne, marqué par l’incarnation, et dans la tradition ignatienne du jésuite Michel de Certeau. L’homme en prière, les mains levées, évoque la croix dressée, c’est la régression vers le fondement originel le plus profond de la foi, que Michel de Certeau ne cesse de thématiser dans nombre de ses textes spirituels, notamment dans sa fascinante interprétation des Exercices spirituels d’Ignace, la régression vers le « fondement », la recherche du « désir » originel qui, en fin de compte, ne peut être éveillé que par cet Autre, Dieu lui-même, vers lequel les corps se tendent dans une hauteur et s’orientent vers « l’Est », en s’orientant vers le soleil levant, le Christ ressuscité.

Lorsque Michel de Certeau décrit le corps comme un « arbre entre ciel et terre » qui s’étend vers le haut et vers le bas, vers le centre et vers l’étendue, et qui s’oriente surtout vers l’Est – la lumière qui se lève et le Christ qui ressuscite –, il inscrit la dynamique incarnationnelle de la foi chrétienne dans un vaste cadre théologique de la création. Dans les gestes, les attitudes et les séquences de pas dans l’espace, l´homme ou la femme qui prie « suit de ses gestes le [Dieu vivant] qui les éveille » (18), et ainsi il « modèle son corps sur les lieux de son désir, mais il va toujours plus loin » (18), car celui qu’il cherche et attend, le « Vivant » « habite l’espace entier » (17). En cela, un chemin se forme, la prière devient un « voyage corporel vers l’au-delà » (19) ; « Il cherche à tâtons, de ses mains jointes ou levées, le Dieu insaisissable qui s’absente des premiers rendez-vous. Il passe lentement de geste en geste, et avance dans la prière comme le pèlerin qui multiplie et répète les différentes postures de la marche » (18). Avec la prière, des lieux de pèlerinage de l’homme se forment dans l’espace du monde. Quelque chose de ce vers quoi la prière ouvre s’inscrit dans le monde : Dieu, « l’Autre », « l’étranger », que Michel de Certeau ne nomme pas parce qu’il est celui qui manque : le tombeau est vide. Et ainsi commence la recherche de celui qui a réveillé ce « désir » de vivre et qui le réveillera à nouveau comme le Christ ressuscité et le soleil levant. C’est là que se fonde le fait de parcourir, de tâtonner, d’arpenter les espaces du monde, qui y deviennent des lieux dont les traces et les textes témoignent de celui « sans qui » vivre et marcher ne sont pas possibles24.

Dans cette prière qui s’oriente de plus en plus vers « l’Est »25, une « géographie mystique » se configure dans les gestes et les pas humains ainsi que dans le « mobilier » de l’espace. Dans tous les espaces humains, l’« espace de Dieu » s’ouvre en réponse à l’appel de celui « sans qui » je ne peux pas être ; il s’ouvre sur celui qui rencontre « avec le langage de son humanité, les mains, les visages et les corps qu’il oriente vers lui et qui répondent aux siens » (22). C’est précisément le « “paradoxe” de la miséricorde » ou la « dialectique [de la prière] » (22) (en termes chrétiens). Justement parce que la dimension d´incarnation et la dimension théologique de la création sont liées l’une à l’autre que la prière relie au-delà des temps et des espaces, au-delà aussi des frontières culturelles et religieuses. Dans les gestes pratiqués aujourd’hui, le souvenir de gestes tels qu’ils ont déjà été pratiqués de nombreux siècles auparavant reste vivant. « Une longue histoire se récapitule dans la posture de l’orant et fait de lui, dans sa solitude même, un témoin du passé qu’il ne sait plus et des frères que sa prière mentionne sans pouvoir les nommer. » (23) Le « soleil levant » a de tout temps « atteint » les mains des priants, c’est en cela qu’il les unit « par une mystérieuse solidarité » (23), et, en ce sens, que « l’humble prière du corps jalonne de ses gestes et de ses choses l’histoire humaine » (23).

