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L’événement du quotidien

The Event of Everyday Life

In: Interdisciplinary Journal for Religion and Transformation in Contemporary Society
Author:
Claire-Anne Baudin Member of the Faculty of Theology, Faculté Loyola Paris Paris France

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Abstract

When resistance to subjugation is not resolved by uprising, it is nonetheless exercised by a thousand discreet procedures that make for the joy of everyday life – the “invention of the everyday”. The theological fruitfulness of this immense Certalian conception concerns the reception of the continuous work of the creative Spirit, which is realized in all truly living persons and communities. It unfolds outside the representational frameworks of a pre-existing identity. The presence of the Kingdom can be sought in everything in the history of people who truly seek justice and peace. It’s a poetic relationship with time, energy and native life, built into everyday events.

1 Introduction

Comment ouvrir le champ de la pensée théologique actuelle à l’ensemble de ce qui fait l’existence ? Comment penser théologiquement l’expérience commune, celle de tout un chacun ? C’est dans cette perspective que nous étudions ici L’invention du quotidien1, ce texte qui manifeste qu’en société, quand la résistance à l’assujettissement ne se règle pas par des soulèvements, elle s’exerce cependant, et par mille procédures discrètes qui font la joie des jours. La fécondité théologique de cette conception certalienne concernera la réception de l’œuvre continue de l’Esprit créateur qui se réalise en toute personne et toute communauté véritablement vivante.

L’enjeu est, selon nous, d’étendre la réflexion théologique à une forme qui, au-delà de la théologie positive et de son herméneutique, s’attache à chercher et trouver Dieu dans l’ensemble de ce qui fait l’existence, cela, pour la théologie, afin de penser ce dont il s’agit et qui n’est pas écrit. C’est ce que fait Michel de Certeau, lui qui cherche l’événement et le mystère du neuf – la trace de Dieu qui donne encore aujourd’hui.

Le premier volume de L’invention du quotidien esquisse une théorie des pratiques quotidiennes. Certeau cherche, dans le cadre d’une commande sociologique, à atteindre autre chose que ce qui se dénombre dans les données statistiques : sur ces dernières, il entreprend, avec une équipe, une enquête par entretien pour saisir la créativité des pratiques. C’est donc là que ça se passe : dans le quotidien advient ce qui importe et qui surprend. La vaste entreprise d’enquêtes de Certeau et de son équipe a donné lieu à un texte qui dit les modes de résistance à la répétition du même et à l’assujettissement des sujets au sein de la répétition des jours et des contraintes.

La perspicacité de Certeau peut aider la théologie à prendre conscience de sa propre pratique et l’aider à poser des choix opportuns actuellement. Nous retiendrons surtout la façon dont il montre et analyse le fait de l’inventivité dans la contrainte, de la détermination des sujets dans les déterminations de l’existence. Dans les termes de Luce Giard, le livre avance ceci : « À la passivité supposée des consommateurs, il a substitué la conviction (argumentée) qu’il y a une créativité des gens ordinaires. Une créativité cachée dans un enchevêtrement de ruses silencieuses et subtiles, efficaces, par lesquelles chacun s’invente une “manière propre” de cheminer à travers la forêt des produits imposés. »2

2 À la recherche de l’événement

Notre réflexion s’appuie sur l’assurance qu’il est possible de percevoir dans les études tardives de Certeau la continuation de ses recherches antérieures, sur l’hypothèse d’une préoccupation continue en lui. Patrick Goujon, partant d’une vue d’ensemble des études certaliennes, emprunte le vocabulaire du braconnage. Ce terme explicite l’opération qu’est la lecture vivante, qui fait du monde du texte un autre monde pour le lecteur. P. Goujon écrit : « Certes, on le sait, pour que Certeau en arrive à L’invention du quotidien, il lui a fallu accomplir ce voyage à travers les questions religieuses et s’en détacher, mais il apparaît clairement que ses lecteurs d’aujourd’hui, en braconnant Certeau, en abandonnent tout un pan. »3

Braconnons donc sans abandonner le pan de la recherche existentielle telle qu’elle travaille les textes, et aussi les lecteurs de Certeau. Car la lecture de L’invention du quotidien pourrait se contenter – et c’est en définitive souvent le cas – de découvrir, délimiter et décrire une inventivité cachée sous le caractère morne et répétitif des jours contraints. Il est déjà heureux qu’il en soit ainsi, il est heureux que la forme d’esprit de certains sache et enseigne à voir ce qui vit véritablement, par un discernement qui peut rendre compte de sa procédure et qui perçoit et analyse les enjeux, même quand la situation est obscure. Cependant ce n’est pas tout, s’il est possible de considérer aussi que ce qui advient dans le quotidien relève de l’événement, au sens d’une émergence du neuf et d’une présence.

Cette présence, nous la comprenons comme présence de Dieu. Certeau n’est pas souvent aussi direct dans l’expression, mais il tend à cela4, et cette désignation nous permet de viser ici la fécondité théologique de L’invention du quotidien. Or, comme nous le verrons, la présence et l’acte de Dieu sont bien, pour Certeau, ce qui conduit sa recherche. Cette présence de Dieu se précise quand le quotidien invente du neuf, quand il accueille ce qui se présente pour vivre, et, ici, pour vivre malgré tout. Et naissent alors une joie et une surprise chez le lecteur.

Mais pourquoi la lecture attentive de L’invention du quotidien réjouit-elle ? Bien sûr, l’écriture de Certeau offre des surprises pour l’esprit. Ces surprises relèvent qu’une qualité particulière de désignation des situations, qui prend la mesure de ce qu’elles sont et parvient à le dire en touchant et en éveillant le lecteur. Il n’y a pourtant pas que cela, mais aussi ce caractère scientifique de l’étude, qui établit cette dimension phréatique de l’existence, prise sur le vif. La tension entre la rigueur, l’objectivité de l’étude et la discrétion de ce qu’elle met au jour est réjouissante. Une chose est de supposer que tout un chacun trouve des chemins pour vivre véritablement, autre chose est d’en suivre attentivement les détours inattendus et d’en rendre compte. Enfin, ce qui réjouit tient certainement aussi à cette dimension intérieure du propos dans la considération des composantes extérieures de l’existence. C’est là, d’ailleurs, de la part de Certeau, un choix méthodologique continu d’attention et d’absence de jugement. La recherche conduite ne ferme pas son objet sur une compréhension préalable de composantes dont elle vérifierait la structure. Elle s’ouvre à ce qui peut advenir, par le fait même d’en laisser le loisir.

En théologie, nous devons considérer combien ce possible convient à la tradition spirituelle chrétienne et sa formulation ignatienne. Nous pouvons, ainsi, comprendre cette écoute hors jugement en écho à l’injonction présente en Matthieu et Luc à ne pas juger5. Dans le même mouvement, nous pouvons entendre, en écho à cette invitation, le texte inaugural du Livret des Exercices spirituels, qui invite à écouter avec une générosité foncière, sans nier l’interlocuteur – le « Présupposé de bienveillance » donc, qui tient que « tout bon chrétien doit se montrer plus prompt à sauver la proposition du prochain qu’à la condamner. »6 Nous pouvons aussi comprendre la concentration de l’enquête sur ce qui fait vivre véritablement comme une mise en acte des paraboles évangéliques qui invitent à considérer cet homme qui « ayant trouvé une perle de grand prix, s’en est allé vendre tout ce qu’il avait et il l’a achetée » (Mt 13, 46). En écho, le texte fondateur de la pratique des Exercices Spirituels, dit de “Principe et fondement”7, désigne la libre incarnation, par alliance entre le travail de l’Esprit saint et la volonté de vivre qui y répond. Cette même alliance entre la volonté de l’homme et le désir qu’est Dieu que l’homme vive, qui est un fond de la Bonne nouvelle prise en son ensemble, est aussi la clé de voûte de la Contemplation finale des Exercices qui invite à considérer la présence et le travail de Dieu dans le monde et à y répondre en offrande de soi.8

Au-delà de l’éthique professionnelle, la façon dont procèdent Certeau et son équipe dépasse et nourrit une attitude intérieure d’espérance respectueuse qui tout au long des travaux de Certeau aura porté un fruit particulier, que ce soit dans ses recherches sur l’écriture de l’histoire, la mystique de l’époque classique ou, ici, de l’anthropologie plus générale et à distance des questions théologiques explicitées. Cette attitude dans la recherche vaut particulièrement pour ce texte tardif, dont l’auteur ne pourra signer que le premier volume. Il y traite déjà du quotidien en tant qu’il va cesser bientôt pour lui : écrire ce livre c’est, selon ses termes, “marcher dans la région même de la perte, hors du domaine protégé”9. De là, cette confession selon laquelle « il sait, il peut dire le désir qui attend de l’autre l’excès merveilleux et éphémère de survivre dans une attention qu’il altère. »10 La vie qui se transmet et qui travaille : tel est le motif de la joie qui vient à la lecture de cette étude. L’invention du quotidien relève du même mouvement que les recherches antérieures de Certeau. Elles se poursuivent ici, sous une autre forme et conduisent à entendre que vivre invente.

3 Vivre invente

Car vivre invente dans les contraintes. De telle sorte que même un discours qui couvrirait la totalité du réel ne manifesterait que la puissance conceptuelle de l’esprit humain, mais ne servirait pas toujours la vie, plus inventive, qui vit des failles. L’analyste le répète, l’infalsifiabilité n’est pas un argument convaincant, l’esprit de système peut étouffer. L’idéal n’est pas à l’ordre du jour. D’ailleurs, si Certeau ne mentionne guère le poids que représente l’impossibilité de vivre une vie choisie, il insiste, au contraire, sur la nécessité où se trouve le vivant d’inventer dans ces conditions, par sa propre forme d’existence, ce qui lui convient et le rend irremplaçable. Les forces en présence sont donc nettement délimitées : l’institution façonne les corps, l’incitation continue à la consommation formate les itinéraires, mais une vie cachée et rusée irrigue la répétition du quotidien et ses conditionnements par une façon de faire face et d’inventer l’unicité d’une existence.

D’un côté, donc, Certeau le rappelle (après Foucault), l’institution travaille à “faire dire le code aux corps”11. C’est dire que les corps se soumettent à l’institution et en font la publicité, cela dans l’économie libérale tout autant que dans les totalitarismes, mais par d’autres méthodes12. Par les coutumes, comme par les modes et les rites, les corps se prêtent volontiers à porter les codes, bien qu’ils n’en vivent guère et qu’il faille bien se demander « Quel désir ou quel besoin nous porte ainsi à faire de nos corps les emblèmes d’une loi identificatrice? »13. Cette mise à disposition des corps au service des institutions couvre un large spectre de situations : en deux pages, le texte passe de l’épilation des sourcils et des jambes au discours qui produit des croyants et des pratiquants. Dans les deux cas, en somme, il s’agit d’entendre qu’une antériorité normative donne un corps en modèle, « un capital d’incarnation »14 dit-il, pour se faire croire et pratiquer. L’invention du quotidien décrit combien, de l’esthétique à la ritualité, du maintien postural à l’identité religieuse formelle, une tentation de conformation à une incarnation déjà décrite travaille.