Dans ce lien naît ce que le Concile Vatican II appelle « l’unité du genre humain » (cf. GS 92), qui, sur le chemin de l’Église, dans toutes ses actes orientés vers l’action rédemptrice de Dieu en Jésus-Christ, est un lien qui dépasse tous les temps et qui, en cela, devient aussi une unité avec Dieu. A la fin de son texte, Michel de Certeau met en évidence cette unité globale qui s’étend à l’éternité de Dieu, en se référant à un récit des Pères du désert sur l’ermite Paul qui est mort et dont le corps mort accomplit encore la prière :

venant voir Paul l’ermite, Antoine le trouva un jour dans l’attitude de la prière, recueilli et immobile; mais, après un moment, il s’aperçut que son frère était mort et, nous dit sa Vita, « il comprit alors que le cadavre même du saint, accomplissant toujours le ministère du geste, priait encore le Dieu pour qui tout est vivant ». (24)

Le geste corporel de la prière « survit même à l’esprit après l’avoir souvent devancé » (23) – ce n’est rien d’autre que la profession de foi chrétienne de la « résurrection de la chair », car le geste est esprit.

Dans son essai sur l’homme en prière, Michel de Certeau propose une réflexion fascinante sur la prière, qui recèle en elle la totalité de ce que croire veut dire, orientée par les témoignages sur les pratiques de prière des Pères du désert et d’autres textes de la tradition chrétienne. Parce qu’il part des expressions corporelles, des gestes, des attitudes, des mouvements dans l’espace, sans se référer à la confession de foi chrétienne dans un sens « dogmatique », son texte est ouvert à des dialogues interculturels et interreligieux plus larges. En plaçant le texte au début de l’analyse de la foi présentée dans « La faiblesse de croire », il devient clair que la réflexion théologique ne peut pas commencer autrement que par une « interruption » et une « orientation » vers Celui qui est l’origine, le but et le compagnon de route : Dieu lui-même, le « Vivant », selon Michel de Certeau, « dont toute créature reçoit, avec le mouvement, son espace » (22). Cette orientation et cette « conversion »26 s’inscrivent dans la méthodologie de l’« intellectus fidei ». La prière représente en ce sens une pratique qui concrétise dans la vie la « danse de la grâce », qui inscrit dans la marche et l’ameublement des espaces de vie la trace d’un « Autre » qui a lui-même posé le premier pas de danse, vers la vie et vers un avenir qui ne vient que de Dieu. Michel de Certeau rappelle le chemin de Marie de Magdala vers le tombeau vide (Jn 20,1–18) ; Marie trouve précisément ici, au « point zéro »27, dans son tournant vers un autre, vers l’« Étranger », le pas de la vie. De même, pour les disciples sur le chemin d’Emmaüs (Lc 24,13–35) Dieu devient leur compagnon de route et leur hôte. De cette manière Dieu lui-même réveille le « désir » originel qui fait vivre et marcher, qui ouvre l’avenir et qui envoie Marie et les disciples à annoncer la Bonne Nouvelle.

3 L’analyse de la foi en dialogue avec les sciences culturelles

Avec cette figure de la « prière incarnée », l’approche par les gestes et les attitudes corporelles, la marche et l’ameublement des espaces, Michel de Certeau jette des ponts, pour un travail théologique, vers les discours des sciences culturelles et aussi vers des réflexions philosophiques comme celles d’un André Comte-Sponville, qui ancrent « l’esprit » dans la « nature », sans que Certeau limite toutefois ce qui est appelé « transcendance » à une « intériorité », comme c’est le cas dans une approche philosophique comme celle citée28. Le pas est fait et le geste se figure en réponse à un « appel » : « Lève-toi, fils d’homme ! » Ce qu’est « l’esprit » et comment il prend une expression dans les gestes, dans le mouvement, dans les attitudes, est une « trace », suivant le Christ dansant et ressuscité, qui témoigne d’un autre « esprit », de celui « sans lequel » le chemin et le premier pas ne sont pas possibles. C’est dans l’harmonie du mouvement, du geste, du pas, de la danse et de l’attitude que se forment les « pratiques » de la spiritualité, qui sont autant de moments d’un cheminement. Certeau inscrit ce qui est « spiritualité » dans le corps de l’homme, un moment qui a été négocié dans la théologie spirituelle en vue de l’« ascèse », mais qui n’avait que peu de pertinence pour la véritable détermination d’une vie « déterminée par l’esprit ». Le nouveau regard porté sur les gestes et les pratiques corporelles élargit les approches anthropologiques classiques et ouvre de nouvelles perspectives à la théologie ; c’est précisément pour cette raison qu’il a le mérite tout à fait central de comprendre les liens perdus avec l’Église en tant qu’institution comme une chance pour une nouvelle ecclésiogenèse. Il s’agit d’emprunter « des chemins non tracés »29 et de comprendre le moment présent comme « transitus »30.