Mais au sein même de cette conformation canalisée, la vie invente sa propre voie dans le quotidien des injonctions et déceptions. C’est une chose, cependant, délicate à déceler tant l’expérience commune de ce type échappe au langage – « Peut-être toute l’expérience qui n’est pas cri de jouissance ou de douleur est-elle collectée par l’institution. [...] canalisée, instrumentée. »15 L’invention du quotidien (et c’est ici tout autant la quête de chacun que le titre du livre qui l’analyse) cherche alors comment laisser parler le sujet du désir, hors idéal et hors projet imposé. L’altérité de ce qui advient, l’expérience de la confrontation et celle de l’accord possible se diraient, en théologie plus explicite, en termes d’économie de création et de salut dans l’existence commune, et Certeau, comme nous allons le voir, donne très directement des mots pour en désigner la teneur.

4 Y a-t-il encore du commencement ?

Pour le percevoir, il suffit de tenir compte de ce qui a fait – avant et par ailleurs – l’objet de ses recherches en tant qu’historien de l’expérience mystique, théologien de l’expérience spirituelle. La revue de Sciences sociales EspaceTemps publie, en 1982, une présentation par son auteur de La fable mystique. La question dont traite La fable mystique porte, dit Certeau, sur la possibilité d’un commencement. Ce commencement demeure discret puisque la discipline historique ne peut en rendre compte. L’histoire, en effet, avance Certeau, s’appuie sur la mémoire de l’ancien et ne peut penser ce qui n’a pas d’antériorité –

Il est frappant [que] l’histoire, comme science, élimine tout problème d’origine. En histoire, on peut constater des commencements, on ne les explique pas : expliquer, c’est en effet rattacher un phénomène à ce qui le précède. [...] Elle les abandonne [les questions qui concernent le commencement] à la théologie ou à la mythologie16.

Qu’est-ce, donc, que commencer pour une existence ou pour une histoire ? Là est l’objet de la théologie et de la science mystique. Certeau décrit alors un « discours auroral, ou poétique : un discours de naissance et de surprise » qui se justifie par ce qu’il rend possible. « [Ce discours] correspond à l’interrogation des mystiques telle que je l’évoquais : y a-t-il aujourd’hui du commencement ? Il s’ajuste exactement à la question du principe : Dieu est-il, dans le présent, commencement ? Naît-il en ce moment-ci ? »17

« Y a-t-il (encore) de l’événement ? Dieu, ou l’Esprit, arrive-t-il encore ? »18 De cette même question procède L’invention du quotidien en tant que travail de recherche. Les termes classiques de la théologie parleraient d’une recherche de l’acte neuf de l’économie divine dans la création actuelle et le salut offert à l’existence d’un sujet ou d’une communauté. Croire la vie possible, là même où il ne s’agit pas d’une vie choisie ni d’une vie de forme désirable, c’est croire sans antériorité et cela se fait, avec ruses, braconnages, détournements et joie. Une inventivité non élaborée en discours fait de chaque existence un trésor de création. En ce sens, comme l’établit G. Riggio, pour Certeau cette invitation à l’indifférence19 du texte des Exercices spirituels20 conduit à cette assurance, celle d’une possibilité d’aimer la vie, autrui, le Dieu créateur dans toutes formes d’existence. Pour qui veut contempler et parfois désigner explicitement l’économie de création et de salut, il s’agira de se défaire de ce qui est toujours déjà bien connu. De se défaire de toute projection de ce qui devrait être. Et s’en défaire, en théologie, pour le penser.

Se défaire, par l’indifférence ainsi comprise, du rôle des idées et représentations, de l’idéal, c’est pour la théologie renoncer au « capital d’incarnation ». Ce qui demande à être bien entendu. Car, de l’incarnation, en théologie, il en est bien question, et ce n’est pas généralement en termes d’encombrement qu’elle est mentionnée, mais en termes d’accomplissement. Il en va de la définition même de la catégorie centrale d’expérience, ici dans un texte de 1956 : « [l’expérience] est l’incarnation qui se poursuit ; elle ne s’illumine qu’à la lumière de l’incarnation, grâce à celui qui est visiblement et totalement l’Esprit dans la chair, le Christ. C’est dans la reconnaissance de Dieu qu’elle prend son sens de révélation, car non seulement elle ‘vient de Dieu’, mais elle est ‘Dieu qui vient’ »21.

Dans sa recherche du « Dieu qui vient », Michel de Certeau engage l’ensemble de l’expérience en tant qu’incarnation continue référée au Christ. Cette compréhension du rapport entre expérience commune de l’homme et incarnation dans le Christ demeure la forme de ce qu’il cherche. Telle est l’hypothèse, celle qui permet de soupeser la fécondité théologique de son œuvre. Bien sûr, L’invention du quotidien ne mentionne pas la reconnaissance de Dieu dans l’économie de création et de salut, car il s’agit, dans ce document interdisciplinaire, dont la recherche est commandée par la DGRST22, uniquement de la surprenante variété des modes de vie telle qu’ils sont perceptibles dans des microbiographies. Cependant, la démarche parvient bien à son terme et atteint la complétude de l’opération de discernement, intérieurement : d’abord observer sans prévention ni jugement. Puis, considérer la fin désirée, non explicitée ici, mais qui est le fond de la théologie : dans les termes de G. Riggio, « remonter au Dieu créateur, le reconnaissant à l’œuvre en toute chose dans la part intime du sujet »23. On constate l’assurance d’une possibilité de vie en alliance non explicitée entre le Créateur non nommé et la créature qui vit de tout don – dons qui ne manquent jamais.

Certeau recherche, par les « Arts de faire » (tel est le sous-titre de l’étude), la nature et la mise en lumière de l’avènement du “troisième homme”. Ce troisième homme serait un sujet qui n’est pas prévisible, un homme selon l’Évangile qui ne recouvre pas les déterminations classiques – dont l’incarnation échappe aux caractéristiques du « capital d’incarnation ». L’auteur ouvre cette considération par ces mots : « Le “troisième homme” a hanté et hante toujours le discours éclairé (philosophique ou scientifique), mais il n’est pas survenu tel qu’on l’espérait. »24 Or l’expression “troisième homme”, qu’il mentionne donc en termes d’espérance, recouvre des enjeux très particuliers. C’est, pour Certeau, de tout un pan de son histoire personnelle qu’il s’agit, et en particulier de la fin de sa contribution à la revue de spiritualité ignatienne Christus, dont il cessa d’être directeur suite à la publication d’un article intitulé précisément « Le Troisième homme », signé du jésuite François Roustang. Cet article lucide exprimait la désaffectation de nombreux fidèles, qui se détournent d’un langage religieux qui ne les concerne plus –

Une masse de chrétiens, devant les changements rapides et profonds qui ont eu lieu, ont acquis une liberté personnelle qui ne les situe pas davantage parmi les conservateurs que parmi les réformistes. […] Une troisième race, un troisième peuple, un troisième homme est en train d’apparaître et l’on risque de ne pas y prendre garde25.

Or, c’est à nouveau cela que cherche cette analyse des « Arts de faire » : la présence du « Troisième homme », dans les institutions comme hors d’elles, quand elles ne sont plus vivables, et en particulier quand le corps lui-même doit s’y soumettre jusqu’aux postures. Alors, naît un « Troisième homme », selon l’Évangile de l’incarnation du Logos. Dans ces hommes, bien que les signes extérieurs d’appartenance à une incarnation selon l’Esprit (l’Esprit saint) dans la chair ne soient pas codifiés – dans ces hommes aussi, et il faut le croire pour le voir – l’incarnation se réalise. Par la dynamique de la vie selon l’Esprit (quand c’est le cas) et l’ouverture à sa présence et son énergie en tout vivant, l’invention du quotidien ouvre les yeux sur ce qui advient de la bonté des hommes (quand ils l’exercent) et effectue l’incarnation de Dieu dans l’histoire, réalise le Royaume présent. Il s’agit alors du Royaume par bribes, Royaume maltraité et non conscient de lui-même, mais perçu cependant par ceux qui cherchent la justice et la paix et ceux qui travaillent à la douceur et la bonté.

C’est pourquoi cette analyse du quotidien insiste sur le fait que croire à la vie possible et au commencement offert – et c’est une grande part de l’étude – demande de prendre distance avec la toute-puissance supposée de la théorie. Considérons que s’offre alors à l’écoute une vie native qui n’apparaît pas dans le discours des sages et des savants, un commencement incontrôlé ; une grâce. Nous pouvons engager que, pour la théologie aussi, il s’agira de dépasser (sans les supprimer, bien sûr) les formes de la théologie positive et de son interprétation. Il s’agira d’aller au-delà de l’élaboration de systèmes pour aller vers une théologie du discernement de l’économie effective de Dieu qui altère la vie humaine et lui donne énergie et nouveauté. Cette théologie n’a pas pour projet de décaler la pensée chrétienne vers un autre discours, mais, comme insiste Certeau, de ne pas projeter un discours préconstruit sur une réalité d’expérience de grâce (quand c’est le cas).

C’est donc par une pratique de l’attention que l’équipe de Certeau aura abordé les « Arts de faire ». Une attention qui ne nie pas l’interlocuteur en superposant une grille interprétative préalable à ses propos ou actes. Une attention qui perçoit l’inventivité du quotidien non écrit, en tant qu’il y a là un acte d’alliance entre un sujet bien vivant et ce qui commence, ce Dieu qui est – dans le présent – commencement. Cela en particulier dans les conditions d’épreuve, là où la traversée est périlleuse, ce qui s’entend à proprement parler dans le terme d’expérience.