Pour ce faire, il est nécessaire de remesurer ce qu’est la foi, de délimiter de nouveaux espaces et de les cartographier. Pour de nombreuses personnes aujourd’hui, pour lesquelles les traditions dogmatiques de la foi ne disent plus rien, les pratiques quotidiennes ou les formes d’expression de l’art moderne – musique, peinture ou installations vidéo – témoignent d’un « esprit » et d’un « désir », d’une aspiration, et cela peut aider à pouvoir nommer des expériences religieuses dans des lieux nouveaux et différents31. Cela correspond au nouveau contexte missionnaire dont parle le pape François dans Evangelii Gaudium (2013) et dans de nombreux autres textes, dans lesquels il appelle à entrer dans la dynamique de la résurrection32. Il s’agit de « rejouer » les anciennes partitions de la foi – les textes bibliques, les sources de la tradition – et de « cartographier » et de « mesurer », avec de nouvelles formes de langage, ce qui a été la source de la foi et qui le reste : l’Évangile du Dieu ami des hommes, révélé par Jésus-Christ, qui, comme il est dit dans l’épître aux Éphésiens, « habite en vos cœurs par la foi. » (Eph 3,14–21) Paul, le premier grand missionnaire, appelle ici à cette « cartographie » de la foi : il s’agit d’en « mesurer » « la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur » (Eph 3,18). C’est un chemin spirituel qui est fondé sur l’amour « qui surpasse toute connaissance » (Eph 3,19). « Qu’Il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur. » (Bible de Jérusalem, Eph 3,16) La nouvelle spiritualité dont parlait Rahner dans son essai sur « La piété aujourd’hui et demain » réalisera elle aussi cette « cartographie de la foi » ; elle sera « chrétienne » dans ce sens précis, mais on peut et on doit aujourd’hui se demander si, comme l’écrivait Rahner en 1966, elle sera « chrétienne et ecclésiale, comme elle a toujours été vécue dans l’Église »33, au vu des nombreux chercheurs et chercheuses de sens à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église. Michel de Certeau accompagne ces chercheurs de notre temps et son approche permet d’interpréter les pratiques quotidiennes, l’art moderne, la poésie, la musique, les installations comme celles d’un Ben Willikens par exemple, comme des « gestes » qui sont « esprit », comme des formes d’expression de l’homme contemporain dont la quête d’une vie vraie – ou peut-être mieux : sa quête de ce qui signifie vraiment vivre – n’est pas éloignée de ce que les « hommes en prière » ont tenté de faire depuis toujours et dans toutes les traditions culturelles et religieuses dans leurs gestes et dans leur traversée des espaces: Rechercher Celui « pour qui tout reste vivant »34.

Biography

Margit Eckholt, Dr. theol., Dr. h.c., studies of Catholic Theology, Romance Studies and Philosophy in Tübingen and Poitiers, Dr. theol. and habilitation at the Faculty of Catholic Theology of University of Tübingen, visiting professorships in Latin America (Chile and Brasil). Since 2009 chair of dogmatics with fundamental theology at the University of Osnabrück. Dr. theol. h.c. from the University of Luzern. Co-Chair of the project “Vatican II – Legacy and Mandate”, president of ICALA – Intercambio cultural alemán-latinoamericano, member of the German Synodal Way.

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1

L’article se réfère – avec quelques actualisations et abbréviations – au texte en allemand : Das Gebet als “körperliche Reise zum Jenseitigen”. Michel de Certeaus Annäherung an das Beten – eine systematisch-theologische Interpretation, dans: Mariano Delgado/Volker Leppin (éd.): Homo orans. Das Gebet im Christentum und in anderen Religionen, Stuttgart/Basel : Kohlhammer 2022, pp. 313–336.