5 Ce lieu de toute chose : le quotidien

Certeau, travaille ainsi un texte où la question de la confiance décide du mystère du neuf et permet d’étendre l’espérance d’une vie inventive aux situations hors langage. Il éclaire et formalise l’inventivité du quotidien. Il attire l’attention de la théologie sur ce qu’elle a devoir de penser : l’altérité qui se présente, celle du Dieu créateur, qui agit en tout lieu heureux, ainsi que dans toute perte, donnant la vie. Le « tout », alors, forme ce qui délimite le lieu théologique. Non seulement l’Écriture sainte, la Tradition, mais encore l’histoire et l’expérience individuelle, ce qui est traditionnel, mais ici très insistant. Toutes choses de la vie du fidèle et toutes choses, surtout, de la vie de chacun. La présence de Dieu tout en tous est une espérance eschatologique dont la composante réalisée demande à être pensée. La théologie de l’eschatologie développe beaucoup, conformément à l’imaginaire apocalyptique, des termes de représentation de ce qui n’est pas encore présent au monde. Mais il est nécessaire de penser cela, que l’Église confesse tout autant : il est nécessaire de penser l’eschatologie réalisée, fruit de l’amour actuel de Dieu et du prochain. Le Royaume est la réalité historique de ce qui est signifié dans les Paraboles. Le quotidien désigne alors l’ensemble du temps et tout lieu où s’inscrit l’emploi de ce temps, dans toutes les strates d’une existence, conscientes ou oniriques, langagières ou gestuelles, individuelles ou collectives. Dans ce quotidien, tout ce qui concourt à quête de la paix et de la justice, à l’exercice de la charité, relève de la vie éternelle – se révèle de qualité éternelle.

L’économie de création, don de Dieu qui donne la vie par son Verbe en qui toutes choses sont créées et par qui tout être est appelé à vivre et se convertir – l’économie de création recouvre la totalité de ce qui vient et demeure existant. Non la totalité des choix humains (qui peuvent être destruction), mais la totalité des vies humaines. De là, une extension indéterminée du lieu théologique qu’est l’histoire. De là, l’extension au profane de toute quête des lieux et temps de sainteté.

Ainsi, la vie quotidienne, en tant que vie inventive, se présente bien comme lieu source de la théologie. Et cela se joue au plan de la liberté qui choisit selon le mystère de la permanence d’identité personnelle et selon la détermination intérieure à veiller sur autrui et le monde qui nous est confié. Cette permanence d’identité relève alors tout à la fois de l’acte du Créateur qui suscite des fils chacun différent, et de la libre réponse de chacun de ces fils en faveur de la justice, de la paix – de l’exercice de la charité.

De là une économie divine de création et de salut qui se conçoit comme individuante, mais aussi une appartenance chrétienne légitime qui ne répond pas – ou peut ne pas répondre – aux standards de la codification historique d’un idéal type. Il n’y a pas de légitime « capital d’incarnation ». La diversité des existences, et chacune personnellement, est fruit de l’œuvre du Créateur et appel du Créateur à vivre selon le Verbe qui l’habite. Alors, si être chrétien relève bien d’un style, d’une posture devant l’existence, le christianisme lui-même n’est pas, de droit, normatif quant à ce style26. Il est libérant devant la variété des façons d’habiter le monde et devant la diversité des charismes individuels, ces charismes qui ne manquent jamais.

Dans les termes de Guiseppe Riggio cette recherche d’un commencement dans lequel Dieu ou l’Esprit travaillent donne de « quitter toute manière passive de vivre le quotidien [...] emphatise la valeur de chaque geste quotidien »27. La vie est pleine et, même quand les jours manquent de relief, elle peut être pleine de commencements et de présence de l’Esprit dans toutes situations. Dieu travaille les hommes, qu’il aime.

Par la recherche de ce qui advient et fait événement, sa recherche des lieux et temps où Dieu naît dans l’histoire, Certeau ouvre, étend, le domaine des lieux théologiques. Ceux-ci, formalisés depuis le XVIe siècle en tant que lieux sources du raisonnement théologique, ont pour principale fécondité de délimiter ce qu’est l’objet d’étude de la science théologique. En soi, ils ne se ferment pas sur le donné ecclésial (Écriture sainte, Tradition apostolique, conciles œcuméniques), mais entendent aussi l’histoire des hommes qui, de droit, en relève. Le travail de Michel de Certeau, pris dans son entier et en considérant L’invention du quotidien comme un accomplissement de sa pensée en la matière, étend les lieux sources de la réflexion ecclésiale de la foi à l’impromptu des initiatives humaines (même quand elles ne répondent pas à une forme attendue), toute invention du quotidien de cet homme, pourvu qu’il vive véritablement. La relation du Créateur à la créature, du Créateur à sa création, est vivante et continue. Elle prend les formes d’une alliance pour la vie véritable, éternelle parce que respirant de l’Esprit qui donne la vie.

Étendre la catégorie des lieux théologiques demande alors de se référer au sensus fidei afin de discerner ce qui est selon la foi de l’Église et donc selon la forme de l’amour de Dieu attestée dans l’Écriture. C’est une façon de contempler la résonance entre l’invention du quotidien et l’attestation communautaire de la Parole de Dieu. Il est légitime alors de laisser du jeu entre ce qui s’avère, sociétalement, de forme chrétienne prévisible et ce qui est profondément, de cœur, selon Dieu – cela dont la forme est fréquemment imprévisible.

6 « Il ne faudrait pas prendre les gens pour des idiots »

C’est pourquoi il ne faudrait pas prendre les gens pour des idiots : la phrase conclut le quatrième chapitre28 et peut donner une clé de lecture de l’étude. Il est à cela un motif théologique quand « Dieu nous parle au cœur et […] nous vient par les autres ; il est insaisissable en eux, sans que nous puissions douter qu’il les habite ; ses inventions mystérieuses, dans la vie d’interlocuteurs qui l’ignorent peut-être encore, ne cessent de nous révéler celui que l’expérience intérieure cherche et atteste déjà. »29 Certeau a cœur à chercher en autrui la présence des inventions mystérieuses de Dieu, c’est un élément qui lui est intérieur quand il conduit extérieurement cette recherche, en équipe et en toute laïcité (au sens français du terme), là où Dieu travaille, c’est-à-dire dans la vie effective et le quotidien, extraordinaire ou banal, de tout un chacun. Des personnes discrètes en premier lieu.

Pourquoi prendrait-on les gens pour des idiots ? Parce que, si déjà ce qui leur arrive en matière d’invention est caché, ce qui relève de la création et du salut de leur existence est encore moins visible. Cela ne se voit même pas du tout si l’on ne veut pas, précisément, le voir et donc, auparavant, y croire. Seules les contraintes sont descriptibles à première vue. Mais seule la foi qu’il n’est aucun homme de trop dans l’existence permet d’exercer une attention avec respect et sans jugement, sur l’assurance que, comme l’eau, la vie véritable trouve sa voie. On peut en douter, on peut regretter que rien ne le manifeste au sein de l’épreuve, mais ce n’est qu’en y croyant qu’il est possible de le reconnaître. Dans la folie ou dans la contrainte, la maladie ou même parfois l’isolement, la vie n’est pas délaissée et, y compris avec souffrance, elle croît et peut être confirmée.

C’est sans doute cette possibilité de confirmer la vie qui donne de la joie au lecteur des « Arts de faire ». L’activité libre d’un sujet s’inscrit en intérieur de la passivité obligée du fait des conditionnements, des contraintes et des déterminations. Cette liberté représente et réalise le point d’union et d’alliance entre une forme inventive de vie et la proposition d’aimer qu’est Dieu. Elle est toujours possible. Il n’est pas d’homme en trop ; en toute existence il reste toujours suffisamment pour qu’elle ait valeur d’éternité. À ce titre, L’Invention du quotidien (tant l’attention à la vie inventive que l’ouvrage de Michel de Certeau) est un exercice de contemplation de la vie, sans jugement. À « prendre les gens pour des idiots » se perd toute espérance de voir la vie donnée, l’engagement original et généreux qui a pris corps. Toute espérance aussi de confirmer la vie pour qui veut la soutenir, ou à qui il est demandé d’aider à formuler les impasses.

Cette disposition de bienveillance et de confiance dans les autres (Ga 5, 24) est seule à pouvoir refuser d’ignorer l’interlocuteur, à refuser la projection d’un idéal en surplomb. Bien évidemment, c’est une disposition à travailler – tout se passe comme si L’invention du quotidien (cette invention insolite et son analyse publiée sous ce titre) voulait en permettre une pratique affinée, et en justifier la légitimité, et plus encore la possibilité.

7 La danse d’alliance dans l’absence

Le terme de danse convient alors, et ce en alliance, si tant est que les partenaires établissent entre eux une communication à parité. En effet, une danse peut ne pas répondre à une chorégraphie écrite et répétée, mais s’unir par le corps au rythme et au mouvement qui se présente. En cela, nous reprenons l’assurance d’une nouveauté pour en peser les conséquences en théologie contemporaine. L’extension des formes de vie selon Dieu est indéfinie. Il n’est jamais certain que vivre dans une allure repérable en tant que chrétien soit vivre en disciple. La sociologie du catholicisme ne recouvre pas le peuple de Dieu qui vit de l’Esprit saint sans « capital d’incarnation » préalable, de façon entièrement inventive, fidèle par contre au Maître, pour lequel la nourriture et le vêtement sont moins que la vie.

C’est donc là, dans le quotidien, que se contracte l’offre et l’accueil actif de la vie, la relation entre le Créateur et la créature. Là, dans le monde commun et l’expérience commune et non pas uniquement dans la référence religieuse qui, elle aussi, s’y inscrit. La théologie du vingtième siècle a permis de mieux le penser, mais elle ne parvient pas souvent à éviter l’objection généralement formulée à l’encontre de la catégorie rahnérienne de chrétiens anonymes. Cette désignation en termes de chrétiens anonymes fait naître, effectivement, mais à tort, l’objection d’un baptême non voulu, un abus sur autrui.

Les chrétiens anonymes sont, en théologie rahnérienne30, les hommes de bonne volonté qui orientent leur vie selon le Logos, sans en avoir l’explicitation. Ceux qui savent nourrir, visiter, vêtir leurs frères et veiller sur eux. Tous les humains dont la volonté bonne les conduit à user de leurs forces pour le bien d’autrui et, ainsi, pour la gloire de Dieu qui désire qu’il vive. Il n’y a pas là d’entrée forcée dans un régime de confession de foi, mais un exercice de la confiance existentielle.

Au demeurant, la lecture de la catégorie des chrétiens anonymes en tant qu’abus de conscience et non-respect des personnes demeure dans les esprits. Or aucun abus ne saurait passer, aucun détournement de la liberté de conscience. Par son étude, Michel de Certeau permet d’employer d’autres approches afin de penser ce qu’il en est du lien à Dieu dans l’existence. Il montre qu’ “il existe du commencement”, que “Dieu dans le présent est commencement”, qu’ “il naît en ce moment-ci” en toute existence, commune et quotidienne.