2

Contributions sur le thème de la prière dans une perspective de sciences culturelles : Salmann/Hake (éd.), Die Vernunft ins Gebet nehmen ; Koll, Julia, Körper beten. Religiöse Praxis und Körper erleben ; aus der Au (éd.), Körper – Leib – Seele – Geist ; Dalferth/Peng-Keller (éd.), Beten als verleiblichtes Verstehen. – Une contribution à la perspective interreligieuse : Obermann, Gemeinsam das Leben vor Gott zur Sprache bringen?, p. 217 et p. 218 : Obermann aborde également brièvement la « posture corporelle comme fondement d’une communauté dans la prière ».

3

Article « prière », dans : Dictionnaire de spiritualité. Ascétique et mystique, doctrine et histoire 12, pp. 2196–2347 ; article « Génuflexions et Métanies », dans : Dictionnaire de spiritualité. Ascétique et mystique, doctrine et histoire 6, p. 215 et p. 222.

4

Ohm, Die Gebetsgebärden der Völker und das Christentum : Le missionnaire Thomas Ohm OSB a souligné l’importance de la corporalité de la prière : « La prière de l’homme est cependant une prestation humaine globale. L’âme et le corps y participent en même temps et ensemble. Lorsque l’âme communique spirituellement avec Dieu ou avec d’autres êtres supérieurs, le corps y participe, comme il lui est donné de le faire, par la parole, le chant, les gestes et les attitude (p. 1). » L’approche par les gestes est pour lui une voie centrale pour le dialogue : « Le geste et la langue des signes sont communs à tous les hommes (p. 14). » « Le geste de la prière et la langue des signes de la prière sont également universels, au moins aussi universels que la prière. Chez tous les hommes et les peuples, et dans toutes les religions, la prière signifie également le geste de la prière. Prier sans aucun geste ou sans aucune correspondance physique n’existe pas. Les prières dites purement intérieures et mystiques, dans lesquelles tout semble être calme et intérieur et où le corps doit être mis de côté, ne font pas exception. Dans celles-ci aussi, et même précisément dans celles-ci, le corps est visiblement présent, mais sous une autre forme que dans les autres modes de prière (p. 14). »

5

Schaeffler, Kleine Sprachlehre des Gebets, p. 18 et p. 19. Cf. également Schaeffler, Das Gebet und das Argument.

6

Schaeffler, Kleine Sprachlehre des Gebets, p. 121 : le philosophe comme « professeur de langue » : « Il peut ainsi l’aider (c’est-à-dire l’orant, M.E.) à clarifier la conscience de ce qu’il fait lorsqu’il prie, et il peut contribuer à ce que l’orant acquière des critères à l’aune desquels la forme linguistique de sa prière peut faire ses preuves. » En théologie catholique, cette approche a été reçue dans la méthodologie théologique de Hünermann, Dogmatische Prinzipienlehre. Pour la théologie protestante, voir Sauter, Reden von Gott im Gebet.

7

de Certeau, La Faiblesse de croire, I. Lire une tradition : L’homme en prière, « cet arbre de gestes », pp. 13–40 ; un texte antérieur de Michel de Certeau sur la prière : Aspects de la prière, dans : Christus 13 (1/1957), pp. 132–141.

8

de Certeau, La Faiblesse de croire, p. 21.

9

Voir par exemple Soja, Postmoderne Urbanisierung ; Eckardt, Soziologie der Stadt ; Die komplexe Stadt.

10

Günzel, Vom Raum zum Ort – und zurück ; Günzel fait référence aux études de Maurice Merleau-Ponty et Otto Friedrich Bollnow (« Mensch und Raum », 1963).

11

Cf. Günzel, Vom Raum zum Ort – und zurück, p. 26. Günzel cite la conférence de Heidegger « Bauen Wohnen Denken : Räume (empfangen) ihr Wesen aus Orten und nicht aus „dem“ Raum. »

12

Günzel, Vom Raum zum Ort – und zurück, p. 31.

13

Spranger, Räume der Sehnsucht, p. 284. Cf. Zmy, Orte des Eigenen – Räume des Anderen, p. 56.

14

de Certeau, L´invention du quotidien. 1. Arts de faire, p. 172 et p. 173. Cf. Bocken, Nomad and Layman – Spiritual Spaces in Modernity. p. 122 : « … “place” is referring to the external organization of the world, whereas space has always to do with the concrete way we are using the places where we are, necessarily escaping the “theory” organizing it. »

15

Spranger, Räume der Sehnsucht, p. 297.