Certeau, en cherchant l’événement31, se sait théologien. Il approfondit l’analyse du rapport entre connaissance et expérience, ainsi que la place de la narrativité qui crée du lien quand il s’agit des pratiques quotidiennes. Il en étudie la nature dans des récits, ou des microromans. Sa réflexion décrit ce « Troisième homme », qui n’est ni celui de la théorie ni celui de la vanité, mais qui vit véritablement. Il parle d’un savoir, en lui non su, comme la théologie rahnérienne cherche à expliciter un christianisme non su, c’est-à-dire une façon de se laisser guider et de choisir selon le Verbe intérieur et, en cela, d’incarner dans l’histoire la grâce qu’est Dieu. Certeau écrit alors en mettant en lumière la perception, le caractère tactile de cette connaissance non sue – « Détaché de ses procédures, ce savoir passe pour un “goût”, un “tact”, voire une “génialité”. On lui prête les caractères d’une intuition tour à tour artistique ou réflexe. C’est, dit-on, une connaissance qui ne se connaît pas. »32

8 Conclusions, pour une théologie actuelle

Pour rassembler notre propos, disons qu’il s’agit tout d’abord (si nous voulons en théologie recevoir l’apport de Certeau) de résister à la projection qu’est l’imaginaire d’une incarnation seconde relativement à une antériorité, même christique. Il n’y a pas de réalité antérieure à l’histoire qui se déclinerait en second temps dans l’histoire. Mais existe l’amour du Père qui engendre le Fils et en lui l’histoire et le monde dans sa bonté. Il n’y a pas de loi qui parle au nom du réel (ce sont les termes de Certeau), mais bien le réel effectif quotidien, ce lieu d’alliance entre la proposition du Créateur, proposition de son amour dont nous connaissons le geste si ce n’est l’ampleur, et le consentement actif du vivant de ce jour là. Il y aura théologie lorsque le discernement de l’économie de création et de salut permettra de reconnaître dans la vie du quotidien la liberté de l’Évangile, puis de le penser. D’y nommer, ainsi, le présent du Créateur faisant un pas avec la liberté du sujet. De le discerner par le fait d’y croire, de croire qu’en une strate ou une autre d’une existence évolue cette danse avec l’absent, qui suscite le désir de sa présence.

Retenons donc trois points. En premier lieu, notons qu’il est heureux de penser en théologie en refusant toute sectarisation de l’Église. Il s’agit alors de penser sans murs entre l’expérience croyante et l’expérience qu’est L’invention du quotidien, comprise comme événement d’alliance entre le Créateur et la créature. Et, de là, confesser l’amour de Dieu et confirmer la vie. Par ailleurs, c’est par une théologie de création continuée, d’une création de forme artisanale en quelque sorte, que peut se penser l’alliance d’incarnation neuve. Rappelons les questions de Certeau : “Dieu ou l’Esprit arrive-t-il encore ?” “Y a-t-il encore du commencement ?” Cette théologie de création continuée repose sur l’assurance de l’amour de Dieu pour chacun, d’un amour électif et actuel, non écrit par avance car ce que nous en savons tient de sa fidélité et de son exercice jusque dans la mort, uniquement. Par-dessus tout, l’extension du quotidien peut devenir le lieu de la théologie si, et seulement si, un discernement de la forme de l’amour de Dieu exercé en alliance avec la liberté humaine s’y reconnaît, même un peu, même parfois. En résistant (et il faut pour cela désormais une grande force) à la projection sur la réalité de ce que devrait être une réalité source de la théologie (en renonçant au capital d’incarnation). En cela Certeau aide considérablement car, de bout en bout, il le fait.

De la sorte, la pensée de Certeau peut aider à ne pas reconduire des erreurs, en ces temps de nécessaire décroissance et d’exigence d’un rapport au monde et aux actes élémentaires qui soient denses et vifs.

Si c’est par le mouvement et non dans l’immobilité que s’accroît la solidité, alors, la théologie que permet l’œuvre de Certeau assure une certaine solidité à la pensée et à l’annonce de la vie promise. Cette forme de penser est actuellement requise par la perspective des épreuves à venir et leur vertigineux inconnu. L’humain a trop capté, s’est trop accordé selon ses propres vues tout ce qui faisait le monde habité. L’espérance dont Certeau parle, cherchant et trouvant des formes d’existence, et – espérons-le – d’amour, en toutes situations y compris les plus contraignantes, cette espérance fait respirer pour poursuivre selon le désir qu’est Dieu que les hommes et son monde vivent. Et, en ce qui concerne la théologie, pour le percevoir elle aussi, et le penser. Car comme nous l’apprend en fin d’ouvrage L’invention du quotidien, la différence entre crever et mourir tient au fait qu’au mourant il suffirait d’être appelé – « Lazare ! »33 – Là, est l’événement.

Biography

Claire-Anne Baudin, a laywoman with a doctorate in theology, works in systematic theology and Christology, which she teaches at the Facultés Loyola Paris. Originally trained in the medical, pedagogical and philosophical fields, she is now deepening her knowledge of the questions opened up by the reflections of Karl Rahner.

Bibliographie

  • Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, 1. : Arts de faire, éd. établie et présentée par Luce Giard, Paris, Gallimard, 1990 (1e éd. 1980).

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  • Certeau, Michel de, « L’universalisme ignatien : mystique et mission », Christus 50, 1966, pp. 173183.

  • Certeau, Michel de, CIFALI, Mireille, « Entretien, mystique et psychanalyse », EspacesTemps 80–81, 2002, pp. 156175.

  • Riggio, Giuseppe, « La place des Exercices spirituels dans la pensée de Michel de Certeau », Revue théologique et philosophique, 152, 2020, pp. 147162.

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  • Salin, Dominique, « Michel de Certeau et les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola », Revue d’histoire de l’Église de France 104, 2018, pp. 293306.

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1

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, 1. : Arts de faire, éd. établie et présentée par Luce Giard, Paris, Gallimard, 1990 (1e éd. 1980).