16

de Certeau, Marches dans la ville, dans : L´invention du quotidien. 1. Arts de faire, pp. 139–164.

17

de Certeau, Marches dans la ville, p. 141.

18

Cf. de Certeau, L’espace du désir ou le « fondement » des Exercices spirituels.

19

Sur cette interprétation théologique de la pensée de Michel de Certeau, voir Eckholt, « Gast eines Anderen werden ». Glaubensanalyse mit Michel de Certeau. Michel de Certeau réinterprète dans ses textes spirituels les récits de la Résurrection du Christi, les textes bibliques des disciples d’Emmaüs, du chemin de Marie de Magdala vers le tombeau de Jésus.

20

Une interprétation du texte sur « l’homme en prière » a également été présentée par Breidenbach, Nur für Anfänger, pp. 347–372 ; Breidenbach concentre également son interprétation sur la « figure fondamentale de la conversion » comme « un accès à l’œuvre de Certeau (p. 349). »

21

de Certeau, Une figure énigmatique, dans: La Faiblesse de croire, pp. 7–10.

22

de Certeau, L’homme en prière, « cet arbre de gestes », dans : La Faiblesse de croire, pp. 13–24. Les références des pages de ce chapitre sont notées entre parenthèses dans la suite du texte.

23

Pour une telle approche performative de l’analyse de la foi, voir Höhn, Praxis des Evangeliums – Partituren des Glaubens.

24

Avec l’expression « pas sans », Michel de Certeau se réfère à Martin Heidegger : « Dans l’expérience, plutôt qu’une “avancée de l’être” (Heidegger le note dans une perspective voisine), c’est une “avancée d’absence”. Expression à peser. Ce qui fait être l’action est ce qui lui manque. […] Pour énoncer avec pudeur et précision le mouvement de sa foi, avec crainte ou avec assurance selon les cas, de chrétien parle au Seigneur comme l’amoureux ou l’amie : Non, pas sans toi. “Que je ne sois pas séparé de toi.” Mais il s’adresse de la même manière aux autres : “Pas sans vous” » (de Certeau, La faiblesse de croire, pp. 112 et 113).

25

« Nous prions tournés vers l’Est », cite-t-il le pseudo-Alcuin : de Certeau, La faiblesse de croire, p. 39.

26

Peter Hünermann attire l’attention sur cet acte de « conversion » sur fond de réflexions philosophiques sur le langage : Dogmatische Prinzipienlehre, p. 33 : « La langue de la foi est une langue autonome, mais pas autarcique. Sa pragmatique, ses formes grammaticales et sa sémantique sont caractérisées par la conversion. Dieu, qui s’exprime en elle, ne se révèle que dans l’exécution syntonique de ses structures. »

27

de Certeau, L´espace du désir ou le « fondement » des Exercices spirituels, pp. 118–128.

28

Cf. Comte-Sponville, L’esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu, p. 148 : « Être athée, ce n’est pas nier l’existence de l’absolu ; c’est nier sa transcendance, sa spiritualité, sa personnalité – c’est nier que l’absolu soit Dieu. »

29

Cf. de Certeau, La Faiblesse de croire, IV. Suivre « un chemin non tracé », pp. 265–318.

30

Cf. de Certeau, La Faiblesse de croire, VIII. Lieux de transit, pp. 227–252.

31

C’est ce qu’a étudié Melanie Spranger au regard des « mouvements de recherche des jeunes » : Spranger, Räume der Sehnsucht.

32

Pape François, Exhortation apostolique EVANGELII GAUDIUM, nr. 275–278 ; cf. Eckholt, “An die Peripherie gehen” (Papst Franziskus). Gegenwartskulturen als locus theologicus, pp. 75–96; Eckholt, Die Ausbildung eines neuen “Stils” des Christlichen in gegenseitigen “Übersetzungsprozessen”, pp. 825–855. Michel de Certeau parle d’ « un “style” » dans son article « Du corps à l’écriture, un transit chrétien » dans: La Faiblesse de croire, pp. 267–305, voir: p. 284.

33

Rahner, Frömmigkeit früher und heute, p. 15.

34

de Certeau, La Faiblesse de croire, p. 24, en référence à la « Vita » de saint Antoine.

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