2

Giard, Luce, dans Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, 1. : Arts de faire, p. XXIV.

3

Goujon, Patrick C., « Michel de Certeau, actualités de la recherche », Archives de la recherche en sciences sociales, 200/4, oct-déc 2022, p. 136.

4

Le préambule de L’invention du quotidien, mentionne cette recherche comme étant une “composition de lieu”. Par un lien intertextuel avec le livret, fondateur pour lui, des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, Michel de Certeau mentionne ainsi indirectement le cadre de l’exercice de contemplation, qui désire et demande de reconnaître l’acte de Dieu – l’économie divine dans l’histoire – et d’en tirer quelque profit (Exercices spirituels § 47). « Plutôt que des intentions, je voudrais présenter le paysage d’une recherche et, par cette composition de lieu, indiquer les repères entre lesquels se déroule une action. », Certeau, Michel de, L’invention du quotidien, p. XXXIII.

5

Mt 7, 1 ; Lc 6, 37.

6

Ignace de Loyola, « Exercices spirituels », dans Écrits, Paris, DDB et Bellarmin, 1991, § 22, p. 62.

7

Ignace de Loyola, « Exercices spirituels », § 23.

8

Ignace de Loyola, « Exercices spirituels », § 230–237, pp. 170–174.

9

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 287.

10

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 287.

11

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 217.

12

« L’économie libérale n’est pas moins efficace que le totalitarisme pour effectuer cette articulation de la loi par les corps, elle procède seulement selon d’autres méthodes. », Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 217.

13

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 217.

14

Nous reprendrons à plusieurs occasions cette catégorie originale et importante de “capital d’incarnation”. Elle s’exprime ainsi dans ses premières occurrences : « Il faut sans cesse à la loi une “avance” de corps, un capital d’incarnation pour qu’elle se fasse croire et pratiquer. », Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 218 et 219.

15

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 219.

16

Certeau, Michel de, Cifali, Mireille, « Entretien, mystique et psychanalyse », EspacesTemps 80–81/2002, pp. 156–175, ici p. 161.

17

Certeau, Michel de, Cifali, Mireille, « Entretien, mystique et psychanalyse », p. 160.

18

Certeau, Michel de, Cifali, Mireille, « Entretien, mystique et psychanalyse », p. 159.

19

Riggio, Giuseppe, « La place des Exercices spirituels dans la pensée de Michel de Certeau », dans Napoli, Nadia et Gisel, Pierre, Revue théologique et philosophique, 152, 2020, p. 156.

20

Une invitation à l’indifférence relativement aux conditions, mais qui engage, dans les faits, à une préférence pour tout ce qui concourt à la vie véritable.

21

Certeau, Michel de, « L’expérience religieuse, “connaissance vécue” dans l’Eglise », Recherches de science religieuse, 76/2, 1988, p. 188 (première édition in Pax, Lyon, t. 19, n. 99, mai 1956, pp. 1–17).

22

La DGRST (Direction Générale de la Recherche Scientifique et du Développement Technologique) a coordonné jusqu’en 1974 les actions de recherche scientifique et technique.

23

Riggio, Giuseppe, « La place des Exercices spirituels dans la pensée de Michel de Certeau », p. 160.

24

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 108.

25

Roustang, François, Le Troisième homme, Odile Jacob, Paris, 2019, p. 19 et 20 (réédition commentée de l’article de la revue Christus/52 (oct. 1966), p. 561–567).

26

Proche de celle des “arts”, la référence à la catégorie de “style” relève de la culture jésuite de la Renaissance. Pour Certeau elle ouvre à la forme d’une habitation du monde : « Comme en littérature on différencie des “styles” ou manières d’écrire, on peut distinguer des “manières de faire” – de marcher, de lire, de produire, de parler, etc. » Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 51.

27

Riggio, Giuseppe, « La place des Exercices spirituels dans la pensée de Michel de Certeau », p. 159.

28

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 255.

29

Certeau, Michel de, « L’universalisme ignatien », Christus, 50, 1966, p. 179 ; cité dans Riggio, Giuseppe, « La place des Exercices spirituels dans la pensée de Michel de Certeau », p. 159.

30

Nous en trouvons une expression concise dans ces lignes de K. Rahner, qui représentent particulièrement bien sa réflexion : « Le catholique doit voir dans l’Église et vivre en elle “l’avant-garde”, le signe sacramentel, la visibilité historique d’une grâce de salut qui va plus loin que l’Église “visible”, sociologiquement saisissable […]. […] le chrétien ne devra pas considérer les non-chrétiens […] comme des non-chrétiens, comme ceux qui, parce qu’ils ne sont pas chrétiens, sont hors du salut ; mais […] il verra en eux des chrétiens anonymes, qui ne savent pas exactement ce qu’ils sont, dans la profondeur de leur conscience, par la grâce, par un accomplissement peut être très implicite mais véritable, de ce que le chrétien accomplit lui aussi, en sachant ce qu’il fait, d’une manière expressément consciente. » Rahner, Karl, « Notes marginales d’ordre dogmatique sur la “piété ecclésiale” », trad. fr. Hélène Bourboulon, Écrits théologiques, Tome VI, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, p. 188.

31

Comme l’indique son questionnement qui accompagne notre recherche : « Y a-t-il (encore) de l’événement ? Dieu, ou l’Esprit, arrive-il encore ? » Certeau, Michel de, « Entretien, mystique et psychanalyse », p. 159.

32

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 110.

33

Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien, p. 280.

